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2. Que faut-il entendre par « discrimination »?

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a) Discrimination

Bien que ce terme ne soit pas défini dans le Code, on entend généralement par « discrimination » le fait :

  • de ne pas juger une personne sur ses mérites et ses capacités propres, dans les circonstances qui sont les siennes;
  • de plutôt appliquer des suppositions stéréotypées, reposant sur des attributs prêtés à la personne;
  • d’avoir pour effet d’exclure une personne, de lui refuser certains avantages ou de lui imposer certaines exigences.

Nombreuses sont les personnes à penser qu’il n’existe pas de discrimination si le préjudice n’est pas intentionnel ou encore si d’autres facteurs que la discrimination peuvent expliquer une situation donnée. En réalité, la discrimination se produit souvent de façon non intentionnelle. Et dans la plupart des cas, on observe un mélange de facteurs légitimes et de discrimination.

Exemple : Un homme âgé présente sa candidature à un emploi dans une boutique à la mode de vêtements pour dames. La jeune femme responsable de l’entrevue dit qu’il lui fait penser à son grand père préféré et le complimente pour cela. Par la suite, cet homme est informé qu’il n’a pas les compétences cherchées et que la responsable a embauché quelqu’un « de plus énergique » et davantage « branché » sur la clientèle principalement féminine de la boutique. Il peut s’agir de discrimination fondée sur l’âge et sur le sexe même s’il est apparent que la responsable de l’entrevue apprécie le candidat écarté du poste et même si la personne embauchée est peut-être davantage qualifiée pour cet emploi.

Dans de nombreux cas, la discrimination est issue de la tendance à structurer la société comme si tous faisaient partie des mêmes groupes dominants - tous jeunes, tous du même sexe, de la même race, de la même religion ou de la même capacité. Ne pas tenir compte de nombreuses perspectives, ou encore ne pas faire reposer la planification sur l’inclusion de tous, peut porter atteinte à l’accessibilité de personnes des groupes désignés par le Code. Même s’ils ne sont pas intentionnels, ces obstacles constituent une forme de discrimination.

b) Attitudes négatives, stéréotypes et partis pris : ils donnent prise à la discrimination

Les droits de la personne ont notamment pour principe que chacun doit être jugé selon ses qualités, ses habiletés et ses capacités propres, plutôt qu’à partir de stéréotypes, de préjugés ou d’idées préconçues. Le préjugé est une antipathie marquée ou une mauvaise impression qu’on nourrit au sujet d’une personne ou d’un groupe. Les stéréotypes et les attitudes négatives peuvent donner lieu au harcèlement et à la discrimination, et nuire ainsi à la possibilité d’une personne d’obtenir un emploi et d’y connaître du succès.

Ces attitudes, exprimées par des termes se terminant en « ismes » (âgisme, sexisme, racisme, etc.), renvoient à des notions sociales toutes faites sur d’autres personnes en fonction de stéréotypes sur l’âge, le sexe, la race, etc. Les stéréotypes ont pour effet de projeter de mêmes particularités sur tous les membres d’un groupe, peu importe leurs différences.

Les mots en « isme » reflètent principalement des obstacles causés par des attitudes, tandis que la discrimination comporte des actes comme par exemple, réserver à une personne un traitement inégal en raison d’un des motifs prévus au Code. Bien que le sexisme, le racisme et les autres attitudes stéréotypées ne mènent pas toujours à des actes de discrimination au sens du Code, ils sont souvent à l’origine la cause de harcèlement et de discrimination. Par conséquent, il est important, du point de vue des droits de la personne, de lutter aussi bien contre les attitudes âgistes, sexistes, racistes et autres qui existent au travail, que contre les actes de discrimination réelle.

c) De nombreuses formes de discrimination

Quand on leur demande de définir la discrimination, de nombreuses personnes évoquent uniquement des situations manifestes de harcèlement. Cependant le Code interdit la discrimination sous de nombreuses autres formes, par exemple la discrimination systémique ou le défaut d’apporter des mesures d’adaptation pour satisfaire à des besoins comme le prévoit le Code.

La discrimination est multiforme. Elle peut parfois être directe et intentionnelle (une personne ou un groupe réserve volontairement un traitement particulier à une personne en raison d’un motif prévu au Code). Ce type de discrimination est ordinairement associé à des attitudes vexatoires et à des partis pris qui se nourrissent à même ce motif de discrimination.

Exemple : Un employeur a rejeté la candidature à un emploi d’une femme de race noire après l’avoir rencontrée. Visiblement outré, il a carrément rejeté la candidature de la postulante sans même s’informer de ses titres de compétences. Interrogé sur les raisons du rejet, il a vaguement mentionné le maintien de l’image de l’entreprise.

Il y a discrimination lorsque des normes, des règles ou des exigences en apparence sans effet discriminatoire exercent de tels effets sur des personnes de groupes désignés par le Code. Parfois la discrimination directe se produit par personne interposée ou d’autre façon.

Il peut y avoir aussi discrimination lorsqu’un employeur impose à ses employés une règle ou une pratique apparemment discriminatoire.

Exemple : Un employeur dont le personnel est à dominance masculine donne la consigne de ne pas embaucher de femmes qui désirent fonder une famille. Ce serait un cas de discrimination directe fondée sur le sexe et sur l’état familial.

Exemple : un employeur donne la consigne à sa réceptionniste de ne pas accepter de candidatures de personnes membres d’un groupe racial ou ethnique particulier.

Exemple : une agence de placement refuse du travail à des personnes gaies, lesbiennes ou bisexuelles parce que l’entreprise qui fait appel à ses services lui a donné cette consigne.

