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Effets du profilage racial

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Aux yeux de ceux qui n'en ont jamais fait l'expérience ou qui ne connaissent personne ayant vécu cette situation, le profilage racial peut ne sembler qu'un inconvénient. Or, le phénomène est beaucoup plus grave qu'un simple ennui ou contrariété; il a des conséquences réelles et directes. Les victimes du profilage en font lourdement les frais, sur les plans affectif, psychologique, mental, et même parfois, physique et financier.

Comme le relève le criminologue Scott Wortley : [traduction] « Prétendre que le profilage racial est inoffensif, qu'il n'affecte que les contrevenants, revient à taire tous les torts psychologiques et sociaux qui peuvent découler du fait de toujours être considéré comme l'un des « suspects habituels[32] ». Ce sentiment est très bien exprimé par un participant à l'enquête :

« Certains croient cette pratique justifiée parce qu'il existe beaucoup de gens malhonnêtes dans la société et qu'il est relativement facile et commode d'en rassembler certains en fonction des statistiques et des facteurs de probabilité. Mais chacun doit être considéré et traité à titre individuel. Réfléchissons au tort qu'on fait à ceux qui sont assimilés à un groupe auquel ils n'appartiennent pas. Qui peut concevoir le niveau de frustration qui en résulte chez ces personnes et les coûts que devra assumer la société pour avoir privé de leurs droits ces citoyens innocents? » (R. R.)

Ainsi que l'American Psychological Association le rapporte, des chercheurs du domaine se sont penchés sur les effets psychologiques du profilage racial, pour constater, parmi « les effets pour la victime », la présence de troubles de stress post-traumatiques et d'autres pathologies liées au stress, la perception de menaces fondées sur la race et le défaut de faire appel aux ressources communautaires disponibles[33].

D'autres chercheurs en psychologie ont aussi examiné les effets du profilage racial sur la société en général, pour déduire qu'ils comprennent une confirmation de l'existence de sentiments racistes, des craintes et des coûts financiers[34]. L'enquête de la Commission révèle également que l'impact du profilage dépasse les personnes qui y sont directement exposées. Sont également touchés les parents, amis, camarades de classe et voisins. Cela signifie que les coûts financiers et sociaux de ce fléau sont d'envergure.

Dans les sections qui suivent, on décrit de quelle façon le profilage racial porte préjudice aux personnes, aux familles, aux communautés et à la société ontarienne dans son ensemble. On y démontre en quoi cette pratique est nocive et on souligne la nécessité de mesures vigoureuses pour la combattre.

Lors de la planification de l'enquête, la Commission a consulté un bon nombre des groupes touchés. Des organismes communautaires autochtones ont insisté sur l'importance de faire participer des personnes autochtones en tenant compte de la problématique propre à ce groupe et sur la nécessité d'une discussion du contexte spécifique, d'ordre historique et social, qui sous-tend l'expérience du profilage racial chez les Autochtones. En conséquence, le rapport consacre une section distincte au vécu de la communauté autochtone de l'Ontario à cet égard - ce qui ne diminue en rien l'importance accordée à l'expérience des autres communautés pour qui le profilage présente des particularités distinctes dans chaque cas.

Atteinte à nos perspectives d'avenir

La prospérité et le bien-être futurs de toute la population ontarienne sont tributaires des perspectives d'avenir de nos enfants et de nos jeunes. Nous sommes unanimes à souhaiter que nos enfants, comme d'ailleurs tous les enfants, aient une enfance heureuse et épanouie et deviennent des adultes équilibrés. En outre, il est dans l'intérêt de la société dans son ensemble que chaque enfant réalise son plein potentiel et ne connaisse aucune restriction à ses chances de contribuer au bien-être de la province.

Pourtant, au cours de son enquête sur le profilage racial, la Commission a constaté qu'un des impacts les plus importants et les plus durables du phénomène est le préjudice causé à nos enfants et à nos jeunes. Le profilage racial qui s'inscrit dans plusieurs contextes, tout particulièrement dans le système scolaire et dans les services de police, compromet les perspectives d'avenir de nos enfants et de nos jeunes et, par-là, la prospérité future de la société ontarienne.

Le droit à l'éducation est un droit de la personne reconnu au niveau international comme étant fondamental pour la vie de la personne et pour la collectivité dans son ensemble[35]. Au Canada, l'éducation est reconnue par la loi à titre de bien social fondamental. C'est l'éducation qui donne accès aux chances de développement personnel, social et scolaire, jouant ainsi un rôle important quant à l'emploi et à l'intégration future à la société. Le milieu scolaire est l'un des premiers lieux où les enfants entrent en contact et apprennent à interagir les uns avec les autres et avec des personnes en position d'autorité. C'est souvent par rapport à leurs enseignants que les enfants élaborent leur perception de soi et du monde qui les entoure. À ce titre, l'expérience scolaire peut avoir un effet majeur sur l'image et l'estime de soi des enfants ainsi que sur leur développement ultérieur.

La Commission a cependant appris que beaucoup s'inquiètent du profilage racial dont ils constatent l'action au sein du système éducatif. Cette inquiétude est partagée par les membres de plusieurs communautés, en particulier des communautés afro-canadienne, latino-américaine, chinoise, vietnamienne et arabe. On a fait part à la Commission du sentiment que les enfants issus de ces groupes sont souvent stéréotypés, qualifiés d'« esprits lents » et taxés d'agressivité, et qu'ils sont donc considérés comme les instigateurs des conflits et problèmes qui surviennent à l'école. Un comportement qui serait vraisemblablement considéré inoffensif ou simplement « exubérant » s'il était le fait d'un autre enfant est interprété comme menaçant dès qu'il s'agit d'un enfant de minorité racialisée. Les participants à l'enquête ont de plus ajouté qu'on présume parfois que les enfants issus de leurs communautés respectives participent à des activités de bandes criminelles lorsqu'ils se tiennent avec d'autres enfants de même origine. Ajoutons une autre préoccupation commune : si un incident met en cause un enfant blanc et un enfant racialisé, la version de ce dernier sera considérée comme moins crédible et il aura plus de chances que l'autre d'être puni ou de subir une punition plus sévère.

Les politiques préconisant une tolérance zéro à l'égard des actes de violence ont été citées comme étant une importante source d'inquiétude pour les communautés racialisées. On y est persuadé que la Loi sur la sécurité dans les écoles et les politiques des conseils scolaires prises en application de cette loi ont un impact disproportionné sur les élèves issus de minorités raciales. Les recherches de la Commission ont révélé l'existence de preuves empiriques à l'appui de ce sentiment, bien qu'il soit difficile de mesurer les ramifications de la Loi et des politiques afférentes dans une perspective statistique, car on ne recueille pas de données sur l'origine raciale des élèves soumis à des mesures disciplinaires. Malgré qu'il y ait peu de statistiques pouvant confirmer la perception répandue que les élèves issus de minorités raciales sont touchés de façon disproportionnée par les politiques de tolérance zéro, les auteurs de l'étude Racial and Ethnic Minority High School Students' Perceptions of School Disciplinary Practices: A Look at Some Canadian Findings en viennent à la conclusion qu'il est impératif de se pencher sur cette perception du profilage racial au sein du système scolaire, parce qu'il s'agit d'« une réalité psychologique qui influe sans aucun doute sur l'apprentissage et le rendement des élèves[36] ».

Des participants ont souligné que la Loi sur la sécurité dans les écoles et les politiques préconisant un degré zéro de tolérance formulées par les conseils scolaires semblent entraîner un effet général négatif, non seulement sur les élèves, mais aussi sur leurs familles, leurs communautés et la société dans son ensemble. Les impacts les plus couramment relevés sont la perte de scolarité et d'accès à des programmes éducatifs, un impact psychologique négatif, une tendance accrue à voir les enfants comme des délinquants, souvent pour des comportements qui ne constituent aucun danger pour la sécurité d'autrui, et la promotion de comportements antisociaux.

La perte de scolarité et la perte d'accès à des programmes éducatifs sont parmi les pertes les plus concrètes et les plus lourdes qui puissent advenir à un enfant. Dans certaines écoles, on impose des suspensions dès la maternelle et jusqu'en sixième année. Dans certains cas, les élèves suspendus sont absents de l'école pendant de longues périodes. On a informé la Commission que les enfants reçoivent rarement des travaux de rattrapage à effectuer pendant ce temps; ceux qui sont expulsés trouvent très difficile de se faire admettre à un programme parallèle ou dans une autre école. Tout cela peut être catastrophique pour l'avenir des enfants. Toute aspiration à des études supérieures peut s'effondrer, et même l'obtention du diplôme d'études secondaires peut être compromise.

« Il a perdu un an et demi de scolarité. C'était un des meilleurs étudiants de sa classe. Il achevait sa 13e année et il avait rempli tous les documents nécessaires pour l'admission à l'université. Il a perdu tout cela... Il essaie de terminer son cours secondaire en suivant des cours du soir... » (J.)

« Mon fils aîné a été l'une des premières victimes du degré zéro de tolérance, et cela lui a coûté la perte de deux années d'études, au secondaire. ...Il ne pouvait plus être admis nulle part. Vous savez, cela a été très dur pour lui de retourner aux études pour terminer son secondaire. Non seulement parce que les écoles ne voulaient pas l'inscrire, mais aussi parce qu'il avait perdu tout intérêt... » (S. M.)

