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2. Cadre législatif

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Comme l’indiquent l’arrêt O’Malley[384] et d’autres décisions judiciaires, les organisations régies par le Code ont une obligation d’accommodement des observances liées à la croyance jusqu’au point de préjudice injustifié, sans égard au fait que les normes, règles ou exigences de l’organisation nuisent de par leur conception, leur intention ou leur effet, à la capacité d’adeptes de suivre les principes de leur croyance. Les tribunaux ont aussi affirmé qu’il incombe avant tout au requérant d’établir qu’il y a eu discrimination à première vue. Le fardeau de la preuve passe ensuite à l’intimé, qui doit démontrer qu’il a pris les mesures d’adaptation nécessaires, jusqu’au point de préjudice injustifié.

L’obligation d’accommodement des droits relatifs à la croyance se manifeste en contexte de « discrimination indirecte », aussi connue sous le nom de « discrimination par suite d’effet préjudiciable ». Sous la rubrique Discrimination indirecte, le paragraphe 11(1) du Code indique ce qui suit :

Constitue une atteinte à un droit d’une personne reconnu dans la partie I[385] l’existence d’une exigence, d’une qualité requise ou d’un critère qui ne constitue pas une discrimination fondée sur un motif illicite, mais qui entraîne l’exclusion ou la préférence d’un groupe de personnes identifié par un motif illicite de discrimination et dont la personne est membre, ou l’imposition d’une restriction à ce groupe, sauf dans l’un des cas suivants :

(a) l’exigence, la qualité requise ou le critère est établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances [caractères gras ajoutés].

Le paragraphe 11(2) qualifie immédiatement la défense fondée sur une « exigence de bonne foi »  applicable à la discrimination indirecte en indiquant ce qui suit :

La Commission, le Tribunal ou un tribunal ne doit pas conclure qu’une exigence, une qualité requise ou un critère est établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances, à moins d’être convaincu que la personne à laquelle il incombe de tenir compte des besoins du groupe dont le demandeur est membre ne peut le faire sans subir elle-même un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement, s’il en est, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant [caractères gras ajoutés].

Pour qu’une exigence soit qualifiée de raisonnable et de bonne foi, l’organisation doit démontrer qu’elle a pris des mesures d’adaptation des observances relatives à la croyance jusqu’au point de préjudice injustifié.

Les analyses de l’accommodement de la croyance continuent tout de même de soulever des questions et des tensions, dont nous discutons à la prochaine section.

2.1 Preuve de discrimination à première vue et analyse de la pertinence

Avant de déterminer s’il est bel et bien nécessaire de fournir des mesures d’adaptation et si ces mesures d’adaptation entraîneraient un préjudice injustifié pour l’organisation, il convient de vérifier l’existence d’une discrimination à première vue.

Les tribunaux ont affirmé qu’il revient aux personnes en quête d’accommodement d’établir avant tout l’existence d’une situation de discrimination à première vue et de montrer :

  1. qu’elles possèdent une caractéristique ne pouvant pas constituer un motif de discrimination aux termes du Code
  2. qu’elles ont subi un effet préjudiciable en matière de service, d’emploi ou autre
  3. que la caractéristique protégée a joué un rôle dans l’effet préjudiciable [386].

Une fois la discrimination établie à première vue, l’intimé a alors le fardeau de justifier la conduite ou la pratique suivant le régime d’exemptions prévu par les lois relatives aux droits de la personne. Par exemple, une organisation peut avancer qu’elle a tenu compte des besoins d’un requérant jusqu’au point de préjudice injustifié. En Ontario, le Code stipule que l’évaluation du préjudice injustifié doit reposer sur les facteurs suivants : coûts, sources extérieures de financement (le cas échéant) et santé et sécurité.

