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Lettre à la ministre de la Santé sur les recommandations et le cadre proposé d’élaboration d’un protocole de triage des cas de COVID-19 de la table de bioéthique

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Octobre 30, 2020

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Le 16 octobre 2020, la CODP a écrit à la Ministre de la Santé à propos de la proposition de cadre d’élaboration d’un protocole de triage des cas de COVID-19 en vue de l’affectation des services de soins critiques limités lors de flambées éventuelles majeures de cas de COVID-19. Lire la lettre.

L’honorable Christine Elliott
Ministre de la Santé
College Park
777, rue Bay, 5e étage
Toronto (Ontario) M7A 2J3

Madame,

OBJET : Recommandations et cadre proposé d’élaboration d’un protocole de triage des cas de COVID-19 de la table de bioéthique

Je vous écris aujourd’hui à propos des recommandations de la table de bioéthique sur la COVID-19 et de sa proposition de cadre d’élaboration d’un protocole de triage des cas de COVID-19 en vue de l’affectation des services de soins critiques limités lors de flambées éventuelles majeures de cas de COVID-19.

Mais avant cela, permettez-moi de me présenter. J’ai récemment été nommée commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP). Depuis le début de la pandémie de COVID-19, la CODP réclame l’adoption de mesures de lutte contre la pandémie et de planification de la relance fondées sur les valeurs et principes des droits de la personne, et souligne l’importance de consulter les communautés touchées. Vous vous souviendrez peut-être que mon prédécesseur, la commissaire en chef Renu Mandhane, vous a écrit le 9 avril dernier pour demander d’articuler tout protocole proposé de triage des cas de COVID-19 sur une approche respectueuse des droits de la personne.

La CODP a été heureuse d’apprendre que la table de bioéthique souhaitait obtenir ses commentaires pour assurer l’adoption d’une méthode de résolution des questions de droits de la personne en lien avec la pandémie qui soit à la fois consultative et fondée sur des principes. Nous avons accueilli chaleureusement cette occasion de participer aux discussions relatives au protocole de triage avec les parties prenantes, Santé Ontario et la table de bioéthique, et d’aider à les animer.

Durant ces discussions, les intervenants du domaine des droits de la personne, y compris l'ARCH Disability Law Centre, l’AODA Alliance et l’Association canadienne des individus retraités, ont soulevé de graves préoccupations à propos du fait que les ébauches du protocole circulant en mars et en juillet avaient des répercussions disproportionnées sur les groupes vulnérables et portaient atteinte aux droits de la personne. Dans l’ensemble, la CODP partage les inquiétudes de ces intervenants et d’autres parties prenantes, et appuie les recommandations formulées dans leurs présentations et mémoires à l’intention du gouvernement et de la table de bioéthique.

En septembre, la table de bioéthique a appris aux parties prenantes qu’elle avait soumis des recommandations et une proposition de cadre à votre ministère et à Santé Ontario. La table de bioéthique a également fait parvenir les recommandations et le cadre proposé en toute confidentialité à la CODP. La CODP et les parties prenantes se préoccupent grandement du fait que le ministère n’a pas rendu publics les recommandations et le cadre proposé afin d’obtenir le point de vue de la collectivité. Selon nous, la publication de ce matériel s’avère particulièrement urgente étant donné l’émergence de la « deuxième vague » de COVID-19.

De plus, malgré qu’elle félicite la table de bioéthique d’avoir mené des consultations productives et intégré au cadre proposé bon nombre des recommandations et principes de droits de la personne cernés par les parties prenantes, la CODP conserve certaines inquiétudes dont elle a fait part à la table de bioéthique et à Santé Ontario.

Comme nous savons que les recommandations et le cadre proposé sont maintenant entre les mains du ministère de la Santé, en attente de nouvelles directives, la CODP demande au ministère de la Santé de faire ce qui suit :

  • veiller à ce que le protocole reconnaisse que les droits de la personne font office de principe directeur principal et de loi, conformément à l’article 47 du Code des droits de la personne sur la primauté du Code;
  • veiller à l’établissement d’un fondement législatif du protocole qui prévoit également des mécanismes de gouvernance et de responsabilisation, dont des mécanismes régissant la mise en œuvre du protocole durant une flambée de cas;
  • exclure du cadre l’Échelle de fragilité clinique (EFC) et tout autre facteur ou outil d’évaluation clinique non validé pour l’allocation des ressources en matière de soins critiques; la table de bioéthique reconnaît que l’EFC a été conçue et validée pour aider à établir le plan de traitement et de soutien des patients fragiles, et pas à des fins de triage des patients nécessitant des soins critiques. Utilisée comme outil de triage, l’EFC aurait probablement des répercussions disproportionnées sur les groupes protégés par le Code et pourrait contrevenir au Code, dont ses dispositions relatives à l’obligation d’accommodement des besoins;
  • qualifier la mortalité prévue à court terme de risque prévu de décès durant les premières semaines, et pas douze moins après l’apparition de la maladie; la table de bioéthique reconnaît que le taux de mortalité enregistré entre le sixième et le douzième mois est relativement faible.

Nous sommes également d’accord avec les recommandations suivantes de la table de bioéthique à l’intention du ministère de la Santé et de Santé Ontario :

  • communiquer clairement que les fournisseurs de soins de santé doivent ne pas tenir compte de la version du 28 mars du protocole, et la supprimer;
  • faire circuler le cadre proposé, y compris les facteurs et outils d’évaluation clinique, afin d’obtenir le point de vue de la collectivité et de juristes indépendants;
  • former un groupe multidisciplinaire d’experts comprenant des spécialistes des droits de la personne afin de parfaire ou d’exclure les facteurs et outils inclus au cadre proposé;
  • mobiliser les partenaires du secteur de la santé en vue de leur participation à l’élaboration de lignes directrices relatives à la mise en œuvre du protocole, y compris en ce qui a trait aux activités cliniques, aux communications, à la formation, au soutien aux patients et cliniciens, à la collecte de données et au suivi;
  • inclure des mécanismes de gouvernance et de responsabilisation, y compris en ce qui a trait à la mise en œuvre du protocole, à la collecte de données et au suivi indépendant des conséquences préjudiciables;
  • assurer le maintien d’activités équitables de prévention de la COVID-19, afin d’éliminer le besoin de mettre en œuvre le protocole et d’éviter les répercussions disproportionnées sur les groupes vulnérables;
  • assurer la mobilisation véritable des groupes vulnérables, y compris les communautés autochtones, noires et racialisées, les personnes handicapées, les personnes âgées et d’autres groupes, afin d’obtenir leur point de vue et leur participation tout au long du processus d’achèvement et de mise en œuvre du protocole.

Le protocole de triage des cas de COVID-19 doit obligatoirement tenir compte des besoins, des capacités et des circonstances de l’ensemble des groupes vulnérables. Il s’agit d’une question de vie ou de mort. La CODP demeure disposée à collaborer avec le ministère de la Santé et Santé Ontario, et à soutenir leurs importants travaux à ce chapitre. C’est pourquoi je serais heureuse de vous rencontrer dans les meilleurs délais pour discuter de la suite des choses.

Sachez que la CODP pourrait rendre cette lettre publique dans le cadre du mandat que lui confère l’article 29 du Code des droits de la personne de l’Ontario.

Salutations distinguées,

Ena Chadha, LL.B., LL.M.
Commissaire en chef

c.c. :    Helen Angus, sous-ministre, ministère de la Santé
           Matthew Anderson, président-directeur général, Santé Ontario
           Jennifer Gibson, coprésidente, table de bioéthique sur la COVID-19
           L’hon. Doug Downey, procureur général
           David Corbett, sous-procureur général, ministère du Procureur général
           Commissaires de la CODP