Autre sujet d'inquiétude : le recours accru aux suspensions et expulsions peut porter les élèves à décrocher. Cette crainte semble fondée, car des études réalisées aux États-Unis confirment que la suspension est un prédicteur fiable (de moyen à excellent) de décrochage et que la suspension ou l'expulsion compte parmi les trois principaux motifs de décrochage liés à l'école[37].

Quantité de témoignages insistent sur l'impact psychologique négatif que le profilage peut avoir sur les enfants et les adolescents qui en sont victimes ou témoins. Par exemple, une mère de famille déclarait : [traduction] « Mes enfants ont été profondément affectés, leur moral miné et leur stabilité affective détruite. » (K. L.) Une autre faisait remarquer que le profilage en milieu scolaire aura sans doute des conséquences à long terme : [traduction] « Si cela se produit à l'école, à un moment où l'on forme ses idées et ses impressions sur le monde, comment croit-on alors que les jeunes Noirs se sentiront et agiront une fois en milieu de travail? » (T. R.)

Même si le profilage ne survient pas à l'école, il peut se répercuter sur le rendement scolaire de l'enfant ou sur ses projets d'avenir. Un parent rapportait qu'un incident mettant en cause les services policiers locaux avait eu un impact psychologique si profond sur son fils que celui-ci était « en dépression et refusait de retourner à l'école ». Ajoutons que cet adolescent est un athlète d'élite, qui rêvait de représenter le Canada aux Olympiques, mais pour qui cet objectif est désormais compromis. Un autre parent relevait que, à la suite d'un incident survenu ailleurs qu'à l'école, « le rendement scolaire de son fils avait chuté cette année-là ».

D'autres parents révèlent que leurs enfants n'aspirent plus à certaines carrières, à cause de leur perception du profilage : « Les rêves de mon fils ont été détruits. Il voulait devenir agent de police depuis l'âge de quatre ans, mais, aujourd'hui, il dit que jamais il ne le sera. » (M. P.) De plus, pour les jeunes, les perspectives d'emploi ou la capacité de réussir dans la vie peuvent être directement entravées par le profilage : [traduction] « Un stress extrême s'exerce sur les jeunes, qui sont devenus craintifs. Plus que méfiants. Ils sont devenus stoïques. Ils sont devenus froids et durs. Ils ne veulent pas manifester d'émotions. Ils ne veulent pas manifester de crainte. Et cela s'exprime dans toute leur vie sociale. Cela veut dire qu'ils ont de la difficulté à trouver un emploi, à faire des démarches pour négocier un emprunt. Ils deviennent dysfonctionnels. » (B. K.)

Une autre conséquence psychologique marquante, maintes fois citée par les participants, est l'impact du profilage racial sur l'assurance et l'estime de soi des enfants. Une participante raconte avoir souffert du profilage racial à l'âge de six ans. Seule élève afro-canadienne dans l'école, elle était punie à répétition parce qu'elle « était mauvaise » et on a jugé qu'elle souffrait de retard du développement parce qu'elle manifestait des comportements enfantins normaux, tels que bavarder en classe. Les autorités scolaires avaient suggéré de la placer dans une classe pour enfants en difficulté. Là-dessus, ses parents avaient décidé de l'inscrire à une autre école, où, grâce à un test de QI, elle a pu faire partie d'une classe enrichie. Elle termine actuellement une maîtrise dans le domaine de la justice pénale. Malgré tout, elle ressent toujours l'impact de ce profil de mauvaise enfant, subi dès l'âge le plus tendre :

« Je me suis sentie humiliée. Coupable de quelque chose qui n'aurait pas dû m'être reproché. Je commençais à douter de mes capacités. Je suis peut-être stupide. Je suis peut-être méchante. Une enfant détestable. Peut-être que... J'en suis même venue à avoir un ulcère dans la bouche, pour cette raison. Comment en arrive-t-on là! ... Une enfant de six ans avec un ulcère! Cette expérience m'a psychologiquement démolie. Mon estime de moi-même, entre autres. Bien que j'aie eu du succès dans mes études, je me sens toujours inférieure aux membres de la majorité (les Blancs), et je tente tous les jours, grâce à la psychothérapie, de dissiper ce nuage sombre qui me masque le monde entier. J'étais une bonne petite fille, aimable et aimante, qui ne méritait nullement ce genre d'épreuve. Cela ne devrait arriver à aucun enfant, d'ailleurs. » (S. I.)

Maints participants ont noté que l'impact psychologique du profilage racial sur leurs enfants avait provoqué un comportement antisocial, même chez les plus petits. On a également exprimé la crainte que le profilage n'entraîne, à long terme, un risque accru de criminalisation. Plusieurs parents ont avoué une hantise : que, à cause du profilage racial, leur enfants, leurs fils surtout, se considèrent comme des fauteurs de troubles, ce qui pourrait les mener à mal se conduire. D'autres parents se sont dits terrifiés à l'idée que leur enfant finisse par se sentir à tel point frustré par les incidents de profilage qu'il pourrait réagir de manière à provoquer un affrontement avec les autorités et à écoper d'accusations criminelles.

« ... elle a constaté un grand changement chez lui. C'était un enfant sage et obéissant, alors que, maintenant, elle a devant elle un enfant tout autre, qui ne l'écoute plus et qui est aussi devenu extrêmement agité. » (C. L.)

« Quand on est jeune et que les gens pensent qu'on est méchant, pourquoi s'efforcer de bien agir? Si on doit se faire traiter comme un criminel, pourquoi est-ce qu'on devrait se donner la peine d'essayer, vous savez, de s'améliorer?... Ce que je crains, c'est que, un de ces jours, mes enfants vont en avoir ras-le-bol, qu'ils vont adopter une attitude frondeuse, vous savez, et qu'ils vont se faire arrêter. » (S. M.)

« Mais cette situation m'épouvante littéralement, parce que j'ai des enfants adolescents et un fils plus âgé, et j'ai peur quand ils vont dans un centre commercial... Je suis toujours en train de donner des conseils à mon fils, à cause de phénomènes comme celui-ci, sur la façon de se conduire quand on sort et sur ce qui se passe quand quelque chose comme ça arrive : la réaction s'exprime par la colère, par la frustration; et à leur âge, s'ils réagissent, c'est l'escalade et ça dégénère. » (L. V.)

« Si on traite les enfants de cette façon, la société n'a plus qu'à leur construire des prisons pour plus tard. » (C. P. J.)

Des personnes qui travaillent auprès des enfants et des jeunes confirment que les élèves suspendus sont plus susceptibles de passer leur temps dans la rue et dans les centres commerciaux, ce qui donne lieu à une possibilité accrue de contacts avec la police. Les enfants qui ne vont pas à l'école sont plus susceptibles de rencontrer des jeunes antisociaux, d'apprendre des comportements antisociaux et d'en adopter. Par exemple, David R. Offord, directeur du Centre for Studies of Children at Risk, fait le commentaire suivant :

[traduction]

Une fois que les enfants ne suivent plus la filière habituelle et qu'ils sont expulsés, ils sont décidément sur une autre voie. Tout d'abord, ils n'ont pas grand-chose à faire pendant la journée. Ils peuvent rencontrer des jeunes plus âgés ou d'autres jeunes qui éprouvent des difficultés. ...Dans certains écrits, on souligne que si l'on met ensemble des jeunes à caractère antisocial, cela a pour effet d'accentuer leur comportement antisocial. ...Cela peut avoir un impact sur la collectivité où ils vivent et, bien entendu, contribuer à amplifier un problème important au Canada, celui d'un comportement antisocial grave, avec ou sans violence[38].

Quantité de parents signalent avoir modifié leur manière d'élever leurs enfants en raison de la crainte du profilage racial. C'est ainsi qu'ils se contraignent à exhorter leurs enfants à adopter certains comportements, à énoncer des règles sur la façon dont ils doivent s'habiller pour sortir, à restreindre leurs périodes de sortie et les lieux qu'ils sont autorisés à fréquenter. Les parents croient que ces stratégies et mécanismes d'adaptation sont nécessaires pour préparer leurs enfants à d'éventuels incidents de profilage et pour les protéger de conséquences négatives le cas échéant. Ce type d'expérience ne peut qu'entraîner de profondes répercussions pour l'enfant ou l'adolescent, au fur et à mesure que s'ancrent dans son esprit la crainte du profilage racial et la nécessité qui s'ensuit de modifier son comportement.

La section du rapport intitulée Changements de comportement renferme une discussion plus poussée de la socialisation des jeunes en vue de composer avec le profilage; il est cependant important de noter ici que ces types d'expériences subies pendant les années de formation sont susceptibles d'avoir un impact encore plus marquant et durable sur un jeune que sur un adulte.

Méfiance accrue à l'égard de nos institutions

L'un des coûts sociaux du profilage racial est en lien étroit avec l'« atteinte à nos perspectives d'avenir » : c'est la méfiance prononcée qui grandit, tant chez les enfants que chez les adultes, à l'égard de nos principales institutions.