Si l’on met de côté la question du préjudice injustifié, est-il toujours « approprié » pour un service dont la clientèle est de passage, comme un service de restauration ou de transport en commun, de tenir compte de la grande variété potentielle d’observances liées à la croyance de ces usagers? Le préjudice injustifié constitue-t-il la seule ligne de défense contre l’accommodement d’observances de bonne foi liées à la croyance lorsqu’on peut faire la preuve d’effets préjudiciables? Ou existe-t-il d’autres pistes d’analyse préliminaires ayant trait à la « pertinence » de l’accommodement des croyances dans des contextes de services particuliers, compte tenu de la nature essentielle du service offert? 

Par exemple, pourrait-on plaider qu’il est raisonnable et non discriminatoire, dans certains contextes précis, de ne pas tenir compte des observances des usagers en matière de croyance (selon la nature de ces observances) en raison du caractère passager des ces usagers et, en partie, de leur capacité éventuelle à mettre en pratique les règles associées à leur croyance ailleurs (sans que cela ne cause de fardeau indu)?

Si c’est le cas, il pourrait être utile d’élaborer des lignes directrices indiquant dans quelles circonstances il pourrait convenir de mener une « analyse de la pertinence » et quels seraient les ingrédients d’une telle analyse. On pourrait devoir envisager cette question dans le cadre de la mise à jour de la politique.

Cependant, les analyses actuelles de la discrimination à première vue et du préjudice injustifié pourraient déjà inclure des outils suffisants pour traiter de ces situations.

Par exemple, dans le cas de requêtes aux termes du paragraphe 2(a) de la Charte, les tribunaux ont conclu que même lorsque des droits religieux sont en jeu, les gestes qui entravent ces droits ne constituent pas nécessairement de la discrimination ou une violation de droits protégés par la Charte. Dans ses décisions relatives au paragraphe 2(a) de la Charte,  la Cour suprême du Canada a établi qu’une atteinte aux droits religieux doit aller au-delà « du négligeable ou de l’insignifiant ». Une atteinte « négligeable ou insignifiante » est une atteinte qui ne menace pas véritablement des convictions ou un comportement religieux[387]. Bien que les analyses de la discrimination et des mesures de protection des droits de la personne prévues par le Code soient différentes de celles qui découlent de la Charte, les décisions prises en application du Code ont aussi établi une distinction entre les éléments fondamentaux et périphériques des droits dignes de protection.

L’Examen de la jurisprudence relative à la croyance offre plusieurs exemples de pratiques précises, liées à une religion ou une croyance, qui ne font pas l’objet de protection juridique ou d’obligation d’accommodement selon des décisions prises en application de la Charte ou du Code, ou des deux. Parmi ces exemples figurent :

  • activités bénévoles à l’église, dans ce cas-ci la dotation en personnel d’une activité de financement d’un camp de jour (non protégées selon l’arrêt Eldary v. Songbirds Montessori School Inc. du TDPO)[388]
  • activités sociales et communautaires liées à la religion (Hendrickson)[389]
  • installation d’une soucoupe, interdite par le règlement de la copropriété, afin capter des émissions religieuses et culturelles de sources internationales (lien à la croyance jugé insuffisant selon Assal v. Halifax Condominium Corp. No. 4)[390]
  • distribution de cadeaux à caractère religieux (stylos comprenant des inscriptions religieuses)[391]
  • congé spécial pour assister à une réunion de sélection de revendications territoriales dans le cadre de devoirs ancestraux et religieux[392].

Au moment de déterminer si un droit a été bafoué et doit être protégé, les organisations peuvent devoir évaluer dans quelle mesure les convictions d’une personne peuvent donner lieu à des exceptions[393]. À ce chapitre, l’affaire Saadi v. Audmax[394] s’avère intéressante : pour en arriver à sa décision, le tribunal a établi une distinction entre ce qu’exigeait la foi du requérant (en matière de vêtements religieux) et ce qui constituait des préférences de style « subjectives » et individuelles[395].

2.2. Critiques du cadre et discours de l’« accommodement »

« Les gens ne veulent pas que l’on tienne compte de leurs besoins et les tolère. Ils veulent être respectés. »
– Participant au dialogue stratégique de janvier 2012

« Le terme accommodement renvoie en soi à une dynamique de pouvoir. Nous parlons d’une politique qui tente de donner aux gens la liberté de s’épanouir pleinement, mais demeure fondée sur un déséquilibre de pouvoir. Je n’ai que des observations, aucune solution. Mais j’y pense chaque fois que j’entends le mot « accommodement ».
– Participant au dialogue stratégique de janvier 2012

L’accommodement peut être perçu comme le fait de « consentir une exception »

à une personne ou à un groupe de personnes sur qui une règle universelle (à première vue neutre) aurait autrement un effet discriminatoire fondé sur un des motifs interdits aux termes de la Charte, du Code ou des deux. Des partisans d’une égalité encore plus grande critiquent cette notion de l’accommodement qui, selon eux, ne va pas assez loin parce qu’elle ne fait que consentir des exceptions au lieu de remettre en question la « norme de privilèges » qui, avant tout, place les minorités en situation de désavantage[396]. Certains penseurs mettent en opposition les approches « d’accommodement »/« de tolérance » et les approches « d‘égalité » pluralistes plus radicales qui, selon eux, constituent des cadres concurrents d’analyse de la diversité religieuse au Canada[397].

Par exemple, Lori Beaman insiste sur les hiérarchies implicites d’appartenance et de « normalité » que crée inévitablement le discours de la « tolérance » et de l’« accommodement », « dans le cadre duquel les majorités confèrent des avantages aux minorités » et déterminent unilatéralement les limites (raisonnables) de cette tolérance[398]. « Ce qui me préoccupe, explique-t-elle, c’est que ces termes nous figent à un endroit qui s’approche de l’égalité, mais ne l’atteignent jamais vraiment. Ils ne nous forcent pas à repenser les inégalités structurelles, comme le rendrait possible la mise à nu des différences et l’obligation d’en arriver à une égalité réelle[399]. »

2.3 Continuum de l’accommodement : de systémique à individuel

Les lois relatives aux droits de la personne actuelles et les précédents jurisprudentiels connexes ouvrent néanmoins la porte à l’adoption d’un concept plus exhaustif et transformatif de l’accommodement qui va au-delà de l’application d’exceptions pour examiner plutôt la norme établie. Le paragraphe 11(2) du Code fait explicitement appel à la conception de milieux exclusifs fondés sur les « besoins du groupe » en tant que solution de première instance la plus appropriée à la discrimination indirecte, à moins que cela n’entraîne de préjudice injustifié. Les décisions de la Cour suprême du Canada appuient cette approche.[400]

Dans un article de 2012 intitulé Les accommodements au XXIe siècle et publié par la Commission canadienne des droits de la personne,  Brodsky, Day et Peters retracent jusqu’à la décision historique de 1999 de la Cour suprême du Canada dans Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU (Meiorin) l’évolution sur le plan judiciaire d’une approche d’élimination de la discrimination indirecte plus dynamique (et non « réactionnaire »), systémique (et non « individuelle ») et transformatrice (et non « fondée sur des exceptions »)[401]. Avant Meiorin, les intimés étaient uniquement tenus d’effectuer des rajustements individuels ou de consentir des exceptions à la règle en cas de discrimination par suite d’un effet préjudiciable. Il ne leur incombait pas de justifier la règle ou norme universelle. Consciente des façons dont cette approche gênait et minait « la promesse d’égalité réelle » au sein de la société, tel que prévu par les lois relatives aux droits de la personne, la juge McLachlin (nommée depuis juge en chef) citait en l’approuvant le passage suivant, au nom de la cour unanime :

La difficulté que pose ce paradigme est qu’il ne met en question ni l’inégalité du rapport de force ni les discours de domination, comme le racisme, la prétention de la supériorité des personnes non handicapées et le sexisme, qui font qu’une société est bien conçue pour certains, mais pas pour d’autres. Il permet à ceux qui se considèrent comme « normaux » de continuer à établir des institutions et des rapports à leur image, pourvu « qu’ils composent » avec ceux qui en contestent l’établissement.