Les personnes à l’origine de ces consignes peuvent être tenues responsables d’un incident de discrimination en milieu de travail. Celles qui ont appliqué les consignes peuvent également être tenues responsables car elles ne peuvent pas alléguer qu’elles ne faisaient que se conformer aux ordres donnés.

d) Discrimination pour des raisons fondées sur l’association

L’article 12 du Code stipule qu’il est interdit d’exercer du harcèlement ou une discrimination fondés sur des rapports, une association ou des activités avec une personne ou un groupe de personnes désignées par un ou plusieurs des motifs prévus au Code. Que la personne faisant l’objet de discrimination fasse ou non partie d’un groupe désigné au même motif, cette protection s’exerce.

Exemple : Une employée de race blanche se voit refuser une promotion parce qu’elle est amie avec une collègue de race noire. Elle a été brimée dans son droit à un traitement égal à cause de son association avec une personne faisant partie d’un groupe de personnes désigné par le Code.

Exemple : Le parent d’un enfant atteint d’un grave handicap est congédié pour s’être absenté trop souvent du travail pour des urgences médicales. L’employé fait l’objet de discrimination parce que son cas se situe à l’intersection de motifs discriminatoires prévus au Code, soit « l’état familial » et l’association à une personne faisant partie du groupe de personnes désigné au motif de « handicap ».

Le lecteur est invité à prendre connaissance également de la section III-3 : « Motifs de discrimination illicites ».

e) Discrimination exercée de manière subtile

La discrimination s’exerce parfois de manière subtile ou voilée. il n’est pas nécessaire d’établir l’intention ou le motif de discrimination pour conclure à son existence – il suffit que la conduite adoptée ait un effet discriminatoire.

Les formes subtiles de discrimination ne peuvent habituellement être reconnues qu’à l’issue de l’examen de toutes les circonstances entourant un cas. Pris un à un, les actes concernant la discrimination en raison de l’état familial peuvent être équivoques ou être expliqués de façon qui se tienne, mais, lorsqu’ils sont considérés dans l’ensemble, ils peuvent conduire à la conclusion que la discrimination fondée sur l’un des motifs du Code était un facteur dans le traitement imposé à une personne.

Exemple : De plusieurs dizaines de candidats qui ont transmis leur CV par la poste, une femme est l’une des quatre personnes invitées en entrevue pour un poste. Lorsqu’elle se présente à l’entrevue, la personne responsable des entrevues paraît être surprise et mal à l’aise, évite de regarder la candidate dans les yeux et semble pressée d’en finir avec l’entrevue. La candidate a l’impression qu’à cause de détails dans sa tenue, comme sa coiffure et ses vêtements, la personne responsable des entrevues a pris pour acquis qu’elle est lesbienne. Elle apprend plus tard qu’elle n’a pas obtenu le poste convoité, cependant l’entreprise ne justifie pas sa décision.

Exemple : La directrice adjointe de race noire a tenté à plusieurs reprises d’obtenir le poste de directeur. N’ayant pu obtenir le poste, elle a déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne. Au bilan, la preuve a montré l’existence de références non pertinentes à sa race lors des entrevues ou encore l’existence de propos relatifs à des possibilités de transfert. Les enseignants de race noire qui ont demandé l’application de pratiques équitables se sont fait dire de ne pas « s’attendre à ce que les choses changent du jour au lendemain ». Les décisions relatives aux promotions et aux mutations étaient teintées de considérations raciales.

Dans une telle situation, il est parfois difficile de déterminer s’il s’est exercé de la discrimination de manière subtile. Il est parfois nécessaire de prendre connaissance du contexte global dans lequel s’inscrit un comportement, un commentaire formulé ou une conduite adoptée, et de l’analyser. Entre autres, il faudrait chercher à voir comment d’autres personnes ont été traitées dans une situation comparable, ou encore chercher à voir s’il existe un schème de comportement. On peut conclure à l’existence de discrimination fondée sur un motif prévu au Code malgré l’existence de raisons légitimes derrière un traitement ou une décision, dans la mesure qu’elle a constitué un facteur.

Les types suivants de traitement au niveau de l’emploi peuvent être révélateurs de discrimination exercée de manière subtile, fondée sur un motif prévu au Code :

  • l’exclusion de réseaux officiels ou autres, comme les rencontres après les heures de travail ou les fêtes de bureau;
  • le fait de ne pas être encadré ou de se voir refuser des possibilités de perfectionnement offertes à d’autres, des détachements et de la formation d’appoint;
  • des différences au niveau des pratiques de gestion, par exemple une surveillance exagérée et la tenue d’un dossier sur l’employé, ou encore le non respect de politiques écrites ou de pratiques normalisées;
  • un blâme démesuré pour un incident;
  • l’affectation à des tâches ou à des postes peu attrayants.

Les actions suivantes peuvent également constituer des indices de discrimination raciale :

  • traiter des divergences d’opinion normales comme s’il s’agissait d’insubordination ou d’insolence lorsqu’il s’agit de personnes racialisées;
  • dépeindre le mode normal de communication de personnes racialisées en termes de rudesse et d’agressivité;
  • pénaliser une personne racialisée pour son manque à bien s’entendre avec quelqu’un d’autre (par exemple un collègue ou un supérieur immédiat) alors qu’une raison de la mésentente réside dans les attitudes ou les comportements discriminatoires de l’autre personne.

La discrimination peut s’observer même en l’absence de référence directe ou voilée à l’un des motifs prévus au Code. Cependant, lorsque sont formulés des commentaires présentant un lien avec l’un des motifs prévus au Code, ceux ci pourraient constituer un élément additionnel montrant que la discrimination a pesé dans le traitement d’une personne. De façon similaire, on peut conclure à de la discrimination lorsqu’une personne formule des commentaires discriminatoires à l’endroit d’une autre faisant la promotion des droits de la personne ou d’un traitement équitable.

f) Discrimination systémique

La discrimination systémique ou encore institutionnelle constitue l’une des formes les plus complexes de discrimination. Cette forme de discrimination passe par des pratiques ou des politiques neutres de prime abord, mais qui peuvent avoir sur certaines personnes des effets d’exclusion fondés sur un ou plusieurs des motifs prévus au Code.