Nul ne peut contester que la confiance de la population dans les institutions et systèmes - système de justice pénale, maintien de l'ordre, contrôle douanier et frontalier et système scolaire - est une pierre d'angle de la démocratie et de toute société où règne l'ordre et l'harmonie. Toutes ces institutions exigent des citoyens une collaboration positive et coopérative, afin qu'elles puissent s'acquitter de leur mandat de façon optimale. Par exemple, un système de justice ne peut être fort que si les citoyens ont confiance en l'équité du processus; le maintien de l'ordre dans la collectivité se fonde sur la confiance des citoyens en la police et sur leur volonté de collaborer avec elle; de même, les enseignants ne peuvent faire oeuvre utile qu'en s'attirant le respect de leurs élèves. La section intitulée Existence du profilage racial renferme une discussion plus poussée de l'importance particulière de bonnes relations entre la police et la collectivité, fondée sur l'expérience de divers territoires de compétence aux États-Unis.

Le profilage racial mine gravement la confiance de la population à l'égard des institutions. De nombreux témoignages décrivent une méfiance accrue, à titre personnel ou collectif, envers les agents de police, le système de justice pénale, le système scolaire, les agents des douanes, les agents de sécurité des commerces et des centres commerciaux et la société en général. Une personne qui avait elle-même été victime d'un acte criminel est allée jusqu'à déclarer s'être sentie « trahie » par la police, parce qu'il lui semblait que celle-ci mettait moins de sérieux à son enquête criminelle parce que le suspect était « un Blanc ». Le plus fort sentiment de méfiance se retrouve chez les personnes racialisées, mais on le relève aussi chez un certain nombre d'autres participants qui se disent « de race blanche ». Par conséquent, le problème de la méfiance n'est pas particulier à une communauté; il imprègne tous les secteurs de la société.

La méfiance peut découler d'expériences personnelles, du fait d'avoir été témoin d'un incident de profilage, de connaître quelqu'un qui a été soumis au profilage, ou découler simplement de la perception largement répandue de l'existence du profilage dans la société. En outre, comme nous en avons traité plus tôt, cette méfiance est accentuée par la réticence des institutions à reconnaître le problème et à amorcer un processus constructif pour le régler. Les participants ont aussi expliqué que leur méfiance envers une institution peut s'intensifier s'ils savent que celle-ci ne se soucie pas d'assurer la diversité raciale en son sein ou que ses membres ne reçoivent pas de formation continue et approfondie en matière d'anti-racisme.

Nous l'avons déjà dit, l'enquête a porté sur toutes les formes de profilage racial et ne ciblait pas nommément la police. Cependant, l'institution la plus couramment signalée comme s'étant aliéné la confiance d'une personne ou d'une communauté est la police, et ce dans toutes les parties de la province. Nombre de témoignages attestent un virage dans la perception des services policiers à la suite d'un incident, même unique. D'autres témoignages indiquent que plusieurs affrontements mènent une personne à perdre toute confiance en la police. Maints parents ont dit ressentir le besoin d'avertir leurs enfants ou d'autres jeunes de leur famille d'être prudents en présence des policiers.

« J'avais coutume de dire à mes trois enfants qu'ils devaient sourire aux agents de police et les saluer lorsqu'ils les apercevaient dans la rue. Que c'étaient leurs amis. Je ne peux honnêtement dire la même chose à mes petits-enfants. J'ignore quel type de réaction ils susciteraient. Je pensais autrefois que c'était sans danger. Mais aujourd'hui, je ne salue plus les agents de police et je ne leur souris plus... J'aimerais tellement mieux pouvoir dire à mes petits-enfants - souvenez-vous de sourire aux policiers quand vous les voyez - ce sont vos amis. Faites appel à eux, si vous êtes en difficulté. » (T. S.)

« Mon neveu fait partie de la génération montante et déjà, à l'âge de 15 ans, il manifeste des préjugés envers la police. » (L. F.)

Un témoignage émouvant nous est venu d'un jeune enseignant. Un jour qu'il était au volant, il s'est trouvé encerclé par des voitures de police, a reçu l'ordre de sortir de sa voiture et s'est fait demander s'il ne transportait pas des drogues ou des armes. Pendant qu'un des agents vérifiait son identité, un autre a fouillé son véhicule. Et cela s'était passé au beau milieu de la journée, dans la collectivité où le jeune homme enseigne. Il a eu l'impression de se donner en spectacle, a été humilié et surtout très inquiet de la possibilité que ses élèves ou que certains de leurs parents aient connaissance de l'événement. Ce jeune homme avait subi de nombreuses arrestations et fouilles policières en un très court laps de temps, ce qui l'avait conduit à se sentir extrêmement frustré et méfiant à l'égard de la police. Il décrivait l'impact de ces expériences sur sa capacité d'inculquer à ses élèves un sentiment de confiance à l'endroit des services policiers.

« Enfant de race noire, j'ai grandi en Jamaïque; ma grand-mère m'avait enseigné à respecter la police, et j'aurais voulu devenir policier à cette époque de ma vie. Après mon arrivée au Canada, à l'âge de 13 ans, je suis devenu de plus en plus méfiant envers la police, à la suite de quantité de mauvaises expériences... Avec le temps, mon opinion sur les motifs et procédés de la police a radicalement changé par rapport à celle que m'avait enseignée ma grand-mère... J'ai toujours été un citoyen respectueux des lois, et j'ai travaillé très dur pour obtenir un diplôme d'études postsecondaires et une attestation de compétences en enseignement de l'Ontario. J'ai travaillé auprès des enfants pendant mon adolescence, au sein de programmes d'entraînement sportif et d'instruction générale. Mes superviseurs et d'autres m'ont toujours appris à encourager les enfants à établir des relations de confiance avec la police. À titre d'enseignant, ma philosophie me dicte de montrer aux enfants à se concentrer sur l'acquisition d'une bonne instruction et la recherche des moyens de se donner un meilleur avenir. Le segment de cette philosophie qui se rapporte à l'interaction avec la police, je le trouve difficile à communiquer de façon convaincante, à cause de mes expériences personnelles. Je voudrais bien changer ce sentiment inconfortable de méfiance que j'éprouve à l'égard de la police. » (R. R.)

Voici des termes qui étaient employés pour décrire les effets du phénomène sur les relations avec la police : soupçon, méfiance, colère, antagonisme, hostilité, peur. Beaucoup ont dit craindre pour leur propre sécurité en présence d'agents de police et plusieurs ont déclaré que, au lieu de croire que la police était là pour les protéger d'actes criminels, ils ressentaient le besoin d'être protégés de la police.

« Quand je vois les policiers passer, même si je me trouve dans une zone de la MTHA [Metro Toronto Housing Authority] avec un autre étudiant de l'université, je m'arrête toujours pour voir s'ils ne sont pas en train de m'interpeller. C'est un sentiment de crainte et d'infériorité, car ils sont en position d'autorité. Nous ne devrions pas avoir peur de gens qui sont censés protéger nos droits. » (S. B.)

Les parents, en particulier, ont dit être terrifiés que leurs enfants, leurs fils surtout, aient des ennuis, chaque fois qu'ils sortent de la maison. Une mère de famille a décrit le choc qu'elle avait éprouvé en apprenant que son fils, étudiant à l'Université de Toronto, avait été jeté par terre par deux agents de sécurité alors qu'il attendait tranquillement son train en lisant un livre, dans la station de métro avoisinant la maison. Il avait fait l'objet de commentaires déplaisants, comme quoi il ne pouvait pas être réellement un étudiant d'université et qu'il n'avait certainement pas les moyens de vivre dans un aussi beau quartier.

« Mon fils a terminé ses études secondaires au Ridley College, ayant décroché le prestigieux Mérite scolaire de l'Ontario. Les prix et distinctions qu'on lui a décernés sont trop nombreux pour en faire la liste. Je me contente de dire qu'il est un de nos leaders de demain - si seulement on lui donne la chance de survivre. En ma qualité de médecin, je dois maintenant affronter la dure réalité des faits statistiques. Les trois principales causes de mortalité chez les jeunes hommes de 15 à 24 ans sont l'homicide, le suicide et les accidents d'automobile. Mon fils ne boit pas, il ne fume pas, ne fait pas usage de drogues illicites et n'a pas de voiture. Dois-je m'attendre à recevoir un téléphone m'apprenant qu'il a été abattu par un agent de police? Le choc psychologique de ces expériences laisse souvent les reliquats les plus pernicieux. » (S. B.)

Une foule d'autres parents ont décrit leurs émotions, ainsi :

« Mes amis blancs sont stupéfaits, parce que leurs fils, eux, ne se font pas arrêter, et mes amis qui ont des enfants noirs ont peur, parce que leurs propres fils adolescents se sont déjà fait arrêter ou qu'ils ont des garçons plus jeunes qui grandissent et qui vont, ils le savent, subir le même sort. ... [Dans la collectivité], il y a un effet de terreur, une perte de confiance et des craintes pour la sécurité des enfants. » (D. W.)

« Maintenant, j'ai très peur pour mes deux garçons. J'ai peur de les laisser sortir. Je ne peux pas dormir quand ils sortent. Je suis terrifiée quand ils sortent avec des amis noirs. Ils sont comme un aimant. Ce n'est pas juste que quatre jeunes Noirs ne puissent pas aller faire un tour en paix. » (S. N.)

