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Lettre à l’intention des universités et des collèges sur le racisme et d’autres préoccupations liées aux droits de la personne

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Décembre 18, 2020

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Madame, Monsieur,

J’écris à l’ensemble des universités et des collègues publics de l’Ontario après que de récents événements ont révélé les préoccupations majeures des étudiantes et étudiants autochtones, noirs ou racialisés quant à la discrimination, à la xénophobie et au ciblage exercés sur certains campus et dans certains milieux universitaires de la province. En tant que fournisseurs de services, tous ces établissements ont des obligations juridiques en matière de droits de la personne vis-à-vis du corps estudiantin, aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario (le Code).

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) souhaite mobiliser votre engagement en faveur de mesures visant à créer et à soutenir des cadres d’éducation équitables et inclusifs.

Un nombre croissant de reportages médiatiques détaillent une myriade d’agissements entretenant des préoccupations quant à la toxicité de certains milieux d’apprentissage, qui se manifeste de diverses manières – micro-agressions fréquentes du corps professoral à l’égard d’étudiants, usage sans raison du mot « nègre » en salle de classe, publication de commentaires ou d’images racistes dans des bavardoirs, intrusion dans des réunions en ligne (sur Zoom, par exemple) organisées par des étudiants racialisés ou encore menaces de violence.

Les médias affirment également qu’une grande part de ces agissements n’ont pas été traités, ou l’ont été de manière inadaptée, par les administrateurs scolaires. Si ces reportages sont exacts, la CODP craint que l’inadéquation des mesures prises par les établissements augmente davantage le risque de persistance du racisme anti-Noirs, anti-Autochtones ou revêtant d’autres formes, et d’autres violations des droits de la personne.

La CODP a également reçu les observations individuelles et collectives troublantes d’étudiants qui se sont adressés à elle sur les réseaux sociaux et/ou lui ont écrit directement afin de lui exprimer leurs peurs et leurs frustrations concernant l’apathie des établissements et/ou les mécanismes internes de ces derniers pour répondre à leurs préoccupations. Un certain nombre ont demandé à la CODP d’exercer tous les pouvoirs que lui confère le Code, notamment celui de lancer une enquête d’intérêt public sur les environnements universitaires toxiques.

Il est problématique que ces étudiants aient ressenti le besoin de solliciter indépendamment le soutien de la CODP, alors qu’il ne leur incombe pas en priorité de traiter les situations portant atteinte aux droits de la personne dans leurs établissements (un grand nombre d’entre eux ayant terminé leurs études secondaires il y a seulement quelques années). La responsabilité légale et pratique consistant à examiner les conditions, les difficultés et les obstacles à un milieu d’apprentissage respectueux revient aux « esprits dirigeants » des universités, à savoir aux cadres supérieurs ainsi qu’à leurs conseillers en matière de droits de la personne.

Outre l’obligation de s’abstenir de tout acte contraire au Code, cette responsabilité en matière de droits de la personne implique également des obligations positives, telles que la mise en œuvre de politiques, de protocoles et de mécanismes de règlement des plaintes solides afin de garantir pleinement la reconnaissance et le respect de ces droits. Comme l’explique le document Une introduction à la politique : Guide d’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne de la CODP, qu’une plainte formelle ait été présentée ou non, les établissements doivent reconnaître et traiter les situations portant atteinte aux droits de la personne lorsqu’ils doivent raisonnablement avoir connaissance d’actes de discrimination ou de harcèlement.

Ils ont ainsi notamment le devoir positif d’évaluer et d’enquêter de manière proactive sur les indices de discrimination systémique et de racisme dans leur fonctionnement, notamment en cas de tendances ou d’allégations répétées, et d’empêcher que cette situation ne se reproduise. Cela implique également de surveiller les systèmes organisationnels pour examiner et suivre les effets néfastes de certaines politiques et pratiques, tout en prenant des mesures positives destinées à éliminer de tels éléments discriminatoires.

L’ensemble des collèges et des universités doivent veiller à établir des structures transparentes, accessibles et formelles afin d’encourager la conformité aux lois et aux principes concernant les droits de la personne, en instaurant par exemple des mécanismes complets de règlement des plaintes pour promouvoir une culture de responsabilité en matière de droits de la personne. La CODP appelle les collèges et les universités de l’Ontario à s’assurer de prévenir la discrimination et le harcèlement, qui ne sauraient être tolérés dans leurs communautés universitaires, en garantissant des procédures de règlement des plaintes solides, efficaces et équitables.

Les fournisseurs de services universitaires sont tenus d’enquêter et de veiller à l’adoption rapide de mesures visant à empêcher tout préjudice et toute discrimination supplémentaires à l’encontre des membres de leurs communautés. Reportez-vous à Wall v. University of Waterloo (1995) 27 C.H.R.R. D/44 (Commission d’enquête de l’Ontario). La jurisprudence ontarienne en matière de droits de la personne établit depuis longtemps que les procédures organisationnelles de règlement des plaintes doivent satisfaire les six critères suivants :

  1. La réponse doit être rapide.
  2. L’établissement concerné doit savoir que le comportement visé par une plainte est interdit.
  3. L’affaire doit être traitée avec sérieux.
  4. Un mécanisme de règlement des plaintes doit être en place.
  5. L’établissement doit agir de manière à garantir un environnement sain.
  6. L’établissement doit communiquer ses mesures à la personne plaignante.

La jurisprudence ontarienne en matière de droits de la personne établit également que le manquement d’une ou d’un titulaire à son devoir d’enquêter et de traiter rapidement et efficacement les allégations de discrimination ou de harcèlement peut causer ou exacerber le préjudice de cette discrimination dans l’appréciation de la responsabilité.

Conformément au mandat de la CODP, qui consiste à identifier, à prévenir et à éliminer toute discrimination et à promouvoir les droits de la personne en Ontario, je vous encourage à consulter ses supports qui fournissent des indications sur la manière de comprendre et de remplir vos obligations en matière de droits de la personne. La CODP recommande par exemple les documents suivants : Politique et directives sur le racisme et la discrimination raciale; Politique sur l’élimination du profilage racial en contexte de maintien de l’ordre; Une introduction à la politique : Guide d’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne et Droits de la personne et services policiers : créer et maintenir un changement organisationnel.

Bien que certains de ces documents aient été rédigés dans le contexte du secteur du maintien de l’ordre, ils contiennent des principes fondamentaux et des conseils utiles pour tous les établissements cherchant à remplir leurs obligations juridiques concernant les droits de la personne. Ils sont particulièrement pertinents pour tout travail de réflexion quant aux enquêtes sur l’intégrité des collèges et des universités ainsi qu’aux pratiques de sécurité sur les campus.

Je suis d’avis qu’une collaboration avec les parties prenantes de vos communautés universitaires peut faire avancer l’objectif de la protection des droits de la personne. Par ailleurs, je vous invite à prendre des mesures concrètes afin de mieux comprendre les expériences des étudiants appelant à instaurer des milieux universitaires plus respectueux, équitables et inclusifs.

En vue de soutenir l’engagement de la CODP en matière de responsabilité publique et son devoir de service vis-à-vis de la population ontarienne, cette lettre sera publiée.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Ena Chadha, LL.B., LL.M.
Commissaire en chef

c. c. :    L’honorable Ross Romano, ministre des Collèges et Universités
            L’honorable Doug Downey, procureur général
            Commissaires de la CODP