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En dernière analyse, ce sont les locateurs, les fournisseurs de logements et les autres entités du secteur du logement visées par le Code qui sont responsables de maintenir un environnement sain et inclusif. Ceux ci sont tenus de veiller à ce que cet environnement soit exempt de discrimination et de harcèlement. Du point de vue des droits de la personne, il n’est pas acceptable de fermer les yeux sur la possibilité qu’il existe de la discrimination ou du harcèlement, ou de faire abstraction de problèmes liés aux droits de la personne ou d’éviter d’agir à cet égard, et ce, qu’il y ait ou non plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Un fournisseur de logements ou toute autre entité poursuivant une vocation similaire contrevient au Code lorsqu’il transgresse ses dispositions, intentionnellement ou non, ou encore, sans transgresser directement ses dispositions, lorsqu’il autorise, tolère, adopte ou approuve un comportement contraire au Code. Les entités doivent veiller à ce que les règles, politiques, procédures et processus décisionnels et leur culture ne soient pas discriminatoires en tant que tels et à ce qu’ils n’aient pas d’effets discriminatoires.

Exemple. Un propriétaire d’immeuble qui donne comme consigne au gérant de ne pas louer de logement aux personnes d’une ethnie particulière parce que leur nourriture « sent trop fort » pratique la discrimination. Il pourrait faire l’objet d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne parce que, par l’intermédiaire du gérant, il a traité des personnes de manière discriminatoire à cause de leur origine ethnique[223].

Qui plus est, c’est une obligation en matière de droits de la personne de ne pas tolérer ou favoriser un geste discriminatoire déjà posé, car cela aurait pour effet de perpétuer ce geste. Cette obligation s’étend aux personnes qui, sans être les auteurs du geste, participent néanmoins à une situation discriminatoire, par le biais de relations contractuelles ou autrement[224]. Les fournisseurs de logements devraient également éviter de punir une personne pour la façon dont elle a réagi à un geste de discrimination ou de harcèlement; on peut s’attendre à ce qu’une personne qui a lieu de croire qu’elle est victime de discrimination soit en colère et s’emporte.

Les instances qui rendent les décisions en matière de droits de la personne rendent souvent des entités responsables et fixent les dommages intérêts en s’appuyant sur leur omission de s’être occupées adéquatement de cas de discrimination et de harcèlement. Même si une entité a réagi à des plaintes dans des cas particuliers de discrimination ou de harcèlement, on peut juger qu’elle n’a pas réagi adéquatement si le problème n’est pas résolu. L’atmosphère peut être empoisonnée ou la culture de l’entité peut exclure ou marginaliser des personnes pour des motifs prévus au Code même si les harceleurs eux mêmes sont pénalisés. Dans ces cas, l’entité devrait prendre d’autres mesures, comme la formation et l’éducation, pour s’attaquer au problème plus efficacement.

Il a été suggéré, pour déterminer si une organisation a assumé ses responsabilités en réponse à une plainte relative aux droits de la personne, de se poser les questions suivantes :

  • Est-ce qu’il existait des procédures pour traiter les cas de discrimination et de harcèlement au moment du dépôt de la plainte?
  • L’organisation a t elle répondu rapidement à la plainte?
  • La plainte a t elle été traitée avec sérieux?
  • A t on mobilisé des ressources pour s’occuper du cas?
  • L’organisation a t elle créé un environnement sain pour la personne qui s’est plainte?
  • Dans quelle mesure a t on informé la personne qui s’est plainte des mesures correctives adoptées[225] ?

En vertu de l’article 46.3 du Code, les personnes morales, les syndicats, les associations commerciales ou professionnelles, les associations non dotées de la personnalité morale et les organisations patronales sont tenus responsables de la discrimination, que ce soit par des actes ou des omissions, pratiquée par des employés ou des mandataires dans l’exercice de leurs fonctions[226]. Cette responsabilité, appelée responsabilité du fait d’autrui, s’applique aux violations des droits de la personne dans le domaine du logement.

Exemple. Un préposé à l’entretien et aux réparations à contrat formule des commentaires homophobes à deux homosexuels qui sortent de leur appartement. Les deux hommes se plaignent au locateur. Celui ci est tenu de réagir sans tarder à la conduite du préposé et de faire en sorte que le milieu de vie dans l’immeuble soit inclusif et non empoisonné.

Bref, la Commission est d’avis que la responsabilité du fait d’autrui rend une organisation automatiquement responsable de la discrimination résultant des actes de ses employés ou mandataires dans le cours normal des activités, que celle ci ait été ou non au courant de ces actes, qu’elle y ait ou non participé ou que ces actes soient ou non indépendants de sa volonté.

La responsabilité du fait d’autrui ne s’applique pas aux violations des articles du Code qui traitent du harcèlement. Toutefois, comme l’existence d’un milieu empoisonné est une forme de discrimination, lorsque le harcèlement aboutit à la création d’un milieu empoisonné, la responsabilité du fait d’autrui visée à l’article 46.3 du Code est restaurée. De plus, dans une telle situation, la « théorie organique de la responsabilité des sociétés » peut s’appliquer. C’est à dire qu’une entité peut être responsable des actes de harcèlement de ses employés s’il peut être démontré qu’elle était au courant du harcèlement ou que l’auteur du harcèlement fait notoirement partie de la direction ou de l’« âme dirigeante » de l’entité. Le cas échéant, les décisions, actes ou omissions de l’employé engagent la responsabilité de l’entité si :

  • l’employé qui fait partie de l’« âme dirigeante » s’adonne au harcèlement ou présente un comportement incorrect qui est contraire au Code;
  • l’employé qui fait partie de l’« âme dirigeante » ne réagit pas comme il se doit au harcèlement ou au comportement incorrect alors qu’il en est au courant ou devrait raisonnablement en être au courant.

En règle générale, les cadres et les principaux décideurs d’une organisation constituent son « âme dirigeante ». Les employés qui n’ont qu’une autorité de supervision peuvent également faire partie de l’« âme dirigeante » s’ils fonctionnent ou paraissent fonctionner comme des représentants de l’organisation. Même des non superviseurs peuvent être considérés comme faisant partie de l’« âme dirigeante » s’ils ont en fait une autorité de supervision ou une importante responsabilité.

Plus souvent qu’autrement, de nombreuses personnes partagent la responsabilité de préserver les droits de la personne et d’en promouvoir le respect. Dans certains cas, en vue de faciliter la satisfaction des besoins d’adaptation d’un locataire, on peut demander aux autres locataires de faire preuve de souplesse.

Exemple. Le nom d’un locataire d’un complexe d’habitation figure sur une liste d’attente pour l’obtention d’un appartement plus grand dans son immeuble. Des membres d’une famille récemment arrivée au pays qui vit aussi dans cet immeuble sont informés que des beaux parents, pour lesquels ils étaient répondants, ont été autorisés à émigrer au Canada. Si cette famille ne peut occuper un plus grand appartement rapidement, ils ne pourront pas aider les nouveaux venus à s’adapter à leur nouveau pays. Le locataire en question comprend la situation de cette famille et accepte de les faire passer devant lui sur la liste d’attente.

Il se peut que les fournisseurs de logements ne soient pas nécessairement responsables de répondre à la totalité des besoins d’adaptation d’un locataire liés à un motif prévu au Code, mais ils devront peut être collaborer avec d’autres parties qui assument cette responsabilité ou les aider.

Exemple. Une coopérative d’habitation ayant le mandat particulier de fournir du logement à des personnes à revenus mixtes (mais sans fournir d’autres services de soutien) n’a peut être pas l’obligation de répondre aux besoins en matière de soins personnels d’un locataire. Par contre, elle peut devoir s’assurer que l’immeuble lui procure un accès physique et lui fournir des services de soutien liés à son handicap aux réunions mensuelles ou aux assemblées générales annuelles des membres, surtout si ce locataire n’a pas accès à des ressources extérieures à cet égard.

Il est à noter qu’en plus des obligations imposées par le Code, les fournisseurs de logements ont des obligations en vertu de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario et de ses textes d’application, dont la nouvelle Norme d’accessibilité pour les services à la clientèle ainsi que les prochaines normes d’accessibilité au milieu bâti, d’accessibilité de l’information et des communications et d’accessibilité à l’emploi. À cela s’ajoutera peut être la Norme d’accessibilité pour le transport pour les fournisseurs de logements qui assurent également à leurs locataires des services de transport par autobus ou par d’autres moyens.


[223] Voir Fancy c. J & M Apartments Ltd. (1991), supra, note 39; Chauhan c. Norkam Seniors Housing Cooperative Association (2004), supra, note 40; et Peroz c. Yaremko, (2008), supra, note 40.
[224] Payne c. Otsuka Pharmaceutical Co. (no 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203 (Comm. enq. Ont.) au par. 63 : « Le moment où un tiers ou une personne intervenant a posteriori dans une situation de discrimination est un cas d’espèce. Toutefois, des principes généraux peuvent être énoncés. L’élément clé est l’influence ou le pouvoir que la personne intervenant a posteriori ou indirectement avait sur le demandeur et l’intimé. Plus l’influence ou le pouvoir sur la situation et les parties était grand, plus l’obligation légale de ne pas tolérer ou favoriser le geste discriminatoire est contraignante. L’influence ou le pouvoir est important, car il implique la capacité de corriger la situation ou de faire quelque chose pour améliorer les conditions. » [Traduction]
[225] Wall c. University of Waterloo (1995), 27 C.H.R.R. D/44 aux par. 162 à 67 (Comm. enq. Ont.). Ces questions aident à déterminer le caractère raisonnable de la réponse de l’organisation à une situation de harcèlement. Si l’organisation a réagi de façon raisonnable, cela ne modifie en rien sa responsabilité mais sera pris en considération au moment de déterminer le redressement approprié. En d’autres termes, un fournisseur de logements qui a apporté une réponse raisonnable à une situation de harcèlement ne se libère pas de sa responsabilité, mais les dommages intérêts imposés en l’occurrence pourraient être réduits.
[226] Dans ce contexte, le terme « employé » pourrait s’appliquer, entre autres, à un locateur, à un membre du conseil d’administration d’une coopérative d’habitation, à un agent immobilier, à un gestionnaire de logements et à un membre du personnel de service.