Ce même type de crainte était signalé par Stephen Lewis, dans son rapport de 1992 sur les relations de la police avec les minorités visibles. Une enquête récente sur les jeunes de la région de Toronto confirmait la crainte des contacts avec la police[39].

Chez les personnes qui ont émigré de pays dont le gouvernement ou les systèmes policiers sont répressifs, le sentiment de méfiance est particulièrement marqué, tout incident pouvant déclencher le souvenir des sévices qu'ils ont subis aux mains des systèmes qu'ils ont fuis : [traduction] « Beaucoup de membres de la communauté latino-américaine viennent de pays où la répression règne et les services policiers de l'État sont tyranniques. En fait, nous avons beaucoup discuté des craintes qu'éprouvent certains membres de notre communauté à l'égard de la police. Nous faisons le lien entre répression et État policier. Quand on m'a arrêté, ma famille a été ébranlée, parce que ce genre d'incident évoque immédiatement des souvenirs de brutalité policière. » (M. S. M.)

La communauté somalienne d'une ville ontarienne déclare une réaction analogue face au comportement de la police locale : [traduction] « Pour les immigrants, dans la population somalienne et dans la population africaine en général, il semble que la police d'ici ne soit pas différente de celle des dictatures d'outre-mer. Quand ils ont été témoins d'actes de violence dans leur pays d'origine et qu'ils se retrouvent aux prises avec la même situation ici, ils se disent : eh oui, la police est bien la même dans le monde entier. ... Cela ne favorise certainement pas le type de compréhension, d'acceptation et de participation à une culture pluraliste que le pays est censé défendre. » (Windsor and District Black Coalition)

En traitant du sentiment de méfiance, la plupart des participants ont aussi ajouté qu'ils n'avaient plus confiance aux processus mis en oeuvre pour traiter les plaintes déposées contre la police ou d'autres organismes, telles que l'Agence des douanes et du revenu du Canada. Les participants avaient l'impression qu'on les empêchait ou les décourageait de porter plainte, ils disaient ne pas pouvoir se fier au processus en raison de son manque d'indépendance et les résultats n'avaient fait qu'aggraver leur sentiment de méfiance ou d'injustice. Un thème qui revenait constamment était l'apparent manque d'impartialité, dans des situations où « c'est la police qui enquête sur la police » :

« À trois reprises, j'ai essayé de déposer une plainte auprès de la police. ... [Le service] a refusé de me renseigner sur le processus à suivre pour déposer une plainte. Je n'ai pas réussi à découvrir comment obtenir justice. » (O. B.)

« Il n'y a rien que je puisse faire, car je sais comment le système fonctionne. Y a-t-il seulement un organisme indépendant auprès duquel porter plainte? » (S. M.)

« J'ai consulté un avocat et, d'après lui, poursuivre la police ou la famille devant un tribunal civil ne m'avancerait à rien. Il n'y aurait aucune garantie d'avoir gain de cause, et le montant adjugé le cas échéant n'épongerait même pas les frais d'avocat. J'ai déposé une plainte auprès du comité de révision approprié des services policiers. Le résultat a été insatisfaisant sur toute la ligne. L'agent de révision n'a fait qu'accentuer mon humiliation, en réaffirmant que la police n'était pas en faute. » (R. Y.)

Certains commentaires portent sur la perte de confiance et de respect à l'égard de l'appareil judiciaire, ainsi : « Avant, je croyais en l'intégrité de notre système judiciaire. Que j'ai été naïf! Le système judiciaire protège ceux qu'il veut bien protéger; le reste d'entre nous sommes des moins que rien, des êtres réprouvés à cause de nos antécédents sociaux ou économiques. » (M. Q.)

Malheureusement, le sentiment de méfiance qu'éprouvent certaines personnes envers les services policiers et le système judiciaire les décourage de coopérer avec la police ou de chercher son aide en cas de besoin.

« Lorsque j'ai des problèmes, je ne fais pas appel à la police. Et je n'ai pas l'intention de le faire à l'avenir non plus. Toutefois, si un problème exige absolument l'aide de la police, si je peux la demander anonymement, par téléphone, et qu'ils ne peuvent pas se rendre compte que je suis un Noir, c'est ce que je ferai. » (T. B.)

« Le profilage ne sert à rien, sinon à engendrer méfiance et ressentiment, cause de réactions négatives au sein de la communauté. C'est en partie pourquoi les forces policières n'obtiennent guère de coopération de la part de la communauté noire. Si une personne ne se sent pas appréciée par le système, elle peut devenir une force négative. » (W. H. B.)

« Dans la communauté noire, les gens ont peur de parler à la police... Il y a sans doute de bons policiers, mais ceux qui ne le sont pas nous rendent méfiants à l'égard de tous. Cela leur rend plus difficile la tâche de lutter contre l'élément criminel. » (S. N.)

D'autres croient même que les incidents de profilage racial peuvent inciter les gens à ne pas se conformer à la loi.

« Sur le site Web de l'Agence des douanes et du revenu Canada, à la rubrique Équité et droits des clients, on trouve la déclaration suivante : l'ADRC suit le principe fondamental selon lequel tout client qui est traité de façon équitable se conformera plus facilement à la loi. ... Or, être soumis à un interrogatoire et à une fouille complète huit fois sur neuf, ce n'est pas la même chose qu'être soumis à une fouille de temps à autre, et ce n'est certainement pas un traitement équitable. ... Il s'agit de ciblage. Si l'on veut s'assurer que les gens qui traversent la frontière respectent les lois canadiennes, il est impérieux que les agents des douanes et de l'immigration reconnaissent que l'origine ethnique, l'accent, le pays de citoyenneté, le type de vêtement ou la marque de véhicule ne sont pas des indices d'intentions délictueuses ou d'agissements criminels. » (L. E. K.)

« Lorsque les enfants issus de minorité se voient refuser le respect de leurs droits, qu'ils sont victimes de violence verbale et de menaces physiques, qu'ils sont humiliés et traités comme des inférieurs, l'effet est prévisible. Il y a aliénation à l'égard de la loi que ces personnes prétendent représenter, ce qui engendre une véritable contre-culture dans laquelle « la loi » est perçue comme un instrument négatif, qui ne devrait pas être respecté et qu'il faudrait remettre en question ou ignorer complètement. Les comportements déviants deviennent la norme pour ceux qui n'ont aucune raison de respecter la loi. Or, cela n'est pas dans l'intérêt du bien commun. » (B. K.)

Dans certains cas, les participants décrivent les relations entre la police et la communauté comme étant ponctuées par une escalade de conflits; ils relèvent que, dans la communauté, on sent que la situation est de plus en plus « explosive ».

Ces retombées du profilage racial sont confirmées par l'expérience de certains territoires des États-Unis. Et le Groupe d'étude sur les relations entre la police et les minorités raciales, présidé par Clare Lewis, attestait dans son rapport de 1989 que « le pire ennemi d'une surveillance policière efficace est l'absence de confiance de la part du public[40] ». De façon analogue, une étude de Carl E. James conclut que la nature antagoniste des arrestations policières contribue fortement à l'hostilité qu'éprouvent les jeunes Noirs envers la police[41].

Cette réalité a certes un impact négatif sur les organismes policiers et leur capacité de servir efficacement la population, mais l'effet sur la personne qui conçoit de la méfiance à l'égard de la police et du système de justice pénale peut être encore plus néfaste. Ainsi que l'écrit un avocat de droit criminel :

[traduction]

Je perds le compte des fois que je me suis entendu dire par de jeunes clients noirs exaspérés : « Comme la police va m'arrêter de toute façon (alors que je n'ai rien fait de mal), je serais aussi bien de faire quelque chose (d'illégal), au moins je mériterais ce qui m'attend. » Le profilage racial entraîne ainsi les dommages les plus insidieux chez les jeunes. Il perpétue un cycle qui aboutit à la perte de tout respect pour la loi chez les jeunes, ce qui à son tour mène quelques-uns d'entre eux à passer à l'acte[42].

Cette méfiance à l'égard de la police est aussi mentionnée comme facteur de la réticence à vouloir devenir policier. Le nombre relativement faible des personnes racialisées au sein des organismes policiers, aux niveaux supérieurs spécialement, exerce un impact négatif sur la capacité de ces organismes à réagir efficacement aux préoccupations des communautés en matière de profilage.

D'aucuns déclarent que, en conséquence de leurs expériences, ils ont également perdu tout respect pour d'autres types de représentants de l'autorité : « J'ai changé d'attitude au sujet des gardiens de sécurité. Avant, je pensais qu'ils avaient pour tâche de protéger l'immeuble, mais maintenant, quand je vois un gardien, je cherche à m'esquiver. Je n'ai aucun respect pour eux. » (T. J.)

Dans le contexte du système éducatif, quantité de parents déclarent ne plus avoir confiance dans les enseignants et les administrateurs d'école. Ils signalent que cette perte de confiance les fait hésiter à envoyer leur enfant à l'école, qu'ils ont le sentiment de devoir chercher des occasions de changer leur enfant d'établissement ou même de les retirer carrément pour les faire étudier à la maison. Dans les deux cas, on aboutit à des inconvénients majeurs, sans mentionner les perturbations pour l'enfant. De plus, des parents signalent que leurs enfants n'ont plus confiance dans le système scolaire et n'ont plus de respect pour leurs enseignants.