Sous cet angle, l’accommodement paraît ancré dans le modèle de l’égalité formelle. En tant que formule, le traitement différent réservé à des personnes « différentes » ne constitue que l’inverse du traitement semblable réservé aux personnes semblables. L’accommodement ne va pas au cœur de la question de l’égalité, n’a pas la transformation pour objectif, n’examine pas la façon dont les institutions et les rapports doivent être modifiés pour les rendre disponibles, accessibles, significatifs et gratifiants pour la multitude de groupes qui composent notre société. L’accommodement semble signifier que nous ne modifions ni les procédures ni les services; nous nous contentons d’offrir des « mesures d’adaptation » à ceux et celles à qui ils ne conviennent pas tout à fait. Nous faisons certaines concessions à ceux qui sont « différents », plutôt que d’abandonner l’idée de la « normalité » et d’œuvrer à la véritable inclusion.

Conçu ainsi, l’accommodement semble permettre à l’égalité formelle d’être le paradigme dominant, pourvu que des adaptations soient parfois accordées pour remédier à des effets inégaux. Il ne met pas en doute les croyances profondes relatives à la supériorité intrinsèque de caractéristiques comme la mobilité et la vue. Bref, l’accommodement favorise l’assimilation. Son objectif est de tenter de faire cadrer les personnes « différentes » dans les systèmes existants.[402]

De poursuivre la juge, « [l]e droit de ne pas faire l’objet de discrimination est ramené à la question de savoir si le "courant dominant" peut, dans le cadre de sa norme formelle existante, se permettre d’accorder un traitement approprié aux personnes lésées. Dans la négative, l’édifice de la discrimination systémique reçoit l’approbation de la loi. Cela n’est pas acceptable. »[403]

La Cour suprême du Canada a élaboré une nouvelle[404] analyse pour justifier l’établissement d’une exigence de bonne foi obligeant les intimés à passer en revue et à modifier, pour les rendre inclusives, les règles, exigences et normes causant préjudice, jusqu’au point de préjudice injustifié. Le tribunal a poussé les organisations à elles-mêmes « intégrer des notions d’égalité dans les normes du milieu de travail » (et par extension les normes de services)[405]. Ce faisant, il a radicalement modifié la visée initiale de l’accommodement, mettant en cause non plus la personne faisant l’objet du préjudice, mais la norme causant le préjudice[406]. En résumé, la décision Meiorin a eu les répercussions suivantes sur le plan judiciaire : une fois que l’existence d’un cas à première vue de discrimination (par suite d’un effet préjudiciable) a pu être démontrée, l’organisation a la responsabilité, aux termes de la loi, d’explorer une variété de mesures d’adaptation, y compris la possibilité de commencer par ce que certains ont nommé l’« accommodement systémique »[407] (modification de la norme au bénéfice de tous). L’organisation peut passer à l’examen des mesures d’adaptation individuelles possibles jusqu’au point de préjudice injustifié seulement après avoir fait la démonstration que l’accommodement systémique créerait un préjudice injustifié.

Les politiques et directives de la CODP recommandent également aux organisations de concevoir leurs programmes, services et milieux de travail de façon inclusive. Comme l’accommodement systémique, l’idéal de « conception inclusive » du secteur des droits de la personne peut obliger les organisations à examiner minutieusement et réorganiser leurs façons de faire les choses (normes et règles actuelles). La conception inclusive n’a pas besoin d’être (et idéalement ne devrait pas être) le résultat de plaintes, de demandes d’accommodement ou de requêtes fondées sur un cas de discrimination (par suite d’un effet préjudiciable) à première vue.

2.4 Accommodement et droits contradictoires

L’examen des droits d’autrui fait souvent partie intégrante de l’accommodement de la croyance (p. ex. droits des autres groupes protégés par le Code ou intérêt général de la société en matière d’ordre public, de santé, de sécurité ou de démocratie). Comme l’examinent les documents de la CODP intitulés Politique sur les droits de la personne contradictoires et L’ombre de la loi : Survol de la jurisprudence relative à la conciliation de droits contradictoires, il peut arriver, et arrive souvent, que des droits entrent en conflits les uns avec les autres, surtout dans le contexte de la croyance. À tous les paliers de législation relative aux droits de la personne, la reconnaissance du fait que la liberté de croyance est plus large que la liberté d’agir sur la foi d’une croyance (religieuse ou autre) provient en grande partie d’une compréhension des répercussions possibles de nos actions sur autrui[408].