Exemple : Une petite entreprise tire de la fierté de sa technique intensive de consolidation d’équipe. Toutes les deux semaines, tous les membres du personnel sont fortement encouragés à se rendre avec leur conjoint ou leur conjointe à une activité sportive où les protagonistes sont ordinairement d’un même sexe, comme la lutte ou le football. Un grand nombre de ces événements se déroulent le soir ou la fin de semaine, à des endroits d’accès limité. Les employés qui ne participent pas à ces événements réussissent moins bien à s’intégrer aux réseaux internes qui pavent le chemin aux promotions. Par exemple, les femmes, célibataires, gais ou lesbiennes peuvent ne pas se sentir les bienvenus à ces événements. Et les personnes qui ont des responsabilités de soignants hors des heures de travail ou encore qui requièrent des aides de locomotion comme un fauteuil roulant, ne seraient sans doute pas en mesure d’assister à ces événements.

La discrimination systémique rejoint parfois d’autres formes de discrimination, et on pense notamment au harcèlement. Elle pourrait prendre racine dans des stéréotypes et des idées biaisées. La définition qu’en donne la Commission regroupe les trois éléments suivants :

  • des formes de comportement, des politiques ou des pratiques;
  • l’intégration aux structures administratives ou sociales d’une organisation;
  • l’existence d’un désavantage relatif pour les personnes d’un groupe désigné par le Code.

La discrimination systémique se définit de diverses manières chez diverses personnes, selon la combinaison de divers motifs de discrimination : le sexe, le handicap, le lieu d’origine, etc. Dans l’exemple précédent, une femme seule, appartenant à une minorité raciale et souffrant d’un handicap serait sujette à un triple désavantage.

Les trois éléments suivants peuvent contribuer à définir et à contrer la discrimination systémique :

  • des données numériques
  • des politiques, des pratiques et des processus de prise de décision;
  • la culture d’entreprise.

Ces trois éléments jettent les fondements de la recherche active de la discrimination systémique et de solutions pour la contrer. Pour plus de renseignements, consulter la section IV-1e) – « Autres renseignements au sujet de la détermination et du règlement proactif des cas de discrimination systémique».

g) Règles des lieux de travail qui ne sont pas appliquées de bonne foi

Il peut arriver que des règles, des politiques, des procédures, des exigences, des conditions requises ou d’autres facteurs appliqués sur un lieu de travail ne soient pas ouvertement discriminatoires, mais qu’ils dressent néanmoins des obstacles à l’accomplissement de soi et à l’égalité des chances. Cette forme de discrimination est explicitement interdite en vertu de l’article 11 du Code. Antérieurement, on appelait cette forme de discrimination de la « discrimination constructive » ou « discrimination par suite d’un effet préjudiciable ». Le fait que la règle ait un effet préjudiciable sur une personne ou sur un groupe ne constitue plus le seul facteur déterminant. Maintenant, on met l’accent autant sur la règle que sur son effet. Si la règle n’est pas libérale et si elle ne tient pas compte des différences individuelles sans imposer un préjudice injustifié, elle est discriminatoire.

Exemple : Un nouveau programme de gestion des absences au travail est mis en place. Il permet aux employés de prendre six jours de congé par année. Le programme prévoit des mesures disciplinaires, allant jusqu’à la cessation d’emploi, pour toute absence supplémentaire, et ce, peu importe la raison. Même si ce programme s’applique également à tous les employés, il n’est pas inclusif et il ne tient pas compte du besoin d’adaptation aux différences individuelles, que ce soit à cause de l’état familial, d’un handicap ou de tout autre motif prévu au Code.

Pour qu’une exigence professionnelle soit jugée non discriminatoire et appliquée de bonne foi, l’employeur doit établir que la norme, le facteur, l’exigence ou la règle : [6]

  1. a été adopté dans un but ou un objectif rationnellement lié aux fonctions exercées;
  2. a été adopté de bonne foi, en croyant qu’il était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif;
  3. est raisonnablement nécessaire à la réalisation du but ou de l’objectif de l’employeur, en ce sens que ce dernier ne peut pas composer avec le demandeur sans que cela lui impose un préjudice injustifié.

Il s’ensuit que la règle ou que la norme elle même doit être libérale et doit tenir compte des différences individuelles sans cependant imposer un préjudice injustifié. Il n’est pas acceptable de maintenir des normes discriminatoires et d’y ajouter des mesures d’adaptation pour les personnes qui ne peuvent pas les observer. Une règle libérale permet de faire en sorte que chaque personne soit évaluée en fonction de ses propres compétences personnelles au lieu d’être jugée en fonction d’attributs présumés d’un groupe.[7] Pour des renseignements d’ordre général, consulter la section III-2m) – « Manque à parvenir à un aménagement inclusif, à éliminer les obstacles et à prendre des mesures d’adaptation ». Consulter aussi la section IV-8 – « Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail ».

h) Discrimination sous forme de représailles et de menaces de représailles

Toute personne a le droit de revendiquer et de faire respecter les droits que lui reconnaît le Code, d’introduire des instances aux termes du Code et d’y participer, sans représailles ni menaces de représailles. Le paragraphe 7(3) et la section 8 du Code confèrent ces droits. Les représailles contre une personne qui a) revendique ou fait respecter un droit que lui confère le Code, b) refuse de porter, directement ou indirectement, atteinte à un droit que le Code reconnaît à une autre personne ou c) rejette des sollicitations ou des avances sexuelles, constituent une infraction au Code. La protection conférée par les dispositions du Code contre les représailles s’applique à l’auteur de la plainte, aux témoins, aux conseillers, aux représentants de l’auteur de la plainte et des témoins, aux enquêteurs, ainsi qu’aux décideurs ou aux cadres supérieurs qui apportent leur soutien à une personne soulevant un problème de droits de la personne.