« [Mon fils] est de retour à l'école maintenant, mais le simple fait de passer devant les bureaux de l'administration le rend nerveux. Toute cette affaire l'a intimidé et traumatisé au possible. Il est anxieux en présence des dirigeants de l'école. Il n'a plus aucune confiance, après ce qu'ils lui ont fait. Il évite tout contact avec les autorités. La confiance a disparu. ... Ses études sont devenues rebutantes pour lui, une source de pressions. Il se sent extrêmement mal à l'aise dans un milieu qui, pourtant, devrait favoriser l'apprentissage. » (K. N.)

« J'ai essayé de collaborer avec le personnel scolaire, sans beaucoup de succès. Je suis en colère, extrêmement frustré, et je ne peux plus tolérer la situation. J'ai retiré mon enfant du système scolaire pour le confier à ma mère, et il fait maintenant des études à domicile. » (N. C.)

« J'essaie de conserver une attitude positive, dans l'intérêt de ma fille. Mais je me sens réellement mal à l'aise quand je la conduis à l'école, sauf que je n'ai pas le choix actuellement, puisque je suis une mère célibataire. » (C. L.)

« Je n'ai pas confiance dans le système des écoles publiques, dans celui de la police ou dans celui des tribunaux. Je me sens trahi, manipulé et méprisé. Voilà ce que je ressens. » (E. M.)

En outre, les parents indiquent qu'ils doivent constamment revenir à la charge pour tenter d'inculquer aux enfants un certain respect pour les représentants de l'autorité, car ce respect est miné par des incidents de profilage : « Les personnes qui représentent l'autorité donnent un exemple que je dois combattre tous les jours, si je veux que mes enfants et leurs amis traitent les autres décemment. C'est un combat sans fin. » (K. I.) De toute évidence, cette situation a un effet direct sur l'éducation et le développement des enfants, aussi bien que sur la capacité du système éducatif de dispenser des services à ces enfants.

En fin de compte, c'est la société qui subit le plus grand préjudice si le profilage racial aboutit à la perte de toute confiance à l'égard de la police, du système de justice pénale, du système éducatif et d'autres institutions. Comme le démontrent les impacts du profilage ci-dessus énumérés, les coûts sociaux à assumer lorsqu'on provoque la méfiance envers les institutions comprennent le manque de respect manifesté aux personnes qui leur sont associées, un plus grand nombre de délits à l'encontre des institutions ou de la loi, et la réticence à collaborer avec les institutions, par exemple à signaler les actes criminels dont on a connaissance, à agir comme témoins, etc. Les écrits sur la situation actuelle aux États-Unis démontrent que ce sont là les résultats concrets du profilage racial et que l'élimination de ce phénomène peut permettre de jeter des ponts entre les institutions et les communautés, dans le plus grand intérêt de tous :

[traduction]

De nombreuses autres villes américaines suivent maintenant des stratégies analogues, avec des résultats comparables. Les communautés se rallient à cette approche, attestant ainsi que si les autorités [policières] peuvent se servir de leur pouvoir de manière transparente et à bon escient - en concentrant leurs efforts non pas sur des catégories entières de jeunes mais sur les contrevenants dangereux, et ce judicieusement et avec les avertissements nécessaires -, elles peuvent compter sur leur appui [touchant les activités de maintien de l'ordre][43].

Aliénation et érosion du sentiment d'appartenance

L'Ontario a pour principe, ainsi que l'énonce le préambule du Code des droits de la personne de l'Ontario, de favoriser l'instauration dans la province d'un climat où toute personne se sente égale aux autres, partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l'avancement et au bien-être de la province. L'Ontario est la terre d'accueil de plus de deux millions de personnes qui appartiennent à des « minorités visibles[44] ». Pourtant, l'enquête de la Commission sur le profilage racial révèle que les membres de ces communautés ne se sentent pas citoyens à part entière de notre société. Et ce sentiment existe non seulement chez des immigrants de fraîche date, mais encore chez des personnes dont la famille est établie ici depuis de nombreuses générations.

Une foule de participants ont déclaré se sentir inférieurs ou dévalorisés sur le plan de l'appartenance à la société depuis qu'ils ont été victimes de profilage. C'est un sentiment humiliant, déshumanisant et douloureux :

« Combien de temps faut-il vivre au Canada avant d'être accepté? Il semblerait que 150 ans de contribution à la collectivité, ce n'est pas encore suffisant. » (A. M.)

« Je vis au Canada depuis janvier 1980. Arrivé à l'âge de trois ans, j'ai fait toutes mes études ici depuis la maternelle, et la nationalité « canadienne » est la seule que j'ai. J'ai douloureusement compris lors de l'incident qu'il y avait deux classes de citoyens. Ceux d'ascendance européenne et ceux des autres pays. J'ai compris que je ne pourrais jamais être un citoyen canadien à part entière, c'est-à-dire un citoyen traité avec tous les privilèges que cela comporte. J'ai vécu là une expérience déshumanisante à l'extrême. » (H. K.)

« [Je me suis senti] dégradé, dévalorisé, ridiculisé - certainement pas traité comme un citoyen canadien, ce que j'ai cru être pendant les 90 % de ma vie. » (L. L.)

« Je suis né à Toronto et j'ai vécu ici toute ma vie... Je voudrais bien sentir que ma qualité de Torontois et mes droits en tant que citoyen canadien sont aussi inviolables que ceux de mes collègues blancs. » (S. S.)

« Je trouve pénible de constater que les vendeurs des magasins supposent que je n'ai pas le moyen d'acheter les articles coûteux de leur établissement, ou encore que j'entre chez eux uniquement pour voler. Ce comportement entraîne un lourd sentiment de mésestime de soi, si bien qu'on se sent toujours inférieur dans une certaine mesure. » (T. E.)

Certaines personnes qui croyaient avoir réussi dans la vie et être d'un apport appréciable à la société canadienne ont comparé leur estimation de la valeur qu'ils pensaient y « ajouter » avec le degré de considération que leur manifeste cette même société. Ils sont aujourd'hui convaincus que, peu importe ce qu'ils réalisent et leur degré de réussite, ils seront toujours considérés comme faisant partie d'un élément indésirable de la société, ce qui est source de grande détresse pour eux.

« Je suis une jeune femme noire de formation universitaire. J'ai une profession et je suis propriétaire de ma maison. Ma contribution à la société est comparable à celle des autres Canadiens. Mais [parce que j'ai fait l'objet d'une surveillance par les agents de sécurité], on m'a fait sentir que je n'étais pas digne de me trouver dans leur magasin. Ils auraient aussi bien fait d'afficher des pancartes proclamant « Réservé aux Blancs... » (A. C.)

« Je suis enseignant au secondaire... et un citoyen respectueux des lois à tous égards. Je suis respecté par mes élèves et mes collègues, mais [en raison des questions déplacées auxquelles j'ai dû répondre aux douanes à mon retour de Jamaïque], on m'a fait sentir que j'étais un citoyen de deuxième classe. » (Y. N.)

« [En m'arrêtant parce que je conduisais une voiture immatriculée au nom d'un syndicat], on me signifie que je ne suis pas digne de travailler pour un syndicat parce que je suis Noire. Cet incident m'a fait sentir qu'on me considérait moins qu'un être humain. Cela me montre aussi que mon apport à la société canadienne n'est pas apprécié. » (M. W.)

Certaines personnes qui ont émigré d'autres pays décrivent aussi un profond sentiment de non-appartenance en conséquence d'une situation de profilage. Elles parlent d'un sentiment de rejet par la société canadienne en général, d'une sorte de message disant qu'elles seront toujours considérées comme étrangères. Certains immigrants parlent aussi d'un sentiment de désillusion ou de trahison, étant venus au Canada pour échapper à une société injuste, dans l'espoir de recevoir ici un traitement équitable.

Ce phénomène est clairement illustré par le compte rendu d'une Torontoise qui a émigré du Chili. Elle participait à une manifestation, quand elle a été appréhensée avec d'autres. Lors de sa comparution à l'enquête, le juge de paix a conclu que le cautionnement devrait lui être refusé en vertu de la présomption discriminatoire suivante : comme elle était originaire du Chili, pays dont les citoyens « c'est un fait bien connu » lancent des pierres, elle constituait un danger public. Son avocat a souligné qu'elle avait la nationalité canadienne depuis 27 ans, mais le juge de paix a de nouveau insisté sur le fait qu'elle était née au Chili. En conséquence, elle a passé quatre nuits en prison, uniquement à cause de cet incident. Après avoir enquêté sur l'affaire, le Conseil d'évaluation des juges de paix a statué que les commentaires de ce juge étaient déplacés et qu'il devait présenter des excuses. Mais cela n'a rien changé au fait que, à cause de cette décision, l'intéressée a passé quatre jours en prison, même si l'inculpation a ultérieurement été retirée. Elle décrit le sentiment que cette expérience lui a laissé dans les termes suivants :

« Pareil incident ébranle complètement l'idée qu'on se fait d'être devenue citoyenne du pays. En fait, on vous dit brutalement que vous ne serez jamais citoyenne, comme lorsqu'il a dit que, vu que j'étais née au Chili, peu importait le nombre d'années que j'avais été citoyenne canadienne. On vous dit à brûle-pourpoint que votre place n'est pas ici, peu importe que vous travailliez dur, vous savez, à quel point vous êtes productive dans la société, etc., etc., vous ne serez jamais chez vous ici. Et alors..., subitement, on vous rappelle de nouveau que vous êtes étrangère et que, en qualité d'étrangère, vous n'avez pas les mêmes droits... » (M. S. M.)