Certaines des affaires de droits contradictoires les plus complexes de l’ère contemporaine ont eu trait au refus de fournir certains services au motif de la croyance (p. ex. avortement, célébration du mariage de personnes du même sexe, coupe de cheveux de femme) ou d’exécuter des tâches liées à l’emploi (p. ex. acheminement de patients vers des services d’avortement, service d’alcool, installation d’étalages de Noël), ou les deux. Pour savoir comment aborder et régler le plus convenablement possible de telles situations, la CODP recommande aux lecteurs de se reporter à sa Politique sur les droits de la personne contradictoires, qui présente les grandes lignes d’un cadre de résolution de ce genre de situations. La politique met de l’avant plusieurs principes importants, dont les suivants : 

  • il n’existe aucune hiérarchie entre les droits
  • aucun droit n’est absolu
  • l’examen doit prendre en compte le contexte
  • les droits comprennent des éléments fondamentaux et périphériques, et la conciliation des droits penchera vers le respect des éléments qui forment le cœur du droit
  • il importe de chercher des « compromis constructifs », ainsi que des « mesures d’adaptation » et autres qui atténueront le préjudice pouvant être causé à chaque droit.

 

[384] Supra, note 282.

[385] L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 11(1). La Partie 1 du Code (Égalité des droits) énonce les motifs de discrimination interdits et les domaines sociaux (services et installations, logement, contrats, emploi, association professionnelle) où la discrimination fondée sur ces motifs est interdite.

[386] Moore c. ColombieBritannique (Éducation), 2012, supra, note 317.

[387] Hutterian Brethren, supra, note 235. Dans sa récente décision dans l’affaire R. v. Badesha, 2011 ONCJ 284 (CanLII) (Badesha), la Cour de justice de l’Ontario a observé que le degré d’ingérence qui doit être démontré avant que l’on considère que les effets sur les droits religieux sont plus que « négligeables » ou « insignifiants » peut varier selon les circonstances particulières.

[388] Eldary v. Songbirds Montessori School Inc., 2011 OHRT 1026 (CanLII). Dans cette décision du TDPO, le tribunal a conclu que le fait de gérer un camp de jour organisé par l’église de la partie requérante à titre d’activité de financement n’était pas de nature religieuse ni considéré comme une obligation selon les préceptes de sa foi. Le fait que ces activités se déroulaient à l’église ne suffisait pas à conclure qu’elles avaient droit à des protections au motif de la croyance.

[389] Hendrickson Spring, supra, note 304.

[390] Assal v. Halifax Condominium Corp. No. 4 (2007), 60 C.H.R.R. D/101 (N.S. Bd. Inq.). Dans cette affaire, la commission d’enquête de la Nouvelle-Écosse a rejeté la requête voulant qu’un condominium soit tenu de prendre des mesures pour satisfaire à une demande d’installation d’une soucoupe, à l’encontre de ses propres règlements internes, pour permettre au requérant de capter des émissions religieuses et culturelles musulmanes de sources internationales. La commission a déclaré que pour pouvoir établir qu’il y a eu discrimination, il faut faire plus que montrer un lien quelconque avec la religion. Au contraire de l’affaire Amselem (supra, note 137), rien n’indiquait que l’accès au service par satellite constituait une pratique, une croyance, une obligation ou une coutume religieuse, ou que cela faisait partie des préceptes de la foi ou de la culture de la famille. Bien que le requérant ait voulu avoir accès à une technologie permettant d’exposer davantage les membres de sa famille à leur culture, leur langue et leur religion, rien n’indiquait que son absence compromettrait de quelque façon que ce soit l’observance de leur foi.