Le Code confère aux personnes la protection contre des représailles lorsqu’elles déposent une plainte formelle en matière de droits de la personne. Elles obtiennent également cette protection lorsqu’elles exercent des droits en vertu du Code ou en vertu de politiques de l’employeur en matière de droits de la personne. Les employés devraient être en mesure de soulever des questions relatives aux droits de la personne et obtenir un traitement équitable. Ils ne doivent pas subir de représailles pour avoir soulevé ces questions. Les employés cherchant à obtenir des mesures d’adaptation associées à des motifs tels que la croyance, le handicap ou l’état familial ne doivent pas pour autant être traités comme s’ils étaient moins utiles ou moins motivés par leur travail. Les cas suivants sont des exemples de représailles constituant une infraction au Code :

Exemple : Un employé estime qu’il n’a pas obtenu une promotion pour motif racial. Il prévient le supérieur immédiat qu’il s’adressera à un conseiller juridique en vue de déposer une plainte relative aux droits de la personne. Il est congédié le jour suivant.

Exemple : Une employée quitte son emploi après en avoir trouvé un autre et après avoir déposé une plainte contre son ancien employeur pour harcèlement sexuel en vertu du Code. Elle apprend que ce dernier a pris contact avec le nouvel employeur et qu’il a formulé des commentaires défavorables à l’endroit de son ex-employée parce qu’elle a déposé une plainte.

Exemple : Un employé estime que l’évaluation de son rendement est inéquitable et qu’il a été laissé de côté pour un atelier de perfectionnement parce qu’il est plus âgé que les autres travailleurs de son service. Après avoir déposé une plainte auprès de l’employeur, il est transféré dans un autre service.

Exemple : Une enseignante passe à un emploi à temps partiel pour concilier son travail et ses tâches familiales. Elle remarque cependant que l’employeur n’approuve plus ses demandes d’obtention de formation parce qu’il estime qu’elle est passée à la « filière parentale ».

Il est interdit d’exercer des représailles ou de punir quelqu’un qui refuse de suivre des instructions lui demandant de porter atteinte à un droit reconnu à une autre personne ou qui aide une personne à faire respecter un droit que lui confère le Code.

Exemple : Des femmes au sein d’une entreprise allèguent auprès du directeur du service des ressources humaines que le président de l’entreprise exerce du harcèlement sexuel. Le directeur aborde la question avec le président qui rétorque de « laisser aller si vous savez où reposent vos intérêts ». Le directeur procède à une enquête et il rédige à l’intention du conseil d’administration une note de service présentant les résultats de l’enquête. À cause de sa participation dans ce dossier, le président congédie son directeur subitement. Cela pourrait constituer une mesure de représailles.

i) Harcèlement

Le paragraphe 5(2) du Code stipule que :
« Tout employé a le droit d’être à l’abri de tout harcèlement au travail par son employeur ou le mandataire de celui-ci ou un autre employé pour des raisons fondées sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, l’âge, l’existence d’un casier judiciaire, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap. »

Le harcèlement pour l’un des motifs prévus au Code peut constituer de la discrimination. Bien que le harcèlement fondé sur l’orientation sexuelle ne soit pas explicitement mentionné au paragraphe 5 (2), il a été jugé que le harcèlement pour ce motif peut constituer une forme de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en contravention du Code. Toute personne peut alléguer le harcèlement relatif à l’identité sexuelle au motif du « sexe ». Le harcèlement peut découler de stéréotypes associés à plus d’un motif prévu au Code.[8]

Exemple : Un employeur formule de nombreuses remarques d’ordre sexuel à une employée d’ascendance métis et noire. Cette employée a fait l’objet de harcèlement fondé sur la race et sur le sexe parce qu’elle est une jeune femme sur laquelle l’employeur pouvait affirmer son pouvoir économique et exercer sa domination. Ses remarques reposaient sur des préjugés racistes concernant la sexualité des femmes de race noire.

Le « harcèlement » est le fait pour une personne de formuler des remarques ou de poser des gestes vexatoires lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns. Cette définition, tirée du paragraphe 10(1) du Code, comporte des éléments objectifs et des éléments subjectifs :

  • Comment une personne raisonnable percevrait elle la conduite si elle tenait compte du point de vue de la personne faisant l’objet de harcèlement (élément objectif).
  • La perception subjective de la personne harcelée. Par exemple, un superviseur de race blanche pourrait rester indifférent s’il était appelé « Grand chef ». Cependant, un Autochtone pourrait juger que c’est manquer beaucoup de délicatesse.
  • La conclusion à l’effet de harcèlement ne repose pas sur la perception subjective de la personne à l’origine du harcèlement d’une autre personne. Un tribunal peut conclure au harcèlement même si l’auteur du harcèlement n’est pas conscient de la façon dont son attitude est interprétée. Il est parfois tout à fait apparent qu’une certaine conduite ou que certaines remarques sont offensantes ou importunes. Parfois aussi, elles ne paraissent pas être offensantes de prime abord, mais l’auteur du harcèlement devrait raisonnablement savoir qu’elles sont importunes, simplement à en juger par la réaction de l’autre.

Il n’est pas nécessaire que la personne harcelée fasse objection pour qu’il y ait infraction au Code. Certaines personnes harcelées ne font pas objection au traitement subi par peur des conséquences qui les attendraient si elles manifestaient leur désapprobation. Parfois, les personnes harcelées se mettent en colère, emploient des mots vifs ou encore, ont des réactions émotives. De nombreuses personnes harcelées essaient de s’en tirer en entrant dans le jeu ou en rendant la monnaie de la pièce. Ce sont autant de façons courantes pour un employé harcelé de conserver un certain pouvoir sur soi même dans une situation où il est vulnérable, de rentrer dans les bonnes grâces de quelqu’un ou simplement de s’en tirer. Les tribunaux reconnaissent que de telles réactions sont naturelles et ne suffisent pas pour rejeter une plainte de harcèlement.

Exemple : Un employé fait l’objet de discrimination raciale et de harcèlement au travail. Sachant que le directeur de l’entreprise n’apprécie pas les « gens qui se plaignent tout le temps », il ne fait pas objection sur-le-champ. Il choisit plutôt de tourner la situation en plaisanterie. « Oui, c’en est une bonne, ça. » Lorsqu’on sait ou devrait savoir que ces remarques sont importunes, il s’agirait d’un cas de harcèlement même si l’employé n’a pas protesté.

Afin de bien estimer ce type de situation, il faut appliquer les éléments objectifs et les éléments subjectifs de la vérification et bien jauger les jeux de pouvoir.

Exemple : Robert, un cadre supérieur, est réputé pour ses remarques racistes et homophobes. Le président et les autres cadres supérieurs en parlent plaisamment, qu’ils appellent ses « robertismes ». Avec une telle culture d’entreprise, ce serait suicidaire professionnellement que de manifester le moindre signe de réprobation. Le personnel de Robert préfère plutôt le taquiner sur son héritage français et sur sa calvitie imminente. Aucun employé ne s’est peut-être élevé contre le comportement de Robert, mais ce dernier pourrait être convaincu de harcèlement. En réalité, les employés ne sont pas en mesure de manifester leur désaccord avec les commentaires de Robert à cause de la culture d’entreprise imprimée par Robert et reconnue par les autres cadres supérieurs.

Pour qu’il y ait harcèlement, il faut une « série d’incidents ». Autrement dit, il faut établir l’existence d’un comportement habituel ou d’un schème de comportement, c’est à dire plus qu’un incident isolé. Toutefois, un incident grave peut créer un climat malsain. La section suivante fournit des détails.

Lorsqu’une personne est prise à partie et subit un traitement différent en raison d’un motif prévu au Code, et ce, même si le traitement différent ne comporte pas de renvoi explicite aux motifs prévus au Code, il peut tout de même y avoir infraction au Code.

Exemple : Dans un lieu de travail où l’on a déjà constaté des attitudes homophobes, le seul employé gai est souvent ridiculisé par ses collègues et fait l’objet de plaisanteries. Il est possible de conclure, dans de telles circonstances, que la conduite des personnes est motivée par l’orientation sexuelle de l’employé, même si leurs moqueries ou leurs blagues ne comportent aucune référence explicite à son orientation sexuelle.

L’interdiction de harceler quiconque au travail s’applique non seulement à l’employeur et aux personnes agissant pour son compte, mais aussi aux autres membres du personnel. La direction doit veiller à la prévention et au redressement de situations ouvrant la voie au harcèlement. L’employeur au courant de harcèlement ou qui aurait dû l’être et qui aurait pu prendre des mesures pour le prévenir ou l’arrêter, mais qui n’a pas réagi, peut être mis en cause lors de la présentation d’une plainte en matière de droits de la personne. En effet, toute personne occupant une position d’autorité face à une autre, mais qui ne l’a pas utilisée pour dissuader cette autre personne de harceler quelqu’un ou l’en a empêché peut être considérée responsable de ce harcèlement ou responsable « du fait d’autrui ». Consulter la section III-4 pour d’autres renseignements sur les responsabilités des organisations, et consulter la section IV—12 Règlement des problèmes en matière de droits de la personne.

j) « Climat malsain »

Un lieu de travail semblera peu accueillant et même hostile à des personnes si quelqu’un y formule des observations ou pose des gestes qui humilient ou insultent une personne ou un groupe de personnes désigné par un ou plusieurs motifs prévus au Code. Lorsque ces observations ou actions influent sur la façon dont les personnes visées se sentent ou sont traitées, on dit qu’il existe un « climat malsain ». Il peut suffire d’un seul commentaire assez grave pour créer un « climat malsain », même s’il ne s’agit pas de harcèlement – lequel requiert une série d’incidents, nécessitant une intervention pour remédier à la situation.

Les membres des groupes désignés par le Code qui ne sont pas nommément la cible d’un commentaire ou d’un acte discriminatoire peuvent aussi avoir le droit de déposer une plainte. L’exposition à un traitement défavorable ou hostile en raison de la race a un effet négatif sur les autres employés et peut leur donner l’impression qu’ils en sont aussi la cible en leur absence.[9]

Exemple : Une Chinoise travaille à la cuisine d’une pâtisserie où sont courants les insultes et les propos stéréotypés d’ordre racial. Ces remarques ne s’adressent pas directement à elle mais plutôt à ses compagnons de travail de race noire. Même si les propos ne s’adressent pas à elle, cette personne est soumise au travail à un « climat malsain » au plan racial.

Il ne suffit pas d’une impression pour faire valoir « qu’un climat est malsain » : des faits objectifs doivent confirmer que les gestes ou que les paroles en cause entraînent le traitement inégal ou inéquitable d’une personne ou d’un groupe de personnes, en contravention du Code.

Il revient à la direction d’une entreprise de prendre les mesures nécessaires pour remédier aux situations qui créent un climat malsain ainsi que pour les prévenir. L’employeur qui ne fait rien pour empêcher qu’ un climat malsain ne s’installe et persiste, est passible d’une plainte en matière de droits de la personne. Pour plus de renseignements sur la responsabilité des organisations, consulter la Section III-4 – « Responsabilités juridiques en matière de droits de la personne au travail », ainsi que la section IV 12g) – « Réception et traitement des plaintes pour infraction aux droits de la personne ».

k) Harcèlement sexuel

Le paragraphe 7(2) du Code interdit le « harcèlement sexuel ». De récents précédents indiquent que le harcèlement sexuel pourrait aussi constituer une forme de traitement discriminatoire en vertu du paragraphe 5(1).

On parle de « harcèlement sexuel » lorsqu’une personne a des mots ou pose des gestes fondés sur le sexe ou sur l’identité sexuelle qui sont souvent humiliants, alors qu’elle sait ou devrait savoir que ces remarques ou que ces gestes sont importuns. La recherche a établi que le harcèlement sexuel comporte souvent une dimension de pouvoir et de dominance, que la situation s’aggrave avec le temps et que c’est un fait connu dans les lieux de travail où il se produit. Les femmes marginalisées à cause de leur race, de leur orientation sexuelle, d’un handicap ou à cause de tout autre motif prévu au Code sont particulièrement sujettes au harcèlement sexuel au travail.

Exemple : Une étudiante diplômée est une réfugiée politique de fraîche date et elle est invitée à discuter des possibilités de travailler avec un certain professeur. Par deux fois, les rencontres se déroulent à la résidence du professeur, dans un contexte à forte connotation sexuelle : vin, musique d’ambiance, discussions sur un ton et d’un caractère intimes, compliments sur l’apparence de la jeune femme. Elle accepte cette situation afin de ne pas nuire à ses chances d’obtenir un poste universitaire. Compte tenu de la vulnérabilité de la jeune personne et du fait qu’elle dépend du professeur pour obtenir un emploi universitaire, un tribunal estime qu’il aurait dû être évident pour le professeur que ses agissements importunaient la candidate.

Selon le paragraphe 5(2), pour qu’il y ait harcèlement sexuel, il faut une « attitude », par exemple l’existence d’un type de comportement ou encore la répétition d’incidents. Un incident significatif peut être assez grave pour juger qu’il s’agit de harcèlement sexuel ou pour créer un « climat malsain » (voir plus haut). Il n’est pas nécessaire qu’une personne fasse objection ouvertement à une conduite ou à des propos défavorables.

Exemple : Un employé complimente une collègue de travail sur sa tenue un matin au pied de l’ascenseur. Objectivement, ce commentaire ne serait pas réputé être importun. Sa collègue le remercie et ne montre aucun malaise face au commentaire. Suite à cet événement, une plainte qui serait déposée en matière de droits de la personne en raison de harcèlement sexuel ou d’un « climat malsain », ne serait pas retenue.

Exemple : Un supérieur immédiat formule plusieurs fois des commentaires sur l’apparence d’une employée à l’occasion d’une importante réunion d’affaires. Cette attitude nuit à la capacité de l’employée de prendre part de plein droit à la réunion, mais elle préfère éviter la confrontation. Elle poursuit donc la réunion en ignorant les commentaires déplacés de son supérieur. Par la suite, elle dépose une plainte. Dans ce cas, les commentaires étaient clairement importuns et on jugerait qu’ils constituent du harcèlement sexuel même si l’employée ne s’y est pas objectée ouvertement et sur-le-champ.

Le Code interdit le harcèlement au travail par un employeur ou le mandataire de celui-ci, ou encore par un autre employé pour des raisons fondées sur le sexe. L’employeur doit en outre prévenir et éliminer toute forme de harcèlement sexuel d’employés par des personnes qu’ils sont appelés à côtoyer au cours de l’exécution de leur travail.

Exemple : Un client ne cesse de faire des blagues d’ordre sexuel au sujet de l’une des instructrices à l’emploi d’un gymnase. Lorsqu’elle manifeste sa désapprobation au directeur du gymnase, il lui dit de « se détendre » et ne cherche pas à mettre un terme au harcèlement. Le gymnase et le directeur du gymnase sont passibles d’une plainte pour ne pas avoir procuré un lieu de travail où le harcèlement n’est pas pratiqué même si l’auteur du harcèlement n’est pas à l’emploi du gymnase.

Même s’ils ne sont pas de nature sexuelle, certains commentaires ou certains comportements peuvent constituer du harcèlement sexuel. C’est souvent le cas lorsqu’une personne s’écarte des modèles établis. Des personnes pourraient en taquiner d’autres à cause de leurs idées sur l’apparence, l’habillement ou la conduite que « doivent » avoir les hommes ou les femmes.

Exemple : Le gérant d’un restaurant invite à plusieurs reprises une employée de longue date à suivre une cure d’amaigrissement parce qu’elle ne correspond pas à l’image que le restaurant veut se donner depuis l’embauche de nouvelles employées. Elle devrait porter des vêtements plus révélateurs afin d’attirer la clientèle.

La liste qui suit n’est pas complète, mais elle devrait aider à déterminer ce qui pourrait constituer du harcèlement sexuel ou des remarques et une conduite inconvenantes liées au sexe:

  • les remarques de nature sexuelle concernant l’apparence d’une personne ou ses manières;
  • un contact physique non désiré;
  • les remarques suggestives ou offensantes, ou encore les insinuations à l’égard des personnes de l’un ou de l’autre sexe;
  • les propositions de rapports intimes;
  • les insultes, les menaces ou les railleries liées au sexe;
  • les regards concupiscents ou déplacés;
  • la vantardise au sujet de prouesses sexuelles;
  • les plaisanteries ou les remarques offensantes de nature sexuelle se rapportant à un employé, à un client ou encore à un locataire, y compris celles envoyées par courriel;
  • les graffiti, l’affichage d’images ou l’étalage d’autres articles offensants à cause de leur nature sexuelle, y compris par courriel;
  • les questions ou les discussions se rapportant à des activités sexuelles;
  • le paternalisme basé sur le sexe, qu’une personne ressent comme une atteinte à son respect de soi ou à sa position d’autorité;
  • l’humour grossier ou les paroles vulgaires à contenu sexuel.

i) Harcèlement fondé sur l’identité sexuelle

Les personnes « transgenres » ont comme toute autre personne le droit d’être à l’abri de remarques ou d’insultes avilissantes au travail fondées sur leur identité sexuelle (consulter aussi la section III-3m) – « L’identité sexuelle »). L’identité sexuelle n’est pas en soi un motif de discrimination illicite, cependant les personnes peuvent déposer une plainte pour discrimination sexuelle ou pour harcèlement sexuel.

Exemple : Au bureau, une femme s’engage dans une démarche de changement de sexe. Elle est l’objet de propos désobligeants à ce sujet. Cette employée appartient à un groupe désigné au motif de discrimination ou de harcèlement, sous toutes formes, fondés sur le sexe.

l) Sollicitations sexuelles et représailles

Le paragraphe 7(3) du Code interdit également toute sollicitation ou avance sexuelle :
Toute personne a le droit d’être à l’abri :

a) de sollicitations ou d’avances sexuelles provenant d’une personne en mesure de lui accorder ou de lui refuser un avantage ou une promotion si l’auteur des sollicitations ou des avances sait ou devrait raisonnablement savoir que celles-ci sont importunes;

b) de représailles ou de menaces de représailles pour avoir refusé d’accéder à des sollicitations ou à des avances sexuelles si ces représailles ou menaces proviennent d’une personne en mesure de lui accorder ou de lui refuser un avantage ou une promotion.

Le droit d’être à l’abri des sollicitations ou avances sexuelles importunes s’étend aux actes d’un patron, d’un superviseur ou de toute autre personne en position de pouvoir.

Exemple : Un employeur menace de congédier une employée parce que celle ci refuse de sortir avec cette personne.

Exemple : Un superviseur fait des avances sexuelles importunes à une employée. Dans cette situation, on laisse entendre à l’employée que sa promotion pourrait être compromise en cas de refus.

Les sollicitations ou les avances sexuelles importunes de la part de quiconque est en position d’accorder ou de refuser un avantage à une personne constituent une autre forme d’infraction aux dispositions du Code relatives au droit des personnes à un traitement égal. Ce type de sollicitations ou d’avances sexuelles peut aussi survenir entre collègues, lorsqu’une personne est dans une position qui lui permet d’accorder ou de refuser à une autre un avantage lié à l’emploi.

Exemple : Une personne pourrait refuser de partager des renseignements professionnels importants avec une autre à moins que celle-ci ne cède à ses avances. Enfin, il y a représailles lorsqu’un employeur, un superviseur ou une autre personne en position d’accorder ou de refuser un avantage ou une promotion punit un subordonné qui repousse ses avances.

Ce genre de « vengeance » constitue une infraction en vertu de l’alinéa 7(3)b) du Code.

Exemple : Un employé se voit privé d’une promotion parce qu’il a refusé les avances sexuelles de son supérieur immédiat.

m) Manque à parvenir à un aménagement inclusif, à éliminer les obstacles et à prendre des mesures d’adaptation

Le Code exige que les conditions de travail ou que les tâches associées à un emploi soient déterminées en fonction des besoins de personnes différentes et d’une gamme de compétences. L’employeur est donc tenu de prendre les mesures d’adaptation nécessaires pour que les personnes des groupes désignés par le Code puissent s’intégrer au travail de manière conforme aux principes de dignité et d’égalité. Les tribunaux ont clairement établi qu’il ne suffit pas de maintenir des normes discriminatoires doublées de mesures d’adaptation pour ceux qui ne peuvent pas y satisfaire. Un tribunal peut estimer qu’un employeur exerce de la discrimination s’il n’assure pas une organisation inclusive du lieu de travail, s’il permet la création d’obstacles ou s’il ne les abolit pas, s’il ne s’acquitte pas de ses obligations en ce qui concerne les mesures d’adaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié. Ces notions sont reprises à la section IV-8 – « Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail ».

Le Code exige également que les règles du lieu de travail ou celles concernant l’emploi soient ajustées de manière à satisfaire aux besoins d’adaptation, sous réserve d’un préjudice injustifié. Les mesures d’adaptation sont une façon de lever les obstacles empêchant des personnes de groupes désignés de participer pleinement au travail dans le respect de leurs besoins. Ce devoir d’adaptation vaut pour toutes les personnes qui ont des besoins que le Code leur donne le droit de faire respecter. Cependant, dans ses politiques, la Commission s’est le plus penchée sur le handicap, sur la croyance, sur l’âge, sur le sexe (notamment la grossesse et l’allaitement) ainsi que sur l’état familial. Voici des exemples courants de mesures d’adaptation prises par des employeurs :

  • fournir de l’équipement, des services ou des appareils permettant à un employé de s’acquitter des principales tâches liées à son emploi (handicap);
  • adopter des politiques d’horaires souples pour permettre aux employés de concilier leur travail et la nécessité d’apporter des soins à quelqu’un (état familial);
  • adapter des uniformes ou des heures de travail aux observances religieuses des employés (croyance);
  • procurer pendant les heures de travail à une employée mère d’un nourrisson, un local où se rendre pour exprimer le lait maternel (sexe – notamment la grossesse et l’allaitement);
  • procurer à des personnes transgenres des toilettes non réservées uniquement aux hommes ou aux femmes (identité sexuelle).

Pour des raisons professionnelles (par exemple se conformer à la législation sur la santé et la sécurité), il peut être nécessaire d’appliquer des règles, des politiques et des procédures. Cependant les dispositions du Code s’appliquent également et peuvent l’emporter sur le reste en cas de divergence. En effet, le Code prévaut sur les autres lois. De faire valoir que l’employeur s’est conformé à d’autres lois n’est ordinairement pas un argument de défense en vertu du Code.

Exemple : Une règle d’entreprise affirme que toutes les personnes sur place doivent porter un casque de sécurité. Un employé sikh porte le turban et demande des mesures d’adaptation à cause de sa croyance. Sans examiner la requête précise et sans évaluer les risques encourus par le requérant ou par d’autres personnes sur les lieux de travail, l’employeur écarte la requête en se fondant uniquement sur la Loi sur la santé et la sécurité au travail. L’employeur s’est conformé à une autre loi, mais n’a pas tenu compte de ses obligations en vertu du Code.

La question de savoir si l’adaptation aux besoins particuliers d’une personne créerait un préjudice injustifié est tranchée à la lumière des coûts, de sources extérieures de financement et des éventuels risques pour la santé et la sécurité qu’engendreraient les mesures d’adaptation envisageables. Le tribunal peut conclure à la discrimination si des mesures d’adaptation appropriées n’ont pas été adoptées ou si le traitement de la demande d’adaptation comportait un vice de forme, à moins que l’employeur fasse la démonstration d’un préjudice injustifié.

Exemple : À titre d’adaptation, une employée demande à son employeur de prendre ses jours de maladie pour s’occuper de son fils, évoquant son état familial. Sans évaluer la faisabilité de cette requête, l’employeur refuse, alléguant que « ...tout le monde voudra en faire autant. » Une plainte en matière de droits de la personne pourrait être déposée.

Pour d’autres renseignements sur la façon de s’acquitter de ses obligations relatives aux adaptations professionnelles, consulter la section IV-8 – « Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail » et la section IV-9 – « Autres renseignements au sujet des mesures d’adaptation à l’intention des personnes handicapées ».

n) Profilage racial

Le profilage racial est une forme de discrimination fondée sur des stéréotypes issus de préjugés concernant le caractère d’une personne. Les décisions fondées sur des particularités présumées du comportement d’une personne, plutôt que sur une évaluation objective de son comportement, sont discriminatoires. Dans sa définition du profilage ethnique, la Commission inclut les éléments suivants :

  • toute mesure prise pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de protection publique,
    • qui est fondée sur des stéréotypes raciaux, de couleur, d’ethnie, d’ascendance, de religion ou de lieu d’origine, plutôt que sur un doute raisonnable,
    • qui soumet une personne à une attention particulière ou à un traitement différent.

Le plus souvent, cette forme de discrimination est observée dans le contexte des services, mais des allégations de profilage ethnique peuvent aussi apparaître dans le contexte du travail.

Exemple : L’ordinateur d’un employé fait l’objet de contrôles parce que cette personne est née en Égypte et on la soupçonne de présenter un risque sur le plan de la sécurité. Les ordinateurs des autres employés ne font pas l’objet d’une telle surveillance. L’employé est congédié parce qu’on a découvert qu’il se rend pendant les heures de travail sur des sites Web ne présentant pas de lien avec son travail. Ses agissements ne sont peut-être pas conformes aux règles d’utilisation au travail de l’ordinateur, cependant la découverte de ce comportement est le résultat d’un profilage ethnique. Ce comportement serait discriminatoire.

Exemple : Un employé de race noire est accusé de harcèlement sexuel à l’endroit d’une collègue. Une enquête préliminaire tend à montrer qu’il aurait pu faire parvenir à celle ci des blagues à caractère sexuel par courriel qui lui auraient été transmises par un autre employé. Afin de protéger les autres employés de toute forme de violence, l’employeur interdit à l’employé de se rendre sur les lieux de travail jusqu’à la fin de l’enquête. L’employé de race blanche à l’origine de la diffusion du message s’est vu infliger un avertissement et il a pu continuer son travail pendant le cours de l’enquête. On peut dire de cet employeur qu’il a exercé du profilage ethnique dans sa façon d’appliquer une mesure disciplinaire à son employé de race noire.

Le tribunal peut parvenir à la conclusion de l’existence de profilage ethnique même lorsque la race ou un autre motif prévu au Code et lié à la race constitue un facteur parmi d’autres de la conduite alléguée. Dans l’exemple précédent, l’employeur aurait pu légitimement adopter des mesures disciplinaires contre les deux employés. S’il avait agi comme il l’a fait à l’égard de l’employé de race noire parce que c’était la deuxième fois qu’il se comportait de la sorte et qu’on le soupçonnait d’avoir des comportements plus violents à cause de sa race, il s’agirait toujours de la discrimination parce que la race était un facteur dans le traitement qui lui aurait été réservé, malgré l’existence d’autres facteurs légitimes.


[6] British Columbia (Public Service Employee Relations Commission) v.British Columbia Government Service Employees’ Union (B.C.G.S.E.U.) (Meiorin), [1999] 3 S.C.R 3. Entrop v. Imperial Oil Ltd. (2000), 50 O.R. 3d 18 (C.A.) par. 77(Entrop).
[7] British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) v. British Columbia (Council of Human Rights) [1999] 3 S.C.R. 868 (Grismer) par. 20.
[8] Voir, par exemple, Bayliss-Flannery v. DeWilde (Tri Community Physiotherapy), 2003 H.RT.O 28 (CanLII).
[9] Lee v. T.J. Applebee’s Food Conglomeration (1988), 9 C.H.R.R. D/4781 (Ont. Bd. of Inq.).

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