Des personnes s'étant déclarées musulmanes, arabes et sud-asiatiques avouaient se sentir rejetées après la tragédie du 11 septembre 2001. On a constaté une réticence considérable à témoigner chez les membres de cette communauté, en raison de la crainte des conséquences possibles. Néanmoins, la Commission a reçu des comptes rendus d'incidents, dont voici quelques-uns :

  • à l'aéroport international Pearson, on demande à un Sikh portant turban de sortir de l'avion à la suite de la plainte d'un passager;
  • des agents de police se rendent au lieu de travail des chefs de file de la communauté et les interrogent au vu et au su de leurs collègues;
  • une agence de transfert de devises refuse un envoi d'argent aux parents d'un client avant d'avoir au préalable obtenu une autorisation de sécurité, sous prétexte qu'il se prénomme « Muhammad »;
  • en classe, une élève palestinienne est forcée d'entendre un conférencier invité, dont l'exposé conclut qu'il ne faut pas faire confiance aux Palestiniens, à qui l'on apprend à agir de façon haineuse et à perpétrer des attaques terroristes;
  • des enfants et des adolescents sont la cible de commentaires les assimilant au terrorisme de la part des enseignants et d'autres élèves;
  • des personnes sont congédiées de leur emploi et/ou ont de la difficulté à en trouver un nouveau en raison de la perception qu'elles représentent une « menace pour la sécurité »;
  • une personne est soumise à un interrogatoire par les autorités policières, parce qu'elle est membre d'une organisation musulmane;
  • quantité de personnes sont soumises à des fouilles plus fréquentes et plus étroitement surveillées que les autres lorsqu'elles voyagent par avion ou passent la frontière Canada-États-Unis

On décrit comme suit certaines retombées de tels incidents :

« À cause des crises de larmes de ma fille, mon mari et moi étions prêts à faire nos bagages et à nous en aller. Après le 11 septembre, nous avons dû affronter beaucoup de haine et d'incitations à la haine, mais nous avions cru pouvoir tenir le coup dans la mesure où nos enfants en étaient protégés. Lorsque notre fille est revenue à la maison en larmes, nous nous sommes rendu compte que nous n'avions plus la force de continuer et de lutter contre le profilage racial. C'était simplement devenu écrasant. » (S. E.)

« Ma famille est accablée, car nous ne nous sentons plus en sécurité ici. Nous ne sommes jamais certains de ce qui nous attend. Nous ne savons pas à qui nous avons affaire et ce qui pourrait nous arriver. » (M. A.)

« [À la suite de cet incident, au cours duquel un Musulman a été interrogé au travail, en présence de ses collègues]... [lui et sa famille] ont été blessés à plusieurs titres, parce que ces gens avaient eu une raison précise d'émigrer au Canada; ils s'y sentaient très heureux, et ils étaient très - je veux dire, de bien des façons - fiers du Canada et tout à fait patriotes, alors qu'ils se sont soudainement sentis soupçonnés, ont senti que peut-être bien leur pays ne leur faisait pas confiance... Ils ont senti qu'ils n'étaient plus considérés comme des Canadiens. » (I. S.)

Dans cette communauté, on craint en général que les atteintes aux libertés aillent en s'intensifiant et que le nom de certains membres puisse se retrouver sur certaines « listes », aboutissant à des atteintes à leur vie privée, à d'autres incidents d'interrogatoire, ou pire.

Les représentants de cette communauté ont aussi souligné un de ses principaux griefs : le fait d'avoir été traitée comme une communauté sur laquelle on enquête plutôt que d'avoir été invitée à aider à résoudre le problème. Cette communauté est tout aussi préoccupée par la sécurité du Canada que le reste de la population et souhaiterait être invitée à offrir son aide ou des conseils touchant la sécurité de tous, plutôt que d'être uniquement traitée comme une menace.

Dans certains cas, le fait de se sentir comme un citoyen de « seconde classe » ou comme un indésirable au Canada est si profond que plusieurs quittent l'Ontario ou envisagent de le faire. Par exemple, une Coréenne a raconté que les membres de sa famille s'étaient réunis pour discuter sérieusement d'un retour en Corée.

Fait qui ne devrait étonner personne, des parents ont aussi rapporté que cette érosion du sentiment d'appartenance se manifestait également chez leurs enfants. Une mère de famille, racontant que ses fils avaient été interpellés et fouillés de nombreuses fois par la police, notamment au cours de deux incidents au cours desquels les agents avaient brandi leur arme, explique : « Ils vivent à Kingston depuis 16 ans, pourtant ils ne se sentent plus chez eux ici. » (D. W.) D'autres parents déclarent :

« ... il s'est toujours considéré comme un Canadien, très heureux et ainsi de suite, et il n'a jamais eu de problèmes. Je me souviens, il y a quatre ans, il avait 12 ans à ce moment-là, de l'avoir entendu dire, vous savez, que le racisme n'existait pas au Canada. ... [Comme il avançait en âge] et, de nouveau, comme je l'ai dit, tout d'abord, il y a eu les magasins, certains magasins, puis... à l'école... et, vous savez, pour lui, c'est comme s'il avait dit, eh bien, vous savez, alors je ne suis pas véritablement canadien, pas vrai? Vous savez, c'est la question qu'il me pose. » (S. M.)

« Juste avant de décoller, [mon collègue et moi-même], nous avons été appelés de l'intérieur de l'avion, et on nous a demandé de sortir avec notre bagage à main. On nous a dit que..., pour des raisons de sécurité, nous ne pourrions pas rester à bord. Après avoir demandé pourquoi, de façon répétée, on m'a dit qu'un passager s'était plaint au pilote que je le regardais fixement. Le pilote avait jugé que c'était là un risque pour la sécurité. ... Je porte un turban et le pilote m'a erronément pris pour un Musulman. ... Mon fils (âgé de 15 ans) a été réellement blessé par cet incident et il se demande si nos valeurs religieuses sont réellement protégées par notre qualité de citoyens du Canada. » (B. S. D.)

Enfin, quantité de participants ont dit avoir honte d'appartenir à une société où le profilage racial existe et semble toléré. Ce sentiment de malaise était particulièrement profond chez les participants à l'enquête qui s'étaient identifiés comme des Blancs : « Je me suis sentie mal à l'aise d'être Canadienne, et mon mari [un émigrant latino-américain] a changé d'opinion sur le type de pays qu'est le nôtre. » (A. F.) Il est clair qu'un grand nombre de gens pensent que le profilage racial est « non canadien », dans le sens que cette façon de procéder ne concorde pas avec les valeurs que prône le Canada ni avec sa réputation.

Il n'est pas douteux que les atteintes au sentiment d'appartenance et de fierté civique qui sont l'aboutissement du profilage racial soient indésirables, à plusieurs niveaux. En premier lieu, ce comportement ne concorde pas avec les valeurs que les Canadiens et les Ontariens tiennent en haute estime. Nous devrions être très inquiets de savoir que des concitoyens croient ne pas être traités avec la même dignité et le même respect que les autres; qu'ils croient être considérés comme moins dignes de la reconnaissance ou de la valeur qu'on accorde à tout être humain et aux membres de la société ontarienne. En deuxième lieu, un coût direct est imposé à notre société du fait qu'elle entretient un sentiment d'appartenance à deux niveaux. L'expérience montre que les personnes qui ne se sentent pas appréciées dans une société sont incapables d'y contribuer ou d'y participer pleinement. Et si un segment important de notre population ne peut s'épanouir pleinement, il en va de même pour toute notre collectivité.

En outre, des conséquences sociales à long terme découlent de cette perte de sentiment d'appartenance et de fierté civique. La première de ces conséquences est l'affaiblissement du patriotisme, de la loyauté et de l'unité nationale.

« À moins qu'on n'intervienne, un grand nombre de personnes qui vivent ici ressentiront nécessairement un détachement par rapport au Canada. » (H. K.)

« [Quand on est soumis à un interrogatoire et à une fouille complète huit fois sur neuf à la frontière], il est extrêmement difficile de concevoir un sentiment de loyauté vis-à-vis d'un pays où, chaque fois qu'on essaie d'y revenir, on subit pareil traitement. » (L. K.)

Impact sur nos communautés

Les membres des communautés ontariennes racialisées avouent vivre dans un perpétuel état de crise à cause des effets du racisme. Chez les Afro-Canadiens, tout spécialement, le profilage racial a des retombées dévastatrices. Le sentiment d'injustice qu'ils en ressentent les maintient dans un état de déséquilibre psychologique et de conflit intérieur, tout en renforçant leur conviction que le racisme existe bien et qu'ils peuvent en être victimes à n'importe quel moment[45].