[391] Hendrickson Springsupra, note 304, a été cité dans cette décision selon laquelle le fait de distribuer des cadeaux à caractère religieux (p. ex. des stylos comprenant des inscriptions religieuses) en milieu de travail ne constitue pas un droit protégé, même si la capacité de le faire était extrêmement importante pour la plaignante. Aucune preuve n’indiquait que cette activité faisait partie de sa religion en tant que chrétienne régénérée; Ontario Public Service Employees Union v. Ontario (Ministry of Community and Social Services) (Barillari Grievance), [2006] O.G.S.B.A. No. 176, 155 L.A.C. (4th) 292).

[392] Whitehouse v. Yukon [2001], 48 C.H.R.R. D/497 (Y.T.Bd.Adj.). Dans cette décision, une commission d’arbitrage du Yukon n’a pas reconnu à un membre des Premières nations le droit à un congé spécial pour assister à une réunion de sélection de revendications territoriales en raison de ses devoirs ancestraux et religieux.

[393] R. v. N.S., 2010 CA ON 670au par. 69.

[394] Saadi v. Audmax, 2009 OHRT 1627 (CanLII).

[395] Dans Audmax Inc. v. Ontario Human Rights Tribunal, 2011 ONSC 315 (CanLII), la Cour divisionnaire de l’Ontario qui a procédé à la révision judiciaire de l’affaire a exprimé son désaccord avec la conclusion du TDPO dans Saadi v. Audmax, selon laquelle la façon dont l’employeur appliquait le code vestimentaire constituait une discrimination intersectionnelle à l’endroit de la plaignante, fondée à la fois sur les motifs de sexe et de croyance. Le tribunal a conclu que le TDPO aurait dû se demander s’il aurait été possible pour Mme Saadi de respecter le code vestimentaire de l’employeur sans compromettre ses croyances religieuses vis-à-vis du port de vêtements religieux appropriés. Le tribunal indiquait (au par. 86) :

Rien dans la religion de Mme Saadi ne l’obligeait à porter la forme particulière de hijab qu’elle portait ce jour-là. S’il lui était possible de porter une forme de hijab conforme à la fois à sa religion et au code vestimentaire de l’entreprise (comme elle l’avait fait tous les jours pendant six semaines), il n’y avait pas atteinte à ses droits religieux. Seul son sens de l’esthétique, apparemment contraire à celui de son employeur, avait été atteint.

[396] Voir Beaman (2012).

[397] Voir Beaman (2012). Lorne Sossin (2009) met en lumière des tensions semblables au sein du régime et du discours judiciaires qui régit la religion en milieu de travail canadien. Elle fait état de cadres d’action contradictoires dont, d’un côté, un discours de pluralisme, d’inclusion et de reconnaissance mutuelle et, de l’autre, un discours d’« exceptionnalisme » qui voit le Canada comme « une société majoritairement chrétienne dans laquelle les autres minorités religieuses sont tolérées dans un contexte de déviation par rapport à la norme » (p. 485).

[398] Beaman (2012, p.16). Attirant l’attention sur les origines et répercussions du discours de l’« accommodement » dans le contexte des déséquilibres de pouvoir employeurs-employés relatifs au droit du travail et à l’emploi, Beaman (2012, p.16-17) considère que le discours et la pratique de l’accommodement ne répondent pas suffisamment aux objectifs et à la promesse d’une égalité réelle en tant que valeur constitutionnelle canadienne centrale. Cependant, elle souligne le caractère relativement nouveau et, par conséquent, transformable, du concept de l’accommodement qui domine maintenant le discours et le droit.

[399] ibidem, p. 17.

[400] Sous la rubrique Discrimination indirecte, le paragraphe 11(2) du Code stipule :

La Commission, le Tribunal ou un tribunal ne doit pas conclure qu’une exigence, une qualité requise ou un critère est établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances, à moins d’être convaincu que la personne à laquelle il incombe de tenir compte des besoins du groupe dont la personne est membre ne peut le faire sans subir elle-même un préjudice injustifié, compte tenu du coût, des sources extérieures de financement, s’il en est, et des exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant (cité dans la Politique sur la croyance de la CODP, 1996, p. 8).

La Politique sur la croyance de 1996 évoque cette composante de « conception inclusive » | e l’analyse de l’accommodement en affirmant ce qui suit : « Une adaptation peut se faire en modifiant une règle ou en prévoyant une exception partielle ou totale à la règle pour la personne demandant l'adaptation » (p. 7).

[401] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3 (Meiorin).

[402] ibidem, par. 41 citant Day, Shelagh, et Gwen Brodsky. « The Duty to Accommodate : Who Will Benefit? » 1996, 75 Can. Bar Rev., 1996, p. 433.

[403] Iidem, par. 42.

[404] Les « exigences de bonne foi » constituent la principale défense applicable à la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, comme l’indique l’article 11 du Code. Selon la Cour suprême du Canada, pour être considéré comme une exigence de travail de bonne foi, l’employeur doit démontrer que la norme, le facteur, l’exigence ou la règle : 

  • a été adopté dans un but ou un objectif rationnellement lié aux fonctions exercées
  • a été adopté de bonne foi, en croyant qu’il était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif
  • est raisonnablement nécessaire à la réalisation du but ou de l’objectif de l’employeur, en ce sens que ce dernier ne peut pas composer avec la ou les personnes subissant l’effet préjudiciable sans que cela impose de préjudice injustifié.

Ce dernier critère provient de Meiorin (supra, note 401) et est essentiel puisqu’il oblige les employeurs à élaborer dès le départ leurs normes, règles et exigences d’une façon qui prend en considération la diversité des membres de l’organisation et cherche à tenir compte de cette diversité
et la favoriser, jusqu’au point de préjudice injustifié.

[405] Meiorin, supra, note 401, au par. 68.

[406] À propos des « profonds changements opérés à la conception de l’accommodement dans le domaine juridique » par suite de la décision Meiorin, Melina Buckley et Alision Brewin affirment :

Avant cette décision, les employeurs étaient uniquement tenus d’envisager des mesures d’adaptation individuelles en aidant ceux qui ne satisfaisaient pas à la norme existante. L’obligation comporte à présent deux volets. Les employeurs doivent tout d’abord se demander si la norme elle-même peut être modifiée de façon à être plus inclusive et à favoriser une égalité réelle sur le lieu de travail. Si cela n’est pas possible ou si la norme se justifie pleinement en regard du nouveau critère juridique plus strict, les employeurs sont toujours tenus de déployer d’importants efforts en vue d’un accommodement individuel (Buckley et Brewin, 2004, p. 22; cité dans Brodsky et coll., 2012, p. 10, italiques ajoutés).

[407] Karen Schucher décrit l’idée de l’« accommodement systémique » dans son commentaire sur
la nouvelle approche adoptée dans Meiorin en matière de « discrimination par suite d’un effet préjudiciable » : « Cette approche plus vaste étend la portée du concept de l’accommodement en exigeant l’apport de changements systémiques aux normes des milieux de travail. Ces changements incluent aussi bien une reconnaissance des réalités distinctives entre groupes et individus, que l’adoption de mesures de réparation et d’exception axées sur les individus. L’accommodement systémique requiert une transformation effective des normes liées au lieu de travail [...] » (Schucher, 2000, p. 9-10; cité dans Broskey et coll., 2012, p.10).

[408] Le droit international relatif aux droits de la personne établit une distinction importante, confirmée dans la jurisprudence canadienne, entre la dimension intérieure de la croyance ou conviction de la personne (forum internum), qui « bénéficie d’une protection absolue » sans limites, et sa « manifestation extérieure » qui « peut être soumise à certaines restrictions » dans le but de garantir la reconnaissance adéquate et le respect des droits et libertés d’autrui et de satisfaire aux exigences de la moralité, de l’ordre public et du bien-être général dans une société démocratique [DUDH, par. 29(2); pour en savoir davantage, consulter le Rapport d’activité du Rapporteur spécial sur la liberté de religion ou de conviction (2012) de l’Assemblée générale des Nations unies [A/67/303] (aux par. 17-21)].

 

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