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La Directrice en politique, formation, surveillance et sensibilization pour la Commission ontarienne des droits de la personne demande la mise en place d’une stratégie provinciale de lutte contre la haine

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La Directrice en politique, formation, surveillance et sensibilization pour la Commission ontarienne des droits de la personne, Juliette Nicolet, s’est récemment jointe à Radio-Canada - Jonction 11-17 pour une entrevue appelant à une stratégie provinciale de lutte contre la haine, afin de galvaniser et de soutenir l'action publique.

 


 

Radio-Canada: Aujourd’hui, la communauté internationale observe ce qu’on appelle la Journée internationale du vivre-ensemble en paix. Cela dit, la haine est très présente partout, et selon une analyse publiée le mois dernier par Statistique Canada, le Canada a noté une augmentation de 72 % des crimes haineux signalés par la police depuis le début de la pandémie. Ici, dans le Nord, on n’est pas à l’abri. En fait, la police de Sudbury rapportait le mois dernier qu’ils ont fait enquête sur 33 incidents haineux. C’est 10 de plus que l’année précédente et ça augmente chaque année. Alors, à quoi devrait ressembler une action collective contre la haine? On va en parler avec Juliette Nicolet, qui est directrice de Politiques, éducation et sensibilisation à la Commission ontarienne des droits de la personne. Madame Nicolet, bonjour.

Juliette Nicolet: Bonjour.

Radio-Canada: En 2023, quand on parle de haine, de geste haineux, de crime haineux, de quoi on parle exactement?

Juliette Nicolet: Eh bien malheureusement, on parle d’une augmentation des activités haineuses contre des personnes et des groupes fondées sur la couleur, l’ethnicité, la race, les croyances, le sexe et l’orientation sexuelle, entre autres motifs, et on peut constater que depuis 2019 beaucoup de communautés vivent une augmentation des déclarations des crimes motivés par la haine. Vous l’avez déjà noté, à Sudbury, on est passé de 4 déclarations en 2019 à 33 en 2022. Alors c’est une très forte augmentation, qui a un véritable impact sur les populations visées, et aussi sur le climat social dans lequel se déroule la vie quotidienne des gens. Car ce sont nos amis, nos voisins, nos concitoyens qui souffrent de ces actes, et les chiffres sont comparables dans d’autres communautés du Nord.

Radio-Canada: Est-ce qu’il y a des communautés qui sont plus ciblées, qui sont plus victimes de ces gestes haineux?

Juliette Nicolet: Toutes les communautés sont ciblées. Depuis la Covid-19, on parle des communautés asiatiques, mais aussi des communautés religieuses, des communautés noires, des communautés LGBTQ2S. Donc il y a énormément de communautés qui se trouvent dans ce panier, malheureusement, et c’est pour ça aussi qu’il faut bien comprendre que ce sont des actes qui n’ont pas un impact seulement individuel, ou même familial ou communautaire, au niveau des petites communautés, mais qui sont vraiment des actes ou des incidents qui ont des impacts beaucoup plus larges. C’est d’ailleurs pour ça qu’on a appelé pour une stratégie provinciale de lutte contre la haine, bien financée, pour galvaniser et soutenir l’action publique parce que ça affecte tout le monde.

Radio-Canada: Est-ce qu’on comprend pourquoi il y en a plus maintenant, en 2023, qu’il y a 4 ans? J’évoquais la pandémie, mais au-delà de ça, comment expliquer cette montée de la haine? Non seulement de la haine, mais de l’extrême droite partout dans le monde et de gens qui se disent ouvertement fiers d’être fascistes et qui affichent maintenant leur violence sans aucun complexe. Est-ce qu’on comprend pourquoi?

Juliette Nicolet: Je crois qu’il s’agit, on le voit très bien un peu partout, d’une polarisation politique de plus en plus accentuée, disons, et l’effet c’est que les gens n’arrivent plus à se parler, n’arrivent plus à se rencontrer, n’arrivent plus à trouver l’autre dans un certain sens. Et c’est pour ça que c’est très très important d’avoir, non seulement comme point de départ, une stratégie provinciale, mais aussi l’implication des institutions publiques, la société civile, le secteur privé en tant qu’employeur, les hôpitaux, les écoles, les fournisseurs de logements et d’autres services. Tous ont une responsabilité légale en vertu de la législation sur les droits de la personne de veiller à ce que l’environnement soit exempt de discrimination et de harcèlement, qui est le début, dans un certain sens, de l’éventail de la haine… le début, c’est la discrimination et le harcèlement. Et tous doivent contrer ces manifestations de haine.

Radio-Canada: On fait ça comment? Comment on y arrive?

Juliette Nicolet: Eh bien, je crois qu’on fait ça d’abord en élaborant des politiques au niveau des organisations mêmes, et ceci avec le soutien d’une stratégie provinciale évidemment, qui peut encadrer ce travail. Mais aussi il faut des politiques et des actions qui jettent des ponts entre les communautés, qui arrivent à communiquer d’une communauté à l’autre, à créer du dialogue, à créer des échanges, qui peuvent se passer au niveau des organisations, au niveau communautaire, mais aussi qui, après, créent des relations individuelles entre les gens qui ne sont peut-être pas issus de la même communauté, mais qui apprennent à se comprendre.

Radio-Canada: Le souci qu’on a parfois ici avec ce que vous proposez, c’est-à-dire une stratégie concertée provinciale, c’est qu’il y a des particularités dans le Nord. La haine est partout, mais chez nous, il y a certaines réalités différentes, ne serait-ce que les nombreuses communautés autochtones, les Premières Nations sont souvent la cible de cette violence. Dans des plus petites communautés, la nouvelle présence d’immigrants venus d’Afrique est quelque chose qu’on doit gérer, donc il y a un choc pour une population, disons, de souche. Il y a aussi toute l’intolérance envers la diversité sexuelle, qui est peut-être moins grande dans les communautés rurales du Nord. Donc, s’il y a une stratégie provinciale, il faut aussi qu’elle soit adaptée aux réalités du Nord et des francophones.

Juliette Nicolet: Tout à fait, une stratégie provinciale doit pouvoir composer avec les différences communautaires, mais aussi régionales. Communautaire, dans un sens c’est aussi « francophone/anglophone », et régional « Nord/Sud ». Il y a de très grosses différences.

Radio-Canada: Il y en a, oui.

Juliette Nicolet: Il y a de vraies différences et il faut savoir composer avec ça. Et donc une stratégie provinciale se doit d’avoir certains volets qui seront communs, où que ce soit, mais qui pourront être appliqués de façon différenciée selon les besoins de la région et des communautés.

Radio-Canada: Juliette Nicolet, vous êtes directrice de Politiques, éducation et sensibilisation pour la Commission ontarienne des droits de la personne. Grand merci d’avoir réfléchi à cette délicate et douloureuse question avec nous cet après-midi.

Juliette Nicolet: C’est moi qui vous remercie.

Radio-Canada: Vous écoutez Jonction 11-17.