Des résultats de recherche indiquent que les groupes minoritaires aux prises avec ces situations font appel à plusieurs stratégies pour composer avec leurs effets. Dans certains cas, les personnes acceptent comme véridiques les stéréotypes négatifs qui sont appliqués à leur groupe. En d'autres termes, elles en viennent à se concevoir comme étant inférieures. Elles sont amenées à avoir honte de leurs origines, de leur couleur de peau, etc.[46] Exemple : on a raconté à la Commission l'histoire d'un jeune garçon prénommé « Muhammad », qui a voulu se faire appeler « Joe » en raison des expériences qu'il a vécues après le 11 septembre. Autre stratégie : essayer de transformer l'incident négatif en une expérience positive, en réaffirmant sa fierté identitaire et en se mobilisant à des fins politiques[47].

Des études ont aussi montré, à maintes reprises, que la discrimination raciale aboutit à des disparités à bien des égards : logement, éducation, emploi, situation socio-économique, arrestations et condamnations[48].

Ces retombées pour les communautés soumises au profilage racial se sont confirmées pendant le cours de l'enquête. Parmi d'autres répercussions relevées, mentionnons que l'expérience du profilage racial compromet la capacité des personnes à accéder à des postes de commande, qu'elle aboutit à des dissensions et qu'elle attise les craintes au sein des communautés. En revanche, il peut y avoir renforcement de la solidarité, les membres de la communauté se serrant les coudes pour mieux parer à cette menace.

L'une des retombées du profilage pour la communauté qu'a révélées l'enquête est son effet débilitant. Plusieurs participants ont évoqué les notions d'impuissance, d'affaiblissement, de vulnérabilité et d'émasculation pour décrire l'état résultant d'un ou plusieurs incidents de profilage. On relève cet effet chez les personnes elles-mêmes soumises au profilage ou chez celles qui voient en être victime un ami, un parent ou une personne admirée. Ce sentiment d'impuissance peut se répercuter sur la capacité des personnes de parvenir à des postes de pouvoir ou d'autorité ou même d'y aspirer. En conséquence, ces communautés ne sont pas bien représentées au sein des grandes institutions, notamment celles qui exercent un certain pouvoir sur l'existence même du profilage racial.

Ainsi, de nombreux comptes rendus font état de personnes issues de communautés minoritaires qui renoncent à poursuivre une carrière dans le domaine policier ou dans le système judiciaire. Plusieurs personnes ont observé que ces professions n'apparaissent pas sous un jour positif dans certaines communautés ou quartiers. Un participant, lui-même agent de police, a fait mention d'un incident de profilage survenu dans un territoire autre que le sien. Il y avait eu usage disproportionné de la force, et on l'avait accusé de vouloir se faire passer pour un agent de police lorsqu'on a découvert sa carte d'identité de policier. Cet incident avait renforcé l'inquiétude de ses parents au sujet de sa profession : « Mes parents, qui avaient déjà exprimé leur déception devant mon choix de carrière [agent de police], réaffirment leur mécontentement chaque fois qu'on entend parler de ce genre d'incident. » (S. B.)D'autres participants relèvent que, dans certaines communautés, la profession de policier n'est pas bien vue comme choix de carrière : « Eh bien, il y a des années, mon fils (encore enfant) voulait devenir agent de police, mais je lui avais dit de se trouver une profession qui soit plus respectée dans notre communauté. » (J. H.)

Le phénomène n'est pas restreint aux services policiers. La Commission a aussi recueilli des témoignages selon lesquels le profilage remet en question la capacité des personnes de devenir enseignants, travailleurs sociaux, travailleurs auprès des jeunes, infirmières, avocats, et même à exercer des fonctions politiques. Le profilage instaure ainsi un cercle vicieux, faisant que les personnes issues de minorités sont en nombres moindres et insuffisants aux postes de commande, avec le résultat qu'on ne peut pas s'attaquer efficacement au problème.

Un autre effet du profilage racial est de provoquer des dissensions au sein de la communauté ou une réticence à s'identifier à cette communauté. Par exemple, un jeune qui avait fait l'objet d'une surveillance après le 11 septembre, à cause de son adhésion à une organisation de jeunes Musulmans, note que ce phénomène a eu pour effet de faire craindre aux jeunes et à leurs parents tout rapport avec des groupes de jeunes musulmans : « Les jeunes de ma communauté sont maintenant dissuadés par leurs parents de participer aux activités destinées aux Musulmans, par crainte des interrogatoires et de la persécution. » (M. A. A.) Des représentants de l'Association des avocats musulmans et de la Fédération canado-arabe confirment que de nombreux membres des communautés musulmanes, arabes ou sud-asiatiques craignent d'adhérer à des groupes et de participer à des activités communautaires de peur que les autorités ne les considèrent comme une menace à la sécurité. Les autres groupes qui ont participé à l'enquête décrivent tous l'existence, dans toute la communauté, de grandes craintes à l'égard du profilage racial.

Par ailleurs, selon plusieurs témoignages, le profilage a consolidé l'unité et la solidarité dans la communauté. Dans certains cas, les membres d'une communauté se rallient autour d'un des leurs qui a été victime de profilage, afin d'offrir aide, encouragement et appui. Diverses mesures ont été prises en ce sens, ainsi : la Latin American Coalition Against Racism a déposé une plainte officielle au sujet d'actes de profilage racial de la part d'un juge de paix; des particuliers ont fait circuler des pétitions concernant des incidents de profilage; des forums ont été organisés pour discuter des préoccupations de la communauté relativement au profilage. La Windsor and District Black Coalition a très bien réussi à mobiliser la communauté et à informer les services policiers locaux des inquiétudes de la communauté.

Plusieurs personnes ont noté que le profilage avait renforcé leur détermination de servir d'influence positive dans leur communauté, en agissant comme modèles de rôle, en travaillant auprès des jeunes et en leur apprenant à être fiers de leur identité. Certaines personnes qui se sont dites de race blanche ont indiqué également que, après avoir été témoins d'actes de profilage, elles s'étaient renseignées sur le racisme et avaient pris des mesures pour le combattre.

« ...Je voudrais donner l'exemple d'une personne qui, élevée dans le secteur Jane et Finch, a par la suite été respectée pour ce qu'elle avait accompli. Retourner dans le quartier et parler aux jeunes, les aider à s'en sortir. Beaucoup de jeunes ont besoin d'être aiguillés dans la bonne voie. Ils ne savent pas comment faire pour s'en sortir et [ont besoin de] quelqu'un à qui ils peuvent faire confiance, qui les oriente dans la [bonne] direction. » (D. G.)

« J'enseigne l'histoire des Noirs à mes enfants, je veille à ce qu'ils ne soient pas placés dans une voie scolaire restrictive, et je discute avec eux de questions telles que celle-ci. J'essaie aussi d'agir en sorte que les Blancs avec lesquels j'ai des contacts en apprennent plus long sur les Noirs, en servant d'exemple pour dissiper les stéréotypes. » (R. T.)

« J'ai travaillé sans relâche pour arriver à une position où je puisse faire quelque chose de positif pour les autres qui pourraient souffrir du même type de discrimination et de harcèlement que moi. J'étudie pour devenir avocat. » (A. A.)

Cependant, bien que certains considèrent le militantisme et la solidarité communautaire comme des résultats « positifs » du profilage, rappelons que ce ne sont là que des dérivés d'un phénomène essentiellement préjudiciable, dont les coûts sont exorbitants.

Changements de comportement

L'un des impacts les plus frappant du profilage racial a été décrit à maintes reprises par les participants : il s'agit de son effet sur le comportement et les activités des gens. Un grand nombre de participants signalent avoir considérablement modifié leur façon d'agir à la suite d'un incident de profilage ou pris des mesures pour éviter cette expérience.

Les gens rapportent qu'ils ont changé leurs habitudes de conduite à divers points de vue. Il y en a qui tournent le dos à certains types de véhicules, p. ex. voiture de luxe, voiture sport ou véhicule utilitaire sport, persuadés que ces véhicules, lorsqu'ils sont conduits par des personnes racialisées, attirent l'attention de la police. Certains pensent même que les véhicules de certaines marques sont davantage surveillés, les stéréotypes voulant que les trafiquants de drogues et d'autres qui s'adonnent à des activités illicites aient un faible pour ces marques ou modèles. En outre, quantité de gens apportent des changements aux glaces du véhicule, soit en fonçant la teinte du verre, soit en optant pour un verre non teinté : « Depuis cet incident, j'ai fait colorer les vitres de ma fourgonnette en foncé, dans l'espoir que le fait d'être une femme noire au volant d'un véhicule mode puisse passer inaperçu. » (C. B.) D'autres renoncent même à conduire.

Un participant décrit dix interactions avec la police qui lui semblaient comporter un certain profilage racial, mais il énumère aussi plusieurs rencontres positives. Il poursuit en donnant un certain nombre de stratégies qui lui servent à éviter les mauvaises expériences.

« J'ai réfléchi à la façon dont je leur parle. Lorsqu'on me fait signe d'arrêter mon véhicule, je demande toujours... pourquoi on m'arrête. Depuis les sept dernières années, je n'ai plus de vitres teintées. Je suis toujours très poli. Je dit « merci ». Je m'enquiers : "Comment ça va aujourd'hui, Monsieur l'agent?" Ma voiture n'est plus une voiture de rêve, parce que je ne veux pas être étiqueté comme étant « un de ceux-là ». J'adopte une allure plus conservatrice. » (N. W.)

