Lorsque la présence d’un handicap au sens de l’article 10 du Code a été établie, il incombe à la personne de démontrer qu’elle est l’objet d’une discrimination à première vue.
Selon le Code, la discrimination peut être directe (par exemple, refus d’accorder un emploi ou de permettre l’accès à des services ou à un logement en raison d’un handicap), indirecte, involontaire (effet préjudiciable) ou basée sur le défaut de la société de tenir compte de différences réelles.
Si la discrimination sera évidente dans certains cas, il sera parfois utile d’avoir recours à un outil d’évaluation préliminaire dans d’autres. La Cour suprême du Canada a proposé trois champs d’enquête afin d’établir l’existence d’un cas de discrimination :[14]
(1) Différence de traitement
La personne a-t-elle subi un traitement substantiellement différent en raison d’une distinction, d’une exclusion ou d’une préférence ou du fait qu’on n’a pas tenu compte de la situation déjà désavantageuse où elle est placée dans la société canadienne?
(2) Motif désigné
La différence de traitement était-elle basée sur un motif désigné?
(3) Discrimination au point de vue matériel
Enfin, la différence de traitement constitue-t-elle de la discrimination en imposant un fardeau à quelqu’un ou en privant la personne d’un avantage? La discrimination peut être fondée sur des stéréotypes attribués à un groupe présumé ou sur des caractéristiques personnelles; elle peut également perpétuer ou promouvoir la notion selon laquelle une personne est moins apte ou mérite une moins grande reconnaissance ou appréciation en tant qu’être humain ou en tant que membre de la société canadienne ayant droit au même degré de respect et de considération. La différence de traitement constitue-t-elle de la discrimination parce qu’elle fait des distinctions offensantes au point de vue de la dignité humaine?
Étant donné que les personnes handicapées ont été nettement désavantagées par le passé, il est probable que la plupart des différences de traitement attribuables à un handicap entraîneront une constatation de discrimination à première vue.[15] Cela peut inclure non seulement les injustices fondées sur un handicap, mais aussi les facteurs neutres ou les exigences qui ont des effets néfastes sur les personnes handicapées. Cela peut inclure également les réactions inopportunes ou l’absence de réactions face à l’état de la persou à sa demande de mesures d’adaptation.
3.1 Discrimination et assurance
On peut également être en présence d’un cas de discrimination lorsqu’une condition d’emploi exige la participation à un régime d’assurance collective et que la personne n’est pas admissible en raison d’un handicap. On considérerait que cette condition à l’obtention du poste contrevient aux dispositions du Code.[16]
Si un employé est exclu d’un régime d’avantages sociaux, d’une caisse ou d’un régime de retraite ou d’un contrat d’assurance collective, l’employeur devra verser à celui-ci une indemnité compensatrice équivalente à son apport à ce régime pour un employé qui n’a pas de handicap.[17]
La rémunération des employés prend diverses formes, comme la contribution aux primes de régimes d’avantages sociaux ou l’accumulation de crédits de congé. Si l’employeur verse normalement une certaine rémunération aux employés absents, les personnes qui s’absentent du travail en raison d’un handicap ont également droit à la même rémunération.[18]
[14] Cette notion a été articulée pour la première fois dans Law c. Canada (Ministère de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] 1 R.C.S. 497, en ligne : Cour suprême du Canada <http://www.lexum.umontreal.ca/csc-scc/fr/index.html> (date d’accès : le 4 août 2000) [ci-après Law]. Elle a été reprise dans plusieurs cas subséquents, notamment dans deux cas portant sur la discrimination basée sur le handicap : Mercier, supra note 10, et Granovsky, supra note 4.
[15] Les faits relatifs à Granovsky, supra note 4, constituent une exception à cette proposition générale. Lorsqu’un plan s’adresse à un groupe particulier, par exemple les personnes moins fortunées que le plaignant, il est peu probable qu’on jugera discriminatoire d’exclure les groupes plus favorisés.
[16] Paragraphe 25 (1) du Code.
[17] Paragraphe 25 (4) du Code.
[18] Réciproquement, dans O.N.A. c. Soldiers Orillia Memorial Hospital (1999), 169 D.L.R. (4e) 489, demande de pourvoi à la C.S.C. refusée [1999] S.C.C.A. no 118, en ligne : QL (SCCA) [ci-après Orillia] , les membres du personnel infirmier prenant un congé sans salaire en raison d’un handicap ont cessé d’accumuler des années de service après les échéances prévues dans la convention collective. De plus, l’employeur n’a pas été tenu de verser des primes au régime d’avantages sociaux des employés après que ceux-ci ont reçu des indemnités pour invalidité prolongée pendant une certaine période. La Cour d’appel de l’Ontario a jugé qu’il n’y avait pas infraction aux dispositions du Code parce que ces membres du personnel infirmier n’ont pas été traités différemment des membres d’un groupe témoin approprié, c’est-à-dire les employés qui ne travaillaient pas pour d’autres raisons.