21 novembre 2025
Contexte
Le gouvernement de l’Ontario a présenté le projet de loi 60, Loi de 2025 visant à lutter contre les retards et à construire plus rapidement, ainsi que son annexe 12, qui propose des modifications à la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation. Le gouvernement sollicite des commentaires sur quatre des treize modifications réglementaires proposées en matière de logement[1] :
- Solliciter des commentaires sur les modifications proposées aux Règles de procédure relatives aux questions émanant des locataires lors d’une audience de la Commission de la location immobilière portant sur des arriérés de loyer (date limite : 22 novembre 2025)
- Sollicitation de commentaires sur une modification proposée à la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation visant à raccourcir le délai de dépôt d’une demande de réexamen d’une ordonnance de la CLI (date limite : 22 novembre 2025)
- Solliciter des commentaires sur les modifications proposées pour raccourcir le délai de préavis d’expulsion pour arriérés de loyer (date limite : 22 novembre 2025)
- Obtenir des commentaires sur les modifications proposées aux exigences en matière d’indemnisation pour les expulsions pour usage personnel du propriétaire (date limite : 22 novembre 2025)
Bien que le gouvernement de l’Ontario ait autorisé la présentation d’un mémoire portant sur des propositions de modifications, le projet de loi 60 passera en troisième lecture le 24 novembre 2025.
La CODP encourage le gouvernement à adopter une approche fondée sur les droits de la personne pour évaluer dans quelle mesure les modifications proposées en matière de logement pourraient toucher de manière disproportionnée les locataires et les propriétaires issu(e)s de groupes historiquement touchés par le Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code), notamment les personnes handicapées, les locataires autochtones, les communautés racialisées, les parents seuls, les personnes nouvellement arrivées confrontées à des barrières linguistiques et les bénéficiaires de l’aide publique.
Logement et droits de la personne
En vertu du Code, toute personne a droit à un traitement égal en matière d’occupation d’un logement, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial, l’état d’assisté social ou un handicap[2]. Le Code s’applique aux processus de sélection ou d’expulsion des locataires, aux règles et règlements d’occupation, aux réparations, à l’utilisation des services et des installations connexes, ainsi qu’à la jouissance générale des lieux.
Dans le cadre de ses travaux sur le logement, la CODP a constaté à maintes reprises que les personnes qui s’identifient à certains motifs ou combinaisons de motifs du Code sont plus susceptibles d’être locataires et de vivre dans la pauvreté ou d’avoir un revenu moyen inférieur à celui de la population générale. Le Code peut s’appliquer lorsque le faible revenu est lié à des motifs tels que l’âge, l’ascendance, un handicap, l’origine ethnique, l’état familial, l’identité sexuelle, le lieu d’origine, la race ou l’état d’assisté social[3].
Le logement est essentiel à la dignité humaine. Le Code, qui prime sur la législation provinciale en Ontario, protège la dignité de chaque personne en garantissant l’égalité des droits et des chances et la liberté contre la discrimination. Le logement est reconnu comme un droit humain dans le droit international et les obligations canadiennes, notamment dans le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[4]. De nombreux groupes définis dans le Code sont plus susceptibles d’être confrontés à une situation de logement précaire, notamment :
- Les personnes handicapées, y compris celles souffrant de troubles mentaux et de dépendances, qui peuvent être confrontées à des difficultés d’accessibilité et à des risques disproportionnés d’expulsion.
- Les bénéficiaires d’aide sociale, qui peuvent rencontrer des difficultés à respecter les délais serrés de location en raison de retards administratifs, sont plus susceptibles de se voir refuser un logement ou de se voir proposer uniquement des logements à des loyers plus élevés.
- Les personnes racialisées et les personnes nouvellement arrivées, qui peuvent être confrontées à des préjugés ou à une discrimination systémique dans leurs interactions avec les propriétaires.
- Les Autochtones, qui peuvent être confrontés à des politiques peu sensibles à leur culture et bénéficier de moins de soutien communautaire.
- Les étudiant(e)s et les jeunes adultes, qui ont souvent des revenus modestes et des conditions de location précaires.
- Les personnes âgées et les aîné(e)s, qui peuvent avoir des revenus limités et des contraintes de mobilité.
- Les femmes qui peuvent être victimes de harcèlement sexuel dans leur logement.
- Les familles monoparentales, qui ont souvent des responsabilités supplémentaires en matière de garde d’enfants qui ont une incidence sur la stabilité de leur logement.
Les modifications réglementaires qui touchent de manière disproportionnée ces groupes, directement ou indirectement, peuvent créer ou contribuer à une discrimination systémique.
La Commission de la location immobilière (CLI) relève du Code en tant qu’organisme fournissant des services qui ont une incidence sur le logement. Elle est également tenue de tenir compte du Code et de l’appliquer lorsqu’elle rend des décisions[5]. Les législateurs, les décideurs politiques, les planificateurs, les concepteurs de programmes, les tribunaux et les cours de justice doivent veiller à ce que leurs activités, leurs stratégies et leurs décisions luttent contre la discrimination dans le domaine du logement. Les règles, politiques, procédures et pratiques décisionnelles organisationnelles, ainsi que la culture qui en découle, ne doivent pas créer d’obstacles ni avoir d’effets discriminatoires.
Travaux de la CODP dans le domaine du logement
Outre sa politique sur la discrimination en matière de logement locatif, la CODP a déjà formulé des commentaires et des recommandations sur des questions liées au logement et proposé des changements en Ontario :
- Le 1er mai 2024, la CODP a fait parvenir une lettre à la ville de Kingston concernant les campements.
- Le 28 mars 2024, la CODP a fait parvenir une lettre à la ville de Cobourg concernant son règlement sur les établissements de soins d’urgence.
- Le 6 mai 2023, la CODP a présenté un mémoire sur les modifications proposées pour clarifier et améliorer les règles de location relatives à la climatisation.
- Le 22 février 2023, la CODP a fait parvenir une lettre à la municipalité d’Aurora concernant un projet de logements d’urgence et de transition. Le 21 mars 2025, la CODP a fait parvenir une lettre de suivi à la municipalité d’Aurora concernant un projet de logements d’urgence et de transition au 14452, rue Yonge.
- Le 3 février 2023, la CODP a publié une déclaration intitulée : Déclaration de la CODP sur les droits de la personne et l’accès à des services de protection contre le froid.
- Le 14 novembre et le 30 décembre 2022, la CODP a déposé des mémoires sur plusieurs modifications réglementaires proposées dans le projet de loi 23, Loi visant à accélérer la construction de plus de logements.
- Le 19 août 2022, la CODP a publié le document Déclaration de la CODP sur les droits de la personne, les vagues de chaleur extrême et la climatisation, qui exhortait le gouvernement de l’Ontario à inclure la climatisation parmi les services essentiels, au même titre que le chauffage, dans la réglementation relative aux logements locatifs, et à établir une température maximale provinciale afin de protéger la santé et la sécurité des locataires vulnérables.
- Le 17 février 2022, la CODP a fait parvenir une lettre et un mémoire au ministre des Affaires municipales et du Logement sur les modifications réglementaires proposées conformément à la Loi de 2011 sur les services de logement.
Mémoires de la CODP
La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) est heureuse d’avoir l’occasion de présenter ce mémoire sur les modifications législatives proposées à la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation visant à réduire de 14 à 7 jours le délai dont dispose un propriétaire pour déposer le formulaire de demande d’expulsion N4 (arriérés de loyer) auprès de la CLI après le non-paiement du loyer.
La modification proposée soulève des préoccupations importantes pour les locataires vulnérables. Elle limiterait davantage le temps dont disposent les locataires pour régler la cause des arriérés (c.-à-d. trouver des ressources financières).
Contexte et proposition
Lorsqu’un locataire qui paie son loyer mensuellement ou annuellement ne paie pas son loyer à temps, le propriétaire peut émettre un avis d’expulsion N4 le lendemain de la date d’échéance du loyer. La date de résiliation indiquée sur l’avis doit être au moins 14 jours après la date à laquelle l’avis est remis au locataire. Si le locataire ne paie pas le loyer avant la date de résiliation, le propriétaire peut déposer une demande L1 (une demande officielle soumise à la CLI pour expulser un locataire pour non-paiement du loyer et pour recouvrer le loyer que le locataire doit) auprès de la CLI le lendemain de la date de résiliation.
La modification proposée permettra à un propriétaire dont le locataire paie son loyer sur une base mensuelle ou annuelle de fixer la date de résiliation dans l’avis à 7 jours avant la date actuellement autorisée. Si le locataire ne déménage pas, le propriétaire pourra déposer une demande auprès de la CLI 7 jours avant la date actuellement autorisée.
Préoccupations concernant les modifications proposées
Pour de nombreux locataires à faible revenu, bénéficiaires de l’aide sociale ou ayant des revenus instables, un délai de 7 jours n’est pas suffisant pour réunir le loyer manquant ou accéder à un soutien d’urgence, ce qui réduit considérablement leur capacité à déménager et à trouver un nouveau logement. La modification proposée entraînerait une augmentation du nombre de demandes L1, ce qui pourrait accroître l’arriéré de dossiers traités par la CLI.
Bien que certaines municipalités aient mis en place des programmes pour aider les locataires admissibles à obtenir une aide financière d’urgence ou d’autres ressources visant à prévenir les expulsions, la modification proposée limite la capacité des locataires à présenter une demande dans le cadre de ces programmes (dont l’obtention prend souvent plus de 7 jours). Les municipalités et les autres groupes de soutien au logement disposent de ressources limitées, et le délai restreint aura une incidence sur leur capacité à gérer une augmentation du nombre de demandes, en particulier les cas d’urgence.
La réduction de 50 % du délai de préavis d’expulsion pour arriérés de loyer a une incidence disproportionnée sur les locataires en vertu du Code. Cela augmente le risque d’expulsions, de situations d’itinérance ou de déplacements qui pourraient être évités.
Recommandations de la CODP
- La CODP recommande fortement de maintenir le délai de 14 jours et d’intégrer des mesures de soutien et de protection afin d’empêcher les expulsions discriminatoires. À titre de comparaison, dans des circonstances normales, un assureur doit donner un préavis d’au moins 30 jours avant de résilier une police d’assurance automobile.
- Déterminer s’il existe des preuves suffisantes pour réduire le délai de préavis de résiliation de la location (formulaire N4) sans affecter de manière disproportionnée et discriminatoire les locataires en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario.
- Fournir des garanties procédurales pour protéger les locataires qui ne peuvent pas respecter des délais plus stricts afin d’atténuer les effets discriminatoires.
[1] Le projet de loi 60 propose plusieurs mesures supplémentaires qui ne font actuellement l’objet d’aucun mémoire : expulsion en cas de retards de paiement persistants; autorisation pour le gouvernement de prescrire le contenu des avis de résiliation, y compris le formulaire N4 (Avis de résiliation de la location pour non-paiement du loyer); normaliser le report d’une ordonnance d’expulsion; modifier le pouvoir d’annuler une ordonnance d’expulsion; augmenter les ressources d’exécution afin de réduire les délais d’exécution des ordonnances d’expulsion de la CLI une fois qu’elles ont été déposées; demander à Tribunaux décisionnels Ontario d’étudier les possibilités d’améliorer l’accès aux décisions et ordonnances définitives de la CLI.
[2] Code des droits de la personne de l’Ontario, L.R.O. 1990, chap. H.19 art. 2 (1).
[3] Commission ontarienne des droits de la personne, « PDV sur la pauvreté – Ce qu’on nous a dit ». Commission ontarienne des droits de la personne; en ligne : https://www3.ohrc.on.ca/fr/pdv-sur-la-pauvrete-ce-quon-nous-dit-0.
[4] Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, 1966, art. 11.
[5] Tranchemontagne c. Ontario (Directeur, Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées), 2006 CSC 14.