Quantité de personnes ont dit faire systématiquement la vérification de leurs documents et l'inspection de leur véhicule chaque fois qu'ils y montent. À leur avis, elles sont plus susceptibles d'être interpellées et n'auront pas de marge de manoeuvre si elles ont oublié leur permis de conduire, la preuve d'assurance ou les papiers d'immatriculation; aussi elles mettent un soin particulier à ce que tous ces documents soient en règle et à en être munies chaque fois qu'elles utilisent leur voiture. De même, des participants ont déclaré que, ne voulant pas attirer l'attention de la police, ils font la révision de leur véhicule à chaque utilisation, pour s'assurer que les phares et voyants fonctionnent, que la plaque d'immatriculation est clairement visible et que rien d'autre ne cloche dans son apparence ou son fonctionnement. Beaucoup remarquent qu'ils mettent un soin extrême à se conformer au code de la route : faire un arrêt complet aux panneaux d'arrêt et s'en tenir scrupuleusement à la vitesse réglementaire, entre autres.

Bien que toutes ces mesures visant l'observance de la loi devraient être prises par tous les citoyens, il reste que ceux qui ne sont pas soumis au profilage ne s'en soucient guère. La plupart des gens ne prennent pas la peine de vérifier leurs documents ni d'inspecter leur voiture toutes les fois qu'ils y montent. C'est que la plupart des gens sont rarement interpellés par la police et supposent qu'ils ne le seront probablement pas, ni à un moment ni à un autre. De plus, même si on les arrête, ils s'attendent à une interaction courtoise et professionnelle avec la police ou les douaniers, et ils n'ont pas à craindre que l'incident ne devienne humiliant ou pénible. Les communautés qui sont en butte au profilage déclarent à la Commission qu'elles ne partagent pas cet état d'esprit enviable.

« Une personne ordinaire monte dans sa voiture et, si ses documents sont en règle, vaque à ses affaires sans s'inquiéter de quoi que ce soit. En ce qui me concerne, j'en étais devenu obsédé, au point que, en partant de la maison, je devais m'assurer que tous les phares et voyants fonctionnaient, que chaque chose était à sa place, que j'avais mon permis, parce que je savais que, à un moment ou à un autre, on allait m'ordonner d'arrêter. » (R. R.)

« Mon fils, de race blanche, est originaire de l'Inde. Un jour qu'il avait glissé dans un banc de neige avec sa voiture, sa carrosserie présentait une petite bosse et il ne voulait pas conduire tant qu'il ne l'aurait pas fait réparer même si la voiture était en état de fonctionner. Il a décidé de prendre l'autobus, croyant possible que la police l'arrête pour cette raison. Il craignait de se faire arrêter, alors qu'il n'avait rien fait de mal et qu'il n'a pas de casier judiciaire. Cela se passait la semaine dernière. Je lui ai dit : "Allons, tu n'es pas sérieux!", mais il m'a répondu : "Rien à faire", et il s'est en allé prendre l'autobus. » (K. M. K.)

Outre la modification des habitudes de conduite automobile, nombre de témoignages décrivent aussi le comportement d'individus et de familles qui se dotent de systèmes compliqués pour composer avec l'expérience du profilage. Ainsi, plusieurs s'imposent un couvre-feu (« avant la tombée de la nuit »), à eux-mêmes et aux membres de leur famille, surtout à leurs fils adolescents. D'autres disent ne jamais se promener seuls ou dans certaines rues, ou encore dans certains quartiers. Certains ne se séparent jamais de leur téléphone cellulaire, de façon à pouvoir téléphoner à la maison en cas d'incident de profilage pour informer quelqu'un de ce qui se passe. D'autres, des parents surtout, disent se munir d'un cellulaire pour pouvoir être joints en tout temps, au cas où leurs enfants seraient impliqués dans un incident de profilage.

« Dès qu'il a eu l'âge de conduire, un jeune homme de ma parenté par alliance s'est imposé un couvre-feu, de façon à ne pas conduire à la nuit tombée; il a donc sacrifié sa liberté de mouvement plutôt que d'être soumis au harcèlement qu'on ne manquerait pas de lui faire subir. » (A. B.)

« Je reste à la maison, je ne me promène jamais seul ni trop tard le soir. Parfois, j'emprunte les petites rues, de manière à les éviter. ... C'est sûr, les jeunes Noirs de la communauté se sentent particulièrement surveillés par la police. Mes amis et moi, nous avons peur d'aller à quelque endroit que ce soit à cause de leurs agissements. » (A. C.)

Un futur marié a changé le lieu prévu pour son mariage, pour ne pas obliger ses invités à franchir la frontière Canada-États-Unis. Des Afro-Canadiens de Windsor ont signalé un impact particulier, car ils sont nombreux à avoir des parents de l'autre côté de la frontière, et des problèmes peuvent survenir au poste frontalier. Plusieurs autres personnes ont déclaré être plus prudentes quant à ce qu'elles rapportent de vacances ou à la façon dont elles sont vêtues pour se présenter au contrôle douanier : « Je m'efforce de ne rien faire pour attirer l'attention sur ma personne, par exemple rapporter des articles interdits ou rapporter davantage que ce qui est permis. Il est insultant pour nous d'entendre les voyageurs blancs se vanter de la quantité de cigares et d'alcool qu'ils ramènent, eux, sans jamais se faire poser de questions. » (M.J.)

Plusieurs participants ont parlé de la difficulté qu'ont les Afro-Canadiens quand il s'agit de héler un taxi dans la rue. Selon leur expérience, les chauffeurs sont réticents à les prendre à cause de stéréotypes voulant qu'ils ne paieront pas la course ou qu'ils provoqueront d'autres problèmes. Un homme décrit comment il s'y prend maintenant pour avoir un taxi :

« ... il y a différents moyens pour un homme noir de prendre un taxi à Toronto. Le plus direct consiste à se tenir en plein milieu d'une rue achalandée, en agitant un gros billet dans les airs. Cela réussit presque toujours. ... Un moyen indirect fonctionne aussi assez bien. On demande simplement à une amie non noire... de héler un taxi. La première voiture libre s'arrêtera sans faute pour la prendre. Alors, le client noir, dissimulé dans l'entrée d'un immeuble, peut apparaître et monter dans la voiture. Malheureusement, à ce stade, le chauffeur demande souvent de se faire payer à l'avance. D'habitude, je refuse, parce que... ce n'est pas ce qu'on demande aux autres. » (T. B.)

Certaines personnes décident d'aller s'installer ailleurs qu'en Ontario, ayant été amenées à croire, après un ou plusieurs incidents de profilage racial, qu'elles seraient davantage en sécurité dans une autre province ou même aux États-Unis.

« Étant donné que le climat général pour les Chinois d'origine est plus hospitalier à New York (du moins c'est mon impression), c'est là que j'envisage de vivre après mes études. Il est possible également que je déménage à Montréal... Je suis Torontois et le serai toujours (je connais l'endroit comme le fond de ma poche), mais je ne retournerai probablement pas y vivre parce que j'estime, ainsi que certains de mes amis, que les Chinois n'y sont pas traités de façon équitable, et que notre présence est conçue comme une "menace". » (K. C.)

Certains parents déclarent également avoir changé leurs enfants d'école.

L'obligation de faire appel à ces stratagèmes pour composer avec le profilage montre à quel point le phénomène est grave pour les membres des communautés qui y sont soumises. Il s'agit d'un volet de leur expérience de vie à tel point crucial qu'ils sont forcés de modifier tout leur comportement en conséquence. La perception qu'un tel incident se produira sans doute et qu'il faut prendre des mesures pour le prévenir ou s'y préparer fait également écho à la perception largement répandue que le profilage est un problème qui durera tant qu'on ne prendra pas des mesures pour y mettre fin.

En outre, ainsi que nous en traitons à la section Atteinte à nos perspectives d'avenir, nombre de parents ont signalé qu'ils encadraient soigneusement les faits et gestes de leurs enfants, afin d'atténuer le risque d'incidents de profilage. Ils disent n'avoir d'autre choix que de prévenir leurs enfants qu'ils doivent s'attendre à ce genre d'expérience et de leur montrer comment y réagir.

« J'ai averti mon fils de faire attention aux endroits où il va et aux personnes avec qui il sort. ... Nous avons changé son manteau d'hiver, en matelassé noir de type bibendum, pour une veste de ski beige et noir, et il n'est plus autorisé à porter une casquette de baseball. Il avait les cheveux tressés - alors que maintenant, nous les lui faisons couper très ras. ... Je ne permets pas à mon fils d'aller au magasin sans moi... J'essaie d'éviter toutes les situations où il pourrait se trouver seul dans la rue. ... La mère d'un ami le ramène toujours à la maison s'il ne prend pas l'autobus ou le métro. » (M. N.)

« Maintenant, les entraîneurs ramènent les jeunes garçons à la maison après leur pratique de basketball, et je ne permets plus au mien de sortir seul le soir. » (D. W.)

« Oui, mes parents ne voulaient pas que je conduise tard le soir et ne me permettaient pas d'aller dans certains quartiers « à éviter ». Le simple fait que mes parents aient dû restreindre mes activités a eu un effet négatif pour nous tous. » (D. V.)

« J'ai un petit-fils adolescent qui devrait pouvoir sortir, aller chez ses amis, et faire tout ce que font les adolescents normaux. Mais nous ne lui permettons pas. