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Communiqué de la Commission concernant les questions soulevées par les plaintes contre le magazine Maclean's

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Avril 9, 2008

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Dans une décision récente, la Commission ontarienne des droits de la personne (la « Commission ») a décidé de ne pas donner suite aux plaintes déposées contre le magazine Maclean suite à la publication de l’article « The future belongs to Islam » (l'avenir appartient à l'Islam). Les plaignants ont allégué que le contenu de l’article et le refus de Maclean de fournir l'espace pour une réfutation ont violé leurs droits de la personne.

Refuser un service en invoquant les droits de la personne tels que la race ou la croyance peut constituer le motif d’une plainte concernant les droits de la personne. Toutefois, les restrictions du Code des droits de la personne de l’Ontario (le « Code ») n’accordent pas à la Commission la compétence juridique pour traiter du contenu des articles du magazine par la procédure de traitement des plaintes.

Néanmoins, le mandat élargi de la Commission est de promouvoir et de faire progresser le respect des droits de la personne en Ontario, mettre en valeur la dignité et la valeur de chaque Ontarien et de prendre des mesures pour atténuer la tension et les conflits dans la communauté, notamment en intervenant sur les événements de revendication qui sont incompatibles avec l’esprit du Code.

Bien que la liberté d’expression doive être reconnue comme la pierre angulaire du fonctionnement d’une société, la Commission est très préoccupée par le contenu d'un certain nombre d'articles concernant les musulmans qui ont été publiés par le magazine Maclean et d'autres médias. Ce type de couverture médiatique a été identifié comme un facteur contribuant à la promotion de l’islamophobie et d’une intolérance sociétale envers les Canadiens et Canadiennes d’origine musulmane, arabe et d'Asie du Sud. La Commission reconnaît et comprend les graves préjudices que causent de tels écrits, à la fois pour les communautés ciblées et pour la société dans son ensemble. Alors que nous reconnaissons et favorisons tous la valeur intrinsèque de la liberté d'expression, il devrait également être possible de contester toute institution qui contribue à la diffusion d’opinions subversives et xénophobes.

La Commission entend poursuivre l’examen de ces questions lorsqu’elle débutera son nouveau mandat au cours des prochains mois, ce qui met un accent renouvelé sur les tensions et les conflits des droits de la personne, au moyen d’enquêtes, de consultation, d’éducation du public, d’élaboration de politiques et des discussions et dialogues constructifs.

Historique

Les plaintes déposées auprès de la Commission contre le magazine Maclean concernant l’article « The future belongs to Islam » (l'avenir appartient à l'Islam) allèguent que cet article viole les droits de l'homme contrairement aux dispositions du Code. Les plaignants font également valoir que cet article est l'un des vingt-deux (22) articles du Maclean ciblant les musulmans. Des plaintes ont également été déposées auprès de la Commission canadienne des droits de la personne et d'autres organismes des droits de la personne.

La Commission de l’Ontario a décidé de ne pas procéder à l'instruction de ces plaintes, car elle n’a pas la compétence juridique de le faire en vertu du Code de l’Ontario. La Commission a constaté que le contenu du magazine et le refus de Maclean de fournir aux plaignants l'espace pour une réfutation ne sont pas des biens ou des services au sens du Code. La Commission a également constaté que l'article 13 (1) du Code, qui interdit l'affichage ou la publication d'un avis, enseigne, symbole, emblème ou autre représentation semblable à l'intention d'enfreindre les droits de la personne ou d’inciter d'autres personnes à le faire, ne peut être interprété comme incluant le contenu de l’article en question du magazine.

Par suite de cette décision, la plainte ne sera pas renvoyée à une audience complète devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario.

Bien que la Commission ait décidé qu'il n'y a rien dans le Code qui puisse justifier d’aller de l’avant avec ces plaintes, elle dispose d'un droit plus étendu d'exprimer son opinion au sujet des questions qui sont portées à son attention et qui ont des répercussions dans l’optique des droits de la personne.

Racisme et islamophobie dans les médias

La Commission a depuis longtemps insisté sur le fait que des formes de racisme existent dans toutes les institutions de la société. Afin de réagir efficacement au racisme, il est nécessaire d’admettre clairement son existence.

Le racisme se manifeste dans les médias et les médias ont un rôle important à jouer, soit en luttant contre le racisme sociétal ou en évitant de le communiquer et de le reproduire. L’islamophobie est une forme de racisme qui comprend des stéréotypes, des préjugés ou des actes d'hostilité envers les musulmans et qui présente les musulmans comme une des plus grandes menaces à la sécurité sur le plan institutionnel, systémique et sociétal.

La Commission est préoccupée par le fait que depuis septembre 2001, les attitudes islamophobiques sont de plus en plus répandues dans la société et que les musulmans sont de plus en plus la cible d'intolérance, y compris un manque de volonté d'envisager un accommodement pour certaines de leurs croyances et pratiques religieuses.

Malheureusement, l'article du Maclean et d'autres comme lui illustrent bien cela. En décrivant les musulmans comme partageant tous les mêmes caractéristiques négatives, y compris d’être une menace pour « l’Occident », cette expression explicite d'islamophobie perpétue davantage et favorise les préjugés envers les musulmans et d'autres groupes. Une illustration extrême de ceci est une discussion sur un blogue, concernant l'article qui a été porté à l'attention de la Commission qui, entre autres choses, exigeait le massacre, la déportation ou la conversion des musulmans canadiens.

La Commission condamne énergiquement le ciblage, à caractère raciste, des musulmans, des Arabes, des Asiatiques du sud et de toute collectivité raciale dans les médias, comme étant incompatible avec les valeurs enchâssées dans le Code. L'impact sur la collectivité, tant en fonction des messages intolérants transmis que de la réalisation que la société est disposée à en accepter la diffusion, est profond. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur le racisme a confirmé que les médias ont joué un rôle et ont contribué à la hausse rapide de l’islamophobie et son acceptation comme normale en « Occident ». De plus, le rapport de 2003 de la Commission « Un prix trop élevé: les coûts humains du profilage racial » illustre le coût social des stéréotypes aux individus, familles, collectivités et à l’ensemble des Ontariens.

Liberté d'expression et de droits de la personne

La Commission soutient la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, comme enchâssée dans la Charte canadienne des droits et Libertés. La liberté d’expression est reconnue comme la pierre angulaire du bon fonctionnement d’une démocratie. Elle met en valeur plusieurs valeurs sociales et joue un rôle dans l'épanouissement personnel, l’atteinte de la vérité, l’assurance de la participation des membres de la société dans la prise de décision sociale et politique et elle maintient un équilibre entre la stabilité et le changement dans la société.

On le dit souvent que les responsabilités viennent avec les droits. La Commission est d'avis que les médias ont le devoir de s'engager dans un journalisme équitable et impartial. La partialité comprend à la fois une représentation injuste et unilatérale d’un point litigieux de même que des attitudes préjudiciables auprès d’individus et de groupes d’après la croyance, la race, le lieu d’origine, l’origine ethnique et d’autres motifs du Code. La liberté d’expression devrait être exercée par des reportages responsables et ne pas être utilisée comme un prétexte pour cibler des groupes vulnérables et accroître encore leur marginalisation ou leur stigmatisation dans la société.

Au Canada, le droit à la liberté d’expression n'est pas absolu et ne doit pas l'être. Il existe des exemples de limites raisonnables sur le droit qui sont manifestement justifiées dans une société libre et démocratique. Les Codes des droits de la personne eux-mêmes contiennent certaines limites au droit. La Cour suprême du Canada a statué qu'une disposition de la Loi sur les droits de la personne qui interdit la transmission téléphonique de propagande haineuse ou de mépris en tenant compte d'un motif de discrimination interdit est une limite justifiable à la liberté d'expression. Le Code criminel impose lui aussi une limite à la liberté d’expression afin de pouvoir traiter des situations qu’il définit comme étant des crimes haineux.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario interdit la discrimination et le harcèlement dans cinq secteurs sociaux: (1) biens, services et installations, (2) logement domiciliaire, (3) emploi, (4) contrats et (5) l'adhésion à des associations syndicales, commerciales et professionnelles. Le Code ne peut empêcher les gens d’avoir des points de vue intolérants, mais interdit aux gens d’y donner suite lorsqu’il s’agit d’un des secteurs sociaux ci-haut.

L'article 13 du Code stipule qu’il est illégal de publier ou d'afficher certains types de matériel offensant. Mais ses limites sur la liberté d’expression sont étroites. Pour que le Code s’applique, l'article offensant doit être un avis, une enseigne, un symbole, un emblème ou autre représentation semblable, qui dénote une intention d’enfreindre ou inciter d’autres à enfreindre un droit en vertu du Code. Par conséquent, une enseigne entrerait dans cette section, mais un article de cinq pages véhiculant le même message ne le serait pas.

Les limites à la liberté d’expression, en vertu de certaines lois canadiennes des droits de la personne, sont plus larges et précisent que nul ne peut publier, émettre ou afficher en public une déclaration, une publication, un avis, une enseigne, un symbole ou tout autre représentation.

Les approches différentes aux diverses législations des droits de la personne dans l'ensemble du Canada peuvent transmettre un message déconcertant et donner lieu à des incohérences, selon l'endroit où une plainte est déposée. Par exemple, il est possible de déposer des plaintes au sujet d'un article de magazine dans plus d'une province et, si l'article apparaît sur l'Internet, de déposer la plainte à la Commission canadienne des droits de la personne. Il existe une ambigüité tant qu’aux éléments qui déclenchent l’application des dispositions de la Loi contre la haine en vertu du Code criminel.

Il est évident qu’un débat sur cette question est nécessaire au Canada. Une approche globale de la question devrait être l'un des objectifs. La discussion devrait porter sur les façons que la société place des limites sur la liberté d'expression pour protéger les droits de la personne de ses membres vulnérables.

Regard sur l'avenir

L'article du Maclean et d'autres semblables soulèvent d'importantes questions de droits de la personne pour les collectivités affectées et celles qui sont préoccupées par l'équilibre entre la liberté d'expression et l'égalité des droits.

Même si la Commission ne procède pas à l'instruction des plaintes en raison de sa compétence juridique en vertu du Code, elle a encore un rôle plus grand à jouer dans le traitement des tensions et des conflits que de tels écrits causent dans la collectivité et de l'impact qu'ils ont sur les groupes qui sont pris à partie.

À compter de juillet 2008, les plaintes des droits de la personne ne seront plus déposées à la Commission, mais elles seront déposées directement au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario. Parallèlement, le rôle de la Commission sera renforcé au niveau de la prévention de la discrimination et de la promotion et la progression des droits de la personne en Ontario. La Commission augmentera ses efforts pour promouvoir une culture des droits de la personne dans la province. Il s'agira notamment d’assumer un rôle de leadership qui favorisera un débat et un dialogue constructif entre les individus et les organismes intéressés par les questions soulevées par l’islamophobie dans les médias et les moyens par lesquels la Commission, les médias et d’autres peuvent commencer à les résoudre.