Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur les troubles mentaux et les dépendances

Approuvé par la CODP : le 31 janvier 2014
Date officielle de publication : 18 juin 2014
Disponible en divers formats accessibles

Sommaire

La discrimination, la stigmatisation et l’exclusion sociale auxquelles se heurtent depuis longtemps les personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances sont considérables. Consciente de cette situation, la Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit :

Il est indéniable que, dans notre société, les malades mentaux ont de tout temps souffert de désavantages et de stéréotypes négatifs et que, de façon générale, ils sont victimes de préjugés[1].

En réalité, malgré la prévalence d’attitudes négatives, de préjugés, de stéréotypes, d’ignorance et de malentendus à l’endroit des personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux[2], de nombreuses personnes ont des troubles mentaux ou des dépendances, ou en auront au cours de leur vie. Selon les recherches, près d’un adulte canadien sur cinq se heurtera à une maladie mentale ou à une dépendance au cours de sa vie[3].

Comte tenu des stigmates[4] extrêmes qui entourent certains types de troubles mentaux et de dépendances, de nombreuses personnes peuvent craindre de divulguer qu’elles ont un handicap, de peur d’être étiquetées, de subir les attitudes négatives d’autrui, de perdre leur emploi ou logement, ou encore de faire l’objet de traitements inégaux
en matière de services après avoir fait part d’un problème de santé mentale ou de dépendance. La peur de la discrimination peut aussi empêcher certaines personnes d’obtenir du soutien pour un problème de santé mentale ou de dépendance.

La situation de ces personnes peut être d’autant plus compliquée lorsque la discrimination fondée sur des troubles mentaux ou des dépendances dont elles font l’objet s’ajoute à de la discrimination fondée sur d’autres motifs interdits aux termes du Code, comme la race, le sexe, l’orientation sexuelle, l’âge ou un autre type de handicap. Les personnes aux prises avec des troubles psychosociaux sont également davantage susceptibles d’avoir un faible revenu que le reste de la population, et bon nombre d’entre elles affichent une pauvreté chronique.

En Ontario, le Code des droits de la personne (le Code) protège les personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances contre la discrimination et le harcèlement au motif du « handicap ». Cette protection couvre cinq domaines sociaux :

  • L’obtention de biens et de services, et l’utilisation d’installations. La catégorie « service » est très vaste et peut inclure des services qui appartiennent à des entreprises privées ou à des organismes publics, ou sont administrés par de tels entreprises ou organismes, notamment dans les secteurs de l’assurance, de l’éducation, de la restauration, du maintien de l’ordre, des soins de santé et des centres commerciaux.
  • L’accès au logement. Cela inclut le logement locatif privé, le logement coopératif, le logement social, le logement subventionné et le logement avec services de soutien.
  • La conclusion de contrats. Cela inclut l’offre, l’acceptation, le prix et même le rejet d’un contrat.
  • L’emploi. Cela inclut le travail à temps plein et partiel, le bénévolat, les stages étudiants, les programmes d’emploi spéciaux, le travail avec période d’essai  et le travail temporaire ou à forfait.
  • L’association ou l’appartenance à un syndicat, à une association professionnelle ou autre. Cela s’applique à l’adhésion aux syndicats et à l’inscription aux professions autoréglementées, y compris aux modalités d’adhésion et autres.

Les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances constituent un groupe diversifié, et réagissent de différentes manières à leur handicap et aux obstacles sociétaux connexes. Les handicaps sont souvent « invisibles » et épisodiques, dans la mesure où les gens alternent parfois entre des périodes de bien-être et de maladie. Toutes les personnes handicapées ont le même droit à l’égalité des chances aux termes du Code, que leur handicap soit visible ou non.

Les organisations et institutions qui exercent des activités en Ontario sont tenues par la loi de prendre des mesures pour prévenir et régler les cas de violation du Code. Les employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables doivent veiller à maintenir des milieux accessibles et inclusifs qui respectent les droits de la personne et sont libres de discrimination et de harcèlement.

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) est un organisme autonome constitué par une loi. Sa mission est de promouvoir, de protéger et de faire progresser les droits de la personne dans toute la province, tel qu’établi dans le Code. Pour y parvenir, la CODP cerne et surveille les tendances systémiques en matière de droits de la personne, élabore des politiques, sensibilise le public, effectue des recherches, mène des enquêtes d’intérêt public et utilise ses pouvoirs légaux pour mettre en place des solutions touchant les droits de la personne qui sont dans l’intérêt du public.

La CODP élabore des politiques qui traduisent son interprétation du Code et fournissent des normes, des lignes directrices et des pratiques exemplaires indiquant comment les particuliers, les fournisseurs de services, les fournisseurs de logements, les employeurs et les autres doivent agir pour assurer l’égalité de tous les Ontariennes et Ontariens. La Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur les troubles mentaux et les dépendances de la CODP offre des renseignements pratiques sur les droits et obligations que prévoit le Code relativement aux problèmes de santé mentale et de dépendance. La politique porte notamment sur les questions suivantes :

  • les droits de la personne aux termes du Code, particulièrement dans les domaines de l’emploi, du logement locatif et de l’obtention de services
  • le droit de vivre à l’abri de représailles (revanche) pour avoir exercer ses droits au sens du Code
  • les différentes formes de discrimination (p. ex. profilage relatif à la santé mentale, harcèlement, maintien d’un environnement empoisonné, discrimination systémique)
  • les principes qui sous-tendent l’obligation d’accommodement (le respect de la dignité, l’individualité, l’intégration et la pleine participation)
  • la façon dont l’obligation d’accommodement s’applique aux besoins des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances
  • les devoirs et responsabilités liés au processus d’accommodement (p. ex. devoir de se renseigner sur les besoins en matière d’accommodement, renseignements médicaux à fournir, confidentialité, traitement)
  • les aspects à prendre en compte au moment de déterminer si les critères relatifs au préjudice injustifié ont été remplis (coût, sources extérieures de financement, questions de santé et de sécurité)
  • les autres limites possibles à l’obligation d’accommodement
  • le règlement des situations de droits contradictoires mettant en scène le droit des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance de vivre à l’abri de discrimination
  • le droit de vivre à l’abri de discrimination dans le cadre de programmes destinés aux personnes ayant des handicaps psychosociaux
  • les questions de capacité et de consentement dans le contexte des droits de la personne aux termes du Code
  • les responsabilités des organisations sur le plan de la prévention et de l’élimination de la discrimination, et la façon de créer des environnements inclusifs et libres de discrimination.

Il incombe aux employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables visées par le Code de maintenir un environnement libre de discrimination et de harcèlement. Il n’est pas acceptable de choisir de fermer les yeux sur les situations de discrimination ou de harcèlement à l’endroit d’une personne aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances, qu’une plainte pour violation des droits de la personne ait été déposée ou non.

La Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur les troubles mentaux et les dépendances de la CODP a pour but de fournir des renseignements clairs et faciles à comprendre sur la façon d’évaluer, d’aborder et de résoudre les questions de droits de la personne en lien avec la santé mentale, les dépendances, ou les deux. La société dans son ensemble bénéficie des mesures prises pour faire en sorte que les personnes ayant des troubles mentaux et de dépendances aient les mêmes chances de participer à toutes les dimensions de la vie communautaire.


[1] R. c. Swain, [1991] R.C.S. 933, au par. 994. La Cour Suprême du Canada émet le même argument dans Battlefords and District Co-operative Ltd. c. Gibbs, [1996] 3 R.C.S. 566, qui reconnaît « le désavantage particulier dont les handicapés mentaux ont de tout temps été victimes » (au par. 31).

[2] Le terme « handicap psychosocial » fait référence à la fois à l’existence de problèmes de santé mentale et de dépendance. Le World Network of Users and Survivors of Psychiatry (WNUSP) a adopté ce terme pour se distancier d’un modèle de pathologie individuelle, en soulignant que : « La composante psychologique fait référence à des façons de penser et de traiter nos expériences et notre perception du monde qui nous entoure. La composante sociale et culturelle fait référence aux limites sociales et culturelles du comportement qui interagissent avec les différences psychologiques ou la folie, ainsi qu’à la stigmatisation que la société associe à l’étiquette de personnes handicapées. » World Network of Users and Survivors of Psychiatry, Implementation Manual for the United Nations Convention for the Rights of Persons with Disabilities, février 2008. Accessible en ligne : www.un.org/disabilities/documents/COP/WNUSP%20CRDPH%20Manual.doc, à 9 (Consulté : 7 janvier 2014).

[3] Offord DR et coll. « One-year prevalence of psychiatric disorder in Ontarians 15 to 64 years of age », Can J Psychiatry, vol. 41, 1996, p. 559-563.

[4] Une personne fait l’objet de stigmatisation lorsqu’elle « possède un attribut qui fait ressortir sa différence et mène à sa dévalorisation aux yeux d’autrui » (voir Brenda Major et Laurie T. O’Brien, « The social psychology of stigma », Annu. Rev. Psychol., vol. 56, 2005, p. 393-421, à 395. Cette stigmatisation repose sur l’idée que la personne affiche une « déviance » par rapport à la « norme » sociétale (voir Schur, Edwin M. Labelling Deviant Behaviour: Its sociological implications, New York, Harper & Row Publishers, 1971, tel que cité dans Centre de toxicomanie et de santé mentale, The Stigma of Substance Abuse: A Review of the Literature, le18 août 1999. Accessible en ligne à l’adresse : www.camh.ca/en/education/Documents/www.camh.net/education/Resources_communities_organizations/stigma_subabuse_litreview99.pdf. Voir aussi G. Scrambler, « Stigma and disease: changing paradigms », Lancet, vol. 352, no 9133, 1988, p. 1054-1055; Link, B.G. et Phelan, J.C. « Conceptualizing stigma »,  Annual Review of Sociology, vol. 27, 2007, p. 363-385; Corrigan P.W. et Penn D.L. « Lessons from social psychology on discrediting psychiatric stigma », American Psychologist, vol. 54, no 9, 1999, p. 765-776; Julio Arboleda-Florez. « Considerations on the Stigma of Mental Illness », The Canadian Journal of Psychiatry, novembre 2003, à 3; Liz Sayce. « Stigma, discrimination and social exclusion: What’s in a word », Journal of Mental Health, vol. 7, no 4, 1998, p. 331-343; Neasa Martin et Valerie Johnston. A Time for Action: Tackling Stigma and Discrimination: Report to the Mental Health Commission of Canada, Ottawa, Commission de la santé mentale du Canada, 2007.

 

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Imprimé: 978-1-4606-4115-6 | HTML: 978-1-4606-4116-3 | PDF: 978-1-4606-4117-0
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1. Introduction

De 2009 à 2011, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a mené des consultations sur sa stratégie de santé mentale auprès de plus de 1 500 parties concernées, y compris environ 1 000 personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances, ainsi que des employeurs, des fournisseurs de services, des fournisseurs de logements, ainsi que des membres des familles et des défenseurs des droits et intérêts des personnes touchées. Le document Parce qu’on importe! Rapport de la consultation sur les droits de la personne, les troubles mentaux et les dépendances donne un aperçu de ce que la CODP a entendu dans le cadre de ce processus[5]. Pour élaborer la présente politique, la CODP s’est fiée en grande partie aux précieuses informations reçues dans le cadre de ses consultations.

Au Canada et ailleurs dans le monde, les personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances se heurtent depuis toujours à un degré considérable de discrimination, de stigmatisation et d’exclusion sociale. Les personnes aux prises avec des troubles mentaux, comme la dépression, les troubles bipolaires et la schizophrénie, ou une dépendance à l’alcool ou aux autres drogues doivent souvent composer avec de l’ignorance, de la peur et un manque de compréhension. Les recherches, politiques publiques et décisions en matière de droits de la personne font largement état de la stigmatisation que cela entraîne. Par exemple, la Cour suprême du Canada a affirmé ce qui suit :

Il est indéniable que, dans notre société, les malades mentaux ont de tout temps souffert de désavantages et de stéréotypes négatifs et que, de façon générale, ils sont victimes de préjugés[6].

La stigmatisation des troubles mentaux et des dépendances est courante au sein de la société canadienne. Selon un sondage d’opinion publique mené par l’Association médicale canadienne, une Canadienne ou un Canadien sur quatre (27 %) rapporte craindre de côtoyer une personne ayant une maladie mentale grave[7]. D’autres recherches démontrent que la stigmatisation se répercute sur les personnes ayant des troubles mentaux de plusieurs façons. Par exemple, ces personnes pourraient éviter de faire part de leur handicap de peur d’être vues d’un mauvais œil ou jugées incompétentes[8].

En réalité, malgré la prévalence d’attitudes négatives, de préjugés, de stéréotypes, d’ignorance et de malentendus à l’endroit des personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux [9], de nombreuses personnes ont des troubles mentaux ou des dépendances, ou en auront au cours de leur vie. Selon les recherches, près d’un adulte canadien sur cinq se heurte à une maladie mentale ou à une dépendance[10].

Chez beaucoup de personnes, ces handicaps sont épisodiques, c’est-à-dire qu’ils peuvent fluctuer et comprendre à la fois des périodes de bien-être et de maladie, d’intensité variable[11]. Les périodes de bien-être et de maladie peuvent être imprévisibles. Elles peuvent être de courte ou de longue durée à différents moments de la vie. Beaucoup de troubles mentaux ou de dépendances sont qualifiés d’« invisibles » ou de « cachés » parce que leur présence n’apparaît pas toujours comme une évidence. Leur niveau de gravité peut aller de léger à grave. Les personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances graves peuvent traîner un lourd handicap et se heurter à de nombreux obstacles sociaux à la pleine participation, comparativement aux personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances moins graves.

Pour comprendre le contexte actuel de discrimination, de préjugé ou d’exclusion auquel se heurtent les personnes ayant des handicaps psychosociaux, il importe d’examiner  notre passé canadien. Bon nombre des obstacles qu’érigent les lois, politiques, pratiques et attitudes actuelles constituent des vestiges d’époques distantes et récentes, où l’on tendait à considérer les personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances comme des sous-humains de moindre valeur ou, de façon paternaliste, comme des personnes nécessitant que l’on décide en leur nom[12]. Ces attitudes, qui dévalorisent et limitent le potentiel des personnes handicapées, reposent sur un système de croyances appelé « capacitisme »[13]. Les attitudes négatives et traitements préjudiciables que réservait par le passé la société canadienne aux personnes ayant des handicaps psychosociaux pourraient expliquer en partie pourquoi notre société moderne se retrouve si peu outillée pour composer avec bon nombre des enjeux auxquels continuent de se heurter ces communautés[14].

Le Code des droits de la personne de l’Ontario (Code) protège les personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances contre la discrimination et le harcèlement au motif du « handicap ». Le Code fait en sorte que la politique publique de l’Ontario reconnaisse la dignité inhérente et la valeur de tous et assure à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination.

Le préambule du Code insiste sur l’importance d’établir un climat de compréhension et de respect mutuel à l’égard de la dignité et de la valeur de toute personne, afin que chaque personne puisse contribuer pleinement à l’avancement et au bien-être de la collectivité.

Malgré un diagnostic de trouble mental, certaines personnes peuvent ne pas considérer qu’elles sont en « mauvaise santé » ou « handicapées ». Cela n’empêche pas qu’elles puissent faire l’objet de discrimination fondée sur le handicap. Même les troubles mentaux dont les manifestations sont « mineures » et non permanentes pourraient faire intervenir des mesures de protection aux termes des lois sur les droits de la personne[15]. Quelle que soit la nature du handicap, toutes les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances ont les mêmes droits de vivre à l’abri de la discrimination aux termes du Code.

Les principes de droits de la personne que sont la dignité et l’autonomie, l’individualité, le respect des différences et la pleine participation sont des aspects fondamentaux de la promotion des droits des personnes qui ont des handicaps psychosociaux. En fin de compte, la dignité et le respect sont liés à l’autodétermination, c’est-à-dire à la capacité des gens d’exercer un contrôle élémentaire sur leur propre vie. Dans le cadre de la consultation de la CODP sur la santé mentale, des participants ont expliqué que la perte d’autodétermination, d’autonomie et de dignité découlant de la discrimination fondée sur des handicaps psychosociaux a un effet profond et considérable sur la vie des gens et peut nuire à leur pleine participation à la vie de la province.


[5] Commission ontarienne des droits de la personne, Parce qu’on importe! Rapport de la consultation sur les droits de la personne, les troubles mentaux et les dépendances, 2012. Accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/sites/default/files/minds%20that%20matter_report%20on%20the%20consultation%20on%20human%20rights%20mental%20health%20and%20addictions.pdf

[6] Supra, note 1.

[7] Association médicale canadienne. 8e Bulletin national annuel sur la santé, août 2008, à la page 27. Accessible en ligne à l’adresse : www.cma.ca/multimedia/CMA/Content_Images/Inside_cma/
Annual_Meeting/2008/GC_Bulletin/National_Report_Card_FR.pdf

[8] Ashley Oleniuk, C. Randy Duncan et Raymond Tempier. « The Impact of Stigma of Mental Illness in a Canadian Community: A Survey of Patients Experiences », Community Mental Health Journal, vol. 49, 2013, p. 131.

[9] Supra, note 2.

[10] Offord DR et coll., supra, note 3.

[11] Groupe de travail canadien sur le VIH et la réinsertion sociale. Qu’est-ce que le Réseau sur les maladies épisodiques? Accessible en ligne à l’adresse : www.hivandrehab.ca/FR/ressources/description_invalidites_episodique.php
(Consulté : 25 septembre 2012).

[12] Gerald B. Robertson, « Mental Disability and Canadian Law », Health L. Rev. 23.

[13] Voir la section sur le capacitisme, les attitudes négatives, les stéréotypes et la stigmatisation pour obtenir davantage de renseignements sur le capacitisme et son effet sur les personnes aux prises avec des troubles psychiques.

[14] Voir l’Annexe A pour obtenir un aperçu du contexte historique de la discrimination à l’endroit des personnes ayant des troubles psychosociaux.

[15] Mellon c. Développement des ressources humaines Canada, 2006 TCDP 3, au par. 88 (CanLII).

 

2. Objet de la politique

Les travaux précédents menés par la CODP sur le handicap ont abordé la question de la discrimination à l’endroit des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances, ou une combinaison des deux. La politique de la CODP sur le handicap (Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement)[16] reconnaît que les personnes qui ont des troubles mentaux se heurtent à un degré élevé de stigmatisation et à des obstacles considérables en milieu de travail. La présente politique s’appuie sur les principes des politiques de la CODP, dont sa politique sur le handicap, et les applique aux situations mettant en scène des personnes ayant des problèmes de santé mentale, des dépendances ou une combinaison des deux[17].

Les participants à la consultation sur la santé mentale de la CODP ont fait part du fait que les personnes ayant des handicaps psychosociaux se heurtent à de nombreux obstacles qui nuisent à leur égalité des chances et à leur traitement équitable en matière de logement locatif, d’emploi et d’obtention de nombreux différents types de services. D’après ce qu’a entendu la CODP, les personnes ayant des handicaps psychosociaux ont besoin de conseils pratiques pour comprendre leurs droits, tandis que les organisations ont besoin de conseils pratiques pour comprendre comment assumer leurs responsabilités et respecter les droits de la personne aux termes du Code.

La CODP s’est inspirée des commentaires reçus pour élaborer cette politique et fournir des renseignements additionnels aux grand public, employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services, gouvernements et autres sur :

  • les droits de la personne que prévoit le Code en matière d’emploi, de logement locatif et d’obtention de services
  • la façon dont l’obligation d’accommodement s’applique aux besoins individuels des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances
  • le règlement des situations de droits contradictoires mettant en scène le droit des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou des dépendances de vivre à l’abri de discrimination
  • le droit de vivre à l’abri de discrimination dans le cadre des programmes destinés aux personnes ayant des handicaps psychosociaux
  • les questions de capacité et de consentement dans le contexte des droits des personnes aux termes du Code
  • les responsabilités des organisations sur le plan de la prévention et de l’élimination de la discrimination, et la façon de créer des environnements inclusifs et libres de discrimination.

En matière de handicap, la CODP a choisi de se concentrer sur les troubles mentaux et les dépendances en raison des enjeux particuliers auxquels se heurtent les personnes qui ont ce genre de handicaps. Par exemple, la perception que véhicule la société à l’égard du risque que ces personnes présentent ou de leur responsabilité envers leur handicap donne lieu à des stéréotypes spécifiques[18]. Les personnes qui ont des difficultés en matière de capacité décisionnelle ou pourraient nécessiter une hospitalisation en milieu psychiatrique sont également soumises à des lois particulières pouvant restreindre leurs droits et libertés. De plus, un nombre disproportionné de personnes ayant des handicaps psychosociaux ont aussi un faible revenu[19]. En raison de tous ces facteurs et d’autres encore, les personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances pourraient composer avec des désavantages sociaux uniques et des obstacles considérables en matière de logement, d’emploi et de services.

En même temps, l’information fournie dans la présente politique peut également s’appliquer à la discrimination fondée sur d’autres types de handicaps (dont les troubles d’apprentissage, troubles cognitifs, déficiences intellectuelles et déficiences sensorielles), et s’avérer utile dans le cas d’intersection de troubles mentaux/dépendances et d’autres motifs de discrimination interdits aux termes du Code (comme le sexe, la race et l’identité sexuelle)[20].

L’article 30 du Code autorise la CODP à préparer, approuver et publier des politiques sur les droits de la personne pour fournir des directives quant à l’application des dispositions du Code. Les politiques et lignes directrices de la CODP établissent des normes décrivant comment les particuliers, les employeurs, les fournisseurs de services et les décideurs doivent agir pour se conformer au Code. Elles revêtent de l’importance, car elles représentent la façon dont la CODP interprète le Code au moment de leur publication[21]. Elles favorisent également une compréhension évolutive des droits énoncés dans le Code.

L’article 45.5 du Code stipule que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) peut tenir compte des politiques approuvées par la CODP dans une instance devant lui. Lorsqu’une partie ou un intervenant à une instance en fait la demande, le Tribunal doit tenir compte de la politique de la CODP citée. Les parties à une requête devant le TDPO et les autres intervenants dans l’affaire sont encouragés à porter toute politique pertinente de la CODP à l’attention du TDPO pour qu’il en tienne compte.

L’article 45.6 du Code prévoit que si le TDPO rend une décision ou une ordonnance définitive non conforme à une politique de la CODP dans le cadre d’une instance dans laquelle la Commission était une partie ou un intervenant, la Commission peut présenter une requête au TDPO afin que celui-ci soumette un exposé de cause à la Cour divisionnaire.

Les politiques de la CODP sont assujetties aux décisions des cours supérieures qui interprètent le Code. Les politiques de la Commission sont prises très au sérieux par les tribunaux judiciaires et le TDPO[22]. Elles sont appliquées aux faits en cause devant le tribunal et les tribunaux judiciaires, et citées dans les décisions de ces tribunaux[23].


[16] Commission ontarienne des droits de la personne. Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement. Accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-concernant-le-handicap-et-lobligation-daccommodement.

[17] Cette politique n’aborde pas directement les questions portant sur le dépistage de l’alcool et des autres drogues. Pour obtenir des renseignements sur les questions de droits de la personne relatives au dépistage de l’alcool et des autres drogues, voir Commission ontarienne des droits de la personne, Politique sur les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool. Accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-les-tests-de-d%C3%A9pistage-de-la-consommation-de-drogues-et-d%E2%80%99alcool.

[18] Lors d’un sondage mené en 2008 auprès de plus de 1 000 Canadiennes et Canadiens par la firme Ipsos Reid, près de la moitié (46 %) des personnes sondées étaient d’avis que le terme « maladie mentale » était utilisé pour excuser des mauvais comportements. Voir Association médicale canadienne, 8e Bulletin national annuel sur la santé, 2008, supra, note 7, à 4; The Stigma of Substance Abuse: A Review of the Literaturesupra, note 4; Association canadienne pour la santé mentale – Ontario, Violence and Mental Health: Unpacking a Complex Issue: A Discussion Paper, septembre 2011. Accessible en ligne à l’adresse : www.ontario.cmha.ca/backgrounders.asp?cID=1081747.

[19] Des données de Statistique Canada tirées de l'Enquête sur la participation et les limitations d'activités de 2006 (EPLA) indiquent qu'en Ontario, 26,8 % des personnes rapportant avoir un handicap « affectif » ont un faible revenu comparativement aux personnes aux prises avec d’autres types de handicaps (10,0 %). « Handicap affectif » fait référence aux troubles émotifs, psychologiques ou psychiatriques qui ont duré six mois ou plus ou devraient durer six mois ou plus. Ceci inclut les phobies, la dépression, la schizophrénie, les problèmes d’alcool et de drogues, et autres. Statistique Canada définit ainsi le faible revenu : « familles économiques à faible revenu ou personnes seules à faible revenu (après impôt) ». L’enquête est accessible en ligne à l’adresse : www5.statcan.gc.ca/olc-cel/olc.action?ObjId=89-628-X&ObjType=2&lang=fr&limit=0.

[20] Voir la section sur l’intersection des motifs pour plus de détails.

[21] Veuillez noter que les documents ne reflètent pas l’évolution de la jurisprudence, les modifications législatives et les changements de position de la CODP survenus après leur parution. Pour plus d’information, communiquez avec la CODP.

[22] Dans Quesnel v. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474, au par. 53 (Ont. Bd. Inq.), le tribunal a appliqué la décision de la Cour suprême des États-Unis dans Griggs v. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971) et conclu qu’on devrait « prendre très au sérieux » les déclarations de principes de la CODP si elles sont conformes aux valeurs du Code et sont élaborées d’une façon qui correspond à l’historique du Code sur le plan législatif. Cette dernière exigence a été interprétée comme signifiant qu'un processus de consultation publique doit faire partie intégrante du processus d'élaboration des politiques.

[23] Par exemple, la Cour de justice supérieure de l'Ontario a cité in extenso des extraits des travaux publiés de la CODP dans le domaine de la retraite obligatoire et déclaré que les efforts de la CODP avaient « profondément modifié » l'attitude à l’égard de la retraite obligatoire en Ontario. Les travaux de la CODP sur la retraite obligatoire ont sensibilisé le public à cette question et ont, en partie, abouti à la décision du gouvernement de l'Ontario d'adopter une loi modifiant le Code pour interdire la discrimination fondée sur l'âge en matière d'emploi après l'âge de 65 ans, sous réserve de certaines exceptions. Cette modification, qui est entrée en vigueur en décembre 2006, a rendu illégales les politiques sur la retraite obligatoire pour la plupart des employeurs en Ontario : Assn. of Justices of the Peace of Ontario v. Ontario (Attorney General) (2008), 92 O.R. (3d) 16, au par. 45 (Sup.Ct.). Voir aussi Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010 TDPO 1361 (CanLII) et Eagleson Co-Operative Homes, Inc. v. Théberge, [2006] O.J. No. 4584 (Sup.Ct. (Div.Ct.)) dans lesquelles le TDPO et la cour ont appliqué le document Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement de la CODP, supra, note 16.

 

3. Remarque à propos des termes employés

Cerner la meilleure façon de décrire les personnes comporte des défis inhérents. En raison de la variété d’approches adoptées pour définir un problème de santé mentale ou une dépendance, les personnes touchées peuvent se définir de nombreuses façons. Les termes utilisés pour définir les groupes et les personnes aux prises avec des handicaps évoluent en fonction du climat politique et social et de ce que la société juge approprié. Les termes servant à décrire les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances peuvent refléter des points de vue, des stéréotypes négatifs sous-jacents et une inégalité persistante, ou ils peuvent favoriser l’acceptation, l’inclusion et le respect des droits de la personne. 

Durant la consultation de la CODP sur la santé mentale, les participants ont indiqué que tout terme utilisé pour décrire des personnes ayant des handicaps psychosociaux devrait :

  • tenir compte des instruments provinciaux, nationaux et internationaux protégeant les droits des personnes handicapées
  • se conformer aux termes employés au sein du mouvement des usagers/survivants
  • traduire une approche sociale plutôt que médicale du handicap
  • mettre en valeur la santé (au lieu d’insister sur l’incapacité)
  • susciter l’approbation des personnes qui pourraient chercher, ou non, à se faire traiter.

Il est donc toujours préférable de laisser aux personnes elles-mêmes le soin de choisir les mots utilisés pour les définir. Les termes choisis devraient faire référence à la personne avant son handicap. Il faut éviter d’employer des termes clairement jugés inappropriés ou auxquels s’opposent les personnes visées. Parmi les termes généralement jugés appropriés d’un point de vue des droits de la personne figurent :

  • trouble psychique
  • trouble de santé mentale
  • trouble mental[24]
  • usager/survivant[25]
  • problème de santé mentale
  • handicaps psychosociaux (pour parler à la fois de troubles mentaux et de dépendances)
  • surconsommation d’alcool ou de drogues
  • dépendance à l’alcool ou aux drogues
  • problème de dépendance.

La présente politique emploiera ces termes pour parler des gens.


[24] La CODP utilise ce terme pour parler des personnes ayant des troubles mentaux et non des handicaps intellectuels. Dans certains contextes de droits de la personne, ce terme est utilisé pour parler des membres de ces deux groupes de personnes.

[25] « Usager/survivant » est « un terme employé par certaines personnes qui ont un problème de santé mentale, qui ont déjà fait appel à des services ou programmes de santé mentale, ou les deux. D’autres encore se considèrent comme des survivants du système de santé mentale ». Voir : www.google.ca/#q=consumer%2Fsurvivor%2C+definition.

 

4. Reconnaître les troubles mentaux et les dépendances

4.1 Troubles mentaux

La définition des handicaps est un travail complexe qui ne cesse d’évoluer[26]. Le paragraphe 10(1) du Code offre une définition générale du handicap, qui couvre les troubles mentaux à l’alinéa b) un « état d’affaiblissement mental »  et d) un « trouble mental ». Le Code s’applique aussi aux handicaps passés ou perçus. Le Code ne dresse cependant pas la liste de toutes les conditions qui pourraient être considérées comme un handicap. Un principe juridique lié aux droits de la personne veut que le Code reçoive une interprétation libérale, contextuelle et fondée sur l’objectif global visé, soit éliminer la discrimination. Par conséquent, la CODP adopte une approche souple et large de définition des troubles psychiques et des dépendances qui sont protégés aux termes du Code.

Il n’est pas possible ni approprié d’inclure à la présente politique une liste exhaustive des troubles mentaux ou dépendances constituant des handicaps. Beaucoup d’incapacités ont été reconnues comme des handicaps aux termes du Code, y compris l’anxiété, les crises de panique, la dépression, la schizophrénie, ainsi que la dépendance à l’alcool et aux drogues illicites. La législation relative aux droits de la personne évolue constamment et certaines affections, caractéristiques ou expériences, dont la reconnaissance en tant que handicap est actuellement matière à débat, pourraient être couramment qualifiées de handicaps à l’avenir en raison de modification de la loi pour refléter les progrès médicaux, sociaux ou idéologiques.

La Convention relative aux droits des personnes handicapées des Nations Unies (CRDPH) reconnaît que « la notion de handicap évolue et que le handicap résulte de l’interaction entre des personnes présentant des incapacités et les barrières comportementales et environnementales qui font obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l’égalité avec les autres »[27]. La définition inclut notamment les personnes qui ont un « affaiblissement mental »[28].

Souvent qualifiée d’« approche sociale », cette façon d’entrevoir le handicap se reflète dans les décisions de la Cour suprême du Canada. Dans le cadre d’une cause historique de droits de la personne, la Cour s’est inspirée d’un cadre juridique fondé sur la notion d’égalité, qui tient compte de l’évolution de facteurs biomédicaux, sociaux et technologiques, et met l’accent sur la dignité humaine, le respect et le droit à l’égalité. La Cour suprême a indiqué clairement que la notion de handicap doit être interprétée de manière à inclure son aspect subjectif, étant donné que la discrimination peut être basée autant sur des présomptions, des mythes et des stéréotypes que sur l’existence de limites fonctionnelles réelles. Selon la Cour :

[U]n « handicap » peut résulter aussi bien d’une limitation physique que d’une affection, d’une construction sociale, d’une perception de limitation ou d’une combinaison de tous ces facteurs. C’est l’effet de l’ensemble de ces circonstances qui détermine si l’individu est ou non affecté d’un « handicap » pour les fins de la Charte[29].

On devrait mettre l’accent sur les effets de la distinction, de la préférence ou de l’exclusion subie par la personne, et non sur la démonstration d’atteintes physiques ou mentales, de la présence d’affection, ou de la cause ou l’origine du handicap.

Les handicaps peuvent être temporaires, sporadiques ou permanents[30]. Dans bien des cas, ils ne sont pas visibles à l’observateur moyen. Les handicaps peuvent être le résultat d’incapacités physiques ou mentales, ou d’atteintes qui découlent d’incapacités limitant certaines aptitudes à la vie quotidienne. D’un point de vue fonctionnel ou médical, par exemple, les troubles mentaux et dépendances peuvent être qualifiés d’« altérations de la pensée, de l’humeur ou du comportement (ou une combinaison des trois) associées à un état de détresse et à un dysfonctionnement marqués »[31]. Cependant, le fait d’obtenir un diagnostic médical ou d’avoir une incapacité ne signifie pas qu’une personne a des limitations[32].

La notion de handicap est aussi une construction sociale[33]. Les attitudes de la société et de ses membres contribuent souvent à l’idée qu’on se fait des troubles mentaux et des dépendances. Des personnes peuvent être traitées comme si elles étaient handicapées en raison de la perception d’une incapacité ou de limites. Certains handicaps sont également le résultat des obstacles que dresse la société, comme les attitudes stéréotypées et la stigmatisation, ou encore les désavantages sociaux, économiques ou culturels qui découlent de la discrimination et de l’exclusion[34].  

Exemple : Un tribunal de droits de la personne a déterminé qu’une personne ayant des handicaps physiques multiples avait fait l’objet de discrimination lorsqu’on a refusé de lui louer un logement au rez-de-chaussée qui aurait tenu compte de ses besoins. Son handicap physique l’empêchait d’assurer le nettoyage et le maintien de son logement. Attribuant cela à des problèmes de santé mentale, son propriétaire croyait que l’immeuble ne lui convenait pas en raison de son handicap physique et de problèmes perçus de santé mentale. Il pensait qu’elle devrait plutôt vivre dans un foyer de soins de longue durée. Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a rejeté cette hypothèse et déclaré que le locateur avait attribué à la femme un handicap « de construction sociale »[35].

Les incapacités peuvent entraîner des troubles psychiques ou des dépendances lorsqu’elles sont jumelées à des obstacles environnementaux qui prennent la forme d’attitudes, d’information inaccessible, de manque de communication ou autre, et limitent la pleine participation à la société.

Exemple : Une personne itinérante qui a un problème de santé mentale grave fait une demande de logement avec services de soutien et se rend à une séance d’évaluation. Le formulaire de demande est très long et technique. En raison de facteurs liés à son handicap et à sa situation sociale, la personne a de la difficulté à comprendre un grand nombre de questions, auxquelles elle ne peut répondre. Au lieu de l’aider à répondre aux questions, le locateur rejette sa demande de logement. Dans ce cas, les obstacles à la communication et le manque d’accommodement ont contribué à l’expérience de la personne handicapée relativement au handicap.

Au moment de tenter de cerner le handicap d’une personne à des fins d’application du Code, les organisations et décideurs du secteur des droits de la personne devraient prendre en compte la manière dont les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances définissent de façon subjective leurs propres expériences et besoins connexes[36]En même temps, un décideur en matière de droits de la personne peut déterminer qu’il est raisonnable pour un employeur, un fournisseur de services ou un fournisseur de logements devant déterminer si les droits d’une personne aux termes du Code ont été bafoués, de chercher à obtenir des renseignements objectifs sur le handicap et les besoins connexes de cette personne. Cela pourrait inclure des renseignements sur le handicap et les atteintes, provenant d’une tierce partie, comme un professionnel médical.

4.2 Dépendances

La dépendance à l’alcool et aux autres drogues constitue un handicap aux termes du Code[37]Il y a souvent des chevauchements considérables entre les problèmes de santé mentale et de dépendances, et de nombreuses personnes composent avec les deux à la fois[38]. Les personnes aux prises avec des dépendances ont le même droit de vivre à l’abri de la discrimination que les autres personnes protégées aux termes du Code.

Les personnes aux prises avec des dépendances peuvent faire face à des formes de marginalisation et de désavantage particulières. Cela peut être dû à une stigmatisation extrême, à un manque de compréhension de la part de la société, à des stéréotypes et à la criminalisation des dépendances, lorsqu’elles font intervenir des drogues illégales. La Cour d’appel de l’Ontario adhère au point de vue selon lequel :

La dépendance est un handicap qui s’accompagne d’une importante stigmatisation sociale, laquelle peut être accrue si la personne touchée fait également partie d’un autre groupe stigmatisé, comme les bénéficiaires de l’aide sociale[39].

D’un point de vue médical, on peut définir la dépendance de la façon suivante :

Maladie primaire chronique, caractérisée par une perte de contrôle sur le recours à des substances psychoactives et sur le comportement. Sur le plan clinique, les manifestations touchent les aspects biologiques, psychologiques, sociologiques et spirituels. Les éléments centraux sont des changements d’humeur, le soulagement d’émotions négatives, la recherche du plaisir, une préoccupation liée à l’emploi de la ou des substances ou à des comportements ritualistes, et un usage continu de la ou des substances ou la perpétuation du ou des comportements en dépit de conséquences néfastes du point de vue physique, psychologique et social. Comme d’autres maladies chroniques, la toxicomanie peut être évolutive, récurrente et fatale[40].

Il est reconnu que les dépendances à l’alcool et aux drogues constituent des handicaps aux termes des lois sur les droits de la personne[41]. La consommation occasionnelle (récréative) de drogues n’est pas qualifiée de handicap à moins que la personne ne fasse l’objet de traitement préjudiciable parce qu’elle est perçue comme une personne ayant une dépendance[42].

Certains comportements compulsifs ne sont pas reconnus à l’unanimité comme des « handicaps » protégés aux termes de la législation relative aux droits de la personne, ou sont rarement abordés dans la jurisprudence (par exemple, la dépendance à la nicotine et le jeu compulsif[43]). Les pierres d’achoppement ont trait au fait de savoir si ces dépendances peuvent être volontairement surmontées ou si elles mènent au stéréotypage ou à des désavantages sociaux[44]. Beaucoup de discussions portent également sur les meilleures mesures à prendre pour tenir compte de certaines dépendances, surtout quand le fait de soulager le besoin entraîne des risques de méfaits pour la personne ou autrui[45].


[26] Les problèmes de santé mentale et de dépendances sont définis de façon différente selon l’expérience subjective de la personne, la loi, le programme ou le service, le contexte historique, politique ou social, et le modèle théorique employé.

[27] Tiré du Préambule de la  Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées, 2006, 13 décembre 2006, R.T.N.U. vol. 2515, p. 3 [CRDPH] (entrée en vigueur le 3 mai 2008, accession par le Canada le 11 mars 2010). Accessible en ligne à l’adresse : https://treaties.un.org/doc/source/RecentTexts/IV_15_french.pdf

[28] Voir l’Article 1 de la CRDPH, idem

[29] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 RCS 665, au par. 79 [« Mercier »].

[30] Dans Wali v. Jace Holdings Ltd., 2012 BCHRT 389 (CanLII), le tribunal a indiqué au par. 82 : « Il n’est pas nécessaire qu’un handicap soit permanent pour être protégé aux termes du Code. La protection du code s’étend aussi aux personnes aux prises avec des affections qui créent une incapacité temporaire Goode v. Interior Health Authority, 2010 BCHRT 95 (CanLII). La question de savoir si une affection temporaire constitue un handicap dépend des faits de l’affaire. »

[31] Elles sont qualifiées de « maladies mentales » dans Aspect humain de la santé mentale et de la maladie mentale au Canada, Gouvernement du Canada, 2006, à la page 2. Accessible en ligne à l’adresse : www.phac-aspc.gc.ca/publicat/human-humain06/pdf/human_face_f.pdf.

[32] Dans Granovsky c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, une affaire qui questionnait la constitutionnalité du Régime de pensions du Canada aux termes de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés, la Cour suprême du Canada a rejeté une notion de handicap qui mettait l’accent sur l’incapacité ou la limitation fonctionnelle. La Cour a statué ce qui suit (au par. 29) :

La notion de déficience doit donc englober une multitude d’affections tant physiques que mentales, superposées à une gamme de limitations fonctionnelles, réelles ou perçues, tout en reconnaissant la possibilité que la personne dite « déficiente » ne souffre d’aucune affection ni d’aucune limite en ce qui a trait à de nombreux aspects importants de sa vie.

[33] Les constructions sociales sont fonction de processus sociaux qui cherchent à établir des différences entre les groupes. Ces processus sociaux peuvent être fondés sur des caractéristiques réelles ou la perception de différences. Cela peut avoir pour résultat de marginaliser certains groupes au sein de la société. Par exemple, les caractéristiques de la nature humaine qui sont perçues comme « hors norme » et dévalorisées sont parfois qualifiées de « troubles mentaux » ou de « maladies mentales », selon le contexte politique et social. Par exemple, en Amérique du Nord, l’homosexualité et la bisexualité étaient considérées comme une maladie mentale jusqu’à ce qu’on les retire de la liste des maladies mentales du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) dans les années 1970.

[34] Dans Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), supra, note 32, la Cour suprême du Canada a reconnu que, dans l'analyse de la déficience, l'accent est mis avant tout sur la réaction législative ou administrative inadéquate (ou l'absence de réaction) de l'État (au par. 39). La Cour a indiqué ce qui suit (au par. 33) :

Le paragraphe 15(1) garantit que les gouvernements ne peuvent pas, intentionnellement ou en omettant de prendre les mesures d'accommodement appropriées, stigmatiser l'affection physique ou mentale sous-jacente ou attribuer à une personne des limitations fonctionnelles que cette affection physique ou mentale sous-jacente n'entraîne pas, ou encore omettre de reconnaître les difficultés supplémentaires que les personnes ayant une déficience peuvent éprouver à s'épanouir dans une société implacablement conçue pour répondre aux besoins des personnes physiquement aptes. [Italiques ajoutés]

Bien que Granovsky mettait l’accent sur l’intervention de l’État, des principes similaires s’appliquaient aux organisations responsables de fournir des mesures d’adaptation aux termes des lois relatives aux droits de la personne : Bureau de la condition des personnes handicapées, Développement des ressources humaines Canada, Définir l’incapacité: Une question complexe, Sa Majesté la Reine du Chef du Canada, 2003 à la page 39.

[35] Devoe v. Haran, 2012 HRTO 1507 (CanLII).

[36] Voir, par exemple, Dawson c. Société canadienne des postes [2008] T.D.P.C., no 41, aux par. 90-98 (QL).

[37] Entrop v. Imperial Oil Limited, 2000 CanLII 16800 (Ont. C.A.).

[38] Une importante étude épidémiologique menée aux États-Unis a conclu que 37 % des gens aux prises avec l’alcoolisme avaient au moins un trouble mental et que 21,5 % d’entre eux avaient un autre problème
de dépendance. Chez les personnes avec des antécédents de dépendance de longue durée, 53,1 % avaient aussi un trouble mental. Darrel A. Regier et coll. « Comorbidity of Mental Disorders with Alcohol and Other Drug Abuse: Results From the Epidemiologic Catchment Area (ECA) Study », J.A.M.A., vol. 264, no 19, 1990, p. 2511.

[39] Ontario (Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010 ONCA 593 au par. 126 (CanLII).

[40] Cette définition a été élaborée par la Canadian Society of Addiction Medicine et reprise par la Cour suprême du Canada dans Canada (Procureur général) c. PHS Community Services Society, 2011 CSC 44 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 134, au par. 101. La documentation médicale fait une distinction entre les notions de surconsommation d’alcool et de drogues et la dépendance à l’alcool et aux drogues. On reconnaît habituellement à la dépendance un degré de gravité plus important, qui comprend la tolérance, le sevrage et des habitudes de consommation compulsive ou hors de contrôle.

[41] Dans Entrop v. Imperial Oil, supra, note 37 au par. 89, la Cour d’appel de l’Ontario a accepté le jugement d’une commission d’enquête voulant que la surconsommation d’alcool et et la surconsommation de drogues constituaient  « chacune un handicap » et « une maladie entraînant un handicap physique ou une incapacité mentale qui nuisait au bon fonctionnement physique, psychologique ou social ». Le tribunal a aussi accepté que la dépendance à l’alcool et la dépendance aux drogues constituaient des « handicaps » dignes de protection aux termes du Code.

Voir aussi l’arrêt Mainland Sawmills v. Industrial Wood and Allied Workers of Canada, Local 2171 (Kandola Grievance), [2002] B.C.C.A.A.A. No. 69, au par. 69 (QL), dans le cadre duquel il a été déterminé que « la dépendance à l’alcool et aux autres drogues est une maladie et un handicap physique et mental au sens
du code des droits de la personne. Il n’y a aucune raison de considérer qu’il s’agit d’une maladie ou d’un handicap moins important que toute autre affection. »

[42] Entrop v. Imperial Oil Limitedidem au par. 92; Alberta (Human Rights and Citizenship Commission) v. Kellogg Brown & Root (Canada) Co., 2007 ABCA 426 (CanLII); Chornyj v. Weyerhaeuser Company Limited, 2007 CanLII 65618 (ON SCDC).

[43] Le Tribunal des droits de la personne ne s’est pas encore prononcé sur le fait que la dépendance au jeu constituait ou non handicap. Voir Mustafa v. Mississauga (City), 2010 HRTO 2477 (CanLII) et Sterling v. City of London, Community Services, 2013 HRTO 1360 (CanLII), deux causes durant lesquelles la question a été posée sans que le TDPO n’ait à se prononcer.

[44] La jurisprudence actuelle sur le statut de handicap de la dépendance à la nicotine n’est pas concluante. Dans McNeill v. Ontario Ministry of the Solicitor General and Correctional Services, [1998] O.J. No. 2288 (Ont. Ct. J. – Gen Div.), la Cour de justice de l’Ontario a rejeté une requête prise en application de la Charte qui contestait une interdiction de fumer dans un centre de détention au motif que le tabagisme ne constituait pas un « handicap mental ou physique » :

La dépendance à la nicotine est un état temporaire que de nombreuses personnes surmontent de façon volontaire, bien qu’avec un degré variable de difficultés lié à leur niveau de volonté de cesser de fumer. On peut difficilement comparer cela au handicap que représente la surdité, à l’étude dans l’affaire Eldridge. Les fumeurs ne font pas partie d’un groupe « sur le plan social, politique et juridique au sein de notre société » [para 32].

Dans le cadre de l’arrêt Cominco Ltd. v. United Steelworkers of America, Local 9705, [2000] B.C.C.A.A.A. No. 62 (QL), il a été déterminé que la dépendance à la nicotine constituait un handicap, en partie en raison des preuves scientifiques déposées et montrant qu’elle avait créé un dysfonctionnement chez la partie plaignante. Dans l’arrêt Club Pro Adult Entertainment Inc. v. Ontario (Attorney General), 2006 CanLII 42254 (Ont. Sup. Ct.), une requête prise en application de la Charte qui contestait la Loi favorisant un Ontario sans fumée a échoué. Le tribunal a statué qu’en dépit du fait qu’« il n’est pas clair et évident que le tabagisme ne constitue pas un handicap au sens du paragraphe 15(1) de la Charte », il était « clair et évident que les plaignants ne peuvent obtenir gain de cause, la capacité de fumer dans les lieux publics intérieurs ne constituant pas un droit relatif à la dignité humaine au sens de l’article 15. » Il n’a pas été déterminé que les fumeurs constituaient un groupe ayant fait l’objet d’un désavantage, d’un stéréotype ou d’un préjudice préexistant (voir les par. 222 et 228).

[45] Voir la section sur le préjudice injustifié pour obtenir plus de renseignements.

 

Code Grounds: 

5. Capacitisme, attitudes négatives, stéréotypes et stigmatisation

Les systèmes de croyances fondés sur le capacitisme s’articulent souvent autour d’attitudes, de stéréotypes et de stigmates négatifs à l’endroit des personnes ayant des handicaps psychosociaux. Le « capacitisme » fait référence à des attitudes sociétales qui dévalorisent et limitent le potentiel des personnes handicapées. Le capacitisme est :

… semblable au racisme, au sexisme ou à l’âgisme, selon lequel une personne handicapée est moins digne d’être traitée avec respect et égard, moins apte à contribuer et à participer à la société ou moins importante intrinsèquement que les autres. Le capacitisme peut s’exercer de façon consciente ou inconsciente et être inscrit dans les institutions, les systèmes ou la culture d’une société. Il peut restreindre les possibilités offertes aux personnes handicapées et réduire leur participation à la vie de leur collectivité[46].

La discrimination à l’égard des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance est souvent liée aux attitudes préjudiciables[47], aux stéréotypes négatifs[48], ainsi qu’à la stigmatisation générale[49] des troubles mentaux et des dépendances. Tous ces concepts sont interreliés. Par exemple, les stéréotypes, préjugés et stigmates peuvent mener à de la discrimination. Les stigmates associés aux troubles mentaux et aux dépendances peuvent aussi être le résultat de la discrimination, de l’ignorance, des stéréotypes et des préjugés.

Lorsque la stigmatisation, les attitudes négatives et les stéréotypes mènent à de la discrimination, ils contreviennent au Code. Le Code interdit aux organisations et membres de la collectivité de faire de la discrimination à l’endroit des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance, et les oblige à mettre fin à toute discrimination qui survient. Ces obligations s’appliquent aux situations de discrimination directe qui sont le résultat de stéréotypes et de préjugés internes. Elles s’appliquent aussi à la discrimination indirecte qui peut avoir cours au sein et à l’échelle d’organisations, en raison de lois, de politiques et de pratiques adoptées inconsciemment.

La stigmatisation, les attitudes négatives et les stéréotypes peuvent entraîner l’évaluation erronée des caractéristiques personnelles des gens. Ils peuvent aussi mener à l’adoption de politiques, de procédures et de pratiques décisionnelles qui excluent ou marginalisent les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances.

Exemple : Dans une affaire, un tribunal des droits de la personne a reconnu que la décision de ne pas examiner une allégation d’acte criminel pouvait s’avérer discriminatoire si elle reposait sur l’idée que l’allégation « était fondée sur l’état psychique de la personne plutôt que sur un incident réel »[50].

Exemple : Dans une affaire, une serveuse de bar a développé un trouble anxieux et s’est mise à avoir des crises de panique après avoir été agressée gravement par deux clients. Son employeur a tenu compte de ses besoins en lui permettant de s’absenter du travail quand elle était trop malade pour travailler. Malheureusement, son gérant a été remplacé par une nouvelle personne qui n’appréciait pas ses absences. Un tribunal a déterminé que le nouveau gérant avait exercé de la discrimination à l’égard de la serveuse en limitant ses quarts de travail et en formulant des commentaires sur son état de santé devant d’autres personnes, par exemple en disant que « ça n’allait pas dans sa tête », qu’elle « avait besoin de médication » et qu’elle n’avait pas l’air « très stable »[51].

Il existe bon nombre de stéréotypes courants à l’égard des personnes aux prises avec des troubles mentaux et des dépendances. Par exemple, les personnes ayant des troubles mentaux sont souvent qualifiées de personnes violentes.

Exemple : Un homme aux prises avec un trouble mental vit dans un terrain de caravaning avec sa mère. Le trouble de l’homme entraîne des comportements « étranges », mais « inoffensifs ». La propriétaire du terrain s’est mise à craindre l’homme en raison de sa perception du trouble mental, allant même jusqu’à avertir les autres résidents de se protéger et de ne pas le provoquer. Les résidents ont commencé à méprendre des gestes inoffensifs pour des menaces. Par exemple, la propriétaire a reçu une lettre du locataire lui demandant de réparer une fuite potentielle de gaz. Plutôt que d’enquêter, la propriétaire a jugé qu’il était « fou » et dangereux, et qu’il allait peut-être faire exploser sa caravane.

En fin de compte, l’homme et sa mère ont été expulsés. Un tribunal des droits de la personne a conclu qu’il n’y avait « aucune preuve fiable » permettant de croire que le requérant représentait une menace. L’intimé a cherché à expulser l’homme et sa mère en raison de sa perception erronée du trouble mental du locataire. Elle s’est basée sur des idées stéréotypées non fondées pour conclure que le locataire représentait une menace à sa sécurité et à celle de ses autres locataires. Cela a été jugé discriminatoire[52].

Les stéréotypes liés à la violence persistent malgré le nombre d’études démontrant que la plupart des personnes aux prises avec des troubles mentaux ne sont pas plus susceptibles d’adopter des comportements violents que le reste de la population[53]. Les recherches démontrent d’ailleurs que les personnes qui ont des troubles mentaux graves sont plus susceptibles d’être victimes de violence que les membres de la population générale[54].

Les personnes qui ont des problèmes de santé mentale sont parfois également jugées inaptes à prendre des décisions dans leur propre intérêt, même lorsque ce n’est pas le cas. Elles sont souvent perçues comme des « enfants » ayant besoin d’aide[55]. Ces perceptions peuvent se transformer en attitudes et pratiques paternalistes et créer des obstacles. 

En raison des stéréotypes qui leur sont associés, certains types de handicaps font l’objet de plus de stigmatisation que d’autres. Les personnes aux prises avec la schizophrénie ou une dépendance aux drogues peuvent se heurter à des attitudes particulièrement négatives de la part d’autrui en raison de croyances relatives à leur dangerosité ou comportements antisociaux, ou à des risques leur étant associés. Les personnes ayant des dépendances peuvent se heurter à des comportements particulièrement négatifs en raison de présomptions à propos de leur criminalité ou responsabilité envers leur handicap[56].

En raison de la stigmatisation extrême des troubles mentaux et des dépendances, nombre de personnes pourraient craindre de faire part de leur handicap à autrui. Ces personnes peuvent craindre d’être étiquetées, de se heurter aux attitudes négatives d’autrui, de perdre leur emploi ou logement, ou encore de faire l’objet de traitements inégaux en matière de services après avoir divulgué un problème de santé mentale ou une dépendance. La peur de la discrimination peut aussi empêcher certaines personnes d’obtenir du soutien pour un problème de santé mentale ou une dépendance[57].

Les attitudes négatives, stéréotypes et stigmates peuvent aussi faire place à du harcèlement à l’endroit des personnes ayant des handicaps psychosociaux sous forme de commentaires négatifs, d’isolement social ou de gestes malvenus (dont du profilage relatif à la santé mentale) de la part d’employeurs, de locateurs, de collègues ou de fournisseurs de services. La consultation de la Commission du droit de l’Ontario sur les handicaps a montré comment les attitudes négatives et les stéréotypes peuvent se traduire en gestes qui accroissent la marginalisation des personnes aux prises avec des troubles mentaux:

[D]e nombreuses personnes ayant des déficiences mentales, particulièrement celles qui ont vécu l’itinérance, ont fait part d’expériences qui démontraient qu’elles avaient été victimes de jugements cinglants et de préjugés lorsqu’elles avaient eu affaire avec les systèmes judiciaires. Le manque de services de soutien pour les personnes ayant des déficiences mentales, combiné à la stigmatisation et à la peur de ces incapacités, peut entraîner une augmentation des contacts avec la police et la criminalisation de ces personnes, un problème très préoccupant pour de nombreux participants.[58]

Les organisations doivent prendre des mesures pour éliminer les attitudes négatives, stéréotypes et stigmates, et veiller à ce qu’ils ne donnent pas lieu à des comportements négatifs à l’endroit des personnes ayant des handicaps psychosociaux.


[46] Commission du droit de l’Ontario, Promouvoir l’égalité des personnes handicapées par l’entremise des lois, des politiques et des pratiques : cadre provisoire, mars 2012, p. 3. Accessible en ligne à l’adresse : www.lco-cdo.org/disabilities-draft-framework_FR.pdf.

[47] Dans ce contexte, le terme « préjugés » fait référence à des perceptions et sentiments négatifs profonds à l’égard des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance.

[48] Les stéréotypes sont des généralisations faites à propos de personnes en raison des qualités présumées du groupe auquel ces personnes appartiennent. La Cour suprême du Canada a récemment indiqué ce qui suit : « L’application d’un stéréotype est une attitude qui, tout comme un préjugé, tend à désavantager autrui, mais c’est aussi une attitude qui attribue certaines caractéristiques aux membres d’un groupe, sans égard à leurs capacités réelles ». Québec (Procureur général) c. A [2013] 1 R.C.S. 61, au par. 326.

[49] Supra, note 4.

[50] Christianson v. Windsor Police Service, 2010 HRTO 229 (CanLII), au par. 11. Mais voir aussi Aberdeen v. Governing Council of the University of Toronto, 2013 HRTO 138 (CanLII).

[51] Turner v. 507638 Ontario, 2009 HRTO 249 (CanLII).

[52] Petterson v. Gorcak (No. 3) (2009), 69 C.H.R.R. D/166, 2009 BCHRT 439. Voir aussi Devoe v. Haransupra, note 35.

[53] ACSM – Ontario, Violence and Mental Health: Unpacking a Complex Issuesupra, note 18.

[54] Idem

[55] Gerald B. Robertson. Mental Disability and Canadian Law, 1993, supra, note 12.

[56] Par exemple, un modèle psychiatrique des dépendances couramment adopté entre les années 1940 et 1970 attribuait la dépendance d’une personne à des « défauts » de personnalité. Caroline J. Acker. « Stigma or Legitimation? A Historical Examination of the 27 Social Potentials of Addiction Disease Models », J. of Psychoactive Drugs 202, 1993, vol. 25, no 3, tel que cité dans Centre de toxicomanie et de santé mentale,The Stigma of Substance Abuse: A Review of the Literaturesupra, note 4, à 7. 

[57] Neasa Martin et Valerie Johnston. A Time for Action: Tackling Stigma and Discrimination: Report to the Mental Health Commission of Canada (2007), supra, note 4, à 11.

[58] Commission du droit de l’Ontario. Cadre du droit touchant les personnes handicapées : Promotion d’une égalité réelle pour les personnes handicapées par les lois, les politiques et les pratiques, Toronto, septembre 2012, à 42. Accessible en ligne à l’adresse : www.lco-cdo.org/fr/disabilities-final-report.

 

6. Cadre législatif

6.1 Code des droits de la personne de l’Ontario

6.1.1 Mesures de protection

Le Code protège les personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances contre la discrimination et le harcèlement dans cinq domaines sociaux :

  • L’obtention de biens et de services, et l’utilisation d’installations (article 1). La catégorie « service » est très vaste et peut inclure des services qui appartiennent à des entreprises privées ou des organismes publics, ou sont administrés par de tels entreprises ou organismes, notamment dans les secteurs de l’assurance, de l’éducation, de la restauration, du maintien de l’ordre, des soins de santé et des centres commerciaux. Le harcèlement fondé sur les troubles mentaux ou les dépendances est une forme de discrimination et est donc interdit en contexte de services[59].
  • L’accès au logement (article 2). Cela inclut le logement locatif privé, le logement coopératif, le logement social, le logement subventionné et le logement avec services de soutien.
  • La conclusion de contrats (article 3). Cela inclut l’offre, l’acceptation, le prix et même le rejet d’un contrat.
  • L’emploi (article 5). Cela inclut le travail à temps plein et partiel, le bénévolat, les stages étudiants, les programmes d’emploi spéciaux, le travail avec période d’essai [60] et le travail temporaire ou à forfait.
  • L’association ou l’appartenance à un syndicat, à une association professionnelle ou autre (article 6). Cela s’applique à l’adhésion aux syndicats et à l’inscription aux professions autoréglementées, y compris aux modalités d’adhésion et autres.

Il est bien établi que les personnes aux prises avec des troubles mentaux ont droit au même degré de protection que les personnes aux prises avec des handicaps physiques.
À ce chapitre, la Cour d’appel de l’Ontario a affirmé ce qui suit :

Les personnes ayant une maladie mentale ne doivent pas être stigmatisées en raison de la nature de leur maladie ou handicap. Elles ne devraient pas non plus être traitées comme des personnes de moindre statut ou dignité. Leur droit à l’autonomie et à l’autodétermination n’est pas moins significatif; il commande la même protection que celui des personnes compétentes souffrant de maladies physiques [61].

Dans une cause, la Cour suprême du Canada a annulé un régime d’assurance pour employés handicapés parce que les prestations prévues pour les personnes ayant un trouble mental étaient inférieures à celles destinées aux employés ayant un handicap physique[62].

L’article 9 du Code interdit la discrimination directe ou indirecte. L’article 11 indique que la discrimination inclut la discrimination indirecte ou par suite d’un effet préjudiciable, laquelle survient quand une exigence, une qualification ou un facteur semble « neutre », mais a l’effet d’exclure ou de désavantager les membres d'un groupe protégé aux termes du Code[63].

Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances sont aussi protégées aux termes de l’article 8 du Code si elles subissent des représailles ou des menaces de représailles pour avoir revendiqué leurs droits de la personne[64].

Les membres de la collectivité sont également protégés contre toute discrimination fondée sur leur association avec une personne ayant un trouble mental ou une dépendance (article 12). Cela peut s’appliquer aux amis, membres de la famille ou autres, comme ceux et celles qui interviennent au nom de personnes ayant des troubles mentaux ou problèmes de dépendance[65].

Un des aspects fondamentaux du Code réside dans le fait qu’il a primauté sur toute autre loi provinciale de l’Ontario, à moins que la loi n’énonce expressément qu’elle s’applique malgré le Code. S’il y a conflit entre le Code et d’autres lois, cela signifie que le Code a préséance à moins que la loi indique autrement (article 47).

6.1.2 Défenses et exceptions

Le Code comprend des défenses et exceptions spécifiques qui permettent d’adopter des conduites qui autrement seraient discriminatoires. L’organisation qui souhaite invoquer les défenses ou exceptions prévues doit démontrer qu’elle répond à toutes les exigences de la disposition pertinente.

Dans le cas de discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de facteurs qui peuvent sembler neutres, mais qui portent atteinte aux droits des personnes désignées par des motifs prévus au Code, l’article 11 du Code permet à la personne ou à l’organisation responsable de démontrer que l’exigence, la qualité requise ou le facteur est raisonnable et de bonne foiL’organisation doit aussi démontrer qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne ou du groupe sans causer de préjudice injustifié.

L’article 14 du Code protège les « programmes spéciaux » conçus pour pallier les désavantages historiques auxquels se heurtent les personnes visées par le Code. Par conséquent, les programmes conçus tout spécialement pour venir en aide aux personnes ayant des handicaps psychosociaux ne sont probablement pas discriminatoires si l’organisation peut démontrer qu’ils :

  • sont destinés à alléger le préjudice ou le désavantage économique
  • ont pour but d’aider les groupes défavorisés à bénéficier de chances égales
  • sont susceptibles de contribuer à supprimer la discrimination[66].

L’article 17 établit l’obligation d’accommodement des besoins des personnes handicapées. Il n’est pas discriminatoire de refuser d’accorder un service, un emploi ou un logement parce que la personne handicapée ne peut satisfaire aux exigences fondamentales. Toutefois, une personne ne sera considérée inapte que si les besoins liés à son handicap ne peuvent faire l’objet de mesures d’adaptation sans préjudice injustifié[67].

Aux termes de l’article 18 du Code, les organisations comme les organismes de bienfaisance, les écoles, les clubs sociaux et les confréries d’étudiants ou d’étudiantes de l’université qui désirent limiter l’adhésion et la participation aux personnes ayant des handicaps psychosociaux peuvent le faire tant que leurs membres ou clientèles sont composés en majorité de membres de ce groupe.

Exemple : Les étudiants d’une université créent un club qui offre des possibilités sociales et éducatives, ainsi que des occasions de réseautage aux étudiants handicapés aux prises avec de l’anxiété ou de la dépression grave. Seules ces personnes peuvent se joindre au club, conformément à l’article 18 du Code.

L’article 24 indique qu’un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif du Code peut, au moment de l’embauche, accorder la préférence à ces personnes, si la qualité requise est exigée de façon raisonnable et de bonne foi, compte tenu de la nature de l’emploi.

Exemple : Une organisation communautaire de santé mentale embauche du personnel d’entraide pour aider ses clients à se retrouver au sein du système de santé mentale. Parmi les exigences fondamentales de l’emploi figure le fait d’avoir déjà eu un trouble mental.

6.2 Charte des droits et libertés

La Charte canadienne des droits et libertés garantit que les politiques, pratiques et lois de tous les paliers de gouvernement respectent les droits civils, droits politiques et droits à l’égalité des membres de la collectivité. Dans certaines circonstances, certains droits peuvent s’appliquer tout particulièrement aux personnes ayant des handicaps psychosociaux en raison de mesures législatives et de politiques axées sur ces groupes. Les lois canadiennes relatives aux droits de la personne sont assujetties à la Charte et doivent être considérées à la lumière de celle-ci[68].

Aux termes de l’article 7 de la Charte, tous ont droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de leur personne[69]. L’article 9 protège les gens contre la détention ou l’emprisonnement arbitraire ou sans raison valable, et l’article 10 dresse la liste des droits des particuliers lors de leur arrestation ou de leur détention. Les organisations qui appliquent les politiques gouvernementales et pourraient souhaiter détenir des personnes ayant un trouble mental, comme les services de police et les hôpitaux, doivent respecter ces droits[70].

L’article 15 garantit que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, sans discrimination fondée sur les troubles mentaux ou handicaps physiques, entre autres motifs. Cette garantie d’égalité s’apparente à l’objet du Code. Aucun gouvernement ne peut enfreindre les droits prévus par la Charte, à moins que leur violation soit justifiée aux termes de l’article 1, qui vise à déterminer si la contravention des droits prévus à la Charte est raisonnable dans les circonstances.

6.3 Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario

La Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario (LAPHO)[71] aborde le droit à l’égalité des chances et à l’inclusion des personnes handicapées, dont les personnes aux prises avec des troubles mentaux. L’objectif de la LAPHO est de faire en sorte que l’Ontario soit pleinement accessible d’ici 2025. Elle met en place une série de normes (service à la clientèle, transports, milieu bâti, emploi et information et communications) que les organisations publiques et privées devront mettre en place dans un délai donné.

La LAPHO est une loi importante qui améliore l’accès des personnes handicapées. Elle complète le Code des droits de la personne de l’Ontario, qui a la primauté sur la LAPHO. L’élaboration et la mise en œuvre de normes aux termes de la LAPHO doivent prendre en compte le Code, ainsi que les principes de droits de la personne et les décisions jurisprudentielles connexes, y compris les questions auxquelles se heurtent les personnes ayant des handicaps psychosociaux[72]. La conformité à la LAPHO ne garantit pas la conformité au Code. Les organisations responsables doivent se conformer aux deux instruments.

6.4 Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées

En 2010, le Canada a ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH), un traité international ayant pour objectif de « promouvoir, protéger et assurer la pleine et égale jouissance de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales par les personnes handicapées et de promouvoir le respect de leur dignité intrinsèque »[73].

Au lieu de considérer les personnes handicapées comme des bénéficiaires de charité, la CRDPH vise plutôt à les considérer comme des titulaires de droits. Elle insiste sur l’absence de discrimination, l’égalité juridique et l’inclusion. Les pays qui ont ratifié ou signé la CRDPH portent le nom d’États Parties.

Les conventions et traités internationaux ne font pas partie de la législation canadienne à moins d’y avoir été intégrés[74]. Toutefois, la Cour suprême du Canada a statué que le droit international aide à donner un sens et un contexte à la législation canadienne. La Cour a déclaré que la législation du Canada (qui englobe le Code et la Charte) doit être interprétée d’une manière conforme aux engagements internationaux du pays[75]. La CRDPH est un important outil de droits de la personne qui impose au Canada l’obligation positive d’assurer que les personnes handicapées ont des chances égales dans toutes les sphères de la vie. Pour s’acquitter de leurs obligations aux termes de
la CRDPH, le Canada et l’Ontario devraient mettre en place des soutiens et mesures d’adaptation communautaires accordant des chances égales aux personnes handicapées, et évaluer la législation, les normes, les programmes et les pratiques pour s’assurer du respect des droits.

Toutes les dispositions de la CRDPH sont pertinentes pour les personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux, mais certaines s’appliquent particulièrement aux questions soulevées lors de la consultation. Ces dispositions touchent notamment les droits à :

  • égalité et non-discrimination (article 5)
  • accessibilité (article 9)
  • reconnaissance de la personnalité juridique dans des conditions d’égalité (article 12)
  • liberté et sécurité de sa personne (article 14)
  • autonomie de vie et inclusion dans la société (article 19)
  • santé, adaptation et réadaptation (articles 25 et 26)
  • niveau de vie adéquat et protection sociale (article 28).

Le Canada n’a pas signé le protocole facultatif se rapportant à la CRDPH, ce qui signifie que les membres de la collectivité ne peuvent pas déposer de plainte directement au Comité des droits des personnes handicapées de l’ONU. Toutefois, la CRDPH prévoit des exigences de reddition de comptes. L’Association canadienne des commissions et conseils des droits de la personne (ACCCDP) a demandé à tous les paliers de gouvernement de s’acquitter de leurs obligations, qui incluent le fait de consulter les personnes handicapées et les organisations qui les représentent, de les inclure aux activités de surveillance de la mise en œuvre de la CRDPH, de cerner des initiatives et d’élaborer des plans pour démontrer comment elles traiteront des droits et obligations prévus dans la CRDPH.


[59] Voir Haykin v. Roth, 2009 HRTO 2017 (CanLII), qui confirme que le Code interdit le harcèlement en matière de services.

[60] Voir Lane v. ADGA Group Consultants Inc., 2007 HRTO 34 (CanLII); ADGA Group Consultants Inc. v. Lane, 2008 CanLII 39605 (Ont. Div. Ct.) et Osvald v. Videocomm Technologies, 2010 HRTO 770 (CanLII), aux par. 34 et 54.

[61] Fleming v. Reid, 1991 CanLII 2728, à IV (Ont. C.A.).

[62] Gibbs c. Battlefords and Dist. Co-operative Ltd., supra, note 1. Voir aussi Moore c. Canada (Procureur général), [2005] F.C.J. No. 18, 2005 FC 13 (CanLII), au par. 33, qui indique : « Si Moore avait eu un handicap physique évident, je doute qu’il y aurait eu une cessation d’emploi et encore moins le rejet d’une plainte. Conformément à la Loi canadienne sur les droits de la personne et l’article 3, les personnes aux prises avec des troubles mentaux bénéficient des mêmes droits et doivent jouir du même respect que les personnes ayant d’autres types de handicap. En matière d’application de la loi, un handicap est un handicap, qu’il soit mental ou physique. »

[63] Voir la rubrique 13.4 sur le critère juridique pour obtenir plus de renseignements.

[64] Voir la section 11 sur les représailles pour obtenir plus de renseignements.

[65] Voir, par exemple, Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, 2011 HRTO 1032 (CanLII) (discrimination fondée sur l’association à une personne ayant déposée une requête pour discrimination fondée sur le handicap); Giguere v. Popeye Restaurant2008 HRTO 2 (CanLII) (licenciement d’une employée en raison de l’état de séropositivité à VIH de son mari); Barclay v. Royal Canadian Legion, Branch 12, 31 C.H.R.R. D/486 (Ont. Bd. Inq.) (sanction d’un membre parce qu’elle s’opposait à la formulation de commentaires racistes à l’endroit des personnes noires et autochtones); Jahn v. Johnstone (16 septembre 1977), No. 82, Eberts (Ont. Bd. Inq.) (expulsion d’un locataire en raison de la race de personnes invitées à dîner chez lui).

[66] Voir la section 12 sur les programmes, lois et politiques sur la santé mentale et les dépendances et les programmes spéciaux pour obtenir plus de renseignements.

[67] Voir la section 14 sur le préjudice injustifié pour obtenir plus de renseignements. Voir aussi Colombie-Britannique (Public Service Employee relations Comm.) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 [« Meiorin »].

[68] L’article 52 de la Charte rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit.

[69] Aux termes de l’article 7 de la Charte, une personne ne peut être privée de ces droits, sauf en conformité avec les principes de justice fondamentale. Cet article a été utilisé pour faire avancer la compréhension actuelle des droits des personnes aptes à refuser de consentir à un traitement.

[70] Un tribunal de l’Ontario a confirmé que les droits reconnus conformément à la Loi de sur la santé mentale, L.R.O. de 1990, chap. M.7 doivent être réputés conformes aux droits similaires aux termes de l’article 9 et du paragraphe 10(b) de la Charte : R. v. Webers, 1994 CanLII 7552 (Ont. Ct. J.(Gen. Div.), au par. 31. Le tribunal a cité et donné son approbation à une décision de la Commission d’examen qui indiquait que « la Loi sur la santé mentale ne manque pas de mécanismes de protection procéduraux ». Ces mécanismes ont été mis en place en reconnaissance du fait qu’un patient qui est détenu en vertu de la Loi sur la santé mentale ou qui perd le contrôle de son propre traitement ou de ses biens a été privé de sa liberté, de son autonomie ou de son droit à l’autodétermination de la même manière qu’une personne ayant été emprisonnée. »

[71] Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario.

[72] Lettre du 30 octobre 2009 de la commissaire en chef Barbara Hall à Charles Beer, Examen législatif de la LAPHO, à propos d’un mémoire relatif à l’examen législatif de la LAPHO. Accessible en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne www.ohrc.on.ca/fr/objet-examen-l%C3%A9gislatif-de-la-lapho. Lors d’un examen indépendant de la LAPHO en 2010, le responsable de cet examen, Charles Beer, a entendu de la part des intervenants communautaires que l’application des normes doit être accompagnée d’investissements substantiels du gouvernement afin de modifier les obstacles liés aux attitudes qui limitent les possibilités des personnes aux prises avec des troubles mentaux et d’autres handicaps. Charles Beer. Tracer la voie de l’avenir : Rapport de l’examen indépendant de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, 2010. Accessible en ligne : Ministère des Services sociaux et communautaires www.mcss.gov.on.ca/fr/mcss/programs/accessibility/understanding_accessibility/documents/Charles%20Beer%20Fr.pdf.

La CODP a élaboré une vidéo de formation en ligne pour aider les organisations à comprendre la relation entre la LAPHO et le Code des droits de la personneTravailler ensemble: Le Code des droits de la personne de l’Ontario et la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario : www.ohrc.on.ca/fr/apprentissage/travailler-ensemble%C2%A0-le-code-des-droits-de-la-personne-de-lontario-et-la-lapho.

[73] CRDPHsupra, note 27, article 1.

[74] Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au par. 69.

[75] Bakeridem, au par. 70; les Nations Unies ont indiqué que la ratification de la CRDPH crée « une nette préférence en faveur de la Convention. Cela signifie que la magistrature appliquera le droit interne et l’interprétera d’une manière correspondant d’aussi près que possible à la Convention ». Nations Unies, De l’exclusion à l’égalité : Réalisation des droits des personnes handicapées : Guide à l’usage des parlementaires : la Convention relative aux droits des personnes handicapées et son Protocole facultatif, Genève, Nations Unies, 2007, p. 121.

 

7. Intersection des motifs

La discrimination peut s’avérer unique ou distincte lorsqu’elle fait intervenir deux motifs du Code ou plus. On dit alors qu’elle est « intersectionnelle ». Le concept de discrimination intersectionnelle repose sur le fait qu’on attribue des dimensions multiples et interreliées à l’identité et qu’on reconnaît que la marginalisation et l’exclusion fondées sur des motifs du Code peuvent être le résultat de l’intersection de ces dimensions identitaires.

La CRDPH reconnaît les « difficultés que rencontrent les personnes handicapées qui sont exposées à des formes multiples ou aggravées de discrimination fondées sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale, ethnique, autochtone ou sociale, la fortune, la naissance, l’âge ou toute autre situation »[76]. Elle reconnaît aussi que « les femmes et les filles handicapées courent souvent, dans leur famille comme à l’extérieur, des risques plus élevés de violence, d’atteinte à l’intégrité physique, d’abus, de délaissement ou de défaut de soins, de maltraitance ou d’exploitation »[77].

Les personnes ayant un handicap psychosocial qui s’identifient aussi à d’autres motifs du Code peuvent se heurter à des désavantages distincts lorsqu’elles tentent d’accéder à un logement, un emploi ou des services. L’intersection de ces dimensions identitaires peut engendrer des stéréotypes particuliers qui entraînent des désavantages considérables. 

Exemple : Dans le cadre de sa consultation sur la santé mentale, la CODP a appris que les jeunes Canadiens d’origine africaine ayant un problème de santé mentale se heurtent à des obstacles particuliers au moment de louer un logement en raison de l’intersection de stéréotypes liés  au sexe, à l’âge,  à la race et à au handicap.

La discrimination fondée sur un trouble de santé mentale ou une dépendance pourrait chevaucher de la discrimination fondée sur d’autres motifs du Code, y compris :

  • la race, la couleur ou l’origine ethnique
  • la croyance
  • l’ascendance (y compris l’ascendance autochtone)
  • la citoyenneté (y compris le statut de réfugié ou de résident permanent)
  • l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle[78]
  • le sexe (y compris la grossesse)
  • l’état familial
  • l’état matrimonial (y compris l’union de conjoints de même sexe)
  • le handicap, dont les incapacités physiques ou les troubles de l’apprentissage, troubles cognitifs et déficiences intellectuelles
  • l’orientation sexuelle
  • l’âge
  • l’état d’assisté social (en matière de logement)
  • le casier judiciaire (en matière d’emploi).

Exemple : Les femmes qui ont été victimes de violence, de traumatismes ou d’agressions, ou d’une combinaison de ceux-ci, se heurtent souvent à des problèmes de santé mentale et de consommation d’alcool et de drogues. Certaines femmes aux prises avec des problèmes de santé mentale pourraient aussi composer avec des taux disproportionnés de mauvais traitements, de harcèlement et de violence fondés sur le sexe en raison de leur vulnérabilité accrue.

À la discrimination fondée sur les handicaps psychosociaux pourraient aussi s’ajouter des stéréotypes et traitements fondés sur le statut socio-économique. Pour comprendre l’effet de la discrimination sur les personnes aux prises avec un handicap psychosocial ou une dépendance, il peut être pertinent d’envisager la situation de ces personnes sur le plan du revenu. Le faible revenu pourrait aussi entraîner des formes de discrimination spécifiques[79].

Dans le cadre de leur obligation de maintenir des environnements libres de discrimination et de harcèlement, les fournisseurs de services (p. ex. professionnels de la santé, services de police, services juridiques), les employeurs et les fournisseurs de logements doivent veiller à concevoir des programmes, politiques et environnements inclusifs pour tenir compte des besoins de personnes d’horizons divers ayant une variété de dimensions identitaires uniques.

Exemple : Les responsables d’un programme de logements avec services de soutien pour personnes ayant des troubles mentaux veillent à ce que tous leurs logements soient accessibles aux personnes qui ont aussi des handicaps physiques, et qu’un certain nombre de leurs unités conviennent aux familles.

Les organisations qui fournissent des services au grand public devraient faire en sorte que les membres de leur personnel aient des compétences culturelles[80]. La satisfaction des besoins de différents groupes et communautés sur le plan des droits de la personne, y compris ceux des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances, dépend de la capacité d’interagir en toute aisance avec des personnes d’horizons culturels variés.

Exemple : Un service de police enseigne  à ses agents des techniques de désescalade à utiliser auprès des personnes en état de crise, parfois due à des problèmes de santé mentale. Cet enseignement inclut des séances de sensibilisation aux réactions de peur et associations négatives que pourrait susciter la vue d’agents de police en uniforme chez de nombreux immigrants, et surtout les personnes venant de pays dirigés par des régimes autoritaires.

Exemple : Le service des urgences d’un hôpital s’assure de disposer d’une liste d’interprètes à sa disposition pour offrir des services efficaces d’interprétation aux personnes qui pourraient nécessiter une assistance liée à un trouble mental et dont la langue maternelle n’est pas l’anglais ou le français.

Au moment d’interagir avec des personnes, les organisations devraient adopter une approche personnalisée qui reconnaît l’identité singulière de chaque personne, et non se baser sur des notions préconçues, des suppositions ou des stéréotypes.


[76] CRDPHsupra, note 27, à l'article P du Préambule.

[77] CRDPHidem, à l'article Q du Préambule.

[78] Depuis juin 2012, l’« identité sexuelle » et l’« expression de l’identité sexuelle » ont été ajoutées au nombre des motifs protégés aux termes du Code.

[79] Voir la section 8 sur la pauvreté, la santé mentale et la dépendance pour obtenir plus de renseignements.

[80] On peut définir la « compétence culturelle » de la façon suivante : « la capacité d’interagir efficacement avec des personnes de cultures ou de milieux socio-économiques différents, en particulier dans le contexte des ressources humaines, des organismes sans but lucratif et des organismes gouvernementaux dont les employés travaillent avec des personnes d’origines culturelles ou ethniques variées. La compétence culturelle comprend quatre éléments : (a) prise de conscience de sa propre vision culturelle du monde; (b) attitude face aux différences culturelles; (c) connaissance de différentes pratiques culturelles et visions culturelles du monde; (d) compétences interculturelles. L’acquisition d’une compétence culturelle donne la capacité de comprendre les personnes de toutes les cultures, ainsi que de communiquer et d’interagir efficacement avec elles. Voir http://en.wikipedia.org/wiki/Cultural_competence (Consulté : 17 janvier 2014).

 

8. Pauvreté, santé mentale et dépendance

Les personnes ayant des handicaps psychosociaux sont plus susceptibles d’avoir un revenu faible que les personnes sans handicap psychosocial, et bon nombre d’entre elles affichent une pauvreté chronique. Dans le cadre de ses consultations sur la santé mentale et sur sa politique de logement, la CODP en a appris beaucoup sur les liens entre la santé mentale, les dépendances et les facteurs sociétaux comme la pauvreté, l’itinérance, le faible degré de scolarité, l’inadéquation de l’aide sociale et des autres mesures de soutien social, et le manque de logements abordables. Par exemple, de nombreuses personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux reçoivent de l’aide sociale. Il peut exister un lien inhérent entre l’obtention d’aide sociale et l’existence d’un trouble psychosocial; les personnes qui sont uniquement en mesure de travailler de façon intermittente en raison de facteurs liés au handicap pourraient chercher à obtenir une aide sociale, comme des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH), à titre de soutien du revenu additionnel.

La pauvreté a des répercussions considérables sur les personnes ayant des handicaps psychosociaux, entre autres sur le plan de la dignité humaine, de la capacité de prendre soin de sa famille, de la santé physique et mentale, et de la pleine participation à la collectivité. À un extrême, la pauvreté et le manque de logement abordable au Canada ont créé une situation de crise menant pour certains à l’itinérance. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale et des dépendances affichent des taux élevés d’itinérance[81]. Les décideurs du milieu juridique ont reconnu le fait que les itinérants sont parmi les membres de la société les plus vulnérables et ont souvent des problèmes
de santé mentale ou des dépendances[82]; ces décideurs ont pris en compte des données illustrant l’incidence de l’itinérance sur la santé physique et mentale[83].

En Ontario, on s’inquiète de la croissance des iniquités sur le plan économique, laquelle aurait pour conséquence d’accroître la vulnérabilité des membres de groupes protégés aux termes du Code à la discrimination et à l’exclusion[84]. En raison de facteurs associés à la pauvreté et au faible revenu, les personnes ayant des handicaps psychosociaux pourraient être plus susceptibles que le reste de la population de se heurter à des obstacles à l’obtention d’un logement, d’un emploi ou de services.

Le Code offre des protections limitées en matière de statut socio-économique. Sur le plan de la discrimination et du harcèlement en matière de logement, il offre des mesures de protection aux personnes qui reçoivent une forme quelconque d’aide sociale, comme des prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, d’Ontario au travail, du Régime de pension du Canada, de la Sécurité de la vieillesse, de l’Assurance-emploi et du Régime d’aide financière aux étudiants de l’Ontario. De plus, les personnes qui font face à des désavantages du fait de leur itinérance ou faible revenu pourraient bénéficier des mesures de protection prévues au Code s’il existe un lien entre la situation et des troubles mentaux ou des dépendances[85].

Si elles reçoivent des prestations du POSPH, les personnes ayant des handicaps psychosociaux peuvent se heurter à la fois aux stigmates associés au faible revenu et aux stigmates associés au handicap. Au moment de chercher un logement locatif, elles pourraient faire face à des questions indiscrètes sur leur source de revenus ou leur handicap, ou à des stéréotypes sur leur manque de fiabilité en tant que locataires parce qu’elles reçoivent de l’aide sociale et ont un problème de santé mentale ou une dépendance.

Exemple : Un tribunal des droits de la personne a déterminé qu’une colonie de maisons mobiles avait refusé à répétition de louer un emplacement à un bénéficiaire de prestations d’invalidité aux prises avec des troubles psychiques. Selon le tribunal, le propriétaire de la colonie avait jugé à tort que le locataire vivait complètement aux dépens de sa mère, malgré des preuves fiables du contraire, et qu’il n’était pas en mesure de payer son loyer ou de composer avec des questions d’entretien. L’intimé se préoccupait également de l’adhésion du locataire aux Alcooliques anonymes. Dans l’ensemble, le tribunal a conclu que le handicap du client et sa source de revenus étaient « inextricablement liés », et qu’ils constituaient tous les deux la raison pour laquelle le propriétaire avait refusé la demande de location[86].

Les programmes, politiques et pratiques qui ont un effet préjudiciable sur certaines personnes au motif de leur faible revenu nuisent souvent aux personnes ayant des handicaps psychosociaux[87]. Les gouvernements et organisations doivent veiller à supprimer les obstacles qui ont pour résultat d’empêcher l’accès équitable des membres des groupes protégés aux termes du Code à des services, logements
ou emplois.

Le fait de ne pas tenir compte des circonstances d’un bénéficiaire de l’aide sociale et de sa capacité de respecter les règles et exigences d’une organisation a été jugé discriminatoire[88]. Au moment d’évaluer les répercussions de règles d’apparence neutre sur les personnes à faible revenu ayant des handicaps psychosociaux, les organisations devraient prendre en considération leur incidence réelle sur le vécu de la personne. L’obligation d’accommodement peut s’appliquer si les règles et normes de l’organisation ont un effet préjudiciable[89].

Exemple : Un fournisseur de services emploie un processus d’évaluation qui débute par un appel téléphonique. Le fournisseur reconnaît que cela a un effet préjudiciable sur les personnes à faible revenu, dont les personnes ayant des handicaps psychosociaux, parce que beaucoup de ces personnes n’ont pas de téléphone, ni d’accès facile à un téléphone. L’organisation modifie donc son processus pour y inclure la possibilité d’effectuer une évaluation en personne. 

Exemple : Une organisation qui supervise des élections provinciales collabore étroitement avec une organisation communautaire de santé mentale pour veiller à ce que les personnes itinérantes aux prises avec des troubles mentaux puissent voter. Les personnes en pareille situation font face à des obstacles au moment de voter si elles n’ont pas les preuves d’identité et de résidence requises. L’organisation responsable des élections autorise à des organisations de santé mentale admissibles et inscrites à fournir des certificats que ces personnes peuvent présenter comme preuve d’identité et de résidence au bureau de scrutin, ce qui leur permet d’exercer leur vote sans avoir à présenter de preuve d’identité supplémentaire[90].

Il est possible de s’appuyer sur une analyse systémique pour faire la démonstration de situations de discrimination découlant de l’application de règles et de politiques neutres ayant un effet préjudiciable sur certaines personnes en raison de leur faible statut socio-économique et handicap. L’analyse systémique peut inclure les composantes suivantes :

  • preuves à l’appui du fait que les personnes issues du groupe protégé aux termes du Code ont tendance à être surreprésentées au sein de la population à faible revenu touchée
  • examen de l’effet des politiques, des pratiques, des processus décisionnels et de la culture organisationnelle sur les membres de ce groupe
  • établissement d’un lien entre les mesures discriminatoires alléguées et le désavantage subi par des membres donnés de ce groupe protégé aux termes du Code[91].

Tous les paliers de gouvernement au Canada doivent tenir compte des traités internationaux, notamment le Pacte des Nations Unies relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CRDPH). Ces traités relatifs aux droits de la personne reconnaissent le caractère interdépendant des droits faisant intervenir le revenu adéquat, le logement, l’éducation, le travail et l’égalité. La CRDPH est particulièrement consciente du fait que les personnes handicapées ont tendance à vivre dans la pauvreté. L’article 28 de la CRDPH reconnaît le droit à un niveau de vie adéquat et à une protection sociale, notamment en matière d’alimentation, de vêtements et de logement, sans discrimination fondée sur le handicap. Cela s’applique aux personnes aux prises avec des troubles mentaux.

En ratifiant ces traités internationaux, le Canada s’est engagé à respecter et à protéger les droits sociaux et économiques de la population, ce qui comprend le fait de veiller à ce que les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances aient un niveau de vie adéquat, l’accès à la sécurité alimentaire et le droit au logement. Cependant, les Nations Unies ont exprimé à plusieurs reprises leurs inquiétudes à propos du bilan du Canada en matière de respect des droits sociaux et économiques[92] et du défaut des tribunaux canadiens d’offrir des recours contre les atteintes à ces droits. La réticence des tribunaux et des législateurs à défendre les droits sociaux et économiques a des conséquences réelles pour les groupes vulnérables, y compris les personnes ayant des handicaps psychosociaux.

Même si le Code n’accorde pas de protection complète contre la discrimination fondée sur la pauvreté, la CODP et d’autres organisations sont intervenues avec succès dans des affaires de droits de la personne mettant en cause l’intersection du faible statut socio-économique et de motifs protégés comme le handicap, la race, l’origine ethnique, la citoyenneté, l’âge et l’état familial[93]. La CODP y est parvenue principalement en montrant qu’on pouvait établir un lien entre la marginalisation économique et sociale, et un motif protégé aux termes du Code, comme le handicap. Les gouvernements, les décideurs et les organisations devraient s’assurer que leurs programmes, politiques et pratiques n’exercent aucun effet préjudiciable sur les personnes protégées aux termes du Code.


[81] Voir Douglas A. Steinhaus, Debra A. Harley et Jackie Rogers, « Homelessness and People with Affective Disorders and Other Mental Illnesses », J. Applied Rehabilitation Counseling, vol. 35, 2004, p. 37.

[82] Voir Victoria (City) v. Adams, 2009 BCCA 563 (CanLII) au par. 75; Victoria (City) v. Adams, 2008 BCSC 1363 (CanLII); Pivot Legal Society v. Downtown Vancouver Business Improvement Assn(No. 6) (2012), CHRR Doc. 12-0023, 2012 BCHRT 23 (CanLII).

[83] Victoria (City) v. Adams, 2009, idem, au par. 26; Victoria (City) v. Adams, 2008, idem, au par. 44.

[84] Ontario Common Front, Falling Behind, Ontario’s Backslide into Widening Inequality, Growing Poverty and Cuts to Social Programs, 29 août 2012. Accessible en ligne à l’adresse : www.WeAreOntario.ca, à 6, 19 et 25.

[85] Par exemple, voir Pivot Legal Society v. Downtown Vancouver Business Improvement Assn. (No. 6) supra, note 82.

[86] James obo James v. Silver Campsites and Another (No. 2), 2011 BCHRT 370 (CanLII), au par. 171. Voir aussi James obo James v. Silver Campsites and Another (No. 3), 2012 BCHRT 141 (CanLII), qui traite des mesures imposées en réparation de la discrimination. Le tribunal a formulé plusieurs commentaires importants sur l’effet particulièrement grave des pertes discriminatoires de logement sur les personnes aux prises avec des troubles mentaux (p. ex. au par. 41).

[87] Pivot Legal Society v. Downtown Vancouver Business Improvement Assn. (No. 6), supra, note 82, au par. 635 : « Les plaignants ont démontré que la population itinérante et toxicomane comptait une proportion élevée d’Autochtones et de personnes handicapées, comparativement au reste de la population. Ils ont démontré que les gestes des ambassadeurs ciblent la population autochtone et ont un effet préjudiciable sur cette population. »  Voir aussi Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd. (No. 3) (2005), 52 C.H.R.R. D/430, 2005 BCHRT 302, et Petterson, supra, note 52.

[88] Dans l’arrêt Iness v. Caroline Co-operative Homes Inc., 2006 HRTO 19 (CanLII), le TDPO a conclu qu’une coopérative de logement avait exercé de la discrimination à l’endroit d’une mère célibataire qui bénéficiait de l’aide sociale au moment de fixer ses niveaux de loyers. Dans le cas des locataires à faible revenu, la coopérative avait fixé un loyer équivalent à 30 p. 100 du revenu. Dans le cas des bénéficiaires de l’aide sociale, le loyer fixé équivalait à l’allocation de logement maximale incluse à leurs prestations d’aide sociale. En exigeant d’Iness un loyer équivalent à son allocation de logement maximale, la coopérative avait omis de prendre en compte les circonstances réelles de la locataire, y compris les coûts de ses services publics et assurances habitation. La coopérative aurait pu fixer un loyer permettant à Iness de payer à la fois son loyer et ses autres coûts à même l’allocation de logement incluse à ses prestations d’aide sociale, sans que cela contrevienne à l’entente d’exploitation conclue avec la Société canadienne d’habitation et de logement.

[89] Voir la section 13 sur l’obligation d’accommodement pour obtenir plus de renseignements.

[90] Cet exemple décrit une collaboration entre l’Association canadienne pour la santé mentale – Ontario et Élections Ontario.

[91] Voir la section 10.4 sur la discrimination systémique pour obtenir plus de renseignements.

[92] Des comités et rapporteurs spéciaux des Nations unies comme le Comité des droits économiques, sociaux et culturels et les rapporteurs spéciaux en matière de logement et de sécurité alimentaire ont mis en relief une variété de préoccupations sur le bilan du Canada en matière de statut socio-économique depuis les années 1990, y compris l’incapacité du salaire minimum et des taux d’aide sociale de combler les besoins de base des gens. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies s’inquiète de la détention de personnes ayant des handicaps psychosociaux dans des établissements canadiens en raison d’un manque de logements avec services de soutien dans la collectivité; Observations finales du Comité des droits de l’homme : Canada, UN HRCOR, 2006, document des Nations Unies, CCPR/C/CAN/CO/5, à 17. En 2004 et 2006, le Comité des droits économiques, sociaux et culturels (CDESC) des Nations Unies s’est dit préoccupé du niveau élevé de pauvreté des personnes marginalisées au Canada, y compris les personnes handicapées. Observations finales, Comité des droits économiques, sociaux et culturels, Canada, CDESC, 1er - 19 mai 2006, UN HRCOR, 36e session, documents des Nations Unies E/C.12/CAN/CO/4 et E/C.12/CAN/CO/5, accessible en ligne à l’adresse : www.unhchr.ch/tbs/doc.nsf/898586b1dc7b4043c1256a450044f331/
368b3c2ca5af4de4c12571ae0039e7f0/$FILE/G0642784.pdf
, au par 15. Pour obtenir plus de renseignements, voir Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Nations Unies), Examen des rapports présentés par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte (Observations finales – Canada), 10 décembre 1998, E/C.12/1/Add.31. et Comité des droits économiques, sociaux et culturels (Nations Unies), Examen des rapports présentés par les États parties en application des articles 16 et 17 du Pacte (Observations finales – Canada), 19 mai 2006, E/C.12/CAN/CO/4, E/C.12/CAN/CO/5.

[93] Ces affaires portent principalement sur des questions de logement. Voir, par exemple, Kearney v. Bramalea Ltd. (No. 2) (1998), 34 C.H.R.R. D/1 (Ont. Bd. Inq.) et Shelter Corp. v. Ontario (Human Rights Comm.) (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (Ont. Div. Ct.), dans le cadre desquelles on a pu montrer à l’aide de données statistiques que les critères de rapport loyer-revenu employés par les propriétaires avaient sur les locataires un effet disparate selon le sexe, la race, l’état matrimonial, l’état familial, la citoyenneté, le lieu d’origine, l’âge et l’état d’assisté social. Le tribunal a conclu que l’emploi de ces critères comme seul facteur d’évaluation des demandes de logement locatif constituait de la discrimination aux termes du Code. Voir aussi Iness v. Caroline Co-operative Homes Inc., supra, note 88; Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd., supra, note 87; et Ahmed v. 177061 Canada Ltd (Shelter Canadian Properties Ltd.), 2002 CanLII 46504 (Ont. Bd. Inq.).

 

9. Établissement de l’existence de discrimination

Le Code n’offre aucune définition de la discrimination. Notre compréhension de cette notion évolue plutôt à la lumière des décisions des tribunaux administratifs et judiciaires. Pour établir à première vue l’existence de discrimination aux termes du Code, les plaignants doivent démontrer :

  1. qu’ils possèdent une caractéristique protégée par le Code contre la discrimination
  2. qu’ils ont subi un effet préjudiciable dans un domaine social auquel s’applique le Code
  3. que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable[94].

Le requérant doit démontrer qu’il y a eu discrimination « selon la prépondérance des probabilités », c’est-à-dire qu’il est raisonnable de croire que de la discrimination ait eu lieu. Une fois la discrimination établie à première vue, il revient à l’intimé de justifier la conduite au moyen du régime d’exemptions prévu par le Code (p. ex. défense fondée sur des exigences de bonne foi). Si l’intimé ne peut justifier ainsi la conduite, le tribunal conclura à l’existence de discrimination.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, il n’est pas nécessaire qu’il y ait eu intention d’exercer de la discrimination. L’intention n’entre pas en ligne de compte dans la détermination de l’existence de discrimination.

La discrimination est souvent difficile à cerner. Il pourrait n’exister aucune preuve directe d’un motif discriminatoire. Les décideurs du secteur des droits de la personne ont reconnu qu’il est possible de faire la démonstration de discrimination au moyen de l’analyse de tous les facteurs pertinents, y compris des éléments de preuve circonstanciels. De plus, selon la jurisprudence relative aux droits de la personne, il suffit qu’un motif protégé par le Code figure parmi les facteurs ayant mené à une décision ou à un traitement discriminatoire pour que soit rendu un jugement de discrimination[95].

La méthode visant à déterminer l’existence de discrimination réelle devrait être flexible et prendre en compte le plein impact de la distinction sur la personne ou le groupe touché. Les facteurs contextuels et considérations pertinentes peuvent varier légèrement selon le type de discrimination (p. ex. directe, par suite d’un effet préjudiciable ou systémique; profilage) ou le motif allégué. Cependant, le critère juridique et le seuil de tolérance demeurent les mêmes.

Pour démontrer qu’il y a eu discrimination, il n’est pas nécessaire que l’interaction entre les parties ait inclus des paroles ou commentaires liés au handicap psychosocial. Toutefois, si de tels commentaires ont été formulés, ils constituent une preuve de plus du fait que le handicap psychosocial a joué un rôle dans le traitement réservé à une personne.


[94] Ces critères d’établissement de l’existence de discrimination sont tirés de Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 C.S.C. 61; R.B. v. Keewatin-Patricia District School Board, 2013 HRTO 1436, au par. 204. Il est à noter que dans quelques cas, qui pour la plupart mettaient en cause des services gouvernementaux ou laissaient entendre qu’un traitement différentiel pourrait ne pas produire d’effet réellement discriminatoire, les circonstances de l’affaire ne permettaient pas de présumer ou de conclure qu’il y avait eu discrimination. Dans de tels cas, la partie plaignante peut devoir faire la démonstration du traitement ou de l’effet préjudiciable. Voir, par exemple, Ontario (Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010, supra, note 39; Ivancicevic v. Ontario (Consumer Services), 2011 HRTO 1714 (CanLII); Klonowski v. Ontario (Community Safety and Correctional Services), 2012 HRTO 1568 (CanLII). Cependant, selon la Cour d’appel de l’Ontario et le TDPO, il est possible dans la plupart des affaires prises en application du Code de présumer l’existence d’un désavantage lorsqu’on est en présence d’un traitement préjudiciable fondé sur un motif de discrimination interdit. D’après ces tribunaux, il ne sera pas nécessaire, dans la plupart des causes relatives aux droits de la personne, de mener un processus de démonstration de la nature spécifique du désavantage. Voir Hendershott v. Ontario (Community and Social Services), 2011 HRTO 482, au par. 45 (CanLII).

[95] Gray v. A&W Food Service of Canada Ltd. (1994), CHRR Doc 94-146 (Ont. Bd. Inq.); Dominion Management v. Velenosi, [1977] O.J. No. 1277 au par. 1 (C.A.); Smith v.Mardana Ltd. (No. 1) (2005), 52 C.H.R.R. D/89 au par. 22 (Ont. Div. Ct.); King v. CDI Career Development Institutes Ltd. (2001), 39 C.H.R.R. D/322 (Sask. Bd. Inq.).

 

10. Formes de discrimination

La discrimination peut prendre une variété de formes. Par exemple, elle peut être directe. Elle peut survenir quand des personnes ou des organisations bloquent l’accès de personnes spécifiques à des logements locatifs, emplois ou services, leur refusent des avantages offerts à d’autres ou leur imposent des fardeaux additionnels qu’elles n’imposent pas à d’autres, sans raison légitime ou de bonne foi. Cette discrimination repose souvent sur des attitudes négatives, des stéréotypes et des partis pris à l’égard des personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances.

La discrimination peut également se manifester de façon indirecte. Elle peut être exercée par l’entremise d’une tierce personne ou organisation. Par exemple, une agente d’un locateur pourrait « indirectement » exercer de la discrimination à l’égard des personnes qui, à ses yeux, ont des handicaps psychosociaux parce que le locateur lui a dit de rejeter toute demande de personnes handicapées. Toute organisation ou personne qui fixe des conditions discriminatoires et toute organisation ou personne qui exerce cette discrimination peuvent être accusées conjointement et tenues ensemble responsables de discrimination dans le cadre d’une plainte relative aux droits de la personne.

La discrimination est souvent subtile. Les gens sont probablement peu susceptibles de formuler ouvertement des remarques discriminatoires ou d’exprimer des points de vue stéréotypés pour expliquer leur comportement. Pour établir qu’il y a eu discrimination subtile, il est donc habituellement nécessaire d’examiner l’ensemble des circonstances de façon à déceler un modèle de comportement discriminatoire. Des actes individuels peuvent sembler ambigus ou se justifier lorsqu’on les examine de façon isolée, alors que leur mise en contexte permet de conclure que la discrimination fondée sur un motif du Code a constitué un facteur dans le traitement d’une personne. Tout écart inexplicable par rapport aux pratiques habituelles peut aussi servir à démontrer l’existence de discrimination[96]. Les critères applicables uniquement à certaines personnes et non à d’autres peuvent également constituer une preuve de discrimination si l’on peut démontrer que des personnes et des groupes protégés aux termes du Code sont visés par un traitement différent[97].

Parfois, des règles, des normes, des politiques, des pratiques ou des exigences d’apparence neutre peuvent avoir un « effet préjudiciable » sur les personnes aux prises avec des handicaps psychosociaux.

Exemple : Une coopérative d’habitation voulait expulser une personne parce qu’elle n’effectuait pas d’heures de bénévolat (exigence imposée à tous les membres), malgré qu’elle avait une note de son médecin indiquant qu’elle ne pouvait les effectuer pour des raisons médicales. La coopérative a aussi cherché à obtenir des précisions supplémentaires sur sa situation médicale, que la personne a refusé de fournir. La tentative d’expulsion de la personne était fondée sur ces deux motifs. La règle relative au bénévolat de la coopérative a eu un effet préjudiciable sur la plaignante en raison de son trouble mental. Le tribunal judiciaire a statué que la coopérative avait une obligation d’accommodement de la personne jusqu’au point de préjudice injustifié. Si la plaignante ne pouvait pas effectuer de bénévolat « pour des raisons médicales valables », le tribunal était d’avis que l’en exempter ne causerait probablement pas de préjudice injustifié[98].

Beaucoup de lois, d’exigences ou de normes sont mises en place sans égard aux circonstances ou besoins particuliers des personnes ayant des handicaps psychosociaux. Il incombe aux organisations de comprendre leur possible effet discriminatoire et, le cas échéant, de le supprimer.

10.1 Profilage fondé sur la santé mentale

Le profilage fondé sur la santé mentale fait référence à toute prise à partie de personnes en fonction non pas de motifs raisonnables, mais de stéréotypes fondés sur la santé mentale ou les dépendances, dans le but d’accorder à ces personnes une plus grande attention ou un traitement particulier pour des raisons de sécurité ou de protection du public.

Exemple : Dans un hôpital, on demande couramment au personnel de sécurité d’être présent lorsqu’on examine des patients dont le dossier fait état d’un diagnostic de trouble mental, quel que soit le comportement de la personne[99].

Le profilage fondé sur la santé mentale diffère du profilage criminel. Le profilage criminel se fonde sur le comportement réel d’une personne qui répond à un certain signalement ou sur des renseignements relatifs à la présumée activité criminelle de cette personne.

L’expérience de personnes issues de communautés racialisées ou autochtones en matière de profilage racial a mené à l’inclusion du concept de « profilage » au secteur des droits de la personne. La jurisprudence abonde de décisions établissant le phénomène du profilage racial[100]. Bien que le profilage fondé sur la santé mentale prenne des allures différentes, ses effets peuvent s’avérer tout aussi néfastes et aliénants.

Le profilage repose sur des idées préconçues à propos du caractère d’une personne. Les personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance perçus ou connus sont couramment considérées de façon stéréotypée comme des risques pour la sécurité publique, même lorsqu’il existe peu de preuves objectives à l’appui d’une telle perception[101]. Une variété de situations pourrait donner lieu à du profilage fondé sur la santé mentale (par exemple, l’obtention de services policiers, éducatifs, gouvernementaux, communautaires, de vente au détail ou de restauration[102]).

Dans le cas du profilage racial, les tribunaux judiciaires ont accepté la notion de racisme généralisé. Par exemple, dans le cas du racisme à l’égard des personnes noires, ils acceptent que l’omniprésence des idées sociétales négatives à l’endroit des hommes noirs puisse à tort favoriser l’établissement d’un lien entre ces hommes et des actes de violence. Dans un tel contexte, les stéréotypes pourraient exercer une influence inconsciente sur le comportement et entraîner des réactions excessives par rapport à la menace que constituent les personnes noires, et ce, même lorsqu’il n’existe pas de risque réel[103].

La CODP est d’avis que les stéréotypes généralisés de longue date peuvent, de la même façon, avoir une influence sur la conduite à l’égard des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou des dépendances perçus ou connus. Les organisations et membres de la collectivité doivent évaluer les risques à la lumière des circonstances particulières de la personne, au moyen de preuves ou de critères objectifs, plutôt que fonder leur comportement sur des suppositions ou des hypothèses générales fondées sur le diagnostic ou les problèmes de santé mentale perçus d’une personne.

Dans certaines situations, des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances pourraient adopter des comportements qui sont associés à leur comportement, mais ne constituent aucun risque pour la sécurité publique. Parce qu’ils semblent « différents » ou inhabituels, ou vont à l’encontre des normes sociales conventionnelles cependant, ces comportements pourraient être perçus comme constituant un risque pour la sécurité publique et donner lieu à une réaction disproportionnée[104]. Selon la CODP, il peut s’agir d’une forme de profilage.

Même s’il existe des signes de risque ou de méfaits, les organisations sont tenues de réagir d’une façon qui est proportionnelle à la situation[105]. Quand la présomption de risque est fondée sur des stéréotypes, on peut assister à une escalade inutile des façons d’intervenir auprès des personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance.

Les preuves directes de profilage sont très rares, ce qui signifie qu’on peut uniquement démontrer l’existence de profilage par inférence, au moyen de preuves circonstancielles[106]. Les facteurs suivants, tirés de la jurisprudence sur le profilage racial, peuvent s’avérer pertinents au moment de déterminer si le profilage fondé sur la santé mentale constituait un des motifs du traitement allégué :

  • l’intimé sait que la personne a un problème de santé mentale ou une dépendance, ou a l’impression que la personne a un problème de santé mentale ou une dépendance
  • on a formulé des commentaires qui révèlent des stéréotypes ou des préjugés à l’endroit d’une personne ayant un problème de santé mentale ou une dépendance (p. ex. commentaires négatifs)
  • on ne donne aucune explication ou on donne des explications contradictoires, changeantes ou illogiques pour expliquer pourquoi une personne a fait l’objet d’une plus grande attention ou d’un traitement différent[107]
  • on a fait des écarts difficiles à expliquer par rapport à la pratique habituelle[108]
  • on a fait preuve de manque de professionnalisme ou de courtoise à l’égard de la personne (p. ex. elle a subi un interrogatoire)[109]
  • la personne a un certain profil[110]
  • on a pris des mesures ou formulé des soupçons non fondés envers une conduite facilement justifiable[111]
  • des gestes innocents ou ambigus ont été mal interprétés et jugés compromettants (p. ex. le fait de ne pas regarder une personne dans les yeux)
  • réaction exagérée à des comportements jugés difficiles[112]
  • dénouement différent de ce qui se serait produit si on ne savait pas ou n’avait pas l’impression que la personne avait un problème de santé mentale ou une dépendance[113].

On peut s’attendre à ce que les personnes qui pensent faire l’objet de profilage trouvent l’expérience troublante et réagissent par de la colère et des propos agressifs. Dans les circonstances, il faut user d’un certain degré de tact et de tolérance et ne pas utiliser cette réaction négative pour justifier l’administration d’un traitement différencié.

Dans d’autres situations, il peut arriver que le comportement qu’affiche une personne en raison d’un trouble mental ou d’une dépendance justifie, sur le plan juridique ou autre, un examen plus poussé de la situation. Par exemple, aux termes de la Loi sur la santé mentale, les agents de police peuvent appréhender une personne et la traîner devant un médecin s’ils ont « des motifs raisonnables » de croire que la personne agit de façon désordonnée et constitue un risque pour autrui (ou elle-même). Cependant, ils doivent également être d’avis que la personne a un trouble mental qui causera des lésions corporelles graves à autrui, ou des lésions corporelles graves ou un affaiblissement physique grave à la personne[114]

Aussi, aux termes du Code criminel, certains comportements associés à la consommation d’alcool et de drogues pourraient constituer des « motifs raisonnables » et justifier une plus grande attention de la part des services de police (p. ex. si une personne donne des signes de conduite en état d’ébriété ou après avoir consommé des drogues).

Le TDPO a déterminé que le fait de réagir aux comportements réels de personnes aux prises avec des troubles mentaux qui entraînent des risques ne constitue pas de la discrimination[115].

Certaines personnes, qui font partie de plus d’un groupe protégé aux termes du Code, peuvent être perçues à tort comme constituant un risque pour la sécurité publique. Par exemple, les personnes autochtones ou issues de communautés racialisées qui ont également des problèmes de santé mentale pourraient être plus susceptibles d’être qualifiées de risques pour la sécurité et de faire l’objet de profilage que le reste de la collectivité. Les stéréotypes multiples liés à l’âge, au sexe, au handicap, à la race, à l’identité autochtone, au statut socio-économique ou autre peuvent accroître l’impression que certaines personnes constituent un risque pour la sécurité.

Exemple : Un tribunal a déterminé que le propriétaire d’un centre commercial et l’entreprise de sécurité qu’il employait traitaient couramment de façon discriminatoire les personnes autochtones et personnes handicapées. Le tribunal a examiné les « ordres » donnés par le centre commercial pour orienter les activités de surveillance des agents de sécurité et a déterminé que certains de leurs éléments étaient discriminatoires et véhiculaient des stéréotypes à l’endroit des personnes démunies sur le plan économique. Par exemple, le tribunal a fait remarquer que l’ordre visant à cibler les personnes qui ont une « mauvaise odeur » et se parlent à elles-mêmes pourrait avoir un effet préjudiciable sur les personnes ayant un trouble mental ou une dépendance[116].

Les organisations qui portent une attention plus grande sur les personnes ayant des handicaps psychosociaux connus ou perçus en raison de stéréotypes et de suppositions, plutôt que de comportements réels, pourraient contrevenir au Code[117].

10.2 Harcèlement

Le Code interdit le harcèlement en matière d’emploi et de logement[118]. En matière d’emploi, les personnes ont le droit de travailler à l’abri de harcèlement de la part de leur employeur, de collègues ou d’un mandataire de leur employeur qui soit fondé sur des motifs interdits par le Code, dont le handicap. Ce droit s’étend au « lieu de travail élargi », soit les situations qui ont rapport au travail, mais se déroulent à l’extérieur du lieu de travail physique ou en dehors des heures normales de travail, telles que les voyages d’affaires et les réceptions ou réunions mondaines liées à l’emploi. La question est de savoir si ces événements ont des conséquences liées au travail sur la personne qui est victime du harcèlement[119].

En matière de logement, les personnes ayant des handicaps psychosociaux ont le droit de vivre à l’abri de harcèlement de la part d’un propriétaire, de son mandataire ou d’un occupant du même immeuble qui soit fondé sur des motifs interdits par le Code, dont le handicap.

Exemple : Une personne qui a signalé avoir des troubles d’apprentissage et des problèmes de dépression décide de quitter son logement et d’aménager dans un logement subventionné. Son propriétaire sait qu’elle a des problèmes de santé mentale. Furieux du fait qu’elle quitte son logement, il se met à la traiter de « folle » et de « malade » durant les dernières semaines avant son déménagement. Le TDPO a déterminé qu’il s’agissait de harcèlement fondé sur la santé mentale et que la requérante avait « souffert d’humiliation et de perte de dignité considérables »[120].

Les gens ont aussi le droit de vivre à l’abri de harcèlement dans les domaines de l’obtention de services, de la conclusion de contrats et de l’association ou l’appartenance à un syndicat, à une association professionnelle ou autre. Les articles 1, 3 et 6 du Code garantissent le droit à un traitement équitable dans ces domaines sociaux, sans discrimination fondée sur le handicap ou les autres motifs protégés aux termes du Code. Il est par conséquent interdit de pratiquer du harcèlement fondé sur le handicap, une forme de discrimination, dans ces domaines sociaux[121].

Le Code définit le harcèlement de la façon suivante : « Fait pour une personne de faire des remarques ou des gestes vexatoires lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns[122] ». La mention de remarques ou de gestes que la personne « sait ou devrait raisonnablement savoir » qu’ils « sont importuns » établit un critère à la fois objectif et subjectif de détermination de l’existence du harcèlement.

Du côté subjectif, on considère la connaissance qu’a le harceleur de la réaction provoquée par son comportement. Du côté objectif, soit le point de vue d’une tierce partie « raisonnable », on considère le type de réaction généralement provoquée par le comportement. Pour établir le point de vue d’une tierce partie « raisonnable », il faut prendre en compte la perspective de la personne qui est victime de harcèlement[123]. Autrement dit, le TDPO peut conclure selon la preuve à sa disposition qu’une personne savait, ou aurait dû savoir, que ses gestes étaient importuns[124].

Il importe de comprendre que l’on peut déduire de la réaction de la personne visée par certains types de remarques ou de gestes que ceux-ci sont importuns, même si cette personne ne s'en plaint pas ouvertement[125]. C'est, par exemple, le cas d’une personne qui s'éloignerait avec dégoût d’un collègue de travail qui formule des commentaires offensants à l’endroit des personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances[126].

Certains gestes ou remarques fondés sur un motif protégé aux termes du Code (comme le handicap) ne sont pas nécessairement offensants à première vue. Ils peuvent toutefois être jugés « importuns » par la personne ciblée. Lorsqu’on adopte de nouveau le comportement ou une conduite similaire malgré que la personne indique qu’il est malvenu, il peut y avoir violation du Code.

Des gens peuvent être la cible de « gestes importuns » fondés sur un handicap psychosocial actuel, passé ou perçu, sur des besoins en matière d’accommodement, sur un traitement qu’ils reçoivent (p. ex. médication ou thérapie) ou sur des effets secondaires d’un traitement. Le harcèlement peut inclure ce qui suit : 

  • insultes, surnoms ou interpellations insultantes fondés sur un handicap psychosocial
  • graffiti, images ou caricatures offrant une représentation négative des personnes ayant des handicaps psychosociaux
  • commentaires ridiculisant des personnes en raison de caractéristiques liées à la santé mentale ou les dépendances
  • questions ou observations déplacées à propos du handicap, de la médication ou des besoins en matière d’accommodement d’une personne
  • moqueries ou plaisanteries visant une personne en raison d’un handicap psychosocial
  • divulgation non appropriée du handicap psychosocial d’une personne à des parties qui n’ont pas besoin d’avoir cette information
  • exclusion répétée de personnes de l’environnement social, ou « ostracisme »
  • diffusion de matériel offensant sur les personnes ayant des handicaps psychosociaux au sein d’une organisation par courriel, messages textes, Internet ou autre. 

Le harcèlement fondé des motifs du Code est de plus en plus courant dans le cyberespace où il prend des formes diverses comme des messages textes, des courriels ou des commentaires diffusés dans les réseaux sociaux et les blogues[127]. Malgré la complexité des questions juridictionnelles entourant la réglementation juridique du cyberharcèlement, les organisations peuvent être tenues responsables du maintien d’un milieu empoisonné causé par l’utilisation de la technologie de l’organisation ou d’appareils électroniques privés utilisés dans les locaux de l’organisation pour consulter des communications électroniques contenant des remarques ou des comportements constituant du harcèlement[128].

Le harcèlement peut prendre diverses formes selon que la personne concernée est visée à la fois par un ou plusieurs motifs interdits aux termes du Code.

Exemple : le TDPO a déterminé qu’un employeur avait fait de la discrimination à l’endroit d’un employé ayant des troubles bipolaires parce qu’il n’a fait aucun effort pour enquêter sur ses allégations de harcèlement ou intervenir. L’employé a rapporté plusieurs cas de commentaires et de gestes non appropriés formulés ou posés par ses collègues en rapport avec son handicap ou la perception de son orientation sexuelle. L’employeur n’a rien fait pour mettre fin au harcèlement ou à l’intimidation. Selon l’employé, le harcèlement incluait des sarcasmes homophobes et des blagues liées à sa prise de médication. Il disait aussi se faire traiter de « monstre ». Ses collègues auraient également tenté de nuire à ses activités professionnelles en disant à des clients éventuels qu’il était « fou » et « que son nouveau petit copain prenait tout son temps »[129].

Pour qu’il y ait violation du Code ou pour déposer une plainte aux termes du Code, la personne visée n’est pas tenue de s’être opposée au harcèlement lorsqu’il est survenu[130]. Une personne aux prises avec un problème de santé mentale ou une dépendance qui est la cible de harcèlement peut être en situation de vulnérabilité et craindre les conséquences du fait de s’opposer ouvertement à la situation. Les fournisseurs de logements et de services et les employeurs ont l’obligation de maintenir un environnement exempt de discrimination et de harcèlement, peu importe qu’il y ait eu objection ou non[131].

10.3 Milieu empoisonné

Le maintien d’un milieu empoisonné est une forme de discrimination. Dans le domaine de l’emploi, les tribunaux ont jugé que l’atmosphère d’un lieu de travail est une condition d’emploi au même titre que les heures de travail ou le taux salarial. Les « conditions d’emploi » comprennent les circonstances émotionnelles et psychologiques du lieu de travail[132]. On peut aussi se heurter à un milieu empoisonné en contexte de logement et de services.

La présence de remarques et de conduites importunes constantes au sein d’une organisation peut empoisonner le milieu et créer une atmosphère hostile ou angoissante pour un membre ou plus d’un groupe protégé aux termes du Code. Tel peut être le cas quand une personne ou un groupe est victime de harcèlement continu. Or, on établit qu’un milieu est empoisonné non pas selon la fréquence à laquelle des commentaires sont formulés ou des gestes sont posés, mais selon la nature de ces gestes et commentaires, et leur effet sur la personne. Bien que la définition du terme harcèlement renvoie à des remarques ou des gestes importuns « répétés », il arrive qu’un commentaire ou qu’un geste, à lui seul, soit si grave ou substantiel qu’il a pour effet de créer un milieu empoisonné[133].

Exemple : À titre de mesure d’adaptation, une femme qui faisait de l’anxiété a pu être accompagnée au bloc opératoire par une personne chargée de l’aider à se détendre avant sa chirurgie. Après l’intervention, le chirurgien lui a dit : « si j’avais su que vous étiez folle, je ne vous aurais jamais opéré ». On pourrait considérer que ce commentaire a empoisonné le milieu d’obtention de services de cette femme.

La création d’un milieu empoisonné a pour conséquence d’imposer à certaines personnes des conditions d’emploi, de location ou d’obtention de services très différentes de celles des personnes qui ne sont pas visées par les gestes et commentaires importuns. Il en résulte un déni d’égalité aux termes du Code.

Exemple : Dans une décision portant sur un homme aux prises avec une dépendance à la cocaïne, le TDPO affirmait : « Je trouve que l’emploi par l’intimé du terme crack head auprès du requérant et à propos de celui-ci était humiliant compte tenu du handicap du requérant. La divulgation par courriel de cette dépendance dans le contexte d’allégations de méfaits a heurté la dignité du requérant et l’a stigmatisé en raison de son handicap. J’accepte que cette discrimination ait eu un effet néfaste sur la confiance du requérant au travail et sur sa capacité de collaborer avec ses relations d’affaires, qui ne le traitaient plus de la même façon[134].

Je suis d’avis que cette discrimination a causé de l’humiliation, de l’embarras et une perte de respect de soi, de dignité, d’estime de soi et de confiance au requérant, qui avait l’impression d’avoir fait l’objet de stigmatisation en milieu de travail. Je suis également d’avis que cela a miné la confiance du requérant en l’intimé et a entraîné sa démission, en plus de créer un milieu empoisonné[135]. »

Toute personne, quel que soit son statut ou sa position d’autorité, peut formuler des remarques ou poser des gestes qui créent un milieu empoisonné. Par conséquent, le milieu d’une personne ayant un handicap psychosocial peut être empoisonné par un collègue, un superviseur, un colocataire, un membre du conseil d’administration, un fournisseur de services, un compagnon de classe ou autre.

Le comportement en cause ne doit pas nécessairement viser une personne en particulier pour créer un milieu empoisonné. Une personne peut subir les contrecoups d’un milieu empoisonné même si elle n’appartient pas au groupe ciblé. De plus, le fait de faire fi de l’existence de discrimination ou de harcèlement peut en soi causer un milieu empoisonné[136].

En contexte de services, de logement et d’emploi, les organisations ont l’obligation d’assurer un milieu libre de discrimination, de garder l’œil sur les milieux empoisonnés qui se forment et de prendre des mesures pour intervenir et les éliminer.

Exemple : Après le décès de son père, une serveuse de bar a sombré dans la dépression et a pris un congé d’invalidité du travail. Entre autres, le TDPO a déterminé que son employeur avait publié des renseignements confidentiels sur son état de santé à l’intention des membres et du personnel du club, et avait ordonné au personnel de donner une copie de l’information à tout membre qui en faisait la demande. Selon le TDPO, cela avait stigmatisé l’employée et empoisonné son milieu de travail, et constituait donc de la discrimination[137].

Les cadres d’organisations qui sont conscients ou devraient être conscients de l’existence d’un milieu empoisonné, mais ne font rien pour modifier la situation exercent de la discrimination à l’endroit des locataires, employés ou usagers de services touchés, même s’ils n’ont pas personnellement participé à l’empoisonnement du milieu[138].

10.4 Discrimination systémique

La discrimination fondée sur les handicaps psychosociaux ne se limite pas à des comportements individuels; elle peut également être systémique ou institutionnalisée. La discrimination systémique ou institutionnalisée est l’une des formes de discrimination les plus complexes[139]. Les organisations et institutions ont l’obligation positive de veiller à ne pas exercer de discrimination systémique ou institutionnelle.

On entend par discrimination systémique ou institutionnelle des formes de comportement, des politiques ou des pratiques qui font partie des structures sociales et administratives d’une organisation ou d’un secteur, et qui créent ou perpétuent une situation de désavantage relatif chez les personnes ayant des handicaps psychosociaux. Ces comportements, politiques ou pratiques peuvent sembler neutres en apparence, mais avoir néanmoins un effet « préjudiciable » ou d’exclusion sur les personnes ayant des handicaps psychosociaux.

Exemple : Le fait de consigner au casier judiciaire les contacts avec les services de police sans rapport avec un acte criminel, et de les divulguer dans le cadre de vérifications du casier judiciaire, peut créer des obstacles à l’emploi pour les personnes ayant des troubles psychiques. Il peut s’agir d’une forme de « discrimination systémique »[140].

La discrimination systémique peut également chevaucher d’autres types de discrimination qui ne sont pas neutres. Par exemple, l’effet discriminatoire d’une politique particulière peut être aggravé par l’attitude discriminatoire de la personne chargée de l’administration de la politique.

Exemple : Une municipalité a élaboré un règlement restreignant le choix de l’emplacement des foyers de groupe pour personnes handicapées en réaction aux préoccupations de résidents qui ne veulent pas de locataires aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances dans leur quartier. La municipalité continue également d’assurer l’application de ses règlements de longue date visant à interdire les maisons de chambres et à empêcher la cohabitation d’un nombre élevé de locataires. Ces règles et règlements auront un effet préjudiciable, intentionnel ou non, sur les personnes ayant des handicaps psychosociaux, qui sont particulièrement susceptibles de faire appel à ce genre de milieux de vie. La conduite de la municipalité peut être une indication de discrimination systémique[141].

La discrimination systémique est souvent enchâssée dans une institution ou un secteur, et peut échapper à la vue des personnes qu’elle ne vise pas. En donnant l’impression qu’elle résulte de forces « naturelles » (p. ex. les personnes ayant des handicaps psychosociaux ne sont pas aussi aptes au travail), « l’exclusion même du groupe désavantagé » peut venir favoriser la discrimination[142]. Pour combattre la discrimination systémique, les organisations doivent créer un climat propice à la remise en question et à l’élimination des pratiques et attitudes négatives.

Dans certaines situations, l’existence de désavantages historiques est un facteur qui engendre la discrimination systémique ou y contribue. Toute analyse cherchant à établir l’existence de discrimination systémique ou institutionnelle doit donc nécessairement tenir compte de la position déjà défavorisée d’une personne ou d’un groupe au sein de la société canadienne. Chez les personnes ayant des handicaps psychosociaux, il peut être possible d’établir un lien entre discrimination organisationnelle et sectorielle, et le contexte plus général de la stigmatisation sociale, des questions de vie privée relatives à la divulgation du handicap, des stéréotypes négatifs courants et de la marginalisation historique, économique et sociale dont ces personnes ont fait l’objet.

Exemple : Dans le cadre d’une demande de stage auprès d’un barreau, un étudiant en droit remplit un questionnaire qui comprend la question : « Avez-vous déjà suivi un traitement de la schizophrénie, de la paranoïa ou d’un trouble de l’humeur qualifié de trouble affectif grave ou de trouble bipolaire? Il répond « oui » puisqu’il a déjà traversé quelques périodes de dépression pour lesquelles il a obtenu un traitement. Parce qu’il a répondu « oui », le barreau lui impose certaines conditions et réexamine sa compétence mentale chaque fois qu’il présente une demande de participation à de nouvelles activités professionnelles. Malgré le fait qu’il n’a traversé aucune nouvelle période de dépression, il doit produire plusieurs rapports médicaux et rencontrer un psychiatre après avoir été admis au barreau, et se soumettre à une enquête menée par deux enquêteurs privés. Son dossier connaît des délais non imposés aux autres candidats.

Un tribunal des droits de la personne a conclu que la question est discriminatoire et entraîne de la discrimination systémique à l’endroit des personnes aux prises avec les troubles mentaux mentionnés. Cela provient en partie du fait que les personnes qui répondent « oui » à la question font l’objet d’une évaluation plus intense (et intrusive) que les autres. Le tribunal apprend également que le barreau avait imposé des conditions à l’adhésion de 77 p. 100 des personnes ayant répondu par l’affirmative. Le tribunal note que les facteurs en l’espèce sont « suffisants pour constituer un effet préjudiciable, surtout compte tenu des désavantages historiques et de la stigmatisation sociale actuelle dont font l’objet les personnes ayant un diagnostic de trouble mental[143] ».

Il n’est pas toujours nécessaire que de nombreuses personnes se plaignent des politiques ou pratiques d’une organisation pour qu’on reconnaisse leur effet systémique discriminatoire. On peut souvent déduire des éléments de preuve du cas d’une personne que beaucoup de membres d’un groupe protégé aux termes du Code subiront les effets préjudiciables des politiques ou pratiques en cause. 

Pour démontrer l’existence de discrimination systémique, on doit établir un lien entre les politiques et pratiques de l’organisation et des effets préjudiciables sur une personne ou un groupe quelconque[144]. Pour obtenir des renseignements détaillés sur la façon de cerner la discrimination systémique, consulter la section 4.1 du document de la CODP intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale[145].


[96] Voir Johnson v. Halifax Regional Police Service (2003), 48 C.H.R.R. D/307 (N.S. Bd. Inq.), au par. 57, pour obtenir un exemple d’écart par rapport aux pratiques habituelles utilisé à l’appui d’un jugement de discrimination raciale. 

[97] Une étude menée par le Centre pour les droits à l’égalité au logement (CERA) s’est penchée sur la discrimination subtile et directe au sein du marché locatif de Toronto. Des bénévoles ont procédé à une vérification téléphonique dans le cadre de recherches sur la demande de logements vacants. Ils ont utilisé une série de scénarios basés sur des « profils » qui jumelaient toutes les caractéristiques, sauf celle qui pouvait donner lieu à de la discrimination. En ce qui a trait au profil de trouble mental, les bénévoles ont prétendu représenter une organisation de santé mentale qui cherchait des logements pour ses clients. Dans l’ensemble, l’étude a montré que plus du tiers des personnes ayant des troubles mentaux qui cherchaient un logement faisaient l’objet de discrimination sur le marché locatif de Toronto. Voir Sorry It’s Rented: Measuring Discrimination in Toronto’s Rental Housing Market, juillet 2009. Accessible en ligne : www.equalityrights.org/cera

[98] Eagleson Co-operative Homes, Inc. c. Théberge, 2006, supra, note 23 au par. 24.

[99] Voir aussi la recommendation no 39 de l’enquête de coroner sur les décès de Reyal Jardine-Douglas, Sylvia Klibingaitis et Michael Eligon (février 2014) [« verdit du jury Eligon »] qui recommandait aux services de police de Toronto de modifier leurs procédures pour « clarifier le fait que les agents de police ne devraient pas menoter [les personnes] appréhendées aux termes de la Loi sur la santé mentale à moins qu’elles n’affichent de comportement qui justifie l’utilisation de menottes. »

[100] Voir Johnsonsupra, note 96; Nassiah v. Peel Regional Police Services Board, 2007 HRTO 14 (CanLII); Peel Law Association v. Pieters, 2013 ONCA 396 (CanLII); Shaw v. Phipps, 2012 ONCA 155 (CanLII); McKay v. Toronto Police Services Board, 2011 HRTO 499 (CanLII). Voir aussi le document de la CODP de 2005 intitulé Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale, accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-sur-le-racisme-et-la-discrimination-raciale. Voir aussi le rapport de 2003 de la CODP intitulé Un prix à payer : Les coûts humains du profilage racial, accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/un-prix-trop-%C3%A9lev%C3%A9-les-co%C3%BBts-humains-du-profilage-racial.

[101] Heather Stuart. « Violence and Mental Illness: An Overview », Journal of World Psychiatry 2, 2003, p. 123.

[102] Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd., supra, note 87.

[103] R. v. Parks, [1993] O.J. No.2157 (C.A.); Knoll North America Corp. v. Adams, 2010 ONSC 3005 (CanLII).

[104] Voir Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd.supra, note 87, aux par. 577 à 579.

[105] Dans l’arrêt R. v. Brown (2003), 64 O.R. (3d) 161 (C.A.), la Cour d’appel de l’Ontario a reconnu que le profilage racial n’était pas approprié, même quand les agents de police pouvaient justifier que leur conduite n’était pas basée sur des stéréotypes négatifs fondés sur la race. Dans l’arrêt Brown, le plaignant a été interpellé pour excès de vitesse, mais l’examen des faits semait des doutes quant à la légitimité de son interpellation, qui semblait fondée sur des stéréotypes raciaux à propos du plaignant. Dans le cadre d’une étude menée sur les armes à impulsions, la Commission des plaintes du public contre la GRC a observé que le taux d’utilisation de l’AI par la GRC était de 49,6 p. 100 dans les cas liés à la santé mentale, ce qui était beaucoup plus élevé que pour les cas non liés à la santé mentale (39,2 p. 100). L’étude indiquait ce qui suit : « c’est dans des cas liés à la santé mentale que l’AI a été déployée le plus souvent […] il n’y a aucune donnée probante selon laquelle les cas liés à la santé mentale présentent un risque plus élevé que les autres types d’incidents ». Utilisation de l’arme à impulsions (AI) à la GRC du 1er janvier au 31 décembre 2009 (24 juin 2010), accessible en ligne à l’adresse : www.cpc-cpp.gc.ca/cnt/tpsp-tmrs/cew-ai/cew-ai-12/cew-aiRp-fra.pdf.

[106] R. v. Brown (2003), idem. Voir aussi, R. v. Richards (1999), 120 O.A.C. 344 (C.A.), Peart v. Peel (Regional Municipality) Police Services Board, [2003] O.J. No. 2669 (Sup. Ct) et R. v. Khan (2004),
244 D.L.R. (4 th) 443 (Ont. Sp. Ct.).

[107] Par exemple, dans l’arrêt R. v. Khanidem, la raison donnée par les agents de police pour avoir interpellé M. Khan et fouillé sa voiture ne correspondait pas aux éléments de preuve du dossier et n’avait aucun sens. La Cour a donc estimé raisonnable de conclure qu’il s’agissait de profilage racial, M. Khan étant un jeune homme noir, au volant d’une voiture de luxe.

[108] Dans Johnson v. Halifax Region Police Servicesupra, note 96, au par. 57, la commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse a estimé que, pour déterminer l’existence prima facie d’un traitement à impact différent, une commission d’enquête doit essayer d’établir de quelle façon les événements se déroulent normalement dans une situation analogue. Les écarts de la pratique normale et les marques d’intransigeance ou d’impolitesse permettent de conclure à un traitement différent.

[109] Idem. La commission d’enquête a jugé que la manière non professionnelle dont le plaignant avait été traité lors d’un incident de la circulation était due à sa race et qu’il serait difficile d’imaginer qu’on traite un automobiliste blanc de la même façon. Voir aussi la décision Abbott v. Toronto Police Services Board, 2009 HRTO 1909 (CanLII), selon laquelle le ton inutilement brusque et exigeant d’un agent de police avait permis de conclure qu’il y avait eu profilage racial.

[110] Voir Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd., supra, note 87.

[111] Par exemple, voir McKay v. Toronto Police Services Boardsupra, note 100.

[112] Adams v. Knoll North America, 2009 HRTO 1381 (CanLII), qui confirmait la décision Knoll North America Corp. v. Adamssupra, note 103.

[113] « Pour déterminer s’il y a eu traitement différent, la commission doit nécessairement faire une hypothèse sur la façon dont les choses se seraient passées si le chauffeur et son passager avaient été blancs plutôt que noirs. […] Je trouve difficile d’imaginer que ces événements se seraient déroulés de la même façon si un automobiliste blanc du Texas avait été en cause ici. » Voir Johnson v. Halifaxsupra, note 96 au par. 51 et 57.  Voir aussi Abbottsupra, note 109.

[114] Voir l’article 17 de la Loi sur la santé mentalesupra, note 70. Dans l’arrêt Smith v. Windsor Police Service 2009 HRTO 1440 (CanLII), le TDPO a reconnu que la fausse idée que se faisait un agent de police sur les risques de violence associés à la santé mentale d’une personne pouvait mener à de la discrimination; elle a cependant déterminé que cela ne s’était pas produit dans cette affaire.

[115] Voir Smith v. Windsor Police Serviceidem.

[116] Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd., supra, note 87.

[117] Bien que le TDPO ne souhaite pas se prononcer sur le bien-fondé des techniques d’enquête policières, elle examinera des enquêtes ou interventions policières pour déterminer si elles contreviennent au Code; voir Lane v. Hamilton Police Services Board, 2011 HRTO 1145, par. 34 (CanLII).

[118] Voir les par. 5(2) et 2(2) du Code, respectivement.

[119] Voir, par exemple, S.S. v. Taylor, 2012 HRTO 1839 aux par. 53 à 56 (CanLII), citant Janzen c. Platy Enterprises Ltd., [1989] 2 R.C.S. 1252 et Simpson v. Consumers’ Assn. of Canada, 2001 CanLII 23994 (ON CA), autorisation d’appel refusée [2002] S.C.C.A. No. 83.

[120] Van Adrichem v. Lopes, 2010 HRTO 1091 (CanLII), au par. 34. Voir aussi Turner v. 507638 Ontariosupra, note 51.

[121] Arrêt Janzen c. Platy Enterprises Ltd., supra, note 119, appliqué par le TDPO pour confirmer que le Code protège contre le harcèlement en matière de services dans Haykin v. Rothsupra, note 59.

[122] Paragraphe 10(1) du Code.

[123] Voir Reed v. Cattolica Investments Ltd. and Salvatore Ragusa, [1996] O.H.R.B.I.D. No. 7. Voir aussi Gregory v. Parkbridge Lifestyle Communities Inc. 2011 HRTO 1535, au par. 87, citant Ghosh v. Domglas Inc. (No. 2) (1992), 17 C.H.R.R. D/216 (Ont. Bd. Inq.), aux par. 43 à 48, et Dhanjal v. Air Canada, 1996 CanLII 2385, à la p. 50 (CHRT).

[124] Reed v. Cattolica Investments Ltd. and Salvatore Ragusa, idem. Voir aussi Gregory v. Parkbridge Lifestyle Communities Inc.idem, au par. 87.

[125] Harriott v. National Money Mart Co., 2010 HRTO 353, au par. 104. Dans cette affaire de harcèlement sexuel, le TDPO a conclu que les commentaires sexualisés, non appropriés et continus de l’intimé étaient importuns en milieu de travail.

[126] Voir S.S. v. Taylorsupra, note 119 au par. 71.

[127] Voir, par exemple, l’arrêt Perez-Moreno v. Kulczycki, 2013 HRTO 1074 (CanLII) qui traite de la diffusion de commentaires discriminatoires sur Facebook et C.U. v. Blencowe, 2013 HRTO 1667 (CanLII), qui traite de messages textes harcelants.

[128] Pour plus d’information, voir la Politique sur la prévention du harcèlement sexuel et du harcèlement fondé sur le sexe de la CODP, accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/sites/default/files/policy%20on%20preventing%20sexual%20and%20gender%20based%20harassment_2013_accessible.pdf

[129] Selinger v. McFarland, 2008 HRTO 49 (CanLII).

[130] Dans Harriott v. National Money Mart Co., supra, note 125, au par. 108, le TDPO, citant la jurisprudence, a aussi confirmé qu’une personne n’était pas tenue de formuler des objections à une situation de harcèlement ou de protester.

[131] Dans le cas de l’emploi, des modifications à la Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, chap. O.1, exigent que tout employeur ayant plus de cinq employés élabore des politiques sur le harcèlement et la violence au travail, et les passe en revue une fois par année. Dans Berger v. Toronto (City), 2011 HRTO 625 (CanLII), le TDPO a aussi confirmé que les organisations ont l’obligation de prévoir l’accommodement des troubles mentaux qui surviennent en raison de harcèlement ou de conflits au travail, dans la mesure où ces troubles sont diagnostiqués par un médecin et qu’il existe des preuves médicales à l’appui de la nécessité de fournir des mesures d’adaptation. L’obligation existe qu’on ait pu ou non établir l’existence de harcèlement.

[132] Voir, par exemple, Smith v. Menzies Chrysler Inc., [2009] O.H.R.T.D. No. 1906 (QL); Dhillon v. F.W. Woolworth Co. (1982), 3 C.H.R.R. D/743 au par. 6691 (Ont. Bd. Inq.); Naraine v. Ford Motor Co. of Canada (no 4) (1996), 27 C.H.R.R. D/230, au par. 50 (Ont. Bd. Inq.); et Cugliari v. Telefficiency Corporation, 2006 HRTO 7 (CanLII).

[133] In Dhanjal c. Air Canadasupra, note 123, le tribunal a noté que plus la conduite est grave, moins il est nécessaire qu’elle soit répétée et que moins la conduite est grave, plus il est nécessaire de démontrer sa persistance. Voir aussi General Motors of Canada Limited v. Johnson, 2013 ONCA 502 (CanLII).

[134] Halliday v. Van Toen Innovations Incorporated, 2013 HRTO 583, au par. 91(CanLII).

[135] Idem, au par. 100.

[136] McKinnon v. Ontario (Ministry of Correctional Services), [1998] O.H.R.B.I.D. No. 10; Vanderputten v. Seydaco Packaging Corp., 2012 HRTO 1977 (CanLII).

[137] Knibbs v. Brant Artillery Gunners Clubsupra, note 65.

[138] Ghosh v. Domglass Inc., supra, note 123 au par. 76. [tel que cité dans McKinnon v. Ontario (Ministry of Correctional Services), [2002] O.H.R.B.I.D. No. 22].

[139] Dans Moore c. Colombie-Britannique (Éducation)supra, note 94, la Cour suprême du Canada a réaffirmé la définition de discrimination systémique qu’elle avait établie en 1987 dans son arrêt charnière CN. c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, c’est-à-dire « des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par voie de conséquence, gênent l’accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d’emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort » (aux par. 1138 et 1139). La CODP emploie « discrimination systémique » pour parler d’institutions individuelles ou de systèmes institutionnels auxquels s’applique le Code (p. ex. le système d’éducation).

[140] L’Association des chefs de police de l’Ontario a élaboré une directive sur la vérification du casier judiciaire qui donne les grandes lignes de l’information qu’elle juge appropriée de divulguer aux personnes qui cherchent à obtenir des renseignements versés au casier judiciaire de candidats à un emploi ou un travail bénévole auprès de clientèles vulnérables. La directive enjoint les services de police de transmettre en général uniquement des renseignements sans lien avec une condamnation relatifs aux cinq années précédentes, et de mettre en place un mécanisme de réexamen en vue de la suppression d’incidents précédents. Durant l’élaboration de la directive, la CODP a prodigué des conseils à l’Association des chefs de police de l’Ontario et souligné la nécessité d’atteindre un juste équilibre entre la sécurité communautaire, d’une part, et la protection de la vie privée et des droits de la personne des personnes ayant un trouble mental ou une dépendance, de l’autre.

[141] Voir, par exemple, Kitchener (City) Official Plan Amendment No. 58, [2010] O.M.B.D. No. 666 (QL). Une affaire a été intentée contre la ville de Kitchener devant la Commission des affaires municipales de l’Ontario quand la ville a tenté de mettre en œuvre un règlement de zonage et une modification à son plan officiel qui visaient à limiter certaines formes de logements dans un secteur qui, selon la ville, comptait trop de foyers de personnes seules à faible revenu. Les modifications ciblaient les établissements de soins résidentiels (dont la clientèle est composée principalement de personnes ayant des handicaps physiques et des troubles mentaux) et les logements sociaux et avec services de soutien. On a aussi dit avoir interdit les services de counselling dans un quartier avoisinant parce que la collectivité ne voulait pas que les usagers des services sociaux traversent le quartier pour s’y rendre étant donné que « cela exacerberait l’environnement social de manière négative ».  Selon la Commission, cela ne laissait nul doute que le but de l’exercice de planification n’était pas d’aménager le territoire, mais de réglementer les usagers.

[142] CN. c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), supra, note 139 au par. 34. 

[143] Gichuru v. Law Society of British Columbia (No. 6) (2009), 68 C.H.R.R. D/305, 2009 BCHRT 360, au par. 469. L’arrêt Thompson v. Selective Personnel (No. 1), 2009 TDPO 1224 (CanLII), offre un exemple de cas semblable.

[144] Voir Pivot Legal Society v. Downtown Vancouver Business Improvement Assn. (No. 6)supra, note 82.

[145] CODP. Politique et directives sur le racisme et la discriminationsupra, note 100.

 

11. Représailles

L’article 8 du Code protège les gens contre les représailles et les menaces de représailles[146]. Les représailles sont des gestes ou des menaces qui ont pour but de punir une personne pour avoir revendiqué ou exercé un droit aux termes du Code.

Les personnes ayant des handicaps psychosociaux peuvent revendiquer leurs droits protégés aux termes du Code en déposant un grief contre un employeur, une requête auprès du TDPO ou une plainte pour discrimination à l’interne, auprès d’un fournisseur de services, fournisseur de logements ou employeur. Cependant, pour démontrer l’existence de représailles, il n’est pas nécessaire que la personne qui allègue en avoir fait l’objet ait déposé de plainte ou de requête officielle aux termes du Code[147]. Elle n’a pas non plus à prouver que ses droits ont réellement été enfreints[148].

Pour établir l’existence de représailles basées sur l’un des motifs du Code, il s’agit de démontrer :

  • qu’un geste a été posé contre la partie plaignante ou des menaces ont été proférées à son endroit
  • que la menace ou le geste allégué avait trait au fait que la personne avait revendiqué ou tenté d’exercer un droit protégé aux termes du Code
  • que l’intimé avait l’intention de se venger sur la personne pour avoir revendiqué ou tenté d’exercer le droit[149].

Exemple : Une serveuse de bar aux prises avec une dépression qui allègue avoir fait l’objet de gestes discriminatoires multiples au travail dépose une plainte pour discrimination auprès de son employeur. Peu de temps après, on l’avise que son employeur souhaite lui parler de plaintes déposées contre elle (dont la plupart ne peuvent être justifiées) et d’inquiétudes à propos d’argent manquant (dont on ne l’a jamais auparavant soupçonnée de prendre). Le TDPO a conclu que « la convocation à une rencontre constituait une menace intentionnelle de représailles en réponse au fait que [la requérante] avait revendiqué et fait respecter ses droits aux termes du Code[150] ».  

Les personnes associées à des personnes s’étant plaintes de discrimination bénéficient aussi de protection contre la discrimination et les représailles[151].


[146] L’alinéa 7(3)(b) du Code interdit aussi les représailles pour avoir refusé d’accéder à des sollicitations ou à des avances sexuelles si ces représailles ou menaces proviennent d’une personne en mesure d’accorder ou de refuser un avantage ou une promotion.

[147] Noble v. York University, 2010 HRTO 878, aux par. 30 et 31 et 33 et 34 (CanLII).

[148] Idem. Voir aussi Bertrand v. Primary Response2010 HRTO 186 (CanLII).

[149] Noble v. York University, supra, note 147 aux par. 30 et 31.

[150] Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, supra, note 65 au par. 156.

[151] Idem.

 

12. Programmes, lois et politiques touchant la santé mentale et les dépendances

Différents types de programmes, de lois et de politiques ciblent les personnes handicapées, dont les personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances, ou leur procurent des services ou un bénéfice. Parmi eux figurent les programmes, lois et politiques qui :

  • favorisent l’équité et éliminent les obstacles (p. ex. la LAPHO et les programmes spéciaux visés par l’art. 14 du Code)
  • fournissent des soutiens, mesures d’adaptation ou avantages particuliers (p. ex. prestations du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées, groupements sélectifs) 
  • restreignent les activités de certaines personnes ou leur participation à la société (p. ex. lois touchant la capacité ou compétence au sens de la loi qui pourraient restreindre les activités au sein de la société des personnes ayant des troubles psychiques)[152].

Tous ces programmes, lois et politiques sont régis par le Code. Même lorsqu’elles restreignent la participation à un programme, l’adhésion à un groupe ou l’admissibilité à un emploi aux seules personnes ayant des handicaps psychosociaux afin de limiter les iniquités ou les épreuves auxquelles se heurtent ces personnes, les organisations ont l’obligation, au sens de la loi, d’intervenir pour prévenir et éliminer la discrimination.

Les mesures qui visent de façon particulière les personnes ayant des handicaps psychosociaux doivent assurer l’équité, tenir compte des besoins individuels des personnes et respecter la dignité. Elles ne doivent jamais servir à perpétuer les iniquités, la ségrégation ou l’exploitation. 

Des questions spécifiques ont été soulevées relativement aux évaluations effectuées et aux soins fournis par le système de santé. Le Code couvre tous les services, y compris les soins de santé. Les gestes et la conduite des professionnels de la santé, et les lois qui s’appliquent aux soins de santé prodigués aux personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances, doivent respecter le droit des personnes de vivre à l’abri de la discrimination.

Peuvent être soumis à un examen de conformité aux lois relatives aux droits de la personne à la fois le processus de sélection d’un service et les critères utilisés pour en choisir les usagers[153]. Comme le démontrent des causes intentées contre des programmes gouvernementaux de prestations d’envergure[154], les critères qui sont trop peu inclusifs ou qui empêchent les personnes ayant des handicaps spécifiques de tirer avantage de certains avantages offerts à d’autres personnes handicapées ou aux personnes non handicapées peuvent être jugés discriminatoires dans certaines circonstances. Dans de tels cas, les décideurs du secteur des droits de la personne peuvent chercher à savoir si l’exclusion de requérants était fondée sur des motifs protégés par le Code ou si ces motifs ont joué un rôle dans la décision du gouvernement[155].

Les organisations devraient examiner attentivement leurs critères de sélection pour veiller à ce qu’ils reflètent l’objectif sous-jacent du programme ou service et ne mènent pas à l’exclusion injustifiée de personnes en raison d’un problème de santé mentale ou d’une dépendance, ou d’autres motifs protégés aux termes du Code[156].

Exemple : Le Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées (POSPH) est un programme d’aide sociale destiné aux personnes handicapées qui ont un faible statut socio-économique. Il se distingue d’Ontario au travail, le programme général d’aide sociale de l’Ontario, par le fait que seules les personnes handicapées peuvent y participer. Les personnes qui respectent les critères d’admissibilité ont droit à des mesures financières et d’aide à l’emploi spécifiques offertes par le POSPH. Une requête a été intentée avec succès contre le programme parce qu’il excluait les personnes dont le handicap était uniquement lié à une dépendance à l’alcool ou aux drogues. La Cour d’appel de l’Ontario a déterminé qu’il était bien connu que les toxicomanes et bénéficiaires de l’aide sociale font l’objet de stigmatisation et de préjugés, et qu’il n’y avait aucune explication juridique évidente de l’inadmissibilité des personnes aux prises avec une dépendance aux prestations. Cela suffisait pour en déduire que la loi était discriminatoire, car elle « perpétuait un préjudice et un désavantage, et véhiculait des stéréotypes en privant les requérants d’avantages offerts à d’autres personnes en raison de leur handicap particulier[157] ».

Des désaccords peuvent survenir à propos de décisions médicales, y compris de diagnostics médicaux, de l’administration (ou non) d’un médicament particulier, de l’inclusion d’une personne à un programme médical particulier ou de la décision d’appréhender une personne aux termes de la Loi sur la santé mentale. Ces décisions sont prises par des médecins, par d’autres fournisseurs de soins de santé ou par des agents de police, dans le cas de l’appréhension d’une personne aux termes de la Loi sur la santé mentale. Il a été déterminé que les allégations générales concernant la mauvaise évaluation d’un handicap ou la prestation de soins de santé ne répondant pas aux normes appropriées compte tenu du handicap ne relevaient pas de la législation relative aux droits de la personne. Pour qu’elles en relèvent, on doit pouvoir plaider que le traitement approprié n’a pas été prodigué en raison du handicap psychosocial ou de l’état de santé de la personne, ou que le fournisseur de services médicaux n’a pas tenu compte des besoins de la personne jusqu’au point de préjudice injustifié[158]. Des tribunaux ont conclu qu’il n’était pas suffisant d’être en désaccord avec une décision médicale, ou une appréhension aux termes de la Loi sur la santé mentale, même si on avait pu établir qu’il ne s’agissait pas d’une bonne décision. Un facteur additionnel de discrimination doit accompagner l’allégation[159].

Cependant, lorsqu’un traitement différentiel fondé sur un handicap psychosocial réel ou perçu a un effet préjudiciable, qu’un fournisseur de soins ne tient pas compte des besoins d’un patient en matière de handicap jusqu’au point de préjudice injustifié, ou qu’une conduite ou pratique a un effet disproportionné sur des personnes ayant des handicaps psychosociaux, le cas peut relever du Code[160].

Les personnes ayant des troubles psychiques qui ne vont pas bien et qui doivent composer avec des restrictions de leur autonomie se retrouvent en situation de grande vulnérabilité. Elles peuvent ne pas se sentir en position de s’opposer à des comportements ou à des gestes pouvant s’avérer discriminatoires. Pour se conformer aux lois comme le Code et la LAPHO, les fournisseurs de soins de santé et autres parties offrant des services aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances (comme les services de police) devraient élaborer des politiques relatives aux droits de la personne et des procédures de dépôt de plaintes pour faire en sorte que les membres de la collectivité comprennent leurs droits et responsabilités.

12.1 Programmes spéciaux

L’article 14 du Code autorise la mise en œuvre de programmes destinés à aider des personnes qui se heurtent à des difficultés, à un désavantage économique, à une iniquité ou à de la discrimination, et protègent ces programmes contre les attaques de personnes qui ne connaissent pas le même désavantage[161].

Les programmes dotés de critères bien conçus qui prêtent assistance aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances peuvent constituer une bonne façon d’assurer l’égalité réelle. La CODP encourage les organisations à mettre sur pied et en œuvre des programmes spéciaux pour pallier les difficultés ou désavantages qui existent. Voici des exemples de programmes spéciaux qui visent à alléger les désavantages historiques auxquels se heurtent les personnes ayant des handicaps psychosociaux :

  • Embauche et formation – programmes visant à remédier à la sous-représentation des personnes ayant des handicaps psychosociaux au sein d’une organisation, d’une profession ou d’une catégorie d’emploi
  • Logement – programmes qui aident les personnes qui ont des handicaps psychosociaux et ont par le passé éprouvé de la difficulté à se loger
  • Santé – stratégies spéciales d’amélioration des résultats en santé des personnes ayant des troubles psychiques et des dépendances
  • Éducation – initiatives visant à aider les personnes ayant des handicaps psychosociaux en milieu scolaire, en matière de formation professionnelle, ou en vue de leur admission à certains programmes dont elles ont historiquement été exclues
  • Initiatives pour usagers/survivants – entreprises et services de soutien gérés par des usagers/survivants à l’intention d’usagers/survivants, et bénéficiant souvent de financement public
  • Défense des droits et intérêts – initiatives visant à aider les personnes ayant des handicaps psychosociaux à exercer leurs droits garantis par la loi.

Pour qu’un programme soit qualifié de programme spécial, on doit pouvoir établir un lien logique entre son objectif et les restrictions ou exclusions qu’il impose, et ces restrictions ou exclusions doivent s’appuyer sur des éléments de preuve objectifs. Les critères d’admissibilité qui ne sont pas clairement liés à l’objectif du programme et qui ont un effet préjudiciable sur certaines personnes protégées par le Code contreviennent probablement aux droits de la personne.

Par conséquent, si un programme exclut une personne aux prises avec un handicap psychosocial qui a des besoins que le programme a été conçu pour combler, le fournisseur du programme serait tenu de justifier l’exclusion en démontrant qu’elle est liée à l’objectif sous-jacent du programme[162].

Exemple : Compte tenu de recherches exhaustives démontrant que les personnes ayant des « problèmes de santé mentale graves » affichent des taux très élevés d’itinérance, le gouvernement décide de fournir un financement à des organisations pour créer des programmes de logements abordables qui offrent un hébergement et des services de soutien à ce groupe de personnes. Un organisme de logement décide d’exclure de ses participants les personnes qui ont des dépendances (comme seul handicap ou en complément d’un problème de santé mentale). Si une personne décidait de contester cette exclusion, le fournisseur de logement serait tenu de justifier la pertinence de cette restriction par rapport à l’objectif du programme. Sinon, il pourrait être établi que le programme contrevient au Code.

Les programmes spéciaux ne peuvent pas faire à l’interne de la discrimination à l’endroit des personnes qu’ils ont été conçus pour aider. Ils doivent respecter les mêmes normes de non-discrimination que les services qui ne sont pas qualifiés de programmes spéciaux. Si une personne se heurte à un désavantage quelconque et est exclue d’un programme conçu pour le compenser, le programme pourrait être jugé discriminatoire[163].


[152] Adapté de Commission du droit de l’Ontario, La loi et les personnes handicapées, Document de consultation préliminaire : Méthodes de définition de l’incapacité, 2009, p. 6-8. Accessible en ligne : Commission du droit de l’Ontario www.lco-cdo.org/disabilities/Disabilities%20Threshold%20Paper%20-%20July%202009_fr.pdf.

[153] J and J obo R v. B.C. (Ministry of Children and Family Development) and Havens (No. 2), 2009 BCHRT 61 (CanLII), au par. 256; Berg (University of British Columbia c. Berg, [1993] 2. 4 R.C.S. 353.

[154] J and J obo R v. B.C.idemBall v. Ontario (Minister of Community and Social Services), 2010 HRTO 360; Ontario (Director, Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010, supra, note 39.

[155] El Jamal v. Ontario (Minister of Health and Long-Term Care), 2011 HRTO 1952, au par. 21.

[156] Dans l’arrêt J and J obo R v. B.C.supra, note 153, aux par. 299 à 300, la partie plaignante avait une déficience intellectuelle et avait fait une demande de services de soutien communautaire pour adultes ayant une déficience intellectuelle. Ces services étaient régis par la Community Living Authority Act de la Colombie-Britannique, qui constituait le chap. 60 des lois refondues de 2004 de la province. Le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a conclu que le refus d’offrir des services à la partie plaignante reposait sur une définition déraisonnablement étroite de la notion de « déficience intellectuelle ». Ce faisant, l’intimé aurait importé des critères qui ne figuraient pas dans la loi ou dans les règlements pris en son application. Il s’agissait de discrimination.

[157] Ontario (Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010, supra, note 39, au par. 121.

[158] Voir Kline v. Ontario (Community Safety and Correctional Services) 2012 HRTO 1167 (CanLII); Wilson v. Dixie Road Medical Association, 2011 HRTO 1607 (CanLII); TenBruggencate v. Elgin (County), 2010 HRTO 1467 (CanLII); J.M. v. St. Joseph’s Health Centre, 2012 HRTO 239 (CanLII); Egan v. Kennedy, 2006 BCHRT 15; et Sparks v. Vancouver Coastal Health Authority (2006), 58 C.H.R.R. D/268, 2006 BCHRT 575. Dans l’arrêt Haskins v. Religious Hospitaliers of Hotel Dieu of St. Joseph, 2010 HRTO 2112 (CanLII), le TDPO a indiqué qu’il ne constituait pas un mécanisme d’appel des décisions relatives aux évaluations de la santé mentale et que les personnes qui désiraient soulever des préoccupations concernant le bien-fondé ou l’exactitude des évaluations et décisions médicales devaient faire appel à la Commission du consentement et de la capacité et à l’Ordre des médecins et chirurgiens.

[159] Wilson v. Dixie Road Medical Associationidem, au par. 13; Egan v. KennedyidemMarshall v. Durham Regional Police Services, 2013 HRTO 2029 (CanLII).

[160] Voir, par exemple, Sparks v. Vancouver Coastal Health Authoritysupra, note 158, qui contient cette mention du tribunal, au par. 17: « La plupart sinon toutes les décisions concernant l’appréhension et la détention de personnes aux termes des dispositions pertinentes de la Loi sur la santé mentale auront un lien quelconque avec un trouble mental réel ou perçu. En soi, cela n’est pas suffisant pour déposer une plainte relative aux droits de la personne. Pour alléguer qu’il y a eu discrimination dans ce contexte, un plaignant doit alléguer qu’il a fait l’objet d’un traitement préjudiciable en raison de son trouble mental réel ou perçu. » Voir aussi, S.D. v. Grand River Hospital, 2011 HRTO 2165, au par. 18.

[161] Pour obtenir plus de renseignements sur les programmes sociaux, voir le document de la CODP intitulé Les programmes spéciaux et le Code des droits de la personne de l’Ontario : Un guide pratique, accessible en ligne à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr/guide-des-programmes-sp%C3%A9ciaux-et-du-code-des-droits-de-la-personne.  

[162] In Ontario (Human Rights Commission) v. Ontario (1994), 19 O.R. (3d) 387 (C.A.), la Cour d’appel de l’Ontario a affirmé ce qui suit : « Les programmes spéciaux visant à aider une personne ou un groupe défavorisés doivent être conçus de façon que les restrictions contenues dans le programme aient un lien rationnel avec le programme. Autrement, le prestataire du programme encouragera cette même inégalité et injustice qu'il cherche à atténuer. » Voir aussi Ball v. Ontariosupra, note 154, au par. 121.

[163] BallidemXY v. Ontario (Government and Consumer Services) (2012) HRTO 726, aux par. 264 à 266 (CanLII); et A.T. and V.T. v. The General Manager of O.H.I.P (2010) ONSC 2398 (CanLII).

 

13. Obligation d’accommodement

Aux termes du Code, les employeurs, syndicats, fournisseurs de services et fournisseurs de logements ont le devoir de tenir compte des besoins des personnes ayant des handicaps psychosociaux pour veiller à ce qu’elles aient les mêmes possibilités et avantages, et le même accès que le reste de la population. Il est essentiel d’assurer la conception inclusive ou l’accommodement des besoins des personnes ayant des handicaps psychosociaux, en matière d’emploi, de logement, de services et d’installations, de manière à permettre l’intégration et la pleine participation des personnes handicapées.

Les documents du CODP intitulés Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, Les droits de la personne au travail et Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif[164] offrent des indications détaillées sur l’accommodement des besoins des personnes handicapées et autres membres de groupes protégés aux termes du Code dans les secteurs de l’emploi, du logement et autres. La présente politique a pour but d’appliquer ces principes aux personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances.

L’obligation d’accommodement a deux composantes, soit une composante procédurale et une composante de fond. La procédure adoptée pour évaluer une mesure d’adaptation est aussi importante que la nature de la mesure d’adaptation[165]. Dans une affaire portant sur l’accommodement d’un trouble mental en milieu de travail, un tribunal judiciaire a statué que : « le fait de ne pas envisager ou prendre en compte la question de l’accommodement, y compris les mesures d’adaptation pouvant être prises, le cas échéant, constitue un manquement à l’obligation ‘procédurale’ d’accommodement[166] ».

L’obligation d’accommodement des troubles mentaux est toute aussi rigoureuse que l’obligation d’accommodement des handicaps physiques.

Exemple : Un tribunal a conclu qu’une organisation avait exercé de la discrimination pour n’avoir pas fourni de congé lié au stress à un employé aux prises avec de l’anxiété et une dépression, et l’avoir plutôt obligé à prendre sa retraite ou à accepter une mutation dans une autre province (malgré l’effet néfaste qu’aurait la mutation sur sa vie familiale et peut-être sur son état mental). Dans sa décision, le tribunal a mis en relief la nature généreuse de la politique de congé d’invalidité pour personnes ayant une invalidité physique comme le cancer, de l’organisation, comparativement au traitement différent qu’elle réserve aux congés liés au stress[167].

Selon la législation relative aux droits de la personne, on ne peut faire preuve de « deux poids, deux mesures » en réservant un traitement différent selon qu’il s’agit de troubles mentaux ou de handicaps physiques[168].

13.1 Principes de l’accommodement

L’obligation d’accommodement repose sur trois principes, dont le respect de la dignité, l’individualité, et l’intégration et la pleine participation.

13.1.1. Respect de la dignité

L’accommodement des personnes handicapées doit être effectué de la façon la plus respectueuse de la dignité de la personne, dans la mesure où cela ne cause pas de préjudice injustifié. La dignité humaine englobe le respect et l’estime de soi et de sa valeur inhérente en tant qu’être humain. Elle repose sur l’intégrité physique et psychologique, et l’autonomisation de la personne. On porte atteinte à la dignité lorsqu’on marginalise, stigmatise, ignore ou dévalue des personnes. Le respect des renseignements personnels, la confidentialité, le confort, l’individualité et l’estime de soi sont tous des facteurs importants.

L’autonomie constitue également un aspect important de la dignité. Elle fait référence au droit à l’autodétermination de la personne et exige de n’effectuer en tout temps qu’une ingérence minimale dans les choix de la personne. La manière dont les mesures d’adaptation sont fournies et la participation de la personne au processus sont aussi des considérations associées à la dignité.

Le respect de la dignité exige de tenir compte de l’ensemble des dimensions de la personne plutôt que de son seul handicap ou que de sa seule relation avec le système de soins psychiatriques. Cela exige aussi de respecter et de valoriser les points de vue des usagers/survivants et des personnes ayant des dépendances, particulièrement lorsqu’ils parlent de leur propre vécu.

Les fournisseurs de logements, fournisseurs de services et employeurs devraient envisager différentes façons de tenir compte de besoins des personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances selon un continuum allant des moyens les plus respectueux de la dignité et des autres valeurs inhérentes aux droits de la personne, aux moyens les moins respectueux de ces valeurs.

Exemple : Une employée demande qu’on assouplisse son horaire de travail du jeudi pour lui permettre de suivre une thérapie pour un problème de santé mentale. Plutôt que d’accepter sa demande de bonne foi et de collaborer avec elle en toute confidentialité pour déterminer comment assurer son succès au travail, l’employeur fait part de la demande de l’employée à ses collègues de travail et leur demande s’ils sont d’avis qu’elle a un problème de santé mentale. Cette approche n’est pas appropriée et ne respecte pas la dignité et la vie privée de l’employée.

13.1.2. Individualité

Il n’existe pas de formule établie pour tenir compte des besoins des personnes protégées par le Code. Chaque personne a des besoins uniques sur lesquels on doit jeter un regard neuf lorsque des mesures d’adaptation sont demandées. Une solution ayant fonctionné dans une situation ne fonctionnera pas nécessairement dans une autre. Elle pourrait répondre aux besoins de la première personne, mais non de la seconde.

Exemple : En contexte d’emploi, toute politique qui impose une date de retour au travail aux personnes handicapées peut s’avérer discriminatoire si on ne tient pas compte des circonstances particulières de la personne qui fait une demande d’accommodement[169].

Il peut être nécessaire de passer en revue à une date ultérieure les mesures d’adaptation consenties à une personne pour s’assurer qu’elles continuent de répondre adéquatement aux besoins de la personne. 

13.1.3. Intégration et pleine participation

La conception et la mise en œuvre des mesures d’adaptation devraient assurer l’intégration maximale et la pleine participation. Pour atteindre cet objectif, il faut assurer une conception sans obstacle et inclusive, et l’élimination des obstacles existants. On doit également fournir les mesures d’adaptations requises là où il est impossible d’éliminer des obstacles existants, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

Il a été clairement établi dans les lois relatives aux droits de la personne que l’égalité passe parfois par l’application d’un traitement différent, si cela ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Dans certains cas, le meilleur moyen d’assurer l’égalité des personnes handicapées est de leur offrir des services distincts ou spécialisés. Il est cependant essentiel d’assurer la conception inclusive ou l’adaptation des domaines de l’emploi, du logement, des services et des installations de façon à permettre l’intégration et la pleine participation des personnes handicapées[170].

Exemple : Un fournisseur de logements coopératifs s’assure que plusieurs logements à une chambre à coucher situés dans différents endroits de l’ensemble coopératif sont mis à la disposition de personnes qui, en raison d’un trouble mental, ont besoin de vivre seules, dans des endroits privés et calmes.

En matière de services, d’emploi ou de logement, la ségrégation est moins respectueuse de la dignité des personnes handicapées et s’avère inacceptable, à moins qu’on puisse démontrer que l’intégration entraînerait un préjudice injustifié ou que la ségrégation est le seul moyen d’atteindre l’égalité[171].

13.2 Conception inclusive 

L’intégration et la pleine participation de tous les membres de la collectivité dépendent de la conception inclusive de la société et de ses structures. La conception inclusive ou « universelle » met l’accent sur la création de milieux sans obstacle et sur la participation égale des personnes qui ont des handicaps psychosociaux et affichent des degrés variés de capacité. Cette approche est préférable à l’élimination des obstacles ou à la mise en œuvre de mesures d’adaptation ponctuelles, deux approches qui reposent sur l’idée que les structures existantes auraient peut-être uniquement besoin de légères modifications pour les rendre acceptables.

La conception inclusive efficace réduit le besoin de demander des mesures d’adaptation individuelles. Comme l’a indiqué la Commission du droit de l’Ontario :

La notion de conception universelle, selon laquelle les personnes qui élaborent ou promulguent des lois, des politiques, des programmes ou des services doivent tenir compte, dès le départ, de la diversité, est liée au principe de l’autonomie et de l’indépendance. En effet, lorsqu’elle est adéquatement mise en application, la conception universelle lève le fardeau qui pèse sur les personnes handicapées de s’engager dans de pénibles processus d'adaptation et de négocier les mesures d'adaptation et le soutien dont elles ont besoin pour mener une vie autonome et indépendante. De cette façon, le principe de l’autonomie et de l’indépendance est étroitement lié à celui de la participation et de l’inclusion[172].

La Cour suprême a relevé le besoin de « régler finement » la société afin d’éviter que ses structures et idées préconçues n’empêchent les personnes handicapées d’y jouer un rôle[173]. Selon elle, les normes en place devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire[174]. Les fournisseurs de logements, fournisseurs de services et employeurs, entre autres, doivent rester conscients des différences entre les personnes et les groupes, et intégrer des notions d’égalité à leurs normes et exigences[175]. Cette approche dynamique est plus efficace parce qu’elle met l’accent sur l’accessibilité et l’inclusion dès le départ.

Les gouvernements et autres organisations devraient s’appuyer sur les principes de conception inclusive au moment d’élaborer et de créer des politiques, programmes, procédures, normes, exigences et installations. Il ne faut jamais créer de nouveaux obstacles au moment de construire ou de rénover des installations. Il faut plutôt intégrer les normes d’accessibilité en vigueur, comme les principes de la conception universelle, aux plans de conception[176]. Ce type de planification réduit la nécessité de supprimer des obstacles et d’offrir des mesures d’adaptation plus tard.

Exemple : Une municipalité adopte un règlement exigeant que 10 p. 100 des logements qu’offrent les nouveaux ensembles de logements locatifs soient abordables. La municipalité prend cette décision en reconnaissance du fait que beaucoup de groupes protégés aux termes du Code, y compris les personnes ayant des handicaps psychosociaux, ont besoin de logements abordables.

La Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario[177] (LAPHO) prévoit un mécanisme pour élaborer, mettre en œuvre et faire exécuter des normes d’accessibilité, afin d’assurer la création d’une province pleinement accessible d’ici 2025. Des normes ont déjà été adoptées sous forme de règlement pour le service à la clientèle, l’emploi, l’information et les communications, les transports et les espaces publics. Des changements ont aussi été apportés aux dispositions du règlement sur le code du bâtiment relatives à l’accessibilité. Aux termes de la LAPHO, les gouvernements, employeurs des secteurs privé et public, fournisseurs de services et locateurs sont tenus de respecter les normes d’accessibilité à des degrés différents au fil du temps, selon la taille et le secteur d’activités de l’organisation. Si les normes d’accessibilité adoptées aux termes de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario s’avèrent moins rigoureuses que les exigences du Code, les exigences du Code ont primauté.

En plus de prévenir les obstacles dès la conception initiale au moyen de méthodes inclusives, les organismes devraient envisager la possibilité que des obstacles systémiques existent au sein de leur structure organisationnelle et systèmes existants et s’efforcer, le cas échéant, de les cerner et de les éliminer.

Exemple : Une organisation conçoit une procédure de gestion du rendement. En prévoyant l’accommodement des besoins jusqu’au point de préjudice injustifié, elle intègre des processus flexibles pour veiller à ce qu’elle tienne compte des personnes qui pourraient peiner à exécuter les tâches de leur emploi en raison de facteurs liés à un motif prévu par le Code, y compris un problème de santé mentale ou de dépendance. Son approche de l’évaluation et de l’accommodement des employés qui ont des difficultés à effectuer leur travail s’articule autour des comportements de l’employé au travail et repose sur la question suivante : « que puis-je faire pour m’assurer que vous ayez du succès au travail? » L’organisation cerne aussi les mesures d’adaptation disponibles, au besoin. Cette approche permet aux employés de mettre l’accent sur leurs besoins et de décider s’ils veulent faire part de leur handicap ou autres circonstances en lien avec le Code (p. ex. obligations liées à l’état familial) ayant des répercussions sur leur travail, et leur permet d’entamer une conversation sur l’accommodement, au besoin[178].

Les organisations trouveront probablement que la conception inclusive et l’élimination des obstacles, tout comme l’accommodement des besoins individuels, bénéficieront à un grand nombre de personnes. 

13.3 Accommodement approprié

En plus de procéder à la conception inclusive et à l’élimination des obstacles, les organisations doivent donner suite aux demandes d’accommodement individuelles. Dans certaines situations mettant en scène des personnes ayant des handicaps psychosociaux, les organisations pourraient également devoir intervenir si elles perçoivent qu’une personne a besoin d’accommodement, et ce, même si cette personne n’en a pas fait la demande[179]

L’obligation d’accommodement exige de déterminer quelle est la mesure d’adaptation la plus appropriée et de la fournir, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié. Une mesure d’adaptation est jugée appropriée si elle permet à la personne qui la requiert d’obtenir les mêmes avantages et privilèges que les autres personnes, ou si elle satisfait aux besoins particuliers de la personne en matière de handicap et qu’on l’adopte ou la propose dans le but d’atteindre l’égalité des chances. La mesure d’adaptation la plus appropriée est celle qui :

  • respecte la dignité (y compris l’autonomie, le confort et la confidentialité) 
  • comble les besoins particuliers de la personne
  • permet l’intégration et la pleine participation.

L’accommodement est un processus présentant toute une gamme de nuances, et non une proposition basée sur la notion de tout ou rien, et qui peut être qualifié de continuum. Il est nécessaire d’atteindre le point le plus élevé du continuum, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié[180]. À l’extrémité de ce continuum figure la mesure d’adaptation complète qui respecte le mieux la dignité et le caractère confidentiel de la situation. Des mesures d’adaptation de rechange (moins avantageuses) peuvent être envisagées lorsqu’il est impossible d’instaurer la mesure d’adaptation la plus appropriée. Il est également possible de mettre temporairement en œuvre une mesure d’adaptation de rechange en attendant la mise en place graduelle de la solution la plus appropriée ou son implantation ultérieure, lorsque des ressources pourront y être consacrées.

La détermination de la mesure d’adaptation  « la plus appropriée » fait l’objet d’une analyse distincte de la détermination du préjudice injustifié qu’elle pourrait entraîner. Si une mesure d’adaptation particulière causait un préjudice injustifié, on doit alors envisager la meilleure solution de rechange.

Si on a le choix entre deux mesures d’adaptation qui répondent aussi bien l’une que l’autre aux besoins de la personne tout en respectant sa dignité, le fournisseur de la mesure d’adaptation peut choisir la solution la moins coûteuse ou celle qui entraîne le moins de perturbation pour l’organisme.

13.4 Critère juridique

L’article 11 du Code interdit la discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de facteurs qui peuvent sembler neutres, mais portent atteinte aux droits des personnes désignées par des motifs du Code. En même temps, il permet aux organisations de démontrer qu’une exigence, qu’une qualité requise ou qu’un critère entraînant de la discrimination est néanmoins « raisonnable et de bonne foi » (légitime). Pour faire cette démonstration, une organisation doit montrer qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans causer de préjudice injustifié[181].

La Cour suprême du Canada a établi un critère permettant de vérifier si l’obligation d’accommodement a été remplie[182]. S’il est déterminé à première vue qu’il y a eu discrimination, l’intimé doit démontrer, selon toute probabilité, que la norme, l’exigence, la règle ou le facteur :

  1. a été adopté dans un but ou un objectif rationnellement lié aux fonctions exercées (comme un emploi, une location ou l’obtention d’un service)
  2. a été adopté de bonne foi, de l’avis qu’il est nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif
  3. est raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but ou objectif, en ce sens qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans imposer de préjudice injustifié[183].

Il s’ensuit que la règle ou la norme elle-même doit assurer l’inclusion du plus grand nombre de personnes possible et tenir compte des différences individuelles jusqu’au point de préjudice injustifié. Ainsi, la situation de chaque personne sera évaluée en fonction des propres capacités de la personne plutôt qu’en fonction des caractéristiques présumées d’un groupe[184]. Il s’agit foncièrement de déterminer si l’organisation ou la personne responsable d’assurer l’accommodement a rempli son obligation jusqu’au point de préjudice injustifié.

Voici une liste non exhaustive des facteurs à considérer au moment de l’analyse[185] :  

  • Le fournisseur de la mesure d’adaptation a-t-il examiné les diverses solutions de rechange non discriminatoires?
  • Pourquoi ces solutions pratiques n’ont-elles pas été adoptées?
  • Aurait-il été possible d’appliquer des normes différentes qui tiennent compte des particularités et des capacités des personnes ou des groupes?
  • Le fournisseur de la mesure d’adaptation aurait-il pu réaliser ses objectifs légitimes de façon moins discriminatoire?
  • La norme est-elle conçue de manière à ce que la qualité requise soit obtenue sans qu’un fardeau indu ne soit imposé aux personnes visées?
  • Les parties tenues d’aider à la recherche d’une mesure d’adaptation ont-elles rempli leurs obligations?

De façon similaire, l’article 17 du Code prévoit également une obligation d’accommodement, notamment au motif du handicap. Aux termes de cet article, l’incapacité de s’acquitter d’obligations ou de satisfaire à des exigences essentielles, inhérentes à l’exercice d’un droit, ne constitue pas une atteinte au droit de vivre à l’abri de la discrimination. Cependant, on peut uniquement invoquer cet argument si on peut démontrer qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans causer un préjudice injustifié.

Dans le secteur de l’emploi, les tâches essentielles renvoient aux aspects « vitaux » ou « indispensables » d’un poste. En matière de logement, les tâches ou obligations essentielles du locataire peuvent inclure le paiement du loyer et l’entretien du logement, de sorte que ce dernier ne contrevienne pas aux lois sur la santé et la sécurité. Le fait d’assurer aux autres une jouissance raisonnable des lieux peut aussi faire partie des obligations du locataire. En matière d’obtention de services, les « tâches et obligations essentielles » de l’usager dépendront des circonstances.

L’article 17 signifie qu’on ne peut juger une personne incapable d’exécuter les tâches ou obligations essentielles d’un emploi, d’une location ou de l’obtention d’un service sans tenir compte de ses besoins jusqu’au point de préjudice injustifié. Il ne faut pas tirer de conclusions quant à la capacité d’une personne handicapée à exécuter des tâches essentielles avant d’avoir mis cette capacité à l’essai.

Exemple : Un employé lutte contre la dépression et l’anxiété. Lorsqu’il reprend le travail à la suite d’un congé d’invalidité, l’employeur modifie ses fonctions. Même si le médecin de l’employé affirme qu’il est prêt à reprendre le travail à temps plein, il est muté à un poste à temps partiel inférieur et moins bien rémunéré. L’employé finit par perdre son emploi. Le TDPO conclut que l’employeur a manqué à ses obligations procédurales et de fond liées à l’accommodement. Il a contrevenu au Code en basant sa décision de muter l’employé à un poste moins bien rémunéré sur sa croyance en l’incapacité du requérant de travailler à temps plein, malgré les indications contraires provenant du médecin. L’employeur s’est fié sur son « opinion de profane » et des « stéréotypes ». Il a fait l’erreur de présumer que l’employé ne pouvait pas composer avec les contraintes du poste, et que « son rendement serait peu fiable » en raison de ses problèmes de santé passés[186].

Il ne suffit pas pour une organisation de présumer qu’une personne ne peut satisfaire aux exigences essentielles d’un emploi, d’une location, de l’obtention d’un service ou autre; cette incapacité doit être déterminée objectivement[187].

13.5 Formes d’accommodement

De nombreuses méthodes et techniques permettent de combler les besoins uniques des personnes ayant des handicaps psychosociaux. Les mesures d’adaptation pourraient inclure la modification des éléments suivants d’une organisation :

  • immeubles et installations
  • politiques et processus
  • objectifs, exigences et obligations en lien avec le rendement
  • pratiques de prise de décisions
  • culture de travail, de location ou de prestation de services
  • méthodes de communication.

La plupart des mesures d’adaptation peuvent être mises en place à peu de frais et, si elles sont déployées à grande échelle, ne bénéficieront pas uniquement à la personne qui en a fait la demande. L’accommodement devrait faire l’objet d’un processus coopératif et non coercitif auquel participent les deux parties. Pour tenir compte des besoins d’une personne aux prises avec un trouble mental ou une dépendance, il pourrait s’avérer nécessaire de prendre en considération les effets secondaires du traitement qu’elle suit ou des médicaments qu’elle prend, et de ses symptômes de sevrage.

Selon les besoins individuels de la personne, l’accommodement peut inclure ce qui suit :

Emploi

  • modifier les tâches liées à un emploi
  • apporter des modifications à un immeuble (p. ex. l’ajout de cloisons à un espace de travail commun pour accroître la capacité de concentration d’une personne)
  • offrir un encadrement en emploi
  • aiguiller une personne vers un programme d’aide aux employés
  • modifier le mode de supervision
  • modifier les moyens de communiquer avec un employé
  • offrir des formations additionnelles ou des formations prodiguées de façon différente
  • modifier les politiques relatives aux pauses (p. ex. pour faciliter la prise plus fréquente de médicaments)
  • offrir des congés d’invalidité à court et long terme
  • assouplir l’horaire de travail
  • jumeler des postes[188]
  • adopter des solutions de rechange en matière de travail[189].

Services

  • offrir différentes façons de prendre contact avec un fournisseur de services,
    y compris par téléphone, par la poste, par courriel ou en personne
  • accorder plus de temps à un usager
  • offrir davantage de pauses à un usager, le cas échéant
  • fournir un soutien à la prise de décisions[190]
  • assouplir les exigences en matière de participation, si possible, si on peut établir un lien entre l’absentéisme et le handicap
  • modifier les règles relatives au non-respect des dates butoirs s’il est possible d’établir un lien entre ce non-respect et le handicap[191]
  • s’assurer d’offrir aux usagers un endroit calme et confortable où s’asseoir
  • tenir compte du handicap d’une personne au moment de composer avec des comportements qui mèneraient normalement à des sanctions.

Logement

  • aider une personne à remplir une demande (p. ex. de logement social ou de logement avec services de soutien)
  • adapter les critères de sélection des locataires (p. ex. faire appel à un garant
    en l’absence d’information comme des antécédents de crédit ou de location)
  • modifier les dates butoirs (comme celles qui ont trait à la divulgation de modifications au revenu dans le contexte des logements sociaux ou des logements avec services de soutien) 
  • modifier les façons de transmettre l’information aux locataires
  • dresser une liste de personnes-ressources à contacter en cas d’urgence
  • apporter des modifications structurales aux logements (insonorisation)
  • collaborer avec des professionnels externes pour combler les besoins d’un locataire, avec son consentement.

Les collègues de travail de la personne en quête d’accommodement, les autres locataires de son immeuble ou les autres usagers d’un même service pourraient avoir un rôle à jouer sur le plan de l’accommodement. Pour faciliter l’accommodement, on pourrait donc devoir informer certaines gens du fait qu’une personne a besoin de mesures d’adaptation. On doit cependant prendre soin de protéger la vie privée de la personne en dévoilant uniquement l’information nécessaire, veiller à ce qu’elle ne soit pas « montrée du doigt » et faire en sorte qu’on respecte sa dignité[192].

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient s’assurer de résoudre toute tension ou tout conflit dû au ressentiment que pourraient éprouver les personnes appelées à participer à l’accommodement. De telles tensions pourraient être liées au manque de compréhension de la nature du handicap ou des besoins de la personne.

Bien que la manière de composer avec un handicap varie d’une personne à l’autre, les fournisseurs de mesures d’adaptation sont tenus de se renseigner sur la nature des handicaps dans le cadre de leur obligation procédurale liée à l’accommodement[193]. Ils doivent également dissiper les perceptions erronées et les stéréotypes que pourraient véhiculer les autres employés, locataires, usagers ou membres du personnel des services à l’endroit des personnes handicapées[194], et qui pourraient entraîner un traitement non équitable. Ces questions doivent être résolues de la façon qui respecte le plus la dignité et la vie privée de la personne handicapée. Une façon d’y parvenir consiste à offrir des formations sur l’élimination du harcèlement et l’accommodement. Autrement, les tensions et conflits pourraient mener au harcèlement de la personne ayant un handicap psychosocial ou à l’empoisonnement de son milieu.

13.6 Obligations et responsabilités liées au processus d’accommodement

Le processus d’accommodement est une responsabilité partagée. Toutes les parties en cause devraient s’y engager dans un esprit de collaboration, partager l’information disponible et envisager les solutions possibles. La personne handicapée doit faire ce qui suit :

  • décrire au meilleur de ses capacités, préférablement par écrit, la nature de ses besoins en matière d’accommodement afin que la partie responsable de fournir la mesure d’adaptation puisse donner suite à sa demande[195]
  • répondre aux questions ou fournir de l’information sur les limites ou restrictions pertinentes, y compris au besoin de l’information provenant de professionnels de la santé[196]
  • prendre part aux échanges sur les mesures d’adaptation possibles
  • collaborer avec tout spécialiste dont l’assistance est requise pour gérer le processus d’accommodement ou qui pourrait fournir l’information demandée lorsque la personne handicapée n’a pas cette information
  • une fois que les mesures d’adaptation ont été adoptées, satisfaire aux normes et exigences de rendement convenues, dont les normes de travail applicables
  • travailler de manière continue avec la partie responsable de fournir la mesure d’adaptation afin de gérer le processus d’accommodement
  • parler de son handicap uniquement avec les personnes qui ont besoin d’en être informées[197].

Le fournisseur de la mesure d’adaptation doit faire ce qui suit :

  • rester conscient du fait qu’une personne pourrait avoir besoin d’accommodement même si elle n’en a pas fait la demande spécifique ou formelle[198]
  • accepter de bonne foi la demande de mesures d’adaptation présentée par la personne, à moins d’avoir des raisons légitimes d’agir autrement
  • obtenir au besoin (mais non de façon automatique) une opinion ou des conseils d’experts
  • veiller activement à ce qu’on examine les solutions de rechange et mesures d’adaptation possibles[199], et faire des démarches pour trouver diverses formes de mesures d’adaptation et solutions de rechange possibles[200]
  • conserver des dossiers sur la demande d’accommodement et les mesures prises
  • respecter le caractère confidentiel de la demande
  • limiter les demandes d’information aux questions qui se rapportent raisonnablement à la nature des limites ou restrictions, de manière à pouvoir répondre à la demande d’accommodement
  • mettre en œuvre les mesures d’adaptation en temps opportun, jusqu’au point de préjudice injustifié
  • assumer les frais de toute information ou de tout document à caractère médical requis (p. ex. le fournisseur de la mesure d’adaptation devrait payer les billets de médecin, évaluations psychologiques, lettres dressant la liste des besoins en matière d’accommodement et autres).

Bien que la personne en quête d’accommodement ait l’obligation d’aider à mettre en place la mesure d’adaptation appropriée qui répondra à ses besoins, elle n’est pas responsable de trouver cette mesure[201] ou de diriger le processus d’accommodement. Cette responsabilité incombe au fournisseur de la mesure d’adaptation, avec la collaboration de la personne ayant fait la demande d’accommodement. Après la mise en place de mesures d’adaptation, la personne handicapée doit pouvoir satisfaire aux tâches ou exigences essentielles du poste, de la location ou de l’obtention du service. La négociation d’ententes avec une entreprise de gestion des handicaps n’absout
en rien l’employeur de sa responsabilité en cas de mauvaise gestion du processus d’accommodement[202].

En contexte d’emploi, les syndicats et les associations professionnelles doivent jouer un rôle actif de partenaires dans le processus d’adaptation, partager la responsabilité avec l’employeur afin de faciliter l’accommodement des besoins et appuyer les mesures d’adaptation prévues sans égard aux conventions collectives, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié[203].

En général, s’il faut mettre en œuvre une mesure d’adaptation pour permettre à une personne de prendre part aux activités d’une organisation sans obstacle lié à un handicap, l’organisation doit prendre en charge les coûts de la mesure d’adaptation requise[204] à moins que cela ne cause de préjudice injustifié[205].

Lorsqu’une personne handicapée nécessite une assistance qui va au-delà de ce dont elle a besoin pour assurer son accès équitable au logement, à l’emploi ou à des services, comme des appareils et accessoires fonctionnels, l’organisation n’est normalement pas tenue de prendre en charge les frais connexes. Elle doit toutefois permettre à la personne d’obtenir cette assistance sans lui faire entrave de quelque manière que ce soit.

Le manque de services communautaires de santé mentale appropriés, capables de cerner les besoins et limites liés aux handicaps et de favoriser l’accommodement, peut nuire à l’accommodement des besoins des personnes aux prises avec un handicap psychosocial. Par exemple, les listes d’attente de services d’évaluation psychiatrique peuvent être extrêmement longues. Dans un tel cas, les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient fonder leurs choix de mesures d’adaptation sur la meilleure information disponible ou fournir une mesure d’adaptation intérimaire, en tenant compte de la façon dont la personne qualifie ses propres besoins, jusqu’à ce qu’il soit possible de procéder à l’évaluation. Sinon, les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances pourraient se voir refuser l’égalité des chances en matière de logement, de services ou d’emploi.

Conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Canada et les autres États Parties doivent prendre des mesures pour veiller à l’accommodement des besoins des personnes handicapées (p. ex. pour assurer leur accès équitable à la justice, à l’éducation et à l’emploi)[206].

13.6.1 Obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement

En général, l’obligation d’accommodement des besoins liés au handicap se rapporte aux besoins qui sont connus. On ne s’attend pas à ce que les organismes et les personnes responsables de fournir des mesures d’adaptation tiennent compte de handicaps dont ils ne sont pas conscients. Cependant, dans certaines situations, la nature du handicap psychosocial peut empêcher la personne de reconnaître qu’elle a un handicap ou des besoins en matière d’accommodement[207].

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient également savoir que les personnes ayant des handicaps psychosociaux pourraient hésiter à faire part de leur handicap en raison des stigmates considérables associés aux troubles mentaux et aux dépendances[208].

Ils doivent tenter d’aider les personnes qui sont de toute évidence mal-en-point ou semblent avoir un trouble mental ou une dépendance, en sondant ces personnes pour savoir si elles ont des besoins liés au handicap, et en leur offrant de l’assistance le cas échéant[209].

Comme tout autre handicap, les troubles mentaux et les dépendances devraient faire l’objet de mesures d’adaptation en milieu de travail. Dans certains cas, l’employeur pourrait être tenu d’accorder une attention particulière aux situations pouvant être liées à un trouble mental. Même si un employeur n’a pas été formellement avisé de l’existence d’un tel trouble, le fait d’en soupçonner la présence déclenche les mécanismes de protection prévus par le Code.

Exemple : Un employeur n’est pas au courant de la toxicomanie d’un employé, mais soupçonne la présence d’un handicap en raison de modifications notables du comportement de la personne. L’employeur constate que l’employé a de la difficulté à fonctionner et manifeste des signes évidents de détresse qui incluent des crises de larmes à son poste de travail. L’employeur pourrait contrevenir au Code s’il imposait des sanctions graves ou congédiait l’employé pour mauvais rendement, sans gestion progressive du rendement ni tentative d’accommodement[210].

Exemple : Un nouvel agent de police a été impliqué dans un incident traumatisant et donne depuis des signes d’état de stress post-traumatique (ESPT). Ses symptômes ont mené à un second incident, lors duquel il a réagi excessivement au client d’un restaurant qu’il a perçu à tort comme une menace. Sa réaction a fait comprendre à ses superviseurs qu’il était peut-être en état de stress post-traumatique. Cependant, ses superviseurs ne lui ont pas proposé de mesures d’adaptation appropriées, comme de l’assistance ou un congé, et ne lui ont pas suggéré d’obtenir de l’aide. Il a plutôt été licencié pour mauvaise conduite. D’avis que le service de police avait agi de façon discriminatoire, le TDPO a affirmé qu’un employeur avait à la fois des obligations procédurales et de fond liées à l’accommodement des troubles mentaux, même quand la personne touchée n’est pas en mesure de reconnaître qu’elle a un handicap ou d’exprimer un besoin d’aide ou d’accommodement[211].

Quand une organisation sait ou devrait raisonnablement savoir que les problèmes de rendement au travail d’une personne ou sa capacité d’exécuter ses devoirs en tant que locataire ou usager de services pourraient être liés à un handicap, l’organisation a l’obligation de se renseigner sur ce lien possible avant de prendre une décision qui aurait un effet préjudiciable sur la personne[212]. Cela inclut le fait d’offrir à l’employé, au locataire ou à l’usager des services une occasion significative d’indiquer qu’un trouble mental ou qu’une dépendance est à l’origine du comportement non approprié, et de demander son accommodement. Un changement marqué dans le comportement d’une personne pourrait signaler que la situation mérite d’être examinée plus à fond.

Exemple : Jean a un trouble bipolaire. Il a choisi de ne pas révéler cette information à son employeur parce qu’il s’inquiète de la façon dont il serait traité au travail, si on venait à savoir qu’il a un trouble mental. À la suite d’une crise en milieu de travail, il ne se présente pas au travail pendant plusieurs jours. Cette situation inquiète l’employeur de Jean qui reconnaît qu’il est encore trop tôt pour songer à le congédier en raison d’une absence non motivée. Après que Jean a été traité et que la situation s’est stabilisée, l’employeur lui donne l’occasion de s’expliquer. En apprenant l’existence d’un problème d’ordre médical, l’employeur offre de l’aide et propose des mesures d’adaptation.

Lorsqu’une personne affiche des comportements non appropriés en raison de troubles psychosociaux, les employeurs, fournisseurs de logements ou fournisseurs de services ont l’obligation d’évaluer la situation de façon individuelle avant d’imposer des mesures qui pourraient avoir une incidence négative sur la personne, de telles mesures pourraient inclure le lancement d’une procédure d’expulsion, l’annulation de subventions, le retrait de services ou l’imposition de mesures disciplinaires au travail. Avant d’imposer des sanctions à une personne en raison d’inconduite ou d’un « comportement inacceptable », une organisation doit d’abord se demander si ce comportement est attribuable à un handicap, surtout lorsque l’organisation sait ou soupçonne que la personne a un handicap[213]. Le handicap de la personne doit constituer un facteur dans la détermination des sanctions appropriées à imposer, le cas échéant, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.Si aucun lien n’existe entre le comportement et le handicap, l’organisation imposera généralement des sanctions ou mesures disciplinaires, comme à l’habitude[214].

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient toujours informer les employés, usagers de services et locataires qu’ils peuvent obtenir une évaluation des besoins liés au handicap (comme une évaluation médicale) ou des mesures d’adaptation pour résoudre des questions de rendement au travail ou de respect des devoirs de locataires ou d’usagers de services.

En contexte d’emploi par exemple, un fournisseur de mesures d’adaptation pourrait être en droit d’obtenir des documents médicaux pour s’assurer de l’aptitude à l’emploi d’une personne s’il existe un motif raisonnable d’en douter, fondé sur des preuves objectives suffisantes.

Exemple : Un réceptionniste à de nombreuses crises de larmes au travail, qui nuisent à sa capacité de répondre au téléphone. Son gérant exprime des préoccupations par rapport à son rendement et à son comportement, lui demande ce dont il a besoin pour mener à bien les tâches de son emploi et lui offre une mesure d’adaptation sous forme de programme d’aide aux employés. L’employé ne fait part d’aucun besoin lié au handicap, refuse l’offre d’assistance et continue d’avoir des crises de larmes qui nuisent à son emploi. Le gérant demande alors à l’employé de subir une évaluation médicale pour connaître ses besoins éventuels en matière d’accommodement. L’employé refuse. L’employeur entame un processus de gestion progressive du rendement et rencontre l’employé à différentes étapes du processus pour continuer de lui offrir des mesures d’adaptation et du soutien.

Le recours à des mesures de gestion progressive du rendement et de discipline progressive, jumelées à des soutiens externes comme des programmes d’aide aux employés, offre aux personnes ayant des handicaps psychosociaux une variété d’occasions de résoudre des préoccupations sur une base individuelle avant que ne soit envisagé leur congédiement, le retrait de leur service ou leur expulsion.

Lorsqu’il est connu qu’une personne a des besoins liés à un handicap, les organisations ayant une obligation d’accommodement doivent en tenir compte aux termes de la loi[215]. Par exemple, l’offre de counselling ou d’aiguillage par l’entremise de programmes d’aide aux employés pourrait constituer une façon de composer avec un handicap sous-jacent aggravé par du stress personnel ou éprouvé en milieu de travail.

13.7 Renseignements médicaux à fournir

Durant la consultation de la CODP sur la santé mentale, des questions ont été soulevées sur le type d’information que les fournisseurs de mesures d’adaptation peuvent obtenir d’une personne aux prises avec un problème de santé mentale ou une dépendance. Bon nombre de ces questions ont trait à l’emploi, mais peuvent aussi s’appliquer aux domaines du logement et des services, selon les circonstances. Elles ont une incidence sur la vie privée des employés, locataires et usagers de services. En même temps, les organisations doivent posséder assez d’information pour pouvoir respecter leur obligation d’accommodement.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, les personnes en quête d’accommodement doivent généralement aviser le fournisseur de mesures d’adaptation qu’elles ont un handicap. De son côté, le fournisseur de mesures d’adaptation doit accueillir leur demande de bonne foi[216]. En contexte d’emploi, les personnes aux prises avec un trouble mental ne sont pas tenues de respecter une norme onéreuse en matière de communication initiale du handicap pour que se déclenche l’obligation d’accommodement de l’organisation. Les organisations devraient limiter leurs demandes d’information aux renseignements qui ont un lien raisonnable avec la nature de la limite ou de la restriction, et permettent d’évaluer les besoins et d’offrir des mesures d’adaptation.

Voici des exemples d’information que les personnes en quête d’accommodement peuvent généralement s’attendre à devoir procurer pour appuyer une demande d’accommodement :

  • présence d’un handicap ou d’une affection
  • limites ou besoins associés au handicap
  • capacité d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles associées à l’emploi, à la location ou à l’obtention des services avec ou sans accommodement (probablement plus pertinent en contexte d’emploi) 
  • type de mesures d’adaptation qui pourraient s’avérer nécessaires pour permettre à la personne d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles associées à l’emploi, à la location ou à l’obtention des services, etc.
  • en matière d’emploi, mises à jour régulières sur le retour prévu de la personne au travail, si elle bénéficie d’un congé.

Exemple : Une employée dit à son employeur qu’en raison de son handicap, elle doit se rendre à un rendez-vous médical tous les mercredis matin pendant le prochain mois. L’employeur accueille cette information de bonne foi et assouplit l’horaire du mercredi de l’employée à titre de mesure d’adaptation.

Exemple : Un locataire avertit son locateur qu’il a été hospitalisé en raison d’un handicap et qu’il ne pourra pas effectuer le paiement de son loyer à temps. Sachant que le locataire est hospitalisé, le locateur n’a pas besoin de confirmer qu’il a un handicap. Il demande toutefois de confirmer que son besoin est de nature temporaire, et qu’il pourra effectuer le paiement du loyer dans quelques semaines, lorsqu’il aura obtenu son congé de l’hôpital. Le locataire lui transmet cette information et le locateur tient compte du fait que le loyer sera payé à une date ultérieure.

Dans de rares cas, l’organisation aura des motifs raisonnables de douter de la légitimité d’une demande d’adaptation ou de la véracité des renseignements fournis. La partie responsable de fournir les mesures d’adaptation pourra alors demander que les renseignements soient confirmés ou obtenir des renseignements additionnels auprès d’un professionnel de la santé compétent.

Exemple : D’avis qu’un nombre important d’employés se heurtent à des troubles mentaux à un certain moment de leur vie professionnelle, un grand employeur créé un programme de gestion des handicaps. Au lieu de demander aux employés de fournir de la documentation médicale à l’appui d’une demande d’accommodement, le programme se fonde sur une auto-évaluation des besoins et des forces des employés. L’employeur cherche uniquement à obtenir des renseignements médicaux de la part d’un médecin si une personne a des besoins complexes ou ne prend pas part au processus. Grâce à cette approche, l’employeur conserve de bons rapports avec ses employés, qui reprennent le travail plus rapidement après un congé d’invalidité[217].

Quand des renseignements additionnels sur le handicap d’une personne sont requis, la demande d’information doit faire le moins possible incursion dans la vie privée de la personne tout en veillant à ce que le fournisseur de mesures d’adaptation obtienne des renseignements suffisamment complets pour mettre en place des mesures d’adaptation.

Exemple : Une personne (qui lutte contre l’anxiété) entre dans une épicerie accompagnée d’un chien. Pour des raisons de santé et de sécurité, l’épicerie n’accepte habituellement pas les animaux. Seuls les animaux d’assistance font exception à cette règle. Le propriétaire demande à la personne de quitter, quand celle-ci lui indique qu’il s’agit d’un animal d’assistance. Le propriétaire a besoin de procéder à des vérifications puisque le chien ne porte aucune indication du fait qu’il a pour fonction d’offrir de l’assistance. Il demande à la personne de fournir des documents médicaux à l’appui de son handicap et de son besoin d’être accompagnée par un animal d’assistance en raison de ce handicap[218].

Dans les rares cas où un fournisseur de mesures d’adaptation peut démontrer qu’il a légitimement besoin d’information additionnelle à propos du handicap (par opposition aux seuls besoins liés au handicap) d’une personne en vue d’offrir une mesure d’adaptation, il pourrait demander d’obtenir de l’information sur la nature de la maladie, de l’affection ou du handicap de la personne[219] (p. ex. s’il s’agit d’un trouble mental, d’un trouble de l’apprentissage ou d’une dépendance?), par opposition à un diagnostic médical.

On ne s’attend pas à ce que les organisations diagnostiquent une maladie ou mettent en doute l’état de santé d’un employé[220]. De la même façon, une organisation ne peut demander d’obtenir des renseignements confidentiels non nécessaires parce qu’elle met en doute l’information divulguée par une personne ou a une impression opposée de la forme que devrait prendre un trouble mental ou une dépendance[221].

Exemple : Une femme divulgue à ses collègues de travail qu’elle lutte contre la dépression. Plus tard, elle présente une note d’un médecin indiquant qu’elle a obtenu un traitement pour une « affection » et nécessite un congé de travail d’une semaine. Bien que l’employeur sache que l’employée a rapporté être dépressive, il ne trouve pas qu’elle a l’air triste ou affligée. Par conséquent, il refuse de lui fournir de mesure d’adaptation à moins qu’elle ne lui fournisse plus d’information sur son diagnostic. Cela pourrait constituer une violation des droits de l’employée aux termes du Code.

Un fournisseur de mesures d’adaptation devrait être capable d’expliquer pourquoi il nécessite une information quelconque à propos du handicap d’une personne et quel rapport sa demande entretient avec l’accommodement des besoins de la personne.

En général, le fournisseur d’une mesure d’adaptation n’a pas le droit d’obtenir des renseignements médicaux confidentiels à propos d’une personne, comme la cause d’un handicap, son diagnostic, ses symptômes ou son traitement[222], à moins qu’il n’y ait un lien direct avec l’accommodement demandé ou que les besoins de la personne soient complexes, difficiles à combler ou peu clairs, et qu’ils justifient l’obtention d’information additionnelle. Dans les rares cas où les besoins d’une personne sont complexes, difficiles à combler ou peu clairs, la personne en quête d’accommodement pourrait devoir collaborer au processus en fournissant davantage de renseignements, y compris la nature de son diagnostic[223]. Dans de telles situations, le fournisseur de la mesure d’adaptation doit être en mesure d’indiquer clairement pourquoi l’information est requise.

Exemple : Une personne travaille comme conseillère en toxicomanie au sein d’un programme de traitement de la toxicomanie qui repose sur l’abstinence. Elle demande qu’on lui accorde du temps chaque semaine pour obtenir un « traitement » lié à un « handicap ». Compte tenu d’observations récentes du comportement de la personne, et de préoccupations par rapport à la possibilité qu’elle travaille en état d’ivresse, l’employeur veut que son médecin lui indique si elle a une dépendance à l’alcool ou aux drogues. L’employeur pourrait faire valoir le fait que sa demande est justifiée en raison des effets négatifs possibles que pourrait avoir sur des clients toxicomanes une conseillère qui se présente au travail en état d’ivresse. La connaissance qu’a l’employeur du diagnostic de la conseillère orientera son choix de mesures d’adaptation à prévoir (p. ex. lui offrir temporairement un poste différent ou un congé pour lui permettre de traiter sa toxicomanie).

Lorsque la situation le permet, cependant, les fournisseurs de mesures d’adaptation doivent faire des efforts sincères pour fournir les mesures d’adaptation nécessaires sans exiger que les personnes en quête d’accommodement ne soient tenues de divulguer leur diagnostic ou de fournir des renseignements médicaux qui ne sont pas absolument nécessaires.

Les personnes qui ont des besoins difficiles à cerner peuvent être invitées à subir un examen médical indépendant (EMI). Cependant, on doit avoir des raisons objectives de conclure que les preuves médicales fournies à l’origine ne sont pas exactes ou adéquates. L’EMI ne doit pas servir à mettre en doute la demande d’accommodement d’une personne[224]. Les demandes d’examen médical doivent être justifiées et doivent tenir compte des besoins particuliers liés au handicap[225].

Exemple : Une personne aux prises avec un trouble bipolaire décroche un emploi de maître nageur, qui est un poste critique en matière de sécurité. Il est hospitalisé un certain temps. Au moment d’obtenir son congé, les médecins l’avisent qu’il est apte à reprendre le travail. À son retour au travail, cependant, on procède à son évaluation et découvre qu’il peut difficilement se concentrer, réagit lentement et fait des erreurs à répétition. Dans un tel cas, il est possible que l’employeur puisse justifier une demande d’examen médical indépendant[226]

On ne peut pas obliger personne à se soumettre à un examen médical indépendant. Par contre, le fait de ne pas satisfaire à des demandes raisonnables en ce sens peut retarder les mesures d’adaptation jusqu’à la transmission des renseignements requis et, en fin de compte, faire échouer le processus d’accommodement.

Pour établir l’existence du trouble mental et bénéficier des mesures de protection prévues aux termes des lois relatives aux droits de la personne, il peut ne pas être suffisant d’affirmer qu’on affiche des symptômes courants chez de nombreuses personnes, comme le fait d’avoir du « stress », des « problèmes psychologiques », de l’« anxiété » ou de la « douleur », ou de se « sentir déprimé »[227]. Au moment d’effectuer de telles affirmations par écrit, les membres de la collectivité et les médecins devraient indiquer clairement qu’il s’agit de symptômes d’un handicap.

Exemple : Une personne fournit à son employeur un billet d’un médecin indiquant qu’elle vit du « stress » et a besoin d’un congé. L’employeur pourrait être en droit de demander davantage de renseignements pouvant lier le stress à un handicap. S’il est possible d’établir ce lien, l’employeur pourrait s’enquérir des restrictions de la personne, de sa date prévue de retour au travail, et de sa capacité de travailler si des mesures d’adaptation lui étaient fournies.

Cependant, si ce genre d’affirmations s’accompagne d’autres indications de détresse ou de mal-être chez la personne, et qu’un employeur, fournisseur de logements ou fournisseur de services croit déceler la présence d’un handicap, les mesures de protection du Code s’appliqueront.

Si une personne fournit des renseignements liés à son handicap qu’un fournisseur de mesures d’adaptation juge « inadéquats » pour procéder à l’accommodement, il ne peut utiliser son propre défaut de demander des renseignements additionnels pour justifier son manque d’accommodement ou soumettre d’autre façon une personne à un traitement préjudiciable (p. ex. congédiement ou refus de services)[228].

Si la personne n’accepte pas de fournir des renseignements médicaux additionnels et que le fournisseur de mesures d’adaptation peut démontrer que cette information est requise, il pourrait être établi que la personne en quête d’accommodement n’a pas participé au processus d’accommodement, ce qui relèverait le fournisseur de mesures d’adaptation de toute autre responsabilité[229].

13.8 Confidentialité

En raison des graves stigmates sociaux et des stéréotypes qui perdurent à l’égard des troubles mentaux et des dépendances, le respect de la vie privée des personnes aux prises avec ces handicaps peut revêtir une importance particulière.

Exemple : Un employeur a diffusé les renseignements médicaux confidentiels d’une employée (y compris des détails sur sa dépression) sur le babillard du club où elle travaille. Le tribunal a déterminé qu’il s’agissait d’un geste discriminatoire qui avait stigmatisé l’employée et empoisonné son milieu de travail[230]

Les documents à l’appui d’une demande d’accommodement devraient uniquement être fournis aux personnes qui doivent en connaître le contenu. En contexte d’emploi par exemple, il pourrait être préférable de remettre l’information à un membre du service de santé ou des ressources humaines de l’organisation plutôt qu’à un superviseur, pour protéger encore davantage le caractère confidentiel des renseignements fournis.

Exemple : Une personne qui doit se présenter devant le tribunal a besoin qu’on adapte l’horaire des audiences pour tenir compte de ses besoins liés à la santé mentale. La documentation à l’appui de sa demande est transmise uniquement au coordonnateur de l’accessibilité de la cour. Il peut suffire au reste du personnel de la cour de savoir qu’il doit fournir cette mesure d’adaptation à la personne. 

Les renseignements médicaux d’une personne ne devraient pas être conservés dans son dossier personnel, ou dans tout dossier ayant trait à sa location ou aux services auxquels elle fait appel.

Lorsqu’une situation impérieuse menace la santé ou la sécurité d’une personne, il peut s’avérer nécessaire de divulguer des informations sur sa santé à des tierces parties[231]. En pareil cas, il faut s’assurer de respecter la législation relative à la vie privée. Le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada offrent des renseignements additionnels sur la législation relative à la vie privée et son application aux fournisseurs de logements, employeurs et fournisseurs de services des secteurs privé et public[232].

Exemple : Un praticien de la santé d’un centre hospitalier universitaire ou un conseiller pédagogique d’un collège aurait le droit de divulguer des renseignements personnels sur la santé à la famille ou au médecin d’un client s’il avait des motifs raisonnables de croire qu’il est nécessaire de le faire pour réduire le risque de suicide[233].

13.9 Traitement

L’obtention d’un traitement[234] thérapeutique, médicamenteux ou autre est un choix très personnel qui relève du droit fondamental de la personne de disposer de son propre corps. Tout adulte capable a le droit de consentir à un traitement ou de le refuser[235] aux termes de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[236]. Dans le cas des personnes déclarées inaptes, un mandataire spécial doit consentir au traitement[237]

13.9.1 Besoin de traitement

Les employeurs, fournisseurs de logements et fournisseurs de services devraient garder à l’esprit qu’ils pourraient violer les droits d’une personne en lui imposant les conditions ou exigences générales suivantes :

  • se faire traiter
  • obtenir un type de traitement particulier (p. ex. médication, consultation d’un psychiatre)
  • suivre un traitement supervisé

dans le but d’obtenir ou de conserver un logement, des services ou un emploi, s’il ne s’agit pas d’une exigence de bonne foi ou légitime de prendre part à l’organisation. Le cas échéant, les fournisseurs de logements, fournisseurs de services et employeurs devraient être conscients d’imposer  aux personnes ayant des handicaps psychosociaux des conditions non légitimes que les personnes ayant d’autres types de handicaps ou n’ayant aucun handicap n’ont pas à remplir.

Exemple : Une étudiante universitaire cherche à obtenir une mesure d’adaptation lors des examens en guise d’accommodement d’un problème de santé mentale.  On lui dit qu’elle doit rencontrer son conseiller à intervalles réguliers comme condition d’obtention de la mesure d’adaptation. À moins qu’on puisse faire la preuve que cette condition constitue une exigence de bonne foi de l’accommodement des besoins lors des examens, cette demande contrevient probablement aux droits de l’étudiante aux termes du Code.

Exemple : Une personne atteinte de schizophrénie vit en colocation, dans un logement que lui fournit un organisme de santé mentale. L’immeuble offre sur place des services de réadaptation et de counselling. Aux termes de son entente de location, le locataire doit, entre autres, se conformer à son traitement, s’abstenir de prendre de l’alcool ou des drogues et n’adopter aucun comportement violent. Le locataire cesse de prendre ses médicaments mais continue de rencontrer son équipe médicale à intervalles réguliers. Sans l’avertir ni consulter son équipe de soins, l’organisme lui dit de quitter le logement parce qu’il ne satisfait plus aux critères du programme. Durant l’audience, l’organisme explique avoir demandé au locataire de quitter parce qu’il ne prenait plus ses médicaments, avait des antécédents de violence (de dix ans auparavant), allait émotionnellement de mal en pis (p. ex. il entendait des voix et parlait en langage informatique) et avait dit au personnel qu’il était alcoolique.  Bien que l’affaire n’ait pas fait l’objet d’une analyse aux termes du Code, le tribunal a déterminé que le fournisseur de logements avait contrevenu à l’entente de location. Selon le tribunal, il n’y avait aucune urgence réelle à expulser la personne de son logement étant donné que rien n’indiquait qu’elle représentait un risque pour autrui[238]

Pour faire la démonstration du caractère raisonnable et de bonne foi d’une exigence de participation à un traitement, les organisations doivent satisfaire au critère juridique en trois étapes mis de l’avant dans l’arrêt Meiorin. En autres, elles doivent démontrer que l’accommodement de la personne d’autre façon créerait un préjudice injustifié à l’organisation[239].

L’évaluation des gens doit prendre en compte leurs besoins individuels. On ne devrait jamais baser des exigences sur la supposition générale selon laquelle les personnes ayant des handicaps psychosociaux doivent se faire traiter ou doivent recevoir un traitement particulier. Lorsqu’elles ne sont pas imposées de bonne foi, de telles exigences peuvent contribuer au désavantage auquel se heurtent les personnes ayant des handicaps psychosociaux en tant que groupe souvent privé au fil des ans du consentement éclairé au traitement.

En même temps, bien qu’une personne ait le droit de refuser de consentir au traitement de handicaps psychosociaux, ce refus peut entraîner des répercussions[240].

Lorsqu’une personne refuse de se soumettre à un traitement constituant une exigence raisonnable et de bonne foi, l’organisation peut ne plus être en mesure de fournir une mesure d’adaptation appropriée, ce qui nuira à la capacité de la personne d’exécuter les tâches essentielles de son poste ou de combler les exigences essentielles de l’exercice d’un droit.  

Dans certains cas, un employeur pourrait exiger qu’un employé dont l’inconduite justifie un licenciement obtienne un traitement dans le cadre d’une « entente de dernière chance ». Ce genre d’entente constitue une condition de réintégration en emploi[241]. Les ententes de dernière chance doivent être conçues de façon à tenir compte des circonstances particulières de la personne visée[242]. De plus, elles ne doivent pas contenir de dispositions qui imposent des peines ou des normes plus strictes aux personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances (comme des attentes plus élevées en matière de rendement), comparativement aux autres personnes en situation semblable[243].

13.9.2 Traitement et obligation d’accommodement

Il existe une différence entre, d’une part, le fait de tenir compte des problèmes de santé mentale et de dépendance pour assurer un accès équitable en modifiant des processus, procédures, exigences ou installations et, de l’autre, le traitement des problèmes de santé mentale ou de dépendance. Un employeur, fournisseur de logements ou fournisseur de services n’est généralement pas tenu d’offrir du counselling, de prodiguer un traitement ou d’administrer des médicaments (ni apte à le faire). Par exemple, on ne s’attendrait pas à ce qu’un locateur offre du « counselling » ou des « services sociaux » à un locataire aux prises avec un problème de santé mentale dans le contexte de l’obligation d’accommodement[244].

Certaines personnes pourraient souhaiter obtenir un traitement. Dans un tel cas, l’employeur, le fournisseur de logements ou le fournisseur de services aurait l’obligation de tenir compte de ses besoins à ce chapitre. 

Exemple : Un fournisseur de logements pourrait être tenu d’assurer l’accès à l’immeuble ou de fournir des renseignements (moyennant le consentement du locataire) à des tierces parties chargées d’aider un locataire à soigner des comportements d’amassement pathologique si ces comportements nuisent à l’organisation.

Exemple : Un employé entreprend un programme de traitement à la méthadone. En collaboration avec son employeur, il élabore un plan d’accommodement de ses besoins qui lui permet de passer prendre sa dose à la pharmacie tous les jours durant les heures de travail, et de consulter son médecin plusieurs fois par semaine, pourvu qu’il reprenne le temps perdu au travail. Son employeur sait qu’il pourrait avoir de la difficulté à se réveiller le matin durant l’étape d’acclimatation au programme, et adapte son horaire matinal en conséquence[245]. Grâce à ces mesures d’adaptation, l’employé est capable d’exécuter les tâches essentielles de son emploi. 

On pourrait s’attendre à ce que les organisations ayant des responsabilités de prise en charge de la personne (par opposition aux organisations qui occupent une place plus périphérique dans la vie des gens) prévoient un traitement en guise de mesure d’adaptation, moyennant le consentement de la personne.

Exemple : Si les comportements en lien avec le trouble mental d’un étudiant semblent nuire à sa capacité de participer à des activités pédagogiques, l’obligation d’accommodement de l’école pourrait s’étendre à l’obtention du consentement de l’étudiant en vue de faire appel à des services de counselling offerts à l’interne, par les travailleurs sociaux de l’école par exemple, ou à l’externe par une organisation quelconque. D’un autre côté, un centre de conditionnement physique n’aurait pas la même obligation. 


[164] Ces politiques sont offertes sur le site Web de la CODP, à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr.

[165] Voir Meiorinsupra, note 67, aux par. 65-66 et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), 1999 CanLII 646, [1999] 3 R.C.S. 868, aux par. 22 et 42 à 45 [Grismer]. Dans Gourley v. Hamilton Health Sciences, 2010 HRTO 2168 (CanLII), l’arbitre a indiqué ce qui suit (au par. 8) : « La composante de fond de l’analyse examine le caractère raisonnable de la mesure d’adaptation offerte ou les raisons pour lesquelles l’intimé ne fournit pas de mesure d’adaptation. Il revient à l’intimé de démontrer que des éléments ont été considérés, des évaluations ont été menées et des mesures ont été prises pour tenir compte des besoins de l’employé jusqu’au point de préjudice injustifié […] »

[166] Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; ADGA Group Consultants Inc. v. Lane, supra, note 60, au par. 106.

[167] Stevenson c. Canada (Service canadien du renseignement de sécurité) (2001), 41 C.H.R.R. D/433 (TCDP)

[168] IdemGibbs c. Battlefordssupra, note 1.

[169] Duliunas v. York-Med Systems, 2010 HRTO 1404 (CanLII).

[170] Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241.

[171] Dans Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brantidem, la Cour suprême du Canada a déclaré que « l’intégration devrait être reconnue comme la norme d’application générale en raison des avantages qu’elle procure habituellement » (au par. 69). Cependant, elle a jugé qu’en raison de l’état d’Emily Eaton, il était préférable qu’elle vive dans un milieu séparé. La Cour était d’avis qu’il s’agissant de l’un des rares cas où la ségrégation constituait une mesure d’adaptation plus appropriée.

[172] Commission du droit de l’Ontario, Cadre du droit touchant les personnes handicapéessupra, note 58, à 79.

[173] Eaton, supra, note 23, au par. 67.

[174] Meiorin, supra, note 67, au par. 68.

[175] Idem

[177] Supra, note 71. 

[178] Cet exemple est tiré de l’approche du  Centre pour la santé mentale en milieu de travail de la Great-West et La santé mentale au travail. Voir : www.strategiesdesantementale.com/display.asp?lc=1&l1=177&l2=207&l3=229&d=207.

[179] Voir la section 13.6.1 sur l’obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement pour obtenir plus de renseignements.

[180] Quesnel v. London Educational Health Centre, (1995), supra, note 22, au par. 16.

[181] Le critère juridique utilisé pour la détermination du préjudice injustifié est énoncé en détail dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, supra, note 16, et examiné plus attentivement dans la section de la présente politique portant sur le préjudice injustifié. La même norme s’applique à tous les motifs prévus au Code, dont les troubles mentaux et les dépendances.

[182] Meiorin, supra, note 67, au par. 54.

[183] Voir Hydro-Québec c. Syndicat des employées de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, [2008] 2 R.C.S. 561, pour prendre connaissance des observations récentes de la Cour suprême du Canada relatives au sens du troisième élément de ce critère, dans la pratique, dans le contexte de l’accommodement des besoins de personnes handicapées en milieu de travail.

[184] Grismer, supra, note 165 au par. 20.

[185] Meioirin, supra, au par. 65.

[186] Duliunas v. York-Med Systemssupra, note 169, au par. 74. Dans la même veine, voir l’arrêt Ilevbare v. Domain Registry Group, 2010 HRTO 2173 (CanLII), dans lequel le TDPO indique ce qui suit au par. 52 : « Le licenciement d’un employé handicapé en congé d’invalidité est discriminatoire à première vue et exige une explication. » Cela donne à penser que le licenciement d’un employé en congé d’invalidité sera jugé discriminatoire à première vue, et il incombera à l’employeur de fournir un motif non discriminatoire de licenciement.

[187] Grismer, supra, note 165; Cameron v. Nel-gor Nursing Home (1984), 5 C.H.R.R. D/2170, à D/2192 (Ont. Bd. of Inq.). Voir aussi Crabtree c. 671632 Ontario Ltd. (c.o.b. Econoprint (Stoney Creek), [1996] O.H.R.B.I.D. No. 37 (QL) (Ont. Bd. Inq.).

[188] Voir Vanegas v. Liverton Hotels International Inc., 2011 HRTO 715 (CanLII). Voir aussi Briffa v. Costco Wholesale Canada Ltd., 2012 HRTO 1970 (CanLII).

[189] La jurisprudence relative aux droits de la personne reconnaît que les employeurs ont l’obligation d’envisager des emplois de rechange temporaires et permanents pour les personnes qui ne peuvent
plus demeurer en poste malgré l’obtention de mesures d’adaptation. Cette obligation s’étend à l’examen minutieux des mesures d’adaptation possibles et à la suggestion d’emplois qui respectent les limites fonctionnelles. Cela est compatible avec la décision de la Cour suprême du Canada dans Hydro-Québecsupra, note 183. Le TDPO a cerné une variété de « pratiques exemplaires » en lien avec ce processus. Par exemple, dans le cadre de ces deux affaires, au moins, le TDPO a commenté favorablement la pratique adoptée par un employeur qui consiste à sonder des postes vacants correspondant aux compétences d’un employé et aux besoins associés à son handicap, puis de « conserver » ou de « protéger » ces postes pour veiller à ce qu’ils ne soient pas offerts préalablement à une personne qui n’a pas besoin d’accommodement; voir Harnden v. The Ottawa Hospital, 2011 HRTO 1258 (CanLII) et Gourley v. Hamilton Health Sciences, supra, note 165. Il peut être nécessaire d’assurer l’octroi direct d’un emploi de rechange, sans que la personne ne soit tenue de réussir un concours : voir Fair v. Hamilton-Wentworth District School Board, 2012 HRTO 350. Voir aussi Buttar v. Halton Regional Police Services Board, 2013 HRTO 1578 (CanLII) et Formosa v. Toronto Transit Commission2009 HRTO 54 (CanLII), pour connaître les exceptions possibles dans certaines situations. Pour obtenir plus de renseignements sur ces stratégies d’accommodement et d’autres, voir Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale, accessible à l’adresse : Centre pour la santé mentale en milieu de travail de la Great-West http://gwcentrepourlasantementale.com/display.asp?lc=1&l1=175&l2=6&d=6 (consulté le 24 avril 2014).

[190] Voir la section 16 sur le consentement et la capacité pour obtenir plus de renseignements.

[191] Allen v. Ottawa (City), 2011 HRTO 344 (CanLII), et Kelly v. CultureLink Settlement Services, 2010 HRTO 977 (CanLII). Il doit être démontré que les délais sont de bonne foi et liés à un handicap psychosocial : voir Arcuri v. Cambridge Memorial Hospital, 2010 HRTO 578 (CanLII), et Vallen v. Ford Motor Company of Canada, 2012 HRTO 932 (CanLII). En ce qui a trait aux arbitres ou dans le contexte des tribunaux administratifs, il est également à noter que la doctrine de l’immunité judiciaire pourrait s’appliquer dans le but de protéger les arbitres accusés de n’avoir pas fourni d’accommodement dans l’exercice de leurs fonctions de prise de décisions et de règlement des différends : voir Thomson v. Ontario Secondary School Teachers’ Federation, 2011 HRTO 116 (CanLII); Hazel v. Ainsworth Engineered, 2009 HRTO 2180 (CanLII); McWilliams v. Criminal Injuries Compensation Board, 2010 HRTO 937 (CanLII).

[192] Voir la section 13.8 sur la confidentialité pour obtenir plus de renseignements.

[193] In Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60, le tribunal a indiqué au par. 144 : « La dimension procédurale de l’obligation d’accommodement oblige les personnes responsables à explorer davantage la nature du trouble bipolaire et de formuler un pronostic mieux fondé des répercussions probables de l’état de santé en milieu de travail ».

[194] Voir Dawson c. Société canadienne des postessupra, note 36, aux par. 243-245.

[195] Voir la section 13.6.1 sur l’obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement pour savoir quand une organisation est tenue de se renseigner sur ces besoins, même si une personne n’a pas fait de demande d’accommodement.

[196] Dans l’arrête Baber v. York Region Dist. School Board (No. 3) (2011), 71 C.H.R.R. D/293, 2011 HRTO 213 (CanLII), le TDPO a conclu que même si Mme Baber avait fait une demande d’accommodement, l’employeur avait rempli son obligation en ce sens parce que Mme Baber n’avait pas collaboré au processus d’accommodement en rejetant des demandes raisonnables d’information ayant pu confirmer ses besoins. Elle a toujours refusé de fournir les renseignements médicaux pertinents. Le tribunal a également établi que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement en mettant fin à son emploi.

[197] Cela peut inclure un gérant, locateur, représentant syndical ou responsable en matière de droits de
la personne.

[198] Voir la section 13.6.1 sur l’obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement pour savoir quand une organisation est tenue de se renseigner sur ces besoins, même si une personne n’a pas fait de demande d’accommodement.

[199] Meiorin, supra, note 67, aux par. 65-66.

[200] Conte c. Rogers Cablesystems Ltd., (1999) 36 C.H.R.R. D/403 (TCDP); Mazuelos v. Clark (2000) C.H.R.R. Doc. 00-011 (B.C.H.R.T.); Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23.

[201] Central Okanagan School Dist. No. 23 c. Renaud, [« Renaud »], [1992] 2 R.C.S. 970.

[202] Puleio v. Moneris Solutions, 2011 HRTO 659 (CanLII).

[203] La décision de la Cour suprême du Canada dans Renaudsupra, note 201, établit les obligations des syndicats. Voir aussi Bubb-Clarke v. Toronto Transit Commission, 2002 CanLII 46503 (HRTO).

[204] Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624.

[205] La jurisprudence en matière de droits de la personne n’a cependant pas déterminé si cela inclurait le coût d’un traitement comme une thérapie ou de la médication.

[206] Convention relative aux droits des personnes handicapées, supra, note 27, au par. 13(1) et aux alinéas 24(2)(c) et 27(1)(i), respectivement. L’article 5 porte généralement sur l’accommodement raisonnable.

[207] Par exemple, des personnes peuvent traverser un premier épisode de trouble mental qui les empêche de réaliser qu’elles sont en situation d’incapacité. Le déni de la situation est également un aspect possible de la dépendance.

[208] La Cour suprême du Canada a reconnu le fait que la stigmatisation et l’embarras pouvaient décourager la divulgation du trouble mental : Battlefords and District Co-operative Ltd. c. Gibbssupra, note 1, au par. 31. Voir aussi : Mellon c. Développement des ressources humaines Canada, 2006, supra, note 15, au par. 100.

[209] Voir, par exemple, Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; ADGA Group Consultants Inc. v. Lane, supra, note 60; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23; Mellonidem aux par. 97-98; Willems-Wilson v. Allbright Drycleaners Ltd. (1997), 32 C.H.R.R. D/71 (B.C.H.R.T.); Zaryski v. Loftsgard (1995), 22 C.H.R.R. D/256 (Sask. Bd. Inq.).

[210] Pour obtenir plus de renseignements sur les responsabilités en matière d’accommodement des dépendances à l’alcool ou aux drogues, voir la Politique sur les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool de la CODP, supra, note 17.

[211] Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23.

[212] Voir, par exemple, Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23; Mellon c. Développement des ressources humaines Canadasupra, note 15; Willems-Wilson v. Allbright Drycleaners Ltd.supra, note 209; Zaryski v. Loftsgardsupra, note 209.

[213] Voir Krieger, idemZaryski, idem; Bowden v. Yellow Cab Co. (No. 2) (2011), CHRR Doc. 11-0014, 2011 BCHRT 14; Trask v. Nova Scotia (Correctional Services) (No. 1) (2010), 70 C.H.R.R. D/21 (N.S. Bd. Inq.). En cas d’inconduite, la personne aux prises avec un handicap psychosocial serait tenue de démontrer une relation de cause à effet entre l’inconduite et un handicap psychosocial pour bénéficier des mesures de protection du CodeFleming v. North Bay (City), 2010 HRTO 355 (CanLII), Walton Enterprises v. Lombardi, 2013 ONSC 4218 (CanLII). Par exemple, dans l’affaire Fleming, le requérant n’a pu démontrer de lien causal entre sa dépendance à l’alcool et la conduite pour laquelle il a été suspendu et plus tard congédié (huit condamnations au criminel entre 1992 et 2007, y compris des menaces et agressions contre des femmes et un incident dans une patinoire intérieure, où il aurait lancé un bâton par-dessus la vitre).

[214] Voir Fleming et Lombardi, idem, et Wright v. College and Association of Registered Nurses of Alberta (Appeals Committee), 2012 ABCA 267.

[215] Voir Morris v. British Columbia Railway Co. (2003), 46 C.H.R.R. D/162, 2003 BCHRT 14 : selon le tribunal, si une personne a été congédiée en raison de problèmes liés à un handicap, le handicap a joué un rôle dans son congédiement. Sachant que le requérant avait une dépression, l’employeur aurait dû se demander si la dépression nuisait à son rendement et chercher à obtenir une évaluation médicale. Il n’a rien fait de tout ça. Cette décision confirme le fait qu’un employeur ne peut « fermer les yeux sur le comportement d’un employé […] Tout employeur qui compose avec un employé handicapé doit prendre en compte tous les facteurs pertinents, y compris des preuves médicales, ses propres observations et les commentaires et préoccupations de l’employé (au par. 238). »

[216] IdemYeats v. Commissionaires Great Lakes, 2010 HRTO 906, aux par. 47-48 (CanLII).

[217] Cet exemple s’inspire du programme de gestion des handicaps de la CIBC; voir Andrea Davis, DM Diagnostic (1er mars 2006), accessible en ligne à l’adresse : www.benefitscanada.com/news/dm-diagnostic-8220 (Consulté le 3 mai 2012).

[218] Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance qui utilisent des animaux d’assistance pour combler des besoins en lien avec leur handicap (comme l’anxiété) bénéficient aussi de protection aux termes de la définition de « handicap » de l’article 10 du Code. Il n’est pas nécessaire que les animaux d’assistance pour personnes ayant des troubles psychiques ou des dépendances soient entraînés par une organisation reconnue du secteur des handicaps. Cependant, s’il n’est pas évident à première vue que l’animal procure une assistance, la personne doit être en mesure de démontrer (à l’aide de preuves médicales ou d’attestions d’un fournisseur de services semblable) qu’elle a un handicap et que l’animal l’aide à combler des besoins liés à ce handicap. Les fournisseurs de services et autres personnes à qui on fournit de tels documents ne devraient pas remettre en doute cette vérification sur la base de présomptions ou d’observations personnelles. Voir Allarie v. Rouble, 2010 HRTO 61 (CanLII).

[219] Dans l’affaire Providence Care, Mental Health Services v. Ontario Public Service Employees Union, Local 431, 2011 CanLII 6863 (ON LA), l’arbitre fait la distinction entre « la nature du handicap » et le « diagnostic » de la façon suivante, au par. 33 : « Cependant, je continue d’être d’avis que "nature du handicap (ou de la blessure)" fait référence à un énoncé général de cette information en langage simple sans diagnostic, autres détails médicaux techniques ou symptômes. Le diagnostic et la nature de la maladie ne sont pas des termes synonymes. Ils se chevauchent cependant, ce qui signifie que la description de la nature de la maladie ou blessure pourrait, dans certains cas, révéler le diagnostic. »

[220] Voir Duliunas v. York-Med Systems, supra, note 169; Devoe v. Haransupra, note 35; Eagleson v. Co-operative Homes Inc. v. Théberge, 2006, supra, note 23.

[221] Voir Morris v. British Columbia Railway Co.supra, note 215; Russell v. Indeka Imports Ltd., 2012 HRTO 926 (CanLII). Mais voir aussi Oak Bay Marina Ltd. v. British Columbia (Human Rights Tribunal) (No. 2) (2002), 43 C.H.R.R. D/487, 2002 BCCA 495.

[222] Dans l’affaire Simpson v. Commissionaires (Great Lakes), 2009 HRTO 1362 (CanLII), une cause traitant de handicap physique, le TDPO a indiqué, au par. 35 :

Aux fins d’une demande d’accommodement en milieu de travail, l’attention devrait généralement être dirigée sur les limites fonctionnelles de l’employé (capacités et symptômes) et sur l’interaction de ces aspects fonctionnels avec les tâches de l’emploi et l’environnement de travail. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’informer l’employeur de la cause spécifique de l’état de l’employé ou de son diagnostic exact pour être averti du fait que l’employé à des besoins liés à un handicap qui nécessitent un accommodement.

Voir Wall v. The Lippé Group2008 HRTO 50 (CanLII), 2008 HRTO 50 (CanLII); Mellon c. Développement des ressources humaines Canada, [2006] T.D.P.C. No. 2. Voir aussi Ilevbare v. Domain Registry Groupsupra, note 186.

[223] Complex Services Inc. v Ontario Public Service Employees Union, Local 278, 2012 CanLII 8645 (ON LA) et Canadian Bank Note Company, Limited v International Union of Operating Engineers, Local 772, 2012 CanLII 41234 (ON LA). Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient également garder à l’esprit qu’il n’est pas toujours facile de diagnostiquer un trouble mental, que ce diagnostic peut changer au fil du temps et que les symptômes d’un trouble mental peuvent grandement varier d’une personne à l’autre. Par conséquent, il peut être plus utile d’obtenir une déclaration générale indiquant que la personne a un handicap et quels sont les besoins liés à ses limitations fonctionnelles, que de connaître son diagnostic. Voir Mellon c. Développement des ressources humaines Canadasupra, note 15, au par. 99 : « Il se peut qu’une personne souffrant d’une déficience, notamment une personne souffrant d’une déficience mentale, ne connaisse pas la nature et l’importance exacte de cette déficience au moment où elle est en proie aux symptômes. Dans de telles circonstances, nous ne pouvons pas imposer une obligation de divulgation d’un diagnostic médical concluant. » Certaines personnes pourraient afficher une série de symptômes qui ne font pas l’objet d’un diagnostic spécifique. Voir Ball v. Ontariosupra, note 154.

[224] Voir Canadian Union of Public Employees, Local 831 v. Brampton (City) [2008] O.L.A.A. No. 359 (QL).

[225] Le Tribunal canadien des droits de la personne a déterminé que le fait de demander à une personne atteinte d’autisme de se soumettre à un examen psychiatrique après avoir demandé un congé en raison de harcèlement au travail était en soi une forme de harcèlement. Selon le tribunal, « la preuve démontre que l’intimée est restée sourde aux demandes de Mme Dawson, qui ne souhaitait pas voir un médecin qu’elle ne connaissait pas et qui n’avait aucune connaissance au sujet de l’autisme, de ses représentants syndicaux, qui avaient exprimé des préoccupations et de la consternation au sujet du fait que Mme Dawson devait se soumettre à un examen médical auprès d’un médecin désigné par la Société canadienne des postes, mais de façon plus importante, de son médecin traitant, qui a déclaré qu’elle craignait sérieusement que cela provoque une [traduction] "réaction émotionnelle grave" chez Mme Dawson […] Peu importe les bonnes intentions de la Société canadienne des postes lorsqu’elle a demandé l’évaluation médicale, le Tribunal conclut que, dans les circonstances, le comportement général des employés de la Société canadienne des postes qui ont participé au processus de l’évaluation médicale constitue du harcèlement. » Voir Dawson c. Société canadienne des postes [2008] T.C.D.P. No. 41, aux par. 216 et 219.

[226] Voir, par exemple, Oak Bay Marina Ltd. v. British Columbiasupra, note 221.

[227] Voir, par exemple, la décision Crowley v. Liquor Control Board of Ontario, 2011 HRTO 1429 (CanLII), qui indique, au par. 62 : « La seule affirmation de "stress" et d’autres symptômes de la part d’un requérant n’est pas suffisante pour établir la présence d’un trouble mental au sens du Code et de ses mesures de protection. [63] Plutôt, conformément à la décision Skytrainsupra, je suis d’avis que pour satisfaire à la définition de trouble mental au sens du Code et de ses mesures de protection, lorsque l’affaire ne traite pas d’allégations de discrimination sur la base d’un handicap perçu, il doit y avoir un diagnostic de trouble mental reconnu, ou au moins un diagnostic provisoire ou une formulation de symptômes notables sur le plan clinique provenant d’un professionnel de la santé dans un rapport ou une autre source d’éléments probants spécifiques et de fonds. » De façon semblable, dans Matheson v. School District No. 53 (Okanagan Similkameen)2009 BCHRT 112 (CanLII), 2009 BCHRT 112, le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a rejeté la requête d’une employée ayant révélé à son employeur qu’elle luttait contre le « stress » au moment de demander des mesures d’adaptation. La requérante n’a pas donné suffisamment d’information pour que son employeur satisfasse à son obligation d’accommodement, et le tribunal a déterminé que son refus de dévoiler son handicap avait fait échouer sa requête.

[228] Alberta (Human Rights and Citizenship Comm.) v. Federated Co-operatives Ltd. (2005), 53 C.H.R.R. D/496, 2005 ABQB 58, Duliunas v. York-Med Systems, supra, note 169, au par. 77, et Pridham v. En-Plas Inc., 2007 HRTO 8 (CanLII).

[229] Voir Baber v. York Region District School Boardsupra, note 196, et C.U.P.E., Local 831 v. Brampton (City)supra, note 224.

[230] Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, supra, note 65.

[231] En Ontario, la Loi sur la santé et la sécurité au travail, qui constitue le chap. O.1 des L.R.O. 1990, inclut aux paragraphes 32.0.5(3) et (4) des dispositions sur le harcèlement au travail et la prévention de la violence qui précisent l’obligation des employeurs en matière d’évaluation du risque en milieu de travailLes employeurs doivent aussi prévenir les travailleurs des risques de violence associés au milieu de travail, y compris la violence qui pourrait être commise par un collègue ayant des antécédents de violence s’il se pourrait qu’un employé soit blessé. Cependant, les employeurs et les superviseurs ne doivent pas faire part de davantage de renseignements personnels en lien avec la situation qu’il est nécessaire pour réduire le risque de blessures.

[232] Voir www.priv.gc.ca/index_f.asp et www.ipc.on.ca/french/home-page/default.aspx. Les organisations sont assujetties à différentes lois sur la protection de la vie privée. Par exemple, les fournisseurs de logements privés peuvent être assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) et être autorisés à divulguer des renseignements personnels sur la santé dans certaines circonstances uniquement (voir le par. 7(3)).

[233] Exemple tiré de Bureau du commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, Feuille-info : La divulgation de renseignements est autorisée en cas d’urgence, numéro 7, juillet 2005, p. 2.

[234] Selon le paragraphe 2(1) de l’Annexe A de la Loi sur le consentement aux soins de santé, qui constitue le chap. 2 des L.O. de 1996 : « "traitement" s’entend de tout ce qui est fait dans un but thérapeutique, préventif, palliatif, diagnostique ou esthétique, ou dans un autre but relié au domaine de la santé, y compris une série de traitements, un plan de traitement ou un plan de traitement en milieu communautaire., mais n’inclut pas :

« (a) l’évaluation, pour l’application de la présente loi, de la capacité d’une personne à l’égard d’un traitement, de son admission à un établissement de soins ou d’un service d’aide personnelle, l’évaluation, pour l’application de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, de la capacité d’une personne à gérer ses biens ou à prendre soin de sa personne, ou l’évaluation de la capacité d’une personne à tout autre égard,

(b) l’évaluation ou l’examen d’une personne pour déterminer son état général,

(c) l’obtention des antécédents en matière de santé d’une personne,

(d) la communication d’une évaluation ou d’un diagnostic,

(e) l’admission d’une personne à un hôpital ou à un autre établissement,

(f) un service d’aide personnelle,

(g) un traitement qui, dans les circonstances, présente peu ou ne présente pas de risque d’effets néfastes pour la personne,

      (h) tout ce que les règlements prescrivent comme ne constituant pas un traitement. »

[235] Dans Fleming v. Reidsupra, note 61, la Cour d’appel de l’Ontario a affirmé le droit d’une personne compétente de déterminer ce qui doit être fait à son propre corps et de vivre à l’abri des traitements médicaux non consensuels. De plus, selon la cour, si une personne perd la capacité de prendre ses propres décisions, les désirs en matière de traitement qu’elle a exprimés lorsqu’elle était compétente doivent être respectés. La cour a comparé les patients des établissements psychiatriques aux patients ayant des maladies physiques, et indiqué qu’ils avaient tous les mêmes droits de refuser les conseils ou médicaments offerts par leur médecin. L’hospitalisation forcée ne rend pas automatiquement la personne inapte, ou incapable de prendre des décisions médicales. D’indiquer le tribunal au par. 34, « les personnes ayant une maladie mentale ne doivent pas être stigmatisées en raison de la nature
de leur maladie ou handicap. Elles ne devraient pas non plus être traitées comme des personnes de moindre statut ou dignité. Leur droit à l’autonomie et à l’autodétermination n’est pas moins significatif; il commande la même protection que celui des personnes compétentes souffrant de maladies physiques. »

Toute personne est capable à l’égard d’un traitement, de son admission à un établissement de soins ou d’un service d’aide personnelle si elle est apte à comprendre les renseignements pertinents à l’égard de la prise d’une décision concernant le traitement, l’admission ou le service d’aide personnelle, selon le cas, et apte à évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou de l’absence de décision : voir la Loi sur le consentement aux soins de santé, L.O. 1996, chap. 2, Annexe A, par. 4(1).

[236] L’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés précise qu’il ne peut être porté atteinte au droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu’en conformité avec les principes
de justice fondamentale.

[237] Voir la Loi sur le consentement aux soins de santé, L.O. 1996, chap. 2, alinéas 10(1)(b) et article 20.

[238] Bobyk-Huys v. Canadian Mental Health Assn., [1994] O.J. No. 1347 (Gen Div.).

[239] Voir la section 13.4 sur le critère juridique pour obtenir plus de renseignements.

[240]Alladice v. Honda of Canada, 2010 HRTO 1453 (CanLII). Voir aussi Buttar v. Halton Regional Policesupra, note 189.

[241] Des ententes de dernière chance peuvent également être conclues dans les secteurs du logement et des services.

[242] Dans Capital Health Authority v. Alberta Union of Provincial Employees, Local 054 (K.M. Grievance), [2006] A.G.A.A. No. 40, le tribunal a affirmé : « Les ententes de dernière chance conviennent souvent pour résoudre des problèmes de dépendance en milieu de travail, lorsque la relation d’emploi s’est grandement détériorée, mais demeure réparable. Bien évidemment, les parties devraient prendre bien soin de conclure une entente reposant sur des résultats réalisables au moyen d’un programme de rétablissement réaliste [par. 49]. »

[243] IdemEdmonton (City) v. Amalgamated Transit Union, Local 569 (Ezeard Grievance), [2003] A.G.A.A. No. 71. Voir aussi Ontario (Human Rights Commission) v. Gaines Pet Foods Corp(1994) 16 O.R. (3d) 290.

[244] Dans le rapport du Juge LeSage sur l’expulsion d’Al Gosling de la Toronto Community Housing Corporation et son décès subséquent, on peut lire la recommandation suivante : « La TCHC doit mieux communiquer son mandat. Il s’agit d’un locateur et non d’un fournisseur direct de services sociaux appropriés, mais elle doit aider ses locataires à cerner, repérer et contacter des services de soutien appropriés. ». L’Honorable Patrick J. Lesage, Report on the eviction of Al Gosling and the Eviction Prevention Policy of Toronto Community Housing Corporation, mai 2010, page 84; accessible en ligne
à l’adresse : www.torontohousing.ca/webfm_send/6512/1

[245] Adapté de Open Society Foundations, Harm Reduction at Work, A Guide for Organizations Employing People Who Use Drugs, New York, Open Society Foundations, décembre 2010, p. 26-27.

 

14. Préjudice injustifié

Les organisations visées par le Code ont une obligation d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié. Elles ne sont pas tenues d’offrir des mesures d’adaptation si celles-ci causent un préjudice injustifié ou excessif. Un certain degré de préjudice est cependant acceptable.

Aux termes du Code, on doit uniquement prendre trois facteurs en compte au moment de déterminer si une mesure d’adaptation peut causer un préjudice injustifié :

  • coût
  • sources extérieures de financement, le cas échéant
  • exigences de santé et de sécurité, le cas échéant.

Aucun autre facteur que ceux-ci ne peut être pris en considération selon les formes prescrites. Par exemple, les inconvénients professionnels, le moral des employés et la préférence de tierces parties ne sont pas des considérations valides lorsque vient le temps d’évaluer le préjudice injustifié que pourrait causer une mesure d’adaptation[246].

Dans bien des cas, l’accommodement d’un problème de santé mentale ou d’une dépendance n’engagera pas de frais énormes. Parfois, il s’agira simplement d’assouplir les politiques, règles et exigences en place. Cela pourrait causer quelques inconvénients administratifs, qui ne sont pas en soi un facteur d’évaluation du préjudice injustifié.

Lorsqu’une organisation responsable de fournir une mesure d’adaptation souhaite invoquer l’argument d’un préjudice injustifié, c’est à elle qu’incombe le fardeau de la preuve[247]. Il ne revient pas à la personne handicapée de prouver que la mesure d’adaptation peut être fournie sans que cela n’impose de préjudice injustifié.

La démonstration du préjudice injustifié doit être fondée sur des preuves objectives, réelles, directes et, lorsqu’il s’agit de coût, quantifiables. L’organisation responsable de fournir la mesure d’adaptation doit présenter des faits, des chiffres ainsi que des données ou des avis scientifiques à l’appui de son allégation de préjudice injustifié. Il ne suffit pas de simplement  affirmer que le coût ou le risque est « trop élevé » en se basant sur des impressions ou des stéréotypes sans preuve à l’appui[248].

Les éléments de preuve objectifs comprennent notamment ce qui suit :

  • états financiers et budgets
  • données scientifiques, information et données découlant d’études empiriques
  • opinions d’experts
  • renseignements détaillés sur l’activité et la mesure d’adaptation demandée
  • renseignements sur les conditions entourant l’activité et leurs effets sur la personne ou le groupe de personnes handicapées.

14.1 Coût

La Cour suprême du Canada a déclaré qu’« il faut se garder de ne pas accorder suffisamment d’importance à l’accommodement des besoins de la personne handicapée. Il est beaucoup trop facile d'invoquer l'augmentation des coûts pour justifier un refus de réserver un traitement égal aux personnes handicapées[249]. » La norme de coût constitue donc un critère élevé.

Les coûts représentent un préjudice injustifié si les conditions suivantes sont réunies :

  • ils sont quantifiables
  • ils sont réputés découler de la mise en œuvre de la mesure d’adaptation nécessaire
  • ils sont d’une importance telle qu’ils modifieraient la nature essentielle de l’organisation ou nuiraient considérablement à sa viabilité

On établira le préjudice injustifié en se basant sur le reliquat des coûts après que l’ensemble des frais, avantages, déductions et autres facteurs ont été pris en considération. Tous les frais projetés que l’on peut quantifier et dont on peut démontrer la pertinence à la mesure d’adaptation projetée doivent être pris en considération. Par contre, les spéculations pures et simples sur les pertes financières qui peuvent découler de l’accommodement des besoins d’une personne aux prises avec un trouble mental ou une dépendance ne seront généralement pas convaincantes.

Si une mesure d’adaptation dépasse le budget établi par l’organisation pour l’accommodement des besoins, le fournisseur de la mesure d’adaptation doit tenter de la financer à même son budget global, à moins que cela ne lui cause de préjudice injustifié. Le coût d’une mesure d’adaptation donnée doit être réparti le plus largement possible sur l’ensemble de l’organisation, de manière à éviter que le fardeau financier engendré par cette mesure soit porté seulement par un service ou une division[250].

Lorsque l’adoption de la mesure d’adaptation appropriée occasionnerait un préjudice injustifié, le fournisseur de la mesure d’adaptation conserve l’obligation de rechercher la solution de rechange la plus appropriée. Par exemple, il pourrait mettre en place une mesure d’adaptation provisoire en attendant de créer le fonds de réserve nécessaire pour mettre graduellement en place la mesure d’adaptation la plus appropriée.

14.2 Sources extérieures de financement

Pour réduire leurs coûts, les organisations ont l’obligation de prendre en considération toute source de financement extérieure pouvant les aider à fournir une mesure d’adaptation. La personne en quête d’accommodement doit également tirer parti de toute source extérieure de financement, s’il en existe, pour aider à payer les dépenses engagées pour lui fournir la mesure d’adaptation.

Exemple : Le locataire d’un logement du rez-de-chaussée d’un immeuble avec services de soutien est aux prises avec un trouble de stress post-traumatique que l’exposition au bruit exacerbe. Il a besoin qu’on insonorise son logement en guise d’accommodement. Pour acquiescer à sa demande, le fournisseur de logements avec services de soutien soumet une demande de financement à son bailleur de fonds. Le locataire obtient une subvention gouvernementale en matière d’accessibilité pour personnes handicapées afin de réduire les coûts de la mesure.

Avant de pouvoir plaider que la prise en compte des besoins d’une personne ayant des handicaps psychosociaux causerait un préjudice injustifié en matière de coûts, les organisations doivent démontrer qu’elles ont tiré parti de toute aide financière gouvernementale (ou autre) offerte pour aider à assumer les coûts de l’accommodement.

14.3 Santé et sécurité

Si une mesure d’adaptation est susceptible d’entraîner des risques considérables pour la santé et la sécurité, il pourrait s’agir d’un préjudice injustifié. Les employeurs, fournisseurs de logements et organisations de services ont l’obligation de protéger la santé et la sécurité de tous les employés, clients et locataires, y compris les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances, dans le cadre d’activités d’affaires sûres et des exigences de la Loi sur la santé et la sécurité au travail. Le Code reconnaît l’importance de trouver le juste milieu entre le droit de vivre à l’abri de la discrimination et les considérations de santé et de sécurité.

Un employeur, fournisseur de logements ou fournisseur de services peut se poser les questions suivantes pour déterminer si la modification d’une exigence en matière de santé ou de sécurité, la dérogation à une telle exigence ou toute autre forme de mesure d’adaptation peut présenter un risque important :

  • La personne en quête d’accommodement est-elle prête à courir un risque pour sa santé ou sa sécurité lorsqu’elle est la seule à courir ce risque?
  • Peut-on raisonnablement prévoir que le fait de modifier une exigence ou d’y déroger, ou encore de mettre en œuvre un autre type de mesure d’adaptation présentera un grand risque pour la santé ou la sécurité des autres employés, locataires, membres du personnel ou usagers de services?
  • Quels autres types de risques assume l’organisation ou le secteur, et quels types de risque la société en général tolère-t-elle?

L’accommodement des besoins pourrait inclure le fait d’éliminer un risque pour la santé et la sécurité découlant des comportements d’une personne liés à un handicap. L’évaluation du préjudice injustifié relatif à la santé et à la sécurité que créerait l’adoption d’une mesure d’adaptation doit reposer sur une compréhension fidèle des risques fondée sur des preuves objectives plutôt que des impressions stéréotypées.  On ne peut pas mesurer le risque de préjudice injustifié en se basant sur des impressions, des éléments de preuve anecdotiques ou des justifications après coup[251]. L’établissement du préjudice injustifié ne peut non plus tenir compte de préjudices anticipés reposant uniquement sur une évaluation hypothétique ou infondée des conséquences négatives que « pourrait » entraîner l’accommodement des besoins d’une personne[252]

On peut aussi se poser les questions suivantes pour mesurer la gravité d’un risque potentiel :

  • Nature du risque : Quel effet préjudiciable la mesure pourrait-elle avoir?
  • Gravité du risque : Quelle serait la gravité de l’effet préjudiciable?
  • Probabilité du risque : Quels sont les risques que la mesure ait un effet préjudiciable?
  • S’agit-il d’un risque réel ou simplement d’un risque hypothétique?
    L’effet préjudiciable pourrait-il se produire souvent?
  • Portée du risque : Qui serait touché si l’effet préjudiciable se produisait?

Si le préjudice possible est mineur et peu probable, le risque ne devrait pas être jugé grave. S’il y a risque pour la sécurité publique, il faut prendre en considération le nombre accru de personnes pouvant être touchées et la probabilité qu’un effet préjudiciable se produise.

Les organisations doivent tenter d’atténuer les risques qui existent. Le niveau de risque qui demeure après l’adoption des mesures d’adaptation et des mesures d’atténuation des risques (jusqu’au point de préjudice injustifié, en fonction des coûts) déterminera s’il existe ou non un préjudice injustifié.

Dans la mesure du possible, les organisations devraient offrir à leur personnel une formation sur les stratégies efficaces et appropriées de désescalade des conflits pouvant être employées quand les comportements liés au handicap d’une personne causent des difficultés. Dans bien des cas, une intervention efficace peut faire la différence entre la résolution pacifique des conflits et le déclenchement d’une crise importante.

Exemple : Un service de police offre à tous ses agents une formation sur les techniques de désescalade des conflits axée sur l’intervention efficace auprès des personnes en état possible de crise psychique. Le service de police assure également la liaison avec les organismes qui ont une expertise en soutien aux personnes ayant des problèmes de santé mentale et en défense des droits et intérêts de ces personnes. Avertis du fait qu’un homme en état apparent de détresse semble être entré dans une bibliothèque publique armé d’un couteau, des agents de police se présentent à la bibliothèque et mettent en alerte une unité mobile d’intervention d’urgence en santé mentale. Les agents réussissent à convaincre l’homme de déposer son arme au moyen de techniques de désescalade. Accompagnés d’une infirmière en santé mentale, ils peuvent ensuite parler à l’homme, le rassurer et le calmer.

Lorsque des politiques ou procédures mises en place au nom de la réduction des risques font entrave à la dignité et à l’égalité des chances des personnes ayant des handicaps psychosociaux, l’organisation responsable devra montrer que ces politiques, procédures ou autres constituent des exigences de bonne foi et raisonnables[253].

Les politiques de « tolérance zéro » auront souvent un effet disproportionné sur les  personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances, et ne limitent en rien l’obligation de l’organisation de tenir compte des besoins des personnes handicapées jusqu’au point de préjudice injustifié en évaluant et en réduisant les risques.

Exemple : Une personne inscrite à un service de santé mentale est bouleversée et se met à crier et à poser des gestes intimidants à l’intention du personnel de l’accueil.  Le personnel de sécurité intervient, mais la personne continue de crier et se fait expulser. Le service de santé mentale a adopté une politique stricte de non-violence à l’endroit de son personnel et refuse l’accès à ses services à quiconque semble constituer une menace. Le personnel croit cependant que l’incident est lié au problème de santé mentale de la personne. Plutôt que de refuser l’accès à la personne, le fournisseur de services prend contact avec elle et lui fait part de ses préoccupations. Ensemble, ils parlent de ce qui a bouleversé la personne, cernent les mesures d’adaptation requises et déterminent comment maintenir la participation de la personne sans que l’incident ne se reproduise.

Lorsque la conduite d’une personne est dérangeante d’un point de vue objectif, les employeurs, fournisseurs de logements et fournisseurs de services doivent envisager l’adoption de différentes stratégies pour régler le problème.

Exemple : Une locataire souffrant de schizophrénie affiche un comportement comportant un risque pour la sécurité d’autres locataires. Par exemple, elle crie fort dans les couloirs et d’autres aires communes à plusieurs reprises et, à une occasion, laisse des aliments sur la cuisinière sans surveillance. Le fournisseur du logement élabore un plan d’intervention en cas de crise de concert avec la locataire et des membres de sa famille. Il est prévu qu’on puisse, en cas de besoin, joindre par téléphone le frère et la mère de la locataire pour qu’ils interviennent[254].

Les stratégies adoptées comprendront l’évaluation et, au besoin, la réévaluation et la modification des mesures d’adaptation fournies à la personne, l’offre de moyens de soutien supplémentaires ou une combinaison de ces mesures.

La probabilité élevée d’effets préjudiciables est considérée comme un préjudice injustifié. Dans certains cas, comme en cas de risque grave ou imminent, les tentatives d’atténuation des risques peuvent causer un préjudice injustifié[255].

Les organisations doivent prendre en compte la dignité de la personne au moment d’intervenir pour éliminer les risques pour la santé et la sécurité. Même quand on détermine avec justesse qu’une personne présente un risque, l’organisation doit adopter une solution proportionnelle. En présence d’un risque réel, elle doit mettre en œuvre la mesure la moins intrusive susceptible de régler la situation.


[246] Il est à noter que dans de rares cas, le TDPO a pris indirectement en considération des facteurs autres que les coûts ou la santé et la sécurité Voir, par exemple, Espey v. London (City), 2009 HRTO 271 (CanLII); Munroe v. Padulo Integrated Inc., 2011 HRTO 1410 (CanLII); et Wozenilek v. City of Guelph, 2010 HRTO 1652 (CanLII). Également, dans l’affaire Bubb-Clarke v. Toronto Transit Commissionsupra, note 203, le TDPO a avancé de façon incidente l’hypothèse voulant que l’adoption d’une mesure d’adaptation pouvant avoir comme résultat de retirer un emploi à un autre employé pourrait entraîner un préjudice injustifié. Voir aussi Fair v. Hamilton-Wentworth District School Boardsupra, note 189.

[247] Grismer, supra, note 165 au par. 42.

[248] Meiorin, supra, note 67 aux par. 78-79; Grismeridem, au par. 41. D’autres cas depuis Meiorin et Grismer ont aussi eu recours à cette exigence stricte en matière de preuve matérielle. Voir, à titre d’exemple, Miele v. Famous Players Inc. (2000), 37 C.H.R.R. D/1 (B.C.H.R.T).

[249] Grismeridem, au par. 41.

[250] Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012, supra, note 94.

[251] Voir Buttar v. Halton Regional Policesupra, note 189, au par. 132. Voir aussi, R.B. v. Keewatin-Patricia District School Boardsupra, note 94.

[252] Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; ADGA Group Consultants Inc. v. Lanesupra, note 60. Voir aussi Bobyk-Huys v. Canadian Mental Health Assn., supra, note 238.

[253] Meiorin, supra, note 67. Voir Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd.supra, note 87.

[254] Voir Walmer Developments v. Wolch, 2003 CanLII 42163 (ON SCDC).

[255] Voir Barton v. Loft Community Centre, 2009 HRTO 647 (CanLII).

 

15. Autres limites à l’obligation d’accommodement [256]

Bien que le Code indique que seulement trois facteurs peuvent être pris en compte lorsqu’on détermine si une mesure d’adaptation est susceptible de causer un préjudice injustifié (coût, sources extérieures de financement et exigences en matière de santé et de sécurité), les tribunaux administratifs et judiciaires ont reconnu dans certains cas que le droit à l’accommodement n’est pas absolu, même lorsque ces trois facteurs ne causent aucun préjudice injustifié[257]. Dans un nombre limité de situations, il peut s’avérer impossible de tenir compte des besoins liés au trouble mental d’une personne. 

Les organisations ne doivent cependant pas sauter à la conclusion qu’un accommodement n’est pas possible ou nécessaire. Elles doivent satisfaire à leur obligation procédurale d’accommodement en examinant les situations au cas par cas et en explorant les mesures d’adaptation de rechange, comme les mesures graduelles ou provisoires. C’est aux organisations que reviendra la tâche de démontrer quelles étapes elles ont suivi et les raisons concrètes pour lesquelles l’accommodement n’est pas possible. Entre autres, l’obligation d’accommodement pourrait s’avérer limitée dans les cas suivants :

1. L’organisation n’a pas à sa disposition de mesure d’adaptation susceptible de permettre à la personne de combler les exigences essentielles de son poste, de sa location, de l’obtention des services ou autres.

Dans certaines situations limitées, une mesure d’adaptation peut ne pas être requise malgré qu’il s’agisse d’un mode d’accommodement possible ne causant pas de préjudice injustifié sur le plan du coût, de la santé ou de la sécurité. Cela provient du fait que la mesure d’adaptation modifierait fondamentalement  la nature de l’emploi, de la location, du service ou autre, ou qu’elle ne permettrait pas plus à la personne « de satisfaire aux exigences essentielles inhérentes à l’exercice de ce droit[258] ». Ce genre de situation peut se produire même si l’organisation fait l’objet d’une conception inclusive, si les obstacles à la participation ont été éliminés et si on a procédé à l’examen des différentes mesures d’adaptation possibles.  Parfois, après avoir mis à l’essai sans succès toutes les mesures d’adaptation possibles, il peut ne rester aucun moyen d’aider la personne à combler les exigences essentielles de la location, de l’obtention des services, de l’emploi ou autres. Si tel est le cas, l’organisation pourrait avoir assumé son obligation d’accommodement.

Exemple : Un homme aux prises avec une dépendance aux drogues souhaite suivre un traitement par l’entremise d’un programme volontaire basé sur l’abstinence et offert en établissement. En raison de son handicap, il quitte le programme avant la fin et fait une rechute à trois différentes reprises. Les responsables du programme tentent de tenir compte de ses besoins en matière de handicap en lui offrant du counselling et du soutien pour l’aider à poursuivre et terminer le programme. Cela n’a aucun effet. L’homme abandonne de nombreuses fois le programme et les responsables décident qu’ils ne peuvent continuer de lui garantir une place tant qu’il ne peut pas combler les exigences essentielles (assiduité) du programme avec ou sans accommodement[259].

Dans des cas extrêmes, par exemple quand les absences liées à un handicap s’accumulent sur des années, la jurisprudence relative aux droits de la personne impose des limites à l’obligation d’accommodement. Dans de telles situations, il a été déterminé que « l’obligation d’accommodement n’est ni absolue ni illimitée[260] » et ne garantit pas l’accès à un congé indéfini[261].

En contexte d’emploi, l’obligation d’accommodement n’a pas pour objet de complètement transformer l’essence d’un contrat d’emploi, c’est-à-dire le devoir de l’employé d’exécuter certaines tâches contre rémunération. Bien que l’employeur n’ait pas l’obligation de modifier fondamentalement des conditions de travail, il a l’obligation, jusqu’au point de préjudice injustifié, de réaménager l’environnement de travail ou les tâches d’un employé pour permettre à ce dernier d’effectuer son travail. Cela peut inclure la modification de certaines tâches, l’adaptation de l’horaire de travail, l’allègement des fonctions ou la mutation de personnel[262].

Selon la jurisprudence relative aux droits de la personne, les organisations ne sont pas tenues de fournir des mesures d’adaptation qui modifieraient de façon fondamentale la nature de la relation d’emploi.

Exemple : Selon un employé, son employeur était tenu, en vertu de son obligation d’accommodement, de cesser toute tentative de recouvrement de paiements excédentaires versés en salaire si ces tentatives avaient un effet négatif sur l’employé en raison de son handicap. Le TDPO a indiqué que l’obligation d’accommodement ne prévoyait pas ce genre de mesure, qui « allait à l’encontre du principe bien établi selon lequel l’obligation d’accommodement n’exige pas de rémunérer quelqu’un en échange d’aucun travail rendu[263] ».

Exemple : Dans une autre affaire, le TDPO s’est penché sur le caractère discriminatoire de la décision d’un employeur de cesser de permettre à une employée blessée de conserver son emploi modifié à temps partiel, et de lui imposer plutôt un congé d’invalidité sans solde. L’intimé alléguait que son obligation envers la requérante ne s’étendait pas au fait de regrouper en permanence une série de tâches afin de créer un emploi qui n’appuyait en rien les activités de l’intimé. Sans en arriver à une détermination de préjudice injustifié, le TDPO a convenu qu’il ne s’agissait pas d’un accommodement nécessaire étant donné que l’obligation d’accommodement n’exige pas de l’employeur qu’il permette à un employé de n’effectuer qu’une partie des tâches essentielles de son poste.  Selon le TDPO, les employeurs ne sont pas tenus, en vertu de leur obligation d’accommodement, d’assigner en permanence les tâches essentielles d’un employé handicapé à d’autres membres du personnel ou d’embaucher une autre personne pour les exécuter à sa place[264].

Il peut arriver que les caractéristiques d’une maladie, comme de longues absences ou un mauvais pronostic, soient telles qu’elles nuisent de façon excessive au bon fonctionnement de l’organisation ou empêchent un employé de travailler dans un avenir prévisible raisonnable, et ce, malgré des tentatives d’accommodement de la part de l’employeur. L’obligation d’accommodement de l’employeur pourrait prendre fin dès que l’employé n’est plus en mesure de remplir les exigences de base associées à la relation d’emploi dans un avenir prévisible, malgré des mesures d’adaptation[265].

Par conséquent, il n’est pas toujours nécessaire d’offrir une mesure d’adaptation, même lorsque cela n’entraîne pas de préjudice injustifié sur le plan du coût ou de la santé et de la sécurité[266]. Bien que les causes citées ici en exemple aient porté sur le milieu de travail, le principe juridique en jeu serait susceptible d’intervenir également en contexte de logement, d’obtention de services ou autres, si la prestation de mesures d’adaptation avait pour effet de modifier fondamentalement la nature du logement, du service ou autre. 

Exemple : Aux termes du Code, un locateur pourrait être tenu d’installer un éclairage en spectre continu en guise de mesure d’adaptation pour aider un locataire à gérer son trouble mental, à moins que cela ne lui cause de préjudice injustifié.  Cependant, si le locataire demandait au locateur de lui fournir des services à domicile et d’en assumer les frais, le locateur ne serait probablement pas tenu de le faire puisque cela modifierait la nature essentielle de l’obligation du locateur, qui consiste à fournir un logement et non des services. 

2. La personne en quête d’accommodement ne participe pas au processus d’accommodement

Dans certains cas, une organisation pourrait avoir rempli ses obligations procédurales et de fond en lien avec l’accommodement parce que la personne qui demande la mesure d’adaptation n’a pas pris part au processus. Par exemple, une personne pourrait être réputée ne pas avoir pris part au processus si elle refuse de donner suite  à une demande raisonnable d’information requise pour établir ou combler ses besoins en matière d’accommodement ou de collaborer à l’élaboration des mesures d’adaptation. 

Avant de conclure qu’une personne n’a pas collaboré, les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient prendre en considération tout handicap ou facteur lié au Code qui pourrait empêcher la personne de prendre part au processus. Ces facteurs pourraient nécessiter la mise en place de mesures d’adaptation. Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient également déterminer s’il est nécessaire de modifier la mesure d’adaptation parce qu’elle ne fonctionne pas.

Les organisations peuvent se heurter à des difficultés lorsqu’elles perçoivent qu’une personne a un problème de santé mentale ou une dépendance, et nécessite un accommodement, mais que cette personne nie le fait d’avoir un handicap. En pareil cas, les organisations devraient tout de même tenter d’entamer le processus d’accommodement et continuer de proposer des mesures d’adaptation, selon les besoins. Cependant, la capacité d’accommodement des besoins d’une personne qui ne participe pas au processus a ses limites.

Exemple : Une étudiante du niveau collégial affichait des comportements à l’école qui incluaient des « pics d’agressivité », des crises de larmes inexplicables, des propos incohérents et des accusations étranges à l’endroit de compagnons de classe.  Les élèves et enseignants de l’école ont commencé à se préoccuper de son bien-être. L’administration pensait qu’elle avait peut-être un trouble mental non dévoilé qui nécessitait un accommodement, et l’avait rencontré pour discuter de la situation.  L’étudiante ne voyait rien d’inapproprié à son comportement et ne demandait aucun accommodement. La TDPO a déterminé que « lorsqu’une organisation pense qu’une personne a un trouble mental, mais que la personne en rejette l’idée, il n’est pas clair qu’une obligation d’accommodement existe ou quelle forme elle prend ». Il incombait à la requérante de collaborer aux efforts d’accommodement et, puisqu’elle ne l’a pas fait, le TDPO a conclu qu’il n’y avait pas eu de discrimination fondée sur le handicap[267].

3. Conciliation de l’obligation d’accommodement et des droits d’autrui

Habituellement, quand une personne soumet une demande d’accommodement, l’organisation ou l’institution responsable sera en mesure de fournir la mesure d’adaptation sans que cela n’ait de répercussion sur les droits reconnus d’autrui.

Parfois cependant, une demande d’accommodement pourrait se transformer en situation de « droits contradictoires ». Cela pourrait se produire si, au moment de traiter une demande d’accommodement, on s’aperçoit que la situation pourrait porter atteinte aux droits d’une autre personne ou d’un autre groupe de personnes.

Cela complique l’approche habituelle de résolution des conflits relatifs aux droits de la personne, où l’atteinte concerne les droits de la personne d’une partie uniquement. Dans certains cas, un seul groupe dépose une requête en matière de droits de la personne, mais cette requête touche aussi les droits de la personne d’une autre ou de plusieurs autres parties.

Les organisations et institutions qui mènent des activités en Ontario sont tenues, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires et régler celles qui surviennent. La Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP[268] propose un cadre d’analyse et de résolution des situations de droits contradictoires. Elle présente aussi des mesures proactives concrètes que peuvent prendre les organisations pour réduire les conflits relatifs à des droits de la personne et situations de droits contradictoires éventuels.

Les revendications qui touchent uniquement des activités d’affaires relèvent de l’obligation d’accommodement (c’est-à-dire si une mesure d’adaptation est appropriée ou constitue un préjudice injustifié). Il ne s’agit pas de revendications de droits de la personne contradictoires.

Exemple : Une employée se plaint de discrimination quand son employeur refuse sa demande de modification de son horaire de travail en vue de consulter son psychiatre sur une base hebdomadaire. Sa demande ne semble pas avoir d’incidence sur les droits légaux d’autres personnes. Par conséquent, il ne s’agit pas ici d’une situation de « droits contradictoires », mais plutôt d’une demande de mesures d’adaptation relatives aux droits de la personne. Pour limiter son obligation d’accommodement, l’employeur pourrait tenter d’alléguer que les répercussions financières d’une telle mesure causeraient un préjudice injustifié à son entreprise.

Les organisations doivent faire la distinction entre les situations qui ne touchent que des activités d’affaires, et auxquelles s’applique donc l’obligation d’accommodement, et les situations de droits contradictoires qui font intervenir les droits d’autres personnes et groupes.


[256] L’information contenue dans cette section ne s’applique pas uniquement aux handicaps psyhosociaux, mais à l’ensemble des handicaps. Le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement (supra, note 16), publié en 2000, devrait être lu à la lumière de cette nouvelle jurisprudence.

[257] Voir Hydro-Québecsupra, note 183; Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l'Hôpital général de Montréal [« McGill »], 2007 CSC 4, [2007]
1 R.C.S. 16.

[258] Article 17 du Code des droits de la personne de l’Ontario.

[259] Dans une affaire mettant en scène un employé alcoolique, l’arbitre a établi que l’employeur avait pris de nombreuses mesures pour tenter de tenir compte des besoins de l’employé avant de le congédier. Selon l’arbitre : « Lorsqu’un employé alcoolique échoue de nombreuses tentatives de rétablissement et qu’aucune preuve objective n’indique que des tentatives subséquentes seraient susceptibles de réussir, on peut généralement conclure que l’employé a fait l’objet d’un accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié. » Voir Kellogg Canada Inc. v. Bakery, Confectionary, Tobacco Workers & Grain Millers, Local 154-G (Fickling Grievance), [2006] O.L.A.A. No. 375, à 60.

[260] McGillsupra, note 257, au par. 38. Voir aussi l’arrêt Keays c. Honda Canada, [2008] 2 R.C.S. 362, dans le cadre duquel la Cour suprême a renversé la décision d’une cour inférieure d’accorder des dommages-intérêts punitifs dans une affaire de congédiement injustifié parce que l’employeur avait exigé qu’un employé handicapé participe à un programme de gestion de l’assiduité. La cour a déterminé que le comportement de l’employeur n’était pas excessif et a accepté qu’un employeur doive assurer le suivi du dossier des employés qui s’absentent régulièrement, étant donné la nature même du contrat d’emploi et l’obligation qui lui incombe de gérer ses ressources humaines. Ces déclarations de la Cour suprême sont significatives, mais doivent être interprétées dans le contexte du type de requête devant le tribunal. La question était de savoir si le comportement de l’employeur était assez « dur, vengeur, répréhensible et malicieux » pour justifier l’octroi de dommages-intérêts punitifs dans le contexte d’une poursuite pour congédiement injustifié. Selon la cour, la mise sur pied d’un programme de gestion de l’invalidité comme celui considéré en l’espèce ne peut être assimilée à l’intention malveillante de faire preuve de discrimination. La conduite de l’employeur n’était pas inacceptable ou scandaleuse au point de mériter des dommages-intérêts punitifs.

[261] Gourley v. Hamilton Health Sciences, supra, note 165.

[262] Hydro-Québecsupra, note 183.

[263] Arends v. Children’s Hospital of Eastern Ontario, 2012 HRTO 1574 (CanLII), au par. 29.

[264] Briffa v. Costco, supra, note 188 aux par. 52 à 54 et 60.

[265] McGillsupra, note 257.

[266] Voir aussi l’arrêt Hall v. Chief of Police, Ottawa Police Service, 2008 CanLII 65766 (ON SCDC), dans le cadre duquel la cour divisionnaire a examiné la gravité de l’infraction au moment de déterminer si un employeur avait l’obligation de tenir compte des besoins d’un employé qui avait une dépendance. Le tribunal était d’accord avec la décision de la CCSPO [commission d’appel originale] selon laquelle le maintien en poste de l’employé aurait créé un préjudice injustifié pour le service de police. Dans son analyse du préjudice injustifié, le tribunal a pris en considération le risque important de rechute de l’employé et le fait que le requérant, en demeurant agent de police, aurait considérablement terni la réputation du service de police [par. 85 et 91]. Le tribunal a déterminé que l’obligation d’accommodement n’était pas illimitée et, avant de conclure qu’il avait été raisonnable de congédier l’agent, a pris en compte le fait que sa carrière avait été brève, le nombre et la gravité des infractions, le fait qu’il ne s’agissait pas d’événements isolés, le besoin de mesures dissuasives générales et les torts à la réputation du service de police. Dans sa décision, il a cependant noté que le caractère raisonnable du congédiement de l’agent dans le présent cas ne signifiait pas qu’il n’était jamais possible de tenir compte des besoins d’un agent ayant une dépendance aux drogues sans créer de préjudice injustifié (80-81).

[267] Wang v. Humber Institute of Technology and Advanced Learning, 2011 HRTO 29 (CanLII), aux par. 35 et 37.

 

16. Consentement et capacité

De nombreuses personnes ayant des handicaps psychosociaux n’ont aucune difficulté à prendre des décisions. Cependant, elles peuvent traverser des périodes où, en raison de leur handicap, elles sont jugées inaptes à prendre des décisions de vie importantes[269]. En général, une personne est jugée capable si elle est apte à comprendre les renseignements pertinents associés à une décision particulière, et à évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou de l’absence de décision[270].

L’Ontario a adopté un régime législatif complexe de résolution des questions de capacité mentale. La Loi sur la prise de décisions au nom d’autrui[271], la Loi sur le consentement aux soins de santé[272] et la Loi sur la santé mentale[273] traitent tous d’aspects de la prise de décisions et de la capacité mentale. Bien que la portée de la présente politique ne permette pas un examen détaillé de ce cadre législatif et de ses répercussions, il est important de noter que le Code a primauté sur toutes ces lois[274]. Par conséquent, les décisions prises en application de ces lois doivent se conformer au Code et aux principes de droits de la personne.

Parmi les principes de droits de la personne à garder à l’esprit au moment de traiter de questions de consentement et de capacité figurent la conception inclusive, l’évaluation individualisée, le respect de la dignité, l’autonomie, la confidentialité et, dans la mesure du possible, le choix de l’option la moins intrusive et contraignante, l’intégration et la pleine participation.

Un aspect fondamental de l’exercice de ses droits en tant qu’adulte autonome, voire de la reconnaissance de sa qualité de personne, réside dans le pouvoir de prendre des décisions au sujet des questions qui touche sa propre vie et d’obtenir leur respect aux termes de la loi. Les questions de capacité peuvent nuire à l’habileté des gens à prendre des décisions concernant le mariage, la gestion de biens, les soins personnels, les soins de santé, l’obtention d’un traitement, le consentement à l’admission en établissement de soins de santé, l’instruction d’avocats et autres. La Cour d’appel de l’Ontario a reconnu que le droit à l’autonomie personnelle, à l’autodétermination et à la dignité n’est « pas moins significatif » pour les personnes aux prises avec des troubles mentaux et « ne mérite pas moins de protection que celui des personnes compétentes aux prises avec des malaises physiques[275] ».

La capacité n’est pas une caractéristique inhérente immuable. Elle se déplace plutôt le long d’un continuum, selon le contexte. Son évaluation subit aussi l’influence de l’environnement social. Au moment de prendre et d’exécuter des décisions, la personne aux prises avec un trouble mental peut aussi se heurter à des obstacles sociaux, économiques et juridiques[276]. Par exemple, les stéréotypes pourraient exercer une influence négative sur l’idée qu’on se fait de la capacité d’une personne.

En Ontario, les adultes sont présumés capables, selon le type de décision à prendre, à moins qu’il n’existe des motifs raisonnables[277] de penser le contraire. On devrait évaluer la capacité au cas par cas, sans perdre de vue l’objet de la relation ou de la transaction en cause[278]. Par exemple, une personne pourrait être apte à consentir à un traitement, mais non à rédiger un testament. Elle pourrait être capable de prendre une décision simple, mais non une décision complexe[279]

Exemple : La Cour d’appel de l’Ontario a conclu qu’une femme aux premiers stades de la maladie d’Alzheimer était apte à décider de quitter son mari. De l’avis du tribunal, les décisions relatives au mariage, à la séparation et au divorce nécessitaient un faible degré de capacité. Le tribunal effectuait une distinction entre ces types de décisions et celles traitant de l’instruction d’avocats qui, selon lui, nécessitaient de comprendre des questions financières et juridiques.  Aux yeux du tribunal, l’instruction d’avocats se situait à un niveau « considérablement plus élevé » de la « hiérarchie de la compétence ». D’affirmer la Cour d’appel : « Bien que Mme Calert n’eût peut-être pas la capacité d’instruire ses avocats, cela ne signifie pas qu’elle ne pouvait pas prendre la décision personnelle simple de se séparer et de se divorcer[280] ». 

Les personnes capables ont également le droit de prendre des décisions que d’autres ne trouvent pas judicieuses. Ce s’applique même lorsqu’une personne capable, aux prises avec un trouble mental, prend une décision qui semble ne pas servir ses intérêts[281]

Les environnements devraient être conçus de façon inclusive afin de faciliter dans la mesure du possible la participation à la prise de décisions. Par exemple, les organisations devraient :

  • offrir du matériel d’entraide en langage simple pour aider les personnes handicapées à prendre leurs propres décisions en matière de participation
  • créer un bureau de l’accessibilité ou former du personnel servant de ressource pour les personnes se heurtant à des questions de capacité qui cherchent de l’information ou de l’assistance
  • faire en sorte que tout le monde puisse donner leur consentement éclairé, c’est-à-dire que tous aient l’information nécessaire pour prendre une décision, dont des renseignements sur les résultats possibles de la décision
  • inclure les membres (famille ou amis) du réseau ou du cercle de soutien afin qu’ils aident la personne à prendre des décisions ou interprètent ses désirs lorsque vient le temps de prendre une décision[282].

Avant de déterminer qu’une personne n’est pas capable, les organisations, entités d’évaluation, évaluateurs et autres ont l’obligation d’examiner les possibilités en matière d’accommodement jusqu’au point de préjudice injustifié. Cela fait partie de l’obligation procédurale d’accommodement aux termes du CodePour assumer son obligation d’accommodement, une organisation pourrait par exemple modifier certaines règles, exigences, normes ou pratiques, ou renoncer à les appliquer dans le but d’assurer l’accès équitable d’une personne aux prises avec un trouble psychique à ses services, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

Exemple : Une femme se présente à un bureau du gouvernement pour faire une demande d’aide sociale. Lorsqu’elle s’approche du comptoir de service, elle semble confuse et parle très doucement. Le fournisseur de services prend le temps de lui expliquer patiemment la marche à suivre, en utilisant un langage simple. Il répond à ses questions, l’aide à comprendre le processus de demande et d’évaluation, et lui donne les brochures nécessaires à apporter à la maison. Grâce à son soutien, la femme est en mesure de prendre une décision éclairée à propos de sa demande d’aide sociale. 

Les personnes inaptes qui ont des handicaps psychosociaux sont souvent très vulnérables aux mauvais traitements. Les organisations et institutions qui travaillent auprès de personnes ayant des handicaps psychosociaux devraient reconnaître que les personnes inaptes pourraient être particulièrement susceptibles d’être exploitées et mal traitées, surtout si elles sont isolées de leur réseau de soutien social ou ne connaissent pas leurs droits, ou si des personnes en conflit d’intérêt agissent en leur nom.

Les organisations devraient surveiller les pratiques touchant les personnes qui se heurtent à des questions de capacité dans le but de prévenir les situations qui pourraient exposer des personnes à des violations du Code ou à d’autres formes d’exploitation. Le fait de traiter une personne de façon inéquitable sans égard aux protections dont elle a droit aux termes du Code, ou de l’exposer à un désavantage comparativement aux personnes capables, peut constituer de la discrimination.

Ceux et celles qui agissent au nom de personnes ayant des handicaps psychosociaux (p. ex. tuteurs, personnel de soutien, mandataires spéciaux) bénéficient aussi de protection aux termes du Code. L’article 12 protège contre la discrimination les personnes qui sont associées à une personne visée par un motif de discrimination interdit. Par exemple, si une organisation fait fi du point de vue d’un mandataire spécial agissant au nom d’une personne handicapée tout en tenant compte des désirs des personnes handicapées qui ne requièrent pas l’aide d’un mandataire, il pourrait s’agir de discrimination à l’endroit de la personne handicapée et de son mandataire spécial.

Beaucoup d’Ontariens et d’Ontariennes pourraient avoir besoin d’aide en matière de prise de décisions à un moment donné de leur vie, en raison de démence liée au vieillissement ou à un handicap, de trouble mental ou de déficience intellectuelle. Par conséquent, les organisations devraient élaborer des politiques et procédures qui traitent de ces besoins. Au moment de déterminer si une organisation a contrevenue au Code en réservant un traitement préjudiciable à des personnes handicapées, l’absence de telles politiques ou procédures peut constituer un facteur.


[269] Les problèmes de santé mentale et les dépendances sont parfois cycliques, ce qui signifie qu’une personne aux prises avec un trouble mental ou une dépendance peut être apte à un moment donné et inapte à un autre. Voir Tess Sheldon, La question de la capacité des parties devant les tribunaux administratifs de l’Ontario : promouvoir l’autonomie et préserver l’équité, ARCH Disability Law Centre, octobre 2009, p. 5. Voir aussi K (Re), 2009 CanLII 54129 (ON CCB).

[270] Voir le paragraphe 4(1) de la Loi sur le consentement aux soins de santésupra, note 234, et l’article 45 de la Loi sur la prise de décisions au nom d’autrui, 1992, L.O. 1992, chap. 30Voir aussi les articles 12 et 14 de la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapéessupra, note 27.

[271] Idem

[272] Supra, note 234.

[273] Supra, note 70.

[274] Le paragraphe 47(2) du Code indique ce qui suit : «  Lorsqu’une disposition d’une loi ou d’un règlement se présente comme exigeant ou autorisant une conduite qui constitue une infraction à la partie I, la présente loi s’applique et prévaut, à moins que la loi ou le règlement visé ne précise expressément qu’il s’applique malgré la présente loi. »

[275] Fleming v. Reidsupra, note 61.

[276] Michael Bach et Lana Kerzner. Un nouveau paradigme pour protéger l’autonomie et le droit à la capacité juridique; accessible en ligne à l’adresse : /www.lco-cdo.org/fr/disabilities-call-for-papers-bach-kerzner.

[277] Voir la Loi sur la prise de décisions au nom d’autrui, L.O. 1992, chap. 30, supra, note 270, à l’article 2 intitulé Présomption de capacité, par. 3 : «  Une personne a le droit de se fier à la présomption de capacité d’une autre personne à moins qu’elle n’ait des motifs raisonnables de croire que cette autre personne est incapable de conclure le contrat ou de donner ou refuser son consentement, selon le cas. »

[278] Godelie v. Pauli (Committee of), [1990] O.J. No. 1207 (Ontario District Court); M.K. v. Nova Scotia (Minister of Community Services), [1996] N.S.J. No. 275 (N.S. Family Ct.).

[279] Calvert (Litigation Guardian of) v. Calvert, (1997) 27 R.F.L. (4th) 394, au par. 52 (Ont. Ct. (Gen. Div.)); confirmé par Calvert (Litigation Guardian of) v. Calvert, [1998] O.J. No. 505 (Ont. C.A.); droit d’interjeter appel devant la Cour suprême du Canada rejeté par Calvert (Litigation Guardian of) v. Calvert, [1998] S.C.C.A. No. 161.

[280]Idem, au par. 56.

[281] Starson c. Swayze, [2003] 2003 CSC 32, au par. 19.

[282] Liste adaptée de  Bach et Kerzner, supra, note 276; Lana Kerzner. Paving the Way to Full Realization of the CRPD’s Rights to Legal Capacity and Supported Decision-Making: A Canadian Perspective (2011), tiré de From the Margins: New Foundations for Personhood and Legal Capacity in the 21st century, avril 2011, accessible en ligne : University of British Columbia, Centre for Inclusion and Citizenship http://cic.arts.ubc.ca/research-knowledge-exchange/supportive-decision-making.html, à  16; Sheldon, supra, note 269, à iii.

 

17. Prévention de la discrimination et intervention

En fin de compte, il incombe aux employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables visées par le Code de maintenir un environnement libre de discrimination et de harcèlement. Il n’est pas acceptable de choisir de fermer les yeux sur les situations de discrimination ou de harcèlement à l’endroit des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances, qu’une plainte pour violation des droits de la personne ait été déposée ou non.

Les organisations et les institutions qui exercent des activités en Ontario sont légalement tenues de prendre des mesures pour prévenir et régler les cas de violation du Code. Les employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables doivent veiller à maintenir des milieux accessibles et inclusifs qui respectent les droits de la personne et sont libres de discrimination et de harcèlement. Quand on autonomise les personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances et les encourage à participer à la collectivité à tous les niveaux, c’est toute la société qui y gagne.

Les employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties responsables contreviennent au Code lorsqu’elles transgressent ses dispositions, intentionnellement ou non, directement ou non, ou encore lorsqu’elles autorisent, tolèrent ou adoptent un comportement contraire au Code.

En vertu de l’article 46.3 du Code, les personnes morales, les syndicats, les associations commerciales ou professionnelles, les associations non dotées de la personnalité morale et les organisations patronales sont tenus responsables de la discrimination, que ce soit par des actes ou des omissions, pratiquée par des employés ou des mandataires dans l’exercice de leurs fonctions. C’est ce qu’on appelle la responsabilité du fait d’autrui. Autrement dit, la CODP est d’avis que les organisations sont responsables des situations de discrimination découlant des actes de leurs employés ou mandataires, peu importe qu’elles aient ou non été au courant de ces actes, qu’elles y aient ou non participé ou qu’elles en aient ou non eu le contrôle.

Exemple : Le personnel d’un foyer de groupe refuse d’enquêter sur les allégations d’une locataire selon lesquelles un autre locataire fait à son égard de la discrimination fondée sur le sexe et un trouble mental. L’organisation qui exploite le foyer de groupe pourrait être tenue responsable du fait d’avoir fermé les yeux sur la discrimination et refusé d’enquêter sur les allégations.

La responsabilité du fait d’autrui ne s’applique pas à la violation des articles du Code portant sur le harcèlement. Toutefois, comme le maintien d’un milieu empoisonné est une forme de discrimination, la responsabilité du fait d’autrui est restaurée lorsque le harcèlement aboutit à la création d’un milieu empoisonné. De plus, dans une telle situation, la « théorie organique de la responsabilité des sociétés » peut s’appliquer. Cela signifie qu’une entité peut être responsable des actes de harcèlement de ses employés s’il peut être démontré que les membres de sa direction étaient au courant du harcèlement ou que l’auteur du harcèlement fait notoirement partie de la direction ou de l’« âme dirigeante » de l’entité[283].

Le cas échéant, les décisions, actes ou omissions de l’employé engagent la responsabilité de l’entité dans des causes de harcèlement si :

  • cet employé fait partie de l’« âme dirigeante » et s’adonne à du harcèlement ou adopte un comportement non approprié et contraire au Code
  • l’employé qui fait partie de l’« âme dirigeante » ne réagit pas comme il se doit au harcèlement ou au comportement non approprié alors qu’il en est au courant ou devrait raisonnablement en être au courant.

En général, les membres de la direction et principaux décideurs de l’organisation font partie de son « âme dirigeante ». Les employés qui n’ont qu’une autorité de supervision peuvent également faire partie de l’« âme dirigeante » s’ils fonctionnent ou paraissent fonctionner comme des représentants de l’organisation. Même les personnes qui n’ont pas le titre de superviseur peuvent être considérées comme faisant partie de l’« âme dirigeante » si elles ont, en fait, un pouvoir de supervision ou si elles dirigent dans une forte mesure les activités d’autrui. Par exemple, le chef d’équipe d’une unité de négociation peut être considéré comme faisant partie de l’« âme dirigeante » de l’organisation.

Conformément à l’obligation de respecter les droits de la personne, on doit éviter de tolérer ou de perpétuer un acte discriminatoire déjà survenu, car en agissant ainsi, on prolongerait la durée de l’acte discriminatoire initial. Cette obligation s’étend aux personnes qui, sans être les principales parties concernées, se retrouvent dans une situation discriminatoire à cause de relations contractuelles ou autres[284].

Selon les circonstances, les employeurs, fournisseurs de logements, fournisseurs de services et autres parties peuvent être tenus responsables de ne pas être intervenus pour faire cesser la discrimination ou le harcèlement commis par des tierces parties (comme des usagers de services, clients et entrepreneurs)[285].

Des organisations multiples peuvent être tenues conjointement responsables d’une même situation de discrimination. Par exemple, un syndicat peut être tenu responsable de discrimination, de concert avec l’employeur, s’il a contribué à la mise en application de politiques ou de mesures discriminatoires en milieu de travail, p. ex. en négociant les dispositions discriminatoires d’une convention collective, en bloquant un accommodement approprié ou en ne prenant pas de mesure pour éliminer le harcèlement ou assainir un milieu de travail empoisonné[286].

Les instances qui rendent des décisions en matière de droits de la personne tiennent souvent des organisations responsables de n’être pas intervenues adéquatement pour stopper des situations de discrimination ou de harcèlement, et fixent des dommages-intérêts en conséquence.

Exemple : Un homme ayant un trouble bipolaire disait avoir fait l’objet de railleries cruelles et de traitement négatif de la part de collègues de travail en raison de son trouble mental et de leur impression qu’il était homosexuel. Selon lui, ses collègues de travail lui donnaient des épithètes homophobes, le narguaient parce qu’il prenait des médicaments en raison de son handicap, le traitaient de « fou » et l’accusaient ouvertement de vouloir molester des enfants. Il a porté ces questions à l’attention de son employeur, mais rien n’a changé. Le TDPO a conclu que l’employeur avait bafoué son droit de vivre à l’abri de la discrimination fondée sur son handicap et son orientation sexuelle en omettant d’enquêter ses plaintes de harcèlement et d’y donner suite[287].

Même si une organisation intervient après avoir reçu une plainte de discrimination ou de harcèlement, elle peut être tenue responsable de ne pas avoir réagi adéquatement si le problème sous-jacent n’est pas résolu. Le milieu peut demeurer empoisonné et la culture organisationnelle propice au harcèlement après que l’organisation a pris des mesures disciplinaires contre les responsables de la situation de harcèlement. En pareil cas, une organisation doit prendre d’autres mesures, comme organiser des activités de formation et d’éducation, pour mieux régler le problème.

Au moment de déterminer si une organisation a respecté son devoir d’intervention pour régler des questions de droits de la personne, il est nécessaire de se poser entre autres les questions suivantes :

  • Quelles procédures étaient en place à l’époque pour régler les cas de discrimination et de harcèlement?
  • Avec quelle rapidité l’organisation a-t-elle répondu à la plainte?
  • La plainte a-t-elle été traitée avec sérieux?
  • Des ressources adéquates ont-elles été affectées au règlement de la plainte?
  • L’organisation a-t-elle créé un environnement sain pour la personne qui s’est plainte?
  • Dans quelle mesure a-t-on informé la personne qui s’est plainte des mesures correctives adoptées[288]?

Les organisations peuvent prendre les mesures suivantes pour prévenir et éliminer la discrimination à l’endroit des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances qui se produit à l’interne. Elles devraient élaborer des stratégies pour prévenir la discrimination fondée sur l’ensemble des motifs du Code, en axant tout particulièrement leurs efforts sur les personnes ayant des handicaps psychosociaux.

Les stratégies exhaustives de prévention et de règlement des questions de droits de la personne incluent ce qui suit :

  • un plan d’examen, de prévention et d’élimination des obstacles
  • des politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement
  • un programme d’éducation et de formation
  • une procédure interne de règlement des plaintes
  • une politique et une procédure d’accommodement.

Dans sa publication intitulée Une introduction à la politique : Guide d’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne[289], la CODP présente des renseignements supplémentaires en vue d’aider les organisations à respecter leurs obligations en matière de droits de la personne et à adopter des mesures proactives pour s’assurer que leur milieu est exempt de discrimination et de harcèlement.

Voici des questions touchant les personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances dont les organisations devraient tenir compte au moment de mettre en œuvre des plans de prévention, d’examen et d’élimination des obstacles, des politiques et procédures relatives aux droits de la personne, ainsi que des programmes d’éducation et de formation. 

17.1 Prévention, évaluation et élimination des obstacles

Pour assurer un accès complet, il est nécessaire de veiller à ce que les nouvelles organisations et installations, et les nouveaux services et programmes ne renferment pas d’obstacles à l’emploi, au logement ou à l’obtention de services. Il faut aussi cerner et éliminer les obstacles existants. Tout processus d’élimination des obstacles devrait inclure l’examen de l’accessibilité physique, des politiques, des pratiques, des processus décisionnels et de la culture d’ensemble de l’organisation.

Aux termes de la Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, les employeurs, les fournisseurs de services, beaucoup de fournisseurs de logements et le gouvernement seront tenus de respecter les normes d’accessibilité à l’intention des personnes handicapées. Pour satisfaire à ces normes, le gouvernement, les grandes organisations et les organisations désignées du secteur public devront mettre en œuvre  des plans d’accessibilité en vue de prévenir et d’éliminer les obstacles à l’accessibilité.

Les principes de la conception inclusive et de l’élimination des obstacles s’appliquent tout autant aux personnes ayant des troubles psychiques ou des dépendances qu’ils le font aux personnes ayant des problèmes de mobilité ou d’autres types de handicaps.  Les techniques employées peuvent cependant varier selon les besoins à combler. Par exemple, les personnes ayant des handicaps psychosociaux peuvent avoir des besoins liés à la concentration, à la mémoire, à l’organisation ou à la communication[290]. Une organisation pourrait devoir concentrer davantage ses efforts sur ses politiques, ses procédures ou sa culture organisationnelle que sur l’accès physique à ses installations.

Exemple : Un fournisseur de logements sociaux entame un processus d’examen des obstacles en collaboration avec son personnel et ses locataires, et  détermine qu’il faut éliminer sur-le-champ des obstacles organisationnels et des obstacles ayant trait aux attitudes, comme l’existence de stéréotypes à l’endroit des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale et de dépendance et un manque de connaissances à propos des façons de déposer une demande d’accommodement.

Au moment d’assurer la conception inclusive et d’éliminer les obstacles, les organisations devraient consulter des personnes ayant des handicaps psychosociaux pour accroître leur compréhension de la diversité des besoins des gens et des façons les plus efficaces de combler ces besoins. Les personnes ayant des handicaps psychosociaux doivent avoir l’occasion de commenter les processus de collecte d’information et être consultées à propos des obstacles auxquelles elles se heurtent.

Exemple : Un centre médical examine les obstacles à l’obtention de ses services en interrogeant les usagers de ces services.  Il détermine que les personnes à faible revenu ayant plusieurs problèmes de santé mentale et de dépendance sont peu susceptibles de faire partie de sa clientèle à long terme étant donné qu’on leur dit sans cesse que le personnel du centre n’a pas l’expertise requise pour donner suite à leurs préoccupations. Le centre s’inspire des commentaires reçus pour réviser ses pratiques et adopter une approche «  multidisciplinaire » qui fera en sorte que chaque client ait un meilleur accès à une variété de professionnels, dont du personnel médical ayant de l’expertise dans plusieurs secteurs, des travailleurs sociaux, des intervenants du domaine du logement et du personnel d’entraide. Le centre cherche aussi de nouvelles occasions de perfectionnement professionnel en matière de santé mentale, de dépendance et de questions connexes, comme la pauvreté, pour accroître l’expertise de son personnel.

Au moment de cerner les obstacles, les organisations devraient tenir compte de l’intersection fréquente de la discrimination fondée sur la santé mentale et la dépendance et des formes de discrimination fondées sur d’autres motifs du Code, y compris la race, le sexe et les autres types de handicap. Des personnes peuvent également se heurter à divers obstacles en raison de leur faible revenu. Un nouvel arrivant aux prises avec un problème de santé mentale qui a un faible revenu et dont la langue première n’est pas l’anglais ou le français pourrait se heurter à des obstacles particuliers lorsqu’il tente d’obtenir des services, comparativement au reste de la population. Les organisations qui recueillent des renseignements sur les obstacles existants devraient faire en sorte que les personnes consultées puissent leur faire part de toutes les situations qui pourraient empêcher leur participation équitable.

17.2 Collecte des données et suivi

La collecte de données numériques (quantitatives) et d’informations présentées sous forme de mots ou d’images (qualitatives) peut aider les organisations à comprendre les obstacles existants, et à cerner et régler les problèmes qui pourraient entraîner de la discrimination systémique. Pour recueillir cette information, on peut entre autres sonder les employés, usagers des services ou locataires (dans le cas de fournisseurs de logements multiples), mener des entrevues, organiser des groupes de discussion et demander des commentaires écrits et oraux[291]. Les organisations qui soupçonnent une situation de discrimination systémique devraient adopter des mesures d’intervention proactives. Ces mesures incluent le suivi de la situation et, au besoin, la collecte de données.

En raison de la stigmatisation des troubles mentaux et des dépendances, certaines personnes pourraient craindre qu’on divulgue sans motif valable leurs renseignements personnels à d’autres personnes, et que cela ait des conséquences négatives. Il est utile de veiller à ce que les sondages et autres modes de collecte de données soient anonymes et à ce que les personnes sachent comment l’organisation utilisera l’information et en assurera la confidentialité.

De nombreuses personnes ayant des problèmes de santé mentale ou de dépendance n’auront pas accès aux méthodes utilisées habituellement pour répondre aux questionnaires écrits ou mener des entrevues.  Elles peuvent se voir bloquer l’accès à un logement, à un emploi ou à un service en raison d’obstacles comme la pauvreté, l’isolement ou l’itinérance. Les processus de consultation doivent également être accessibles.  Pour obtenir de l’assistance sur la façon d’obtenir des renseignements de membres de clientèles difficiles d’accès, il pourrait être utile de communiquer avec des conseillers en matière d’accessibilité qui ont de l’expertise en santé mentale ou avec des organismes locaux qui sont gérés par des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances, ou travaillent auprès d’elles.

La collecte périodique de données peut permettre d’effectuer le suivi de l’information disponible sur les obstacles à l’accessibilité, la discrimination et le harcèlement. La collecte de données peut aussi aider les organisations à déterminer si leurs efforts en vue de combattre la discrimination, comme la mise en place de programmes spéciaux, donnent des résultats ou ont besoin d’être changés.

17.3 Élaboration de politiques et de procédures en matière de droits de la personne

Les stratégies générales de promotion des droits de la personne s’articulent habituellement autour de l’élaboration de politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement à l’interne et  de politiques et de procédures d’accommodement. L’élaboration des politiques et procédures devraient prendre en considération les besoins des personnes ayant des handicaps psychosociaux.

Par exemple, les personnes qui ont des problèmes de santé mentale et des dépendances devraient être explicitement qualifiées de personnes protégées au motif du « handicap ». Toute procédure d’accommodement devrait prévoir des situations où une personne semble avoir un besoin en matière d’accommodement relatif à un problème de santé mentale ou dépendance, mais n’est pas en mesure de le divulguer. L’organisation devrait également indiquer comment elle maintiendra le caractère confidentiel des renseignements médicaux transmis dans le cadre de démarches visant à régler des préoccupations en matière de droits de la personne et à donner suite aux demandes d’accommodement déposées. 

Aux termes de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, tous les milieux de travail de l’Ontario sont tenus d’élaborer des politiques relatives au harcèlement et de les passer en revue au moins une fois par année. Les politiques relatives au harcèlement devraient porter, de façon explicite, sur le harcèlement fondé sur la santé mentale ou la dépendance. La LAPHO exige que les organisations assujetties élaborent, mettent en œuvre et maintiennent des politiques relatives à l’accommodement qui régissent la façon dont l’organisation assurera l’accessibilité[292]

La stigmatisation associée aux troubles mentaux et aux dépendances, le manque de connaissance de ses droit et les peurs de représailles pourraient contribuer au fait que les gens ne savent pas comment déposer une plainte ou évitent de le faire, même lorsqu’ils sont d’avis que leurs droits de la personne ont été bafoués. Les organisations devraient veiller à fournir des renseignements et des formations adéquates sur le dépôt de plaintes, et indiquer clairement que les personnes qui déposent une plainte ne risquent aucunes représailles[293].

Exemple : Un collège élabore une procédure de dépôt de plaintes relatives aux droits de la personne pour les usagers de ses services. En plus de la rendre disponible en ligne, l’établissement consulte un groupe de soutien aux personnes ayant des troubles mentaux et produit une brochure en langage simple, offerte dans les langues principales parlées au sein de la collectivité. Elle fait parvenir ces brochures à des organismes communautaires, cliniques juridiques et hôpitaux de l’ensemble de la municipalité.

17.4 Éducation et formation

La création d’une « culture des droits de la personne » au sein d’une organisation qui appuie les valeurs et principes du Code passe obligatoirement par l’éducation et la formation en matière de santé mentale, de dépendance et de droits de la personne. Si l’organisation n’est pas consciente des questions de droits de la personne ayant trait aux troubles mentaux et aux dépendances, et n’appuie pas les principes de droits de la personne, les politiques et procédures relatives aux droits de la personne mises en place seront moins susceptibles d’être efficaces.

Conformément aux « normes d’accessibilité intégrées » de la  LAPHO, les organisations ont également l’obligation d’offrir à leurs employés et à d’autres parties une formation en matière de droits de la personne et d’accessibilité. Toutes les organisations assujetties[294] doivent veiller à ce que leurs employés, bénévoles, élaborateurs des politiques et autres, qui fournissent des biens, des services ou des installations au nom de l’organisation, recoivent une formation. La formation doit porter sur les exigences des normes d’accessibilité intégrées et des dispositions du Code des droits de la personne de l’Ontario qui s’appliquent aux personnes handicapées[295].

L’éducation en matière de droits de la personne est la plus efficace quand elle s’accompagne d’une stratégie proactive solide de prévention et d’élimination des obstacles à la participation équitable, et de politiques et procédures efficaces de règlement des questions de droits de la personne qui surviennent. À elle seule, l’éducation sur la santé mentale ne suffit pas à modifier le comportement de personnes ou la culture d’une organisation[296].

Exemple : Une université met en œuvre un programme de droits de la personne et de lutte contre la stigmatisation relatif à la santé mentale dans le but de modifier les attitudes personnelles et d’éliminer la discrimination. En plus d’organiser des activités d’éducation sur les questions de santé mentale et les droits de la personne aux étudiants et membres du personnel, l’université passe en revue ses politiques et procédures pour veiller à ce qu’elles ne contribuent pas à créer des obstacles à l’éducation. L’établissement mène également des entrevues auprès d’étudiants ayant des problèmes de santé mentale avant la tenue du programme et à différents moments après sa mise en œuvre, pour voir si ce dernier a permis d’accroître l’inclusivité du milieu scolaire. Un des obstacles cernés avait trait au fait que certains professeurs obligeaient les étudiants à dévoiler leur diagnostic pour avoir droit à des mesures d’adaptation en classe, alors que ce n’était pas du tout nécessaire. Pour éliminer cet obstacle, l’université a élaboré une série de procédures, offert une formation aux professeurs et membres du personnel, et renseigné davantage les étudiants en matière d’accommodement.

Les programmes qui mettent l’accent sur l’éducation, la sensibilisation et la modification des attitudes devraient aussi évaluer leur niveau de réussite en matière de modification des comportements à court et long terme, et les changements que cela a entraîné sur le plan des obstacles discriminatoires.

En plus de la formation requise aux termes de la LAPHO, les éléments suivants pourraient être intégrés à des programmes de formation sur les droits de la personne, la santé mentale et les dépendances :

  • les types d’obstacles auxquels se heurtent les personnes ayant des handicaps psychosociaux en matière de logement, d’emploi et de services (p. ex. stéréotypes)
  • les droits des personnes ayant des handicaps psychosociaux aux termes du Code
  • le système de droits de la personne en Ontario, y compris la façon de déposer une requête relative aux droits de la personne
  • les obligations spécifiques des organisations en matière de respect des droits garantis par le Code et les façons d’assurer ce respect 
  • la stratégie, les politiques et les procédures relatives aux droits de la personne de l’organisation, comme ses procédures de dépôt de plaintes et ses politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement, et leur application aux personnes ayant des troubles mentaux et des dépendances
  • la façon dont l’organisation tient compte des besoins des personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances
  • la façon dont l’organisation ou ses employés, clients, locataires et autres peuvent contribuer à un virage culturel plus vaste vers une société plus inclusive à l’égard des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou des dépendances.

L’éducation en matière de droits de la personne ne devrait pas être offerte de façon ponctuelle. On devrait plutôt assurer une formation continue pour régler les questions qui surviennent et mettre à jour les connaissances de l’ensemble du personnel.


[283] Olarte v. DeFilippis and Commodore Business Machines Ltd. (No. 2) (1983), 4 C.H.R.R. D/1705 (Ont. Bd. Of Inq.), aff’d (1984), 14 D.L.R. [4th] 118 (Div. Ct.).

[284] Voir Payne v. Otsuka Pharmaceutical Co. (No. 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203 (Ont. Bd. Inq.), au par. 63 :

Le stade où un tiers ou une autre partie intervient dans la chaîne de la discrimination dépend des faits. Cependant, des principes généraux peuvent être établis. Le facteur clé est le contrôle ou le pouvoir que l’intimé incident ou indirect avait à l’égard du plaignant et de l’intimé principal. Plus le contrôle ou le pouvoir est grand sur la situation et sur les parties, plus impérative est l’obligation légale de ne pas tolérer ou appuyer l’acte discriminatoire. Le pouvoir ou le contrôle est important, car il implique la capacité de rectifier la situation ou de faire quelque chose pour améliorer les conditions. »

[285] Voir, par exemple, Wamsley v. Ed Green Blueprinting, 2010 HRTO 1491 (CanLII).

[286] Renaud, supra, note 201.

[287] Selinger v. McFarland, supra, note 129.

[288] Wall v. University of Waterloo (1995), 27 C.H.R.R. D/44 aux par. 162-67 (Ont. Bd. Inq.). Ces facteurs aident à déterminer si la réaction de l’organisme est raisonnable. Une réaction raisonnable n’affecte pas la responsabilité d’un organisme, mais on en tient compte pour choisir une mesure de redressement appropriée. En d’autres termes, une organisation qui a répondu raisonnablement à une instance de harcèlement n’est pas exonérée de toute responsabilité, mais peut bénéficier d’une réduction des dommages accordés par suite du harcèlement. Voir aussi Laskowska v. Marineland of Canada Inc., 
2005 HRTO 30.

[290] Beth Loy. Accommodation and Compliance Series: Employees with Mental Health Impairments, Job Accommodation Network. Accessible en ligne à l’adresse : http://askjan.org/media/psychiatric.html#acc (Consulté : 15 novembre 2012).

[291] Pour obtenir plus de renseignements sur la collecte de données, voir le guide de la CODP intitulé Comptez-moi! Collecte de données relatives aux droits de la personne, accessible à l’adresse www.ohrc.on.ca/fr/comptez-moi-collecte-de-donn%C3%A9es-relatives-aux-droits-de-la-personne.

[292] Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, supra, note 71, par. 7(1).

[293] Voir l’article 8 du Code.

[294] Le terme « organisation assujettie » s’entend du gouvernement de l’Ontario, de l’Assemblée législative de l’Ontario, d’une organisation désignée du secteur public, d’une grande organisation (50 employés ou plus en Ontario) et d’une petite organisation (moins de 50 employés en Ontario).

[295] Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario, supra, note 71, Règl.
de l’Ont. 191/11, art. 3.

[296] Voir, par exemple : Neasa Martin et Valerie Johnston, Passons à l’action : Lutte contre la stigmatisation et la discrimination, rapport à la Commission de la santé mentale du Canada, 2007, supra, note 4, à 17; Penn, D.L., Guynan K., Daily T. Spaulding, W.D., Garbin, C.P. et M. Sullivan. « Dispelling the stigma of schizophrenia: What sort of information is best? » dans Schizophrenia Bulletin, vol. 20, 1994, p. 567-578.

 

Pour plus d'information

Pour plus d’information sur le système des droits de la personne de l’Ontario, consultez :

www.attorneygeneral.jus.gov.on.ca/french/ohrc/Default.asp

Le système des droits de la personne est aussi accessible par téléphone :

Toronto : 416 326-9511
Sans frais : 1 800 387-9080
ATS (Toronto) : 416 326-0603
ATS (sans frais) : 1 800 308-5561

Pour déposer une plainte relative aux droits de la personne (appelée requête), communiquez avec le Tribunal des droits de la personne de l'Ontario au :

Sans frais : 1 866 598-0322
ATS : 416 326-2027 ATS (sans frais) : 1 866 607-1240
Site Web : www.TDPO.ca

Pour parler de vos droits ou si vous avez besoin d'aide juridique pour une requête en matière de droits de la personne, communiquez avec le Centre d'assistance juridique en matière de droits de la personne, au :

Téléphone : 416 597-4900
Sans frais : 1 866 625-5179
ATS : 416 597-4903 ATS (sans frais) : 1 866 612-8627
Site Web : www.hrlsc.on.ca

Pour consulter des politiques, directives et autres renseignements sur les droits de la personne, rendez-vous au site Web de la Commission ontarienne des droits de la personne à www.ohrc.on.ca/fr

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Annexe A : Contexte historique

Voici quelques exemples de pratiques discriminatoires exercées à l’encontre des personnes ayant des troubles psychosociaux qui malheureusement font partie de l’histoire du Canada. Bon nombre de ces pratiques ont encore des répercussions négatives sur le sentiment d’inclusion des personnes ayant des troubles mentaux et sur leur capacité d’exercer leurs droits aujourd’hui. Pour corriger la situation, les personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances et d’autres personnes ont activement cherché à faire modifier les lois et les politiques en vigueur afin d’assurer la justice sociale.

Législation en matière d’immigration

À partir de la fin des années 1800, la législation canadienne en matière d’immigration a systématiquement interdit l’accès au territoire national aux personnes jugées « démentes » (c’est-à-dire perçues comme répondant aux critères de « malades mentaux » ou ayant des « troubles de santé mentale ») et aux personnes réputées « idiotes » (perçues comme ayant des déficiences intellectuelles ou des troubles du développement). Au début, ces lois excluaient du pays les personnes non accompagnées de membres de leur famille pouvant subvenir à leurs besoins. Les autorités du pays craignaient en effet qu’elles se retrouvent à la charge d’organismes publics et de bienfaisance[297]. Au début du XXe siècle, les lois sur l’immigration classaient les personnes ayant des troubles mentaux et des handicaps physiques dans les catégories d’immigrants « interdits de territoire ». Ces lois reflétaient le sentiment général selon lequel les personnes ayant des problèmes de santé mentale et des troubles cognitifs et du développement étaient « moralement dégénérées ». On attribuait alors les problèmes de santé mentale au péché et à la faiblesse morale. Plus tard, ces problèmes ont été associés à la criminalité et à la maladie[298]. Ces lois restrictives en matière d’immigration ont aussi entraîné la déportation de bien des gens. Les décisions en matière de déportation étaient fondées sur des théories d’infériorité raciale et des présomptions de « folie » et de « faiblesse d’esprit »[299]. Jusqu’à la modification de la Loi sur l’immigration en 1967, les personnes handicapées étaient toujours considérées comme appartenant à la catégorie d’immigrants éventuels « indésirables » au Canada.

Stérilisation non volontaire

Dans leur forme la plus dure, l’idéologie et le mouvement eugéniques[300] ont cherché à faire en sorte, d’une part, que les membres de la société possédant le meilleur potentiel génétique ou les qualités les plus souhaitables sur le plan social aient des enfants et, d’autre part, que les « éléments indésirables » soient éradiqués[301]. Vers la fin des années 1920, l’Alberta et la Colombie-Britannique ont adopté des lois sur la stérilisation sexuelle. L’Alberta a ainsi stérilisé plus de 2 800 personnes entre 1929 et 1972, année de l’abrogation de la loi. Plusieurs centaines de personnes ont été stérilisées entre 1960 et 1972, souvent à leur insu ou sans leur consentement ou à l’insu ou sans le consentement de leurs parents. La commission albertaine sur l’eugénisme a ordonné la stérilisation de personnes déclarées « en danger de transmettre une déficience mentale à leurs enfants ou incapables de répondre à l’exigence de parentalité intelligente »[302]. Pour justifier cette décision, les autorités ont fait valoir que les personnes ayant des troubles mentaux feraient de mauvais parents et engendreraient des enfants enclins au crime et exposés à d’autres problèmes sociaux[303]. Les personnes déclarées « arriérés mentaux », « déficients mentaux », « psychotiques », « déments » ou autres ont été stérilisées, tout comme celles qui avaient des problèmes d’épilepsie, de neurosyphilis et de chorée de Huntington[304]. Plus de 800 personnes ont poursuivi le gouvernement de l’Alberta pour stérilisation non volontaire. En 1999, le gouvernement de cette province a présenté des excuses officielles aux victimes et leur a offert une indemnité financière[305].

Lois sur le mariage

Plusieurs provinces, dont l’Alberta, la Colombie-Britannique et l’Île-du-Prince-Édouard, ont adopté des lois sur le mariage qui interdisaient le mariage aux personnes déclarées « handicapées mentales »[306], « démentes ou mentalement incapables »[307] ou autres, qu’elles aient ou non la capacité de se marier.

Restrictions relatives au droit de vote

Traditionnellement, on a présumé que les personnes ayant des troubles mentaux et des déficiences intellectuelles étaient incapables de prendre des décisions importantes les concernant. En 1988, la Cour fédérale du Canada a statué qu’un article de la Loi électorale du Canada était nul et incompatible avec l’article 3 de la Charte des droits et libertés du pays qui précise ce qui suit : « Tout citoyen canadien a le droit de vote et est éligible aux élections législatives fédérales ou provinciales. » La Loi précisait que les personnes ayant des troubles mentaux et institutionnalisées, de même que les personnes n’ayant pas un contrôle personnel sur leurs biens, n’avaient pas le droit de voter aux élections fédérales. La Cour fédérale a rejeté l’idée voulant que toute personne « privée de la gestion de ses biens pour cause de maladie mentale » soit incapable à toutes fins utiles, y compris de voter[308].

Asiles d’aliénés

Le premier établissement psychiatrique permanent, ou « asile d’aliénés », a ouvert ses portes en 1845, au Québec. Par la suite, d’autres asiles ont vu le jour jusqu’en 1914[309]. Malgré les motifs bienveillants qui sous-tendaient, au début, l’ouverture de ces asiles et le désir d’assurer des soins et des traitements aux personnes qui y étaient placées[310], bon nombre de pratiques inhumaines avaient cours dans ces établissements[311]. Bien des patients, une fois admis, passaient le reste de leur vie dans ces lieux, sans aucun contact avec leur famille et la société[312]. Les problèmes de surpeuplement y étaient répandus, les relations entre le personnel et les patients avaient une coloration paternaliste[313] et les patients signalaient être victimes de violences verbales, affectives, physiques et sexuelles infligées par d’autres patients et des membres du personnel[314].

Les asiles se transformaient souvent en centres de détention caractérisés par une pénurie de nourriture, de structures d’hébergement et de traitements appropriés. La direction de ces établissements faisait aussi un usage abusif des mesures d’isolement et des contentions chimiques et physiques pour maîtriser les patients[315].

Désinstitutionnalisation

À partir des années 1960, par suite de la mise en œuvre d’une politique de désinstitutionnalisation, des patients ont obtenu leur congé d’établissements psychiatriques de longue durée. Cette décision était motivée par l’idée selon laquelle la collectivité allait leur offrir des services et des soutiens[316]. On croyait que les patients ne seraient admis à l’hôpital que pour de courts séjours, lorsqu’ils traversaient de mauvais moments, mais que le reste du temps, ils vivraient sans problème dans la collectivité[317]. Malheureusement, la réalité a été tout autre : les personnes ayant des troubles mentaux moins graves étaient plus susceptibles d’être admises au service psychiatrique d’un hôpital général, alors que celles qui avaient des problèmes de santé mentale graves et tenaces ne pouvaient compter que sur les hôpitaux psychiatriques provinciaux, faiblement dotés en ressources spécialisées dans le domaine de la santé mentale[318]. Au bout du compte, la réduction des soins en établissement au profit des soins communautaires s’est caractérisée par une pénurie de soutiens communautaires, comme des logements sûrs et abordables, et une absence de reddition de comptes quant aux soins destinés aux personnes ayant des troubles mentaux graves.

Personnes ayant des dépendances

L’idée qui prévalait au Canada au XIXe siècle était que les dépendances correspondaient à une absence de moralité et résultaient d’un « manque de volonté ou de troubles de la personnalité »[319]. Au début des années 1900, la dépendance aux drogues, comme la cocaïne et l’opium, était considérée comme un type de trouble mental pouvant entraîner l’admission de l’usager dans un asile d’aliénés[320]. Ainsi, certaines personnes ayant des problèmes de dépendance et admises dans ces asiles ont elles aussi été isolées de leur famille et de la société, enfermées dans des établissements surpeuplés et victimes des maltraitances mentionnées plus haut.

Le public en général jugeait aussi souvent que les personnes ayant des dépendances étaient dangereuses[321]. Parfois, cette perception était exacerbée par des relents de racisme. Par exemple, la xénophobie en Colombie-Britannique a donné lieu à l’apparition du stéréotype du « méchant drogué chinois », à savoir un immigrant chinois fumeur d’opium et propriétaire d’une fumerie d’opium[322]. Cependant, les usagers caucasiens de produits d’industries pharmaceutiques bien établies, majoritairement d’âge mûr et de la classe moyenne et bien plus nombreux, n’étaient généralement pas jugés dangereux[323].

Au début des années 1920, le Canada a adopté des lois rigoureuses sur la criminalisation de la drogue du fait que sa consommation à des fins non médicales était maintenant devenue un problème d’application de la loi[324]. Ce n’est qu’au début des années 1950 que les autorités du pays ont commencé à mettre l’accent sur les traitements à offrir aux consommateurs d’alcool et de drogues[325].

Mouvements sociaux pour le changement

Pour combattre la discrimination dont étaient victimes les personnes ayant des troubles mentaux, nombre de groupes de patients ont vu le jour un peu partout au Canada dans les années 1970; certains existent encore aujourd’hui[326]. Ces groupes ont été à la base du mouvement des usagers/survivants/ex-patients dont les buts généraux étaient les suivants : changer le système de santé mentale; éduquer d’autres ex-patients et le grand public et les inviter à remettre en question les stéréotypes relatifs à la santé mentale; défendre les droits des patients; et créer des solutions de rechange aux établissements psychiatriques comme, par exemple, des établissements organisés par des personnes ayant des troubles mentaux et placés sous leur contrôle[327]. À la fin des années 1980, un certain nombre de groupes de patients de même que d’autres défenseurs des droits se sont mobilisés avec succès en faveur de la modification de la Loi sur la santé mentale et ont demandé, par exemple, l’accès des patients à leur dossier de santé mentale et la limitation du droit des médecins d’utiliser des contentions pour maîtriser les patients[328].

À la suite du décès de plusieurs personnes dans un hôpital psychiatrique, ces groupes ont aussi plaidé en faveur de l’ouverture d’enquêtes sur les pratiques de soins dans les établissements psychiatriques. Leurs efforts ont abouti à la création du Bureau de l'intervention en faveur des patients des établissements psychiatriques[329]. D’autres initiatives ont également été mises sur pied, comme la création de groupes formels et informels en vue d’offrir un « soutien par les pairs », la mise sur pied d’entreprises dirigées à 100 p. 100 par d’ex-patients, l’organisation de campagnes d’éducation du public, et le lancement d’activités de réseautage avec d’autres ex-patients grâce à des revues et à des bulletins d’information[330].


[297] Ena Chadha, « ’Mentally Defectives’ Not Welcome: Mental Disability in Canadian Immigration Law, 1859-1927 », Disability Studies Quarterly (hiver 2008), volume 28, no 1, www.dsq-sds.org, accessible
en ligne à l’adresse : http://dsq-sds.org/article/view/67/67.

[298] John P. Radford, « Intellectual Disability and the Heritage of Modernity », Disability Is Not Measles: New Research Paradigms In Disability, éd. M.H. Rioux et M. Bach, North York, Roeher Institute, 1994; Metzel et Walker. « The Illusion of Inclusion: Geographies of the Lives of People with Developmental Disabilities in the United States », accessible en ligne à l’adresse : http://dsq-sds.org/article/view/323/394.

[299] Dans l’Acte concernant l’immigration et les immigrants de 1906, le gouvernement fédéral avait inclus les malades mentaux dans les catégories de personnes interdites pouvant légalement être déportées. Les immigrants qui n’étaient au pays que depuis deux ans et qui vivaient dans des établissements de bienfaisance financés par les deniers publics (comme des asiles) pouvaient être déportés. Voir Ian Dowbiggin, « ’Keeping this Young Country Sane’: C.K. Clarke, Immigration Restriction, and Canadian Psychiatry, 1890-1935 », The Canadian Historical Review, 76, 1995; et Chadha, supra, note 297. En 1935, en partie en raison des préjugés raciaux intenses à l’encontre des immigrants chinois qui s’étaient installés au Canada, 65 patients chinois de sexe masculin et ayant des problèmes mentaux ont été déportés de la Colombie-Britannique et envoyés dans un établissement psychiatrique de Hong Kong. Certains de ces hommes vivaient au Canada depuis plus de 30 ans. Voir Robert Menzies, « Race, Reason and Regulation: British Columbia’s Mass Exile of Chinese ‘Lunatics’ aboard the Empress of Russia » (9 février 1935), Regulating Lives: Historical Essays on the State, Society, the Individual and the Law, éd. John P. S. McLaren, Robert Menzies et Dorothy E. Chunn, 196-230, Vancouver, UBC Press, 2002.

[300] L’eugénisme peut se définir comme la croyance selon laquelle il est possible d’améliorer les qualités de l’espèce humaine ou d’un segment de la population humaine, notamment en décourageant la reproduction des personnes ayant des troubles génétiques ou censés avoir des traits héréditaires indésirables (eugénisme négatif) ou en encourageant la reproduction des personnes censées avoir un potentiel génétique souhaitable (eugénisme positif). Voir http://fr.wikipedia.org/wiki/Eug%C3%A9nisme (dernière consultation : le 17 mai 2014).

[301] J. Grekul, H. Krahn, D. Odynak. « Sterilizing the ‘Feeble-minded’: Eugenics in Alberta, Canada, 1929–1972 », Journal of Historical Sociology, vol. 17, no  4 (décembre 2004), p. 358.

[302] Deborah C. Park et John P. Radford (1998). « From the Case Files: Reconstructing a history of involuntary sterilisation », Disability & Society, vol. 13, no 3, p. 317-342, à 318.

[303] Canada. Commission de réforme du droit. La stérilisation et les personnes souffrant de handicaps mentaux (Document de travail 24), Ottawa, 1979, p. 32, accessible en ligne à l’adresse : http://archive.org/stream/sterilisationperson00lawr/sterilisationperson00lawr_djvu.txt. Pour un complément d’information sur les incidences de la stérilisation non volontaire, voir Muir v. Alberta,
1996, CanLII 7287 (AB QB).

[304] Park et Radford, supra, note 302.

[305] CBC News Canada. « Alberta apologizes for forced sterilization », 9 novembre 1999, accessible en ligne à l’adresse : www.cbc.ca/news/canada/story/1999/11/02/sterilize991102.html (dernière consultation : le 17 mai 2014).

[306] Marriage Act, R.S.B.C. 1979, chap. 251, art. 34 [mod. 1981, chap. 21, art. 41]. La Interpretation Act, R.S.B.C. 1979, chap. 206, art. 29, définit le terme « personne ayant des troubles mentaux » par renvoi à la définition figurant dans la Mental Health Act, R.S.B.C. 1979, chap. 256, art. 1.

[307] Solemnization of Marriage Act, S.A. 1925, chap. 39, art. 29.

[308] Conseil canadien des droits des personnes handicapées c. Canada [1988] 3 F.C., 622, par. 7.

[309] Sam Sussman. « The first asylums in Canada: A response to neglectful community care and current trends », 1998, 43, Canadian Journal of Psychiatry, accessible en ligne à l’adresse : https://ww1.cpa-apc.org/Publications/Archives/CJP/1998/April/apr98_revpap1.htm.

[310] Ibid.; Janet Miron. Prisons, asylums, and the public: Institutional visiting in the nineteenth century, Toronto, University of Toronto Press, 2011, p. 23.

[311] Parmi les pratiques employées, mentionnons les suivantes : choc insulinique ou coma à la suite d’une insulinothérapie (injection d’insuline à un patient pour le plonger dans un coma temporaire), électroconvulsivothérapie sans anesthésie (passage d’un courant électrique dans le cerveau pour déclencher des crises de convulsions), et lobotomie (excision chirurgicale d’une partie du cerveau). Voir J. T. Braslow, « Punishment or therapy. Patients, doctors, and somatic remedies in the early twentieth century », The Psychiatric Clinics of North America, 17 (1994), p. 493, et Harvey G. Simmons, Unbalanced: Mental health policy in Ontario, 1930-1989, Toronto, Wall et Thompson, 1990, 15, 231.

[312] Parlement du Canada. Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada. Rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Rapport 1 (2004), à 7.2.2, par. 1, accessible en ligne à l’adresse : www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/381/soci/rep/report1/repintnov04vol1part3-f.htm

[313] Cyril Greenland, Jack D. Griffin et Brian F. Hoffman. « Psychiatry in Canada from 1951 to 2001 », Psychiatry in Canada: 50 years (1951 to 2001), éd. Quentin Rae-Grant, Ottawa, Canadian Psychiatry Association, 2001, p. 2.

[314] Geoffrey Reaume, « Accounts of abuse of patients at the Toronto hospital for the insane, 1883-1937 », 1997, 14 Canadian Bulletin of Medical History, p. 66.

[315] Parlement du Canada, supra, note 312, à 7.2.2, par. 4.

[316] Entre 1960 et 1975, 35 000 lits ont été fermés dans les hôpitaux psychiatriques provinciaux (il en restait ensuite 15 000). Ces lits ont été remplacés par quelque 5 000 lits dans de nouveaux services psychiatriques ouverts dans des hôpitaux généraux. Voir Donald Wasylenki, « The paradigm shift from institution to community », Psychiatry in Canada: 50 years (1951 to 2001), éd. Quentin Rae-Grant, Ottawa, Canadian Psychiatry Association, 2001, 95; Geoffrey Reaume, « Lunatic to patient to person: Nomenclature in psychiatric history and the influence of patients’ activism in North America », International Journal of Law and Psychiatry 25, 2002, p. 405.

[317] Wasylenki, idem, p. 96-97.

[318] Idem, p. 97.

[319] Parlement du Canada, supra, note 312, à 7.3, par. 1. Voir aussi Centre de toxicomanie et de santé mentale (CAMH), The Stigma of Substance Abuse: A Review of the Literaturesupra, note 4.

[320] Daniel Malleck, « ’A state bordering on insanity’?: Identifying drug addiction in nineteenth-century Canadian asylums », Canadian Bulletin of Medical History, vol. 16,1999, p. 247.

[321] R. Solomon et M. Green, « The first century: The history of nonmedical opiate use and control policies in Canada, 1870-1970 », University of Western Ontario Law Review 20, 1982, p. 307.

[322] Idem, p. 308.

[323] Idem

[324] Idem, p. 309.

[325] Idem; Parlement du Canada. Santé mentale, maladie mentale et toxicomanie : Aperçu des politiques et des programmes au Canada. Rapport provisoire du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Rapport 1 (2004), à 7.3, par. 2, accessible en ligne à l’adresse : www.parl.gc.ca/Content/SEN/Committee/381/soci/rep/report1/repintnov04vol1part3-f.htm

[326] Geoffrey Reaume, « Keep your labels off my mind! Or “now I am going to pretend I am craze[sic] but dont [sic] be a bit alarmed”: Psychiatric history from the patients’ perspectives », Canadian Bulletin of Medical History, vol. 11, 1994, p. 397.

[327] « Phoenix takes off », Phoenix Rising: The Outspoken Voice of Psychiatric Inmates (printemps 1980), vol. 1, no 1, p. 1 et 2.

[328] Harvey G. Simmons, supra, note 311, p. 231.

[329] Idem, p. 232-235

[330] Reaume, supra, note 326, p. 416 et 421.