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Mémoire de la CODP sur les modifications proposées à la Loi sur l’éducation au sujet des programmes d’agents ressources dans les écoles

30 juin 2025 

 

Introduction

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) est heureuse d’avoir l’occasion de présenter ce mémoire sur les modifications proposées dans le projet de loi 33 à la Loi sur l’éducation, qui obligeraient les conseils scolaires à collaborer avec les services policiers locaux pour mettre en œuvre des programmes d’agents ressources dans les écoles, là où de tels programmes sont offerts.

Afin de préserver la dignité, l’estime de soi et la sécurité des étudiant(e)s, la CODP recommande vivement d’adopter une approche fondée sur des données probantes concernant la présence systématique de la police dans les écoles de l’Ontario. À l’heure actuelle, il n’existe pas de données probantes démontrant l’efficacité des programmes d’agents ressources dans les écoles. La CODP recommande que la province procède à un examen de ces programmes avant d’adopter un cadre législatif. Cet examen devrait également tenir compte de la valeur des investissements dans le bien-être des étudiant(e)s comme moyen d’améliorer la sécurité.

La Loi sur l’éducation doit être élaborée, interprétée et appliquée d’une manière conforme au Code des droits de la personne de l’Ontario. Cette loi devrait éviter de renforcer, de perpétuer ou d’aggraver les désavantages auxquels sont confrontés les étudiant(e)s autochtones, noir(e)s et 2SLGBTQ+, ainsi que les étudiant(e)s handicapé(e)s. La promotion de milieux éducatifs favorables grâce à une approche fondée sur les droits de la personne est essentielle à l’élaboration de politiques efficaces en matière de sécurité dans les écoles. 

 

Contexte de la CODP 

La CODP est un organisme statutaire de défense des droits de la personne établi en vertu du Code et est chargée de promouvoir et de faire progresser les droits de la personne et de lutter contre la discrimination systémique en Ontario. La CODP s’acquitte de cette mission en élaborant des politiques, en menant des enquêtes publiques et en intentant des litiges stratégiques. 

Depuis des décennies, l’une des principales priorités de la CODP est de promouvoir les droits et les intérêts des étudiant(e)s, en particulier les étudiant(e)s qui ont été marginalisé(e)s au cours de l’histoire. La CODP s’efforce de repérer et d’éliminer les obstacles systémiques au sein du système d’éducation. Pour soutenir ces efforts, la CODP a créé des ressources et publié des rapports afin d’aider à détecter, à surveiller et à réduire la discrimination dans le système d’éducation. Parmi ceux-ci, il convient de mentionner le rapport d’enquête publique intitulé Le droit de lire[i]de la CODP, qui traite des questions relatives aux droits de la personne auxquelles sont confrontés les étudiant(e)s ayant des troubles de la lecture dans le système d’enseignement public de l’Ontario, et Rêves repoussés : faire face au racisme et à la discrimination envers les Noirs dans le système d’éducation publique en Ontario (Rêves repoussés[ii]), un plan d’action visant à lutter contre le racisme et la discrimination envers les Noirs. 

Dans le cadre de ses initiatives visant à soutenir Rêves repoussés, la CODP a publié un recueil de recommandations tirées de rapports précédents qui traitent de la discrimination raciale systémique en éducation. L’un des principes fondamentaux de Rêves repoussés est la reconnaissance du fait que le bien-être des étudiant(e)s est essentiel à la réussite du système d’éducation et que les pratiques discriminatoires nuisent aux intérêts, aux capacités et aux aspirations des étudiant(e)s.

Les travaux de la CODP au sein du système d’éducation de l’Ontario révèlent que les étudiant(e)s, en particulier les étudiant(e)s issu(e)s de communautés noires et d’autres communautés racialisées, des communautés 2SLGBTQ+ ou les étudiant(e)s handicapé(e)s, ne bénéficient souvent pas de la protection contre la discrimination prévue par le Code.

La CODP a également entrepris d’importants travaux pour lutter contre la discrimination raciale systémique dans les services policiers. Elle a élaboré des ressources pour aider les services policiers à détecter, à surveiller et à réduire la discrimination. Parmi celles-ci, citons Un prix trop élevé (2003), le rapport d’enquête de la CODP sur les effets du profilage racial; Pris à partie (2017), un rapport de recherche et de consultation sur le profilage racial; et la Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre (2019), élaborée en collaboration avec l’Ontario Association of Police Chiefs. De plus, la CODP a collaboré avec la Peel Regional Police dans le cadre d’un protocole d’entente visant à lutter contre le racisme et la discrimination systémiques.   

En outre, la CODP a soumis de nombreuses recommandations au gouvernement et à des évaluateurs indépendants sur la manière de lutter contre la discrimination systémique dans les services policiers. Le document intitulé Un Cadre pour un changement destiné à lutter contre le racisme systémique dans les services policiers (Cadre pour un changement), publié par la CODP en 2021, énumère dix mesures essentielles pour lutter contre les pratiques discriminatoires dans les services policiers de toute la province. En 2023, la CODP a publié De l’impact à l’action, le rapport final de son enquête sur le racisme envers les Noirs au sein du service policier de Toronto. Ce rapport contient plus de 100 recommandations visant à lutter contre le racisme systémique envers les Noirs, dont 17 recommandations particulières adressées à la province.  

 

Travaux de la CODP sur la présence policière dans les écoles 

En 2017, la CODP a publié Pris à partie, un rapport de recherche sur le profilage racial en Ontario. Ce rapport comprenait une analyse du profilage racial dans le système d’éducation par les agents de police. Le rapport fait état de préoccupations concernant la présence policière « régulière » dans les écoles et constate que les agents présents dans les écoles peuvent surveiller de manière excessive ou interroger de manière inappropriée les étudiant(e)s[iii]. Pris à partie souligne également que le profilage racial dans les écoles peut avoir de graves effets négatifs à long terme sur les étudiant(e)s et a été associé au décrochage scolaire, à de mauvais résultats scolaires et à des démêlés avec le système de justice pénale[iv].

En juillet 2021, la CODP a publié le document intitulé Cadre pour un changement, qui recommandait un examen à l’échelle de la province des programmes d’agents ressources dans les écoles. S’appuyant sur les résultats de recherches menées auprès de divers conseils scolaires de l’Ontario, le Cadre indique que « les élèves racialisés sont plus susceptibles d’être sanctionnés, suspendus et arrêtés à l’école lorsque des agents de police sont présents, et ne pensent pas que la présence de ces agents contribue à leur donner un sentiment de sécurité ». Le Cadre souligne également qu’il y a eu une évolution vers la suppression des programmes d’agents ressources dans les écoles suite aux préoccupations soulevées par les communautés racialisées et d’autres groupes historiquement défavorisés. 

En décembre 2022, la CODP a envoyé une lettre au Toronto District School Board (TDSB), en réponse à une réunion extraordinaire sur la sécurité dans les écoles et les collectivités. À l’époque, au moins un administrateur avait demandé le retour du programme d’agents ressources dans les écoles, qui avait été annulé en 2017. La CODP a rappelé au TDSB les recherches menées sur les étudiant(e)s racialisé(e)s et leurs expériences négatives avec les programmes d’agents ressources dans les écoles, et a encouragé le conseil à intégrer les principes des droits de la personne dans la rédaction de ses futurs rapports ou recommandations sur cette question. En avril 2022, la CODP a envoyé une lettre similaire au York Catholic District School Board en réponse à un examen de son programme d’agents ressources dans les écoles. 

En tant que partie prenante du Projet des droits de la personne à Peel, la CODP a formulé des recommandations à la Peel Regional Police et au Peel Regional Police Services Board afin de lutter contre le racisme et la discrimination systémiques. Dans le cadre de ces travaux, la CODP a examiné le rôle et l’incidence des agents ressources dans les écoles et a participé à des consultations à Peel sur cette question. En réponse aux préoccupations soulevées par les étudiant(e)s noir(e)s, leurs parents ou tuteurs, tutrices et les enseignant(e)s, la CODP a soutenu les appels de la collectivité en faveur de la fin du programme des agents ressources dans les écoles à Peel[v].   

Les communautés noires ont également fait part de leurs expériences avec les programmes d’agents ressources dans les écoles lors de consultations communautaires menées dans le cadre du rapport Rêves repoussés. Les membres de la communauté ont exhorté la CODP à poursuivre ses efforts de lutte contre la discrimination raciale systémique et les préjudices associés aux programmes de police dans les écoles. À cet égard, le rapport conclut que : 

Les décisions en lien avec une intervention policière dans les écoles devraient uniquement être prises après examen minutieux des travaux de recherche existants et à la lumière de consultations avec toutes les parties prenantes locales, y compris les parents, les élèves, les membres de la collectivité et les organismes communautaires. Les conseils scolaires sont tenus de s’assurer que les intérêts prévus par le Code eu égard à tous les élèves sont pris en compte et protégés lors de l’élaboration de stratégies portant sur des préoccupations de sécurité. Les conseils scolaires sont invités à respecter le cadre de l’approche fondée sur les droits de la personne de la CODP pour faire en sorte que toutes leurs politiques accordent la priorité aux droits de la personne[vi].

 

Préoccupations concernant le projet de loi 33 

En rendant obligatoire la mise en œuvre des programmes d’agents ressources dans les écoles, le projet de loi 33 prive les conseils scolaires de leurs pouvoirs et les empêche de s’acquitter de leurs responsabilités en matière de protection des droits de l’ensemble des étudiant(e)s, en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario. Ceci est particulièrement préoccupant dans les administrations, y compris Peel et Toronto, où les étudiant(e)s noir(e)s et les personnes issues des communautés noires ont régulièrement communiqué les préjudices systémiques associés aux programmes d’agents ressources dans les écoles. 

Le projet de loi 33 transfère le pouvoir de décision aux forces de l’ordre en proposant des règlements qui peuvent « prescrire les circonstances dans lesquelles les conseils donnent, aux services policiers locaux, accès aux lieux scolaires ou leur permettent de participer à des programmes scolaires ». S’il était adopté dans sa forme actuelle, le projet de loi 33 passerait outre les protocoles locaux établis entre la police et l’école, perturbant ainsi les relations qui ont été créées par les besoins propres à la collectivité et fondées sur le dialogue entre les conseils scolaires, les services policiers et les ministères. Actuellement, ces protocoles reflètent les orientations politiques du ministère de l’Éducation et du ministère du Solliciteur général (anciennement le ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels). Les protocoles encouragent le dialogue et donnent à leurs signataires la possibilité d’aborder les facteurs uniques susceptibles d’affecter les accords locaux en matière de prestation de services[vii].

Ce modèle a permis aux fournisseurs de services éducatifs et aux écoles de déterminer la participation de la collectivité et de la police à l’échelon local. En l’absence de mandat provincial, les conseils scolaires et les services policiers ont pu adapter leur participation en fonction des besoins de la collectivité. Par exemple, en 2020, après une vaste consultation des collectivités concernées, la Peel Regional Police (PRP) a mis fin à son programme d’agents ressources dans les écoles. Dans une déclaration publique, la PRP a reconnu que des segments de la collectivité avaient exprimé « des préoccupations de longue date concernant le racisme systémique et les effets punitifs disproportionnés que ce type de programme traditionnel peut produire[viii] ». Le Peel District School Board (PDSB) a soutenu cette décision en déclarant : « Nous avons entendu des membres de nos communautés scolaires, en particulier ceux qui s’identifient comme noirs et autochtones, dire qu’ils ne se sentent pas en sécurité lorsque des agents ressources dans les écoles et d’autres agents de police sont présents dans les écoles de Peel[ix]. » En 2021, le PDSB et d’autres conseils scolaires locaux ont collaboré avec la PRP pour élaborer un protocole visant à « promouvoir le bien-être des étudiant(e)s ». Ce protocole stipule expressément que les agents ne seront pas envoyés dans les écoles lorsqu’il n’y a « pas de criminalité ou de violation de la loi et qu’il n’y a pas de menace imminente connue pour la sécurité publique ou l’environnement scolaire[x] ». Le protocole adopte une approche fondée sur les droits de la personne et tient compte des traumatismes, et cite ces principes comme des éléments clés de la stratégie de sécurité[xi].

La CODP est également préoccupée par le fait que le projet de loi 33 ne définit pas ce qui constitue un programme d’agents ressources dans les écoles. Les programmes d’agents ressources dans les écoles sont généralement décrits comme des stratégies consistant à poster régulièrement un agent de police dans une école. Ils sont offerts dans les écoles primaires et secondaires. Dans certains cas, les agents de police sont affectés à une seule école; dans d’autres, plusieurs écoles partagent le même agent ressource. Leur programme peut porter sur des questions qui n’ont rien à voir avec la police ou l’application de la loi. Étant donné que le projet de loi 33 impose aux écoles la responsabilité de mettre en œuvre des programmes d’agents ressources dans les écoles « où de tels programmes sont offerts », les services policiers auront le pouvoir de concevoir et de mettre en œuvre un large éventail d’initiatives sans consulter les enseignant(e)s. Les conseils scolaires et les enseignant(e)s sont les mieux placés pour concevoir des programmes pour les étudiant(e)s. En outre, le projet de loi ne précise pas si les écoles ou les conseils scolaires devront subventionner la présence des agents ressources dans les écoles et, le cas échéant, de quelle manière. 

En outre, le projet de loi ne fait pas de distinction entre l’utilisation des agents ressources dans les écoles primaires et secondaires, malgré les besoins et les circonstances clairement différents des élèves plus jeunes. Les conseils scolaires qui ont interrompu leurs programmes d’agents ressources dans les écoles ou y ont mis fin en réponse aux préoccupations de la collectivité concernant la discrimination systémique seront confrontés à la tâche irréalisable de rétablir ces programmes, malgré leurs préjudices connus, tout en poursuivant leurs efforts pour construire et créer des espaces éducatifs qui favorisent le développement de l’ensemble des étudiant(e)s de manière égale et sans discrimination.

Les conseils scolaires doivent conserver la possibilité d’élaborer des politiques qui protègent les étudiant(e)s et de fournir un retour d’information aux décisionnaires. Sans cela, le projet de loi 33 présente un risque substantiel pour l’environnement et le climat d’apprentissage dans les écoles de l’Ontario. 

 

Conclusions de la recherche sur les programmes d’agents ressources dans les écoles en Ontario 

En réponse aux préoccupations de longue date des groupes historiquement désavantagés, plusieurs conseils scolaires de l’Ontario ont évalué de manière critique la viabilité de leurs programmes de police à l’école. Par exemple, en 2021, l’Office of Human Rights and Equity Advisor de l’Ottawa Carlton District School Board (OCDSB) a procédé à un examen de son programme d’agents ressources dans les écoles et de toutes les activités légalement discrétionnaires des agents. Cet examen a permis de tirer d’importantes conclusions sur l’expérience des étudiant(e)s issu(e)s de divers groupes historiquement défavorisés, notamment les étudiant(e)s racialisé(e)s, les étudiant(e)s handicapé(e)s et les étudiant(e)s issu(e)s des communautés 2SLGBTQ+.   

L’étude a montré que les étudiant(e)s issu(e)s de groupes marginalisés peuvent avoir une perception plus négative de la présence policière dans les écoles. L’enquête menée dans le cadre de l’examen a révélé que 62 % des Noir(e)s, 33 % des personnes originaires du Moyen-Orient, 36 % des musulman(e)s, 48 % des personnes handicapées et 68 % des 2SLGBTQ+ n’étaient pas d’accord avec la notion selon laquelle la présence policière rend les écoles plus sûres[xii].   

L’examen comprenait des recommandations visant à réviser les politiques et procédures de l’OCDSB de manière à « limiter l’intervention de la police dans les écoles à la résolution de problèmes nécessitant une notification obligatoire de la police, sauf en dernier recours[xiii] ». À la suite de l’examen, l’OCDSB a mis fin à son programme d’agents ressources dans les écoles et s’est excusé auprès des étudiant(e)s et des communautés qui avaient subi des préjudices découlant de ce programme[xiv]. 

De même, en 2017, le Toronto District School Board (TDSB) a mis fin à son programme de police à l’école après avoir procédé à un examen approfondi. Les conclusions qualitatives des groupes de discussion d’étudiant(e)s ont révélé que la plupart des étudiant(e)s étaient « très mal à l’aise » avec la présence d’un agent de sécurité dans leur école et se sentaient intimidé(e)s par la présence d’un agent. Cette expérience a poussé certain(e)s étudiant(e)s à rester à l’écart de l’école[xv]. Malgré un soutien mesurable à la poursuite du programme d’agents ressources dans les écoles, le comité d’examen a conclu que « notre priorité doit être d’atténuer l’impact différencié et potentiellement discriminatoire du programme d’agents ressources dans les écoles, tel qu’il nous a été décrit par certain(e)s de nos étudiant(e)s et de nos communautés[xvi] ». Après avoir pris en compte les conclusions et les recommandations de l’examen, le TDSB a mis fin à son programme d’agents ressources dans les écoles[xvii].

 

Incidence sur les communautés autochtones 

Les relations historiques entre les peuples autochtones et la police comportent de nombreux exemples de dépossession par l’État de leurs terres et de leurs enfants. Il s’agit notamment de l’enlèvement forcé d’enfants autochtones pour les placer dans des foyers d’adoption non autochtones et de leur placement forcé dans des pensionnats[xviii].

Par la suite, cette relation s’est caractérisée à la fois par un excès et une insuffisance de maintien de l’ordre. Comme l’a affirmé il y a près de trente ans la Commission royale sur les peuples autochtones dans Par-delà les divisions culturelles : un rapport sur les autochtones et la justice pénale au Canada : « Les communautés autochtones ont reçu proportionnellement plus d’attention de la part des forces de l’ordre et proportionnellement moins de services de maintien de la paix et d’autres services[xix]. » Ce passé contribue à des résultats négatifs, notamment la surreprésentation des jeunes autochtones dans les établissements pénitentiaires, puisque « plus de quatre jeunes sur dix (43 %) admis dans les services pénitentiaires en 2018-2019 étaient autochtones, alors qu’ils représentaient 8,8 % de la population totale des jeunes[xx] ».

Les programmes d’agents ressources dans les écoles existent dans ce contexte plus large de préjudice sanctionné par l’État et de méfiance systémique. La CODP soutient que les interventions et les réponses aux problèmes de sécurité doivent tenir compte des traumatismes, basées sur la communauté, et être holistiques et culturellement pertinentes[xxi]. En bref, les efforts pour promouvoir la sécurité à l’école ne doivent pas se faire au détriment des jeunes autochtones. 

 

Lacunes dans la recherche concernant l’efficacité des programmes d’agents ressources dans les écoles 

Il n’existe pas de preuves de l’efficacité des programmes d’agents ressources dans les écoles ni de preuves montrant que ces programmes ont une incidence positive sur la sécurité des étudiant(e)s ou qu’ils créent une perception positive de la police. Les recherches indiquent plutôt que les programmes d’agents ressources dans les écoles ne font pas baisser les taux de criminalité[xxii]. Un examen des données de la police de Victoria, en Colombie-Britannique, par la B.C. Human Rights Commission n’a trouvé aucune corrélation entre l’augmentation de l’activité des gangs et l’annulation des programmes d’agents ressources dans les écoles[xxiii]. À Toronto, une étude a montré qu’un an après la mise en place d’un programme d’agents ressources dans une école, les signalements de délits sur les terrains de l’école avaient diminué, alors que les signalements de délits dans un rayon de 200 mètres autour de l’école avaient augmenté, ce qui laisse penser que les agents ressources dans les écoles n’ont fait que déplacer les délits un peu plus loin du campus[xxiv].

L’Ontario Association of Chiefs of Police (OACP) a également reconnu qu’il n’y avait pas assez de données ou de recherches sur l’efficacité des programmes d’agents ressources dans les écoles. Dans une déclaration sur les agents ressources dans les écoles, l’OACP a noté que « les chefs de police ont besoin de recherches plus nombreuses et de meilleure qualité qui non seulement évaluent les programmes d’agents ressources dans les écoles, mais qui accordent également une attention particulière aux besoins et aux expériences des étudiant(e)s autochtones, noir(e)s et de couleur (PANDC)[xxv] ». Ils ont également souligné qu’« il est temps que les chefs de police soutiennent des recherches sur les agents ressources dans les écoles, fondées sur des données probantes, en particulier en ce qui concerne les évaluations qui placent les expériences des étudiant(e)s PANDC au centre des préoccupations[xxvi] ».

En bref, les données probantes à l’appui des agents ressources dans les écoles présentent d’importantes lacunes. Il est nécessaire de mener, dans le contexte canadien, des recherches centrées sur l’expérience des étudiant(e)s marginalisé(e)s. Étant donné les expériences négatives documentées qui ont été rapportées par les étudiant(e)s et les groupes marginalisés, l’Ontario a l’obligation de combler ce manque de données avant d’imposer de tels programmes aux étudiant(e)s et aux écoles[xxvii].

 

Autres options aux programmes d’agents ressources dans les écoles 

Il est possible d’établir des relations positives entre la police et les étudiant(e)s par d’autres moyens que les programmes d’agents ressources dans les écoles. En utilisant une approche qui tient compte des traumatismes – où les activités avec la police sont facultatives, requièrent le consentement et font l’objet d’une communication détaillée – les étudiant(e)s et les parents peuvent être habilités à choisir d’interagir avec la police[xxviii]

Après avoir mis fin à leurs programmes d’agents ressources dans les écoles, certains conseils scolaires et services policiers ont mis au point des moyens permettant aux étudiant(e)s et au personnel d’interagir avec la police de manière volontaire et en tenant compte des traumatismes. Certains ont modifié les possibilités de dialogue avec la police à l’écart du campus. 

À Collingwood, par exemple, un ancien agent ressource dans les écoles est accessible chaque semaine à l’heure du midi dans une chapelle voisine, en dehors de la propriété de l’école, pour que les étudiant(e)s puissent mettre en œuvre une démarche, si tel est leur souhait[xxix].

De même, le Service de police d’Ottawa a affecté un agent à chaque district scolaire pour soutenir les enseignant(e)s sans que des agents soient postés dans l’école, ce qui permet aux enseignant(e)s d’avoir accès au soutien nécessaire tout en maintenant un modèle non intrusif centré sur les étudiant(e)s[xxx].

Ces autres options démontrent que l’interaction entre les étudiant(e)s et la police ne nécessite pas une présence policière constante sur place. Qui plus est, des modèles flexibles, transparents et adaptés aux étudiant(e)s peuvent promouvoir la sécurité tout en respectant la dignité, l’autonomie et le bien-être de tous les étudiant(e)s, en particulier les étudiant(e)s issu(e)s de communautés historiquement marginalisées. 

 

Recommandations issues de rapports antérieurs 

Dans le cadre de son initiative de lutte contre le racisme et la discrimination envers les Noirs dans le système d’éducation, la CODP a procédé à un examen approfondi des rapports antérieurs traitant du racisme et de la discrimination envers les Noirs dans le système d’éducation. Cet examen a abouti à un « recueil de recommandations[xxxi] », qui reflète les recommandations formulées par des experts, des chercheurs et des membres de la communauté en vue de lever les obstacles systémiques auxquels sont confrontés les étudiant(e)s noir(e)s. Les programmes de police à l’école ont été systématiquement évoqués comme un sujet de préoccupation, et plusieurs recommandations ont été formulées pour améliorer les résultats. Ces recommandations comprennent l’augmentation du financement des mesures de soutien social pour s’attaquer aux causes profondes des comportements inappropriés et l’imposition de limites claires aux types d’incidents qui nécessitent l’intervention de la police dans les écoles. 

Avant de procéder à l’adoption du projet de loi 33 ou d’apporter d’autres modifications à la Loi sur l’éducation, la CODP encourage vivement l’Ontario à examiner le rapport Rêves repoussés et le recueil de recommandations.   

Recommandations de la CODP : 

La Loi sur l’éducation reconnaît l’importance de protéger les droits prévus par le Code et la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Pour garantir la protection de ces droits, la CODP recommande ce qui suit : 

  1. Les modifications apportées à la Loi sur l’éducation doivent être fondées sur des données probantes : Les modifications apportées à la Loi sur l’éducation doivent être fondées sur des données probantes et promouvoir les droits de la personne. Les données empiriques disponibles à ce jour ne confirment pas que la sécurité et le bien-être des étudiant(e)s sont améliorés par les programmes d’agents ressources dans les écoles, et il existe des preuves de préjudices importants. Pour protéger efficacement la sécurité, la dignité et l’estime de soi des étudiant(e)s, l’Ontario doit s’efforcer de combler cette lacune avant d’envisager l’adoption d’une loi imposant des programmes d’agents ressources dans les écoles à l’échelle de la province.
  2. Examen provincial des programmes d’agents ressources dans les écoles : La CODP demande un examen provincial des programmes d’agents ressources dans les écoles. La CODP a initialement demandé cet examen en 2021 dans son Cadre pour le changement afin de lutter contre la discrimination systémique dans les services policiers. L’examen doit porter sur l’incidence des programmes d’agents ressources dans les écoles sur les étudiant(e)s et doit être axé sur les expériences vécues par les étudiant(e)s noir(e)s, autochtones et 2SLGBTQ+, qui sont les plus touché(e)s de manière disproportionnée. 

    Compte tenu des lacunes de la recherche et des preuves concernant les programmes d’agents ressources dans les écoles au Canada, la commissaire de la British Colombia’s Human Rights a demandé au gouvernement provincial de la province de financer une étude provinciale sur les agents ressources dans les écoles qui soit centrée sur les perspectives des étudiant(e)s marginalisé(e)s et qui utilise des stratégies d’évaluation menant à des conclusions indépendantes, crédibles, définitives et valides en externe[xxxii]. L’Ontario devrait intégrer cette approche à son examen.
  3. Investir dans le bien-être des étudiant(e)s : L’amélioration de la sécurité des étudiant(e)s peut être réalisée en augmentant les mesures de soutien sociales et les stratégies en classe et à l’école afin de favoriser la fréquentation scolaire et la communauté scolaire pour tous les enfants et les jeunes. Les voix des communautés, y compris celles entendues lors des consultations de la CODP sur le racisme envers les Noirs et la discrimination en éducation, ont mis en lumière un besoin urgent de plus de soutien social dans les écoles, et non de plus de maintien de l’ordre. Les communautés ont demandé davantage de soutien par les pairs, d’assistant(e)s pédagogiques, de surveillant(e)s, de conseiller(ère)s et d’agent(e)s de santé mentale. La CODP a entendu des appels répétés en faveur d’un soutien global incluant le logement, la sécurité alimentaire et la garde d’enfants afin d’aider les enfants, les écoles et les communautés vulnérables. 

La discrimination systémique dans les services policiers et le système d’éducation constitue une menace pour le bien-être de tous les enfants dans le système d’éducation. Pour favoriser le bien-être et la réussite des étudiant(e)s, la dignité et l’estime de soi de chaque étudiant(e) doivent être protégées et les obstacles systémiques doivent être éliminés. Pour de nombreux jeunes, la présence obligatoire et routinière d’un policier dans leur école compromet leur sécurité et perturbe leur sentiment d’appartenance. Compte tenu de cette réalité, la loi ne doit pas empêcher les responsables du système d’éducation et des services policiers de travailler avec les étudiant(e)s et la communauté pour élaborer des stratégies de sécurité non discriminatoires.

Il convient d’encourager les conseils scolaires et les services policiers qui ont écouté les communautés, remanié leurs programmes d’agents ressources dans les écoles et repensé leurs stratégies de collaboration, conformément aux principes des droits de la personne. Cette approche ouvre une voie positive pour les responsables et les étudiant(e)s qui ont le droit de bénéficier d’espaces d’apprentissage exempts de discrimination et de violence. 

 



 

[i] Commission ontarienne des droits de la personne, Le droit de lire : Enquête publique sur des questions touchant les élèves ayant des troubles de lecture (2022), disponible en ligne : https://www.ohrc.on.ca/fr/rapport-sur-lenquete-le-droit-de-lire 

[ii] Commission ontarienne des droits de la personne, Rêves repoussés : faire face au racisme et à la discrimination envers les Noirs dans le système d’éducation publique en Ontario (Rêves repoussés) (2025), disponible en ligne : https://www3.ohrc.on.ca/fr/reves-repousses-faire-face-au-racisme-et-la-discrimination-envers-les-noirs-dans-le-systeme  

[iii] Commission ontarienne des droits de la personne, Pris à partie : Rapport de recherche et de consultation sur le profilage racial en Ontario (2017), disponible en ligne : https://www3.ohrc.on.ca/fr/pris-partie-rapport-de-recherche-et-de-consu…;  

[iv] Ibid à la page 72; Le profilage racial dans les écoles peut avoir des effets négatifs graves à long terme sur les élèves. 

[v] Projet des droits de la personne. La recommandation 12 (p) énonce : « Le Police School Response Program devrait être supprimé immédiatement pour permettre aux conseils scolaires d’établir des protocoles appropriés. » Voir : Peel Regional Police, Work plan to eliminate racial profiling and racial discrimination between the Peel Regional Police, Peel Police Services Board and the Ontario Human Rights Commission (juin 2023), disponible en ligne (pdf) : https://www.peelpolice.ca/en/who-we-are/resources/Documents/OHRP/CODP-Recommendations-22-June-2023v2-accessible.pdf 

[vi] Commission ontarienne des droits de la personne, Rêves repoussés : faire face au racisme et à la discrimination envers les Noirs dans le système d’éducation publique en Ontario (2025), en ligne : https://www3.ohrc.on.ca/fr/reves-repousses-faire-face-au-racisme-et-la-discrimination-envers-les-noirs-dans-le-systeme  

[vii] Ontario, Modèle provincial de protocole local entre la police et le conseil scolaire, en ligne (pdf) : https://files.ontario.ca/edu-provincial-model-local-police-school-board-protocol-fr-2021-11-02.pdf  

[viii] Peel Regional Police, Update: the Dissolution of the School Resource Officer (SRO) Program, (18 novembre 2020), disponible en ligne : https://www.peelpolice.ca/modules/news/index.aspx?newsId=270c81ed-37eb43df-93e9-b7d6ad47f1bf  

[ix] Peel District School Board, Peel Regional Police Pauses School Resource Officer Program, (28 juillet 2020), disponible en ligne : https://www.peelschools.org/news/Peel-Regional-Police-pauses-School-Resource-Officerprogram2022-06-29-18:45:45.503752+00  

[x] Peel Regional Police, Peel District School Board et al., Local Police School Protocol 2021, à la page 12, disponible en ligne (pdf) : https://www.peelschools.org/documents/79119436-6e62-465f-be74-

7d3e0acde930/Police_and_School_Board_Protocol.pdf  

[xi] Ibid à la page 6. 

[xii] Carolyn Tanner, « Policy and Practice Review of Police Involvement in Schools », Ottawa-Carleton District School Board, (juin 2021) à la page 46, disponible en ligne (pdf) : https://www.ocdsb.ca/download/481531  

[xiii] Ibid à l’annexe 15, page 145.   

[xiv] Ottawa-Carlton District School Board, We Apologize (10 juin 2021), disponible en ligne : https://www.ocdsb.ca/news/we_apologize  

[xv] Toronto District School Board Planning and Priorities Committee, School Resource Officer Program Review, (15 novembre 2027, à la page 3, disponible en ligne (pdf) : https://briarpatchmagazine.com/pdf/TDSB_School_Resource_Officer_Program_Review.pdf  

[xvi] Ibid. 

[xvii] Ibid à la page 5.   

[xviii] Marcel-Eugène LeBeuf, Le rôle de la Gendarmerie royale du Canada sous le régime des

pensionnats indiens (2011), disponible en ligne (pdf) : https://publications.gc.ca/collections/collection_2011/grc-rcmp/PS64-71…, La voie de la réconciliation de la Gendarmerie royale du Canada : Renforcer la confiance en la GRC (2020), disponible en ligne : https://www.rcmp-grc.gc.ca/fr/rapports-recherche-et-publications/voie-r… 

[xix] Cité dans : Allan S. Manson et al, Sentencing and Penal Policy in Canada: Cases, Materials and Commentary, 4e éd. (Toronto : Emond, 2024), à la page 743. 

[xx] Jamil Malakieh, « Statistiques sur les services correctionnels pour les adultes et les jeunes, 2017-2018 ». Juristat. Catalogue de Statistique Canada n85-002-X (2019). 

[xxi] Ontario Federation of Indigenous Friendship Centres, « Trauma Informed Schools “Ask me about trauma and I will show you how we are trauma-informed”: A Study on the Shift Toward Trauma-Informed Practices in Schools », OFIFC Research Series, volume 4 (2016), disponible en ligne (pdf) : https://ofifc.org/wpcontent/uploads/2020/03/Trauma-Informed-Schools-Report-2016.pdf  

[xxii] Kanika Samuels-Wortley, « The state of school liaison programs in Canada », Office of the B.C. Human Rights Commissioner(mai 2021) aux pages 9-10, 18-19, disponible en ligne 

(pdf) : https://bchumanrights.ca/wp-content/uploads/Samuels-Wortley_May2021_School-liaisonprograms.pdf, Aaron Kupchik, « Research on the Impact of School Policing » in Police and Pennsylvania’s Schools: What Education Leaders Need To Know (ACLU Pennsylvania, octobre 2019) à la page 8, disponible en ligne (pdf) : 

https://www.aclupa.org/sites/default/files/field_documents/police_and_pennsylvania_schools_report_digit al_10.14.2019.pdf  

[xxiii] Kasari Govender, commissaire de la B.C.’s Office of the Human Rights Commission (3 février 2025), Online (pdf) : https://bchumanrights.ca/wp-content/uploads/BCCODP_Feb2025_Letter-to-BeareBegg-re-SPLOs.pdf   

[xxiv] Kanika Samuels-Wortley, « The state of school liaison programs in Canada », Office of the B.C. Human Rights Commissioner, (mai 2021) à la page 18, disponible en ligne (pdf) : https://bchumanrights.ca/wpcontent/uploads/Samuels-Wortley_May2021_School-liaison-programs.pdf 

[xxv] Ontario Association of Chiefs of Police, Statement: School Resource Officer Programs, (20 juillet 2020), disponible en ligne : https://www.oacp.ca/en/news/statement-school-resource-officer-programs.aspx

[xxvi] Ibid.

[xxvii] Kasari Govender, commissaire de la B.C.’s Office of the Human Rights Commission (3 février 2025), disponible en ligne (pdf) : https://bchumanrights.ca/wp-content/uploads/BCOHRC_Feb2025_Letter-to-BeareBegg-re-SPLOs.pdf. 

[xxviii] Joshua Santos, « Asking for some trust: Police, boards agree officers may return to York Region schools » Newmarket Today (19 septembre 2024), disponible en ligne : https://www.newmarkettoday.ca/police beat/asking-for-some-trust-police-boards-agree-officers-may-return-to-york-region-schools-9545456; Centre for Organizational Effectiveness, « SRO Program Review Elgin, London, Middlesex, Oxford Phase III – Progress Update » (novembre 2023), à la page 4, en ligne (pdf) : https://22.files.edl.io/cfca/09/28/21/183020-1d0e8150-e7c5-48e8-84d8-2a0360279657.pdf; Peel Local Police and School Protocol, (2021), disponible en ligne (pdf) : https://www.peelschools.org/documents/79119436 6e62-465f-be74-7d3e0acde930/Police_and_School_Board_Protocol.pdf. Logical Outcomes, « Review of police presence and programs at the GECDSB » (9 janvier 2023) à la page 45, disponible en ligne (pdf) : https://www.publicboard.ca/en/about-gecdsb/Plans-and Reports/GECDSB_Review_PolicePresencePrograms_Final-AODA-R1.pdf

[xxix] Jessica Owen, « Collingwood pushes boards to re-instate police in schools », Collingwood Today (24 février 2024), disponible en ligne : https://www.collingwoodtoday.ca/local-news/collingwood-pushes-boards-to-reinstate-police-in-schools-8343321.   

[xxx] David Fraser, « Ottawa police assign youth officers to city’s school districts » CBC News (30 janvier 2025), disponible en ligne : https://www.cbc.ca/news/canada/ottawa/ottawa-police-assign-youth-officers-to-city-sschool-districts-1.7445112  

[xxxi] Commission ontarienne des droits de la personne, Racisme envers les Noirs en éducation : recueil de recommandations, en ligne : https://www3.ohrc.on.ca/fr/rapport-sur-ce-que-nous-avons-entendu-tables-rondes-sur-la-lutte-contre-le-racisme-envers-les-noirs 

[xxxii] Kasari Govender, commissaire de la B.C.’s Office of the Human Rights Commission (3 février 2025), disponible en ligne (pdf) : https://bchumanrights.ca/wp-content/uploads/BCOHRC_Feb2025_Letter-to-BeareBegg-re-SPLOs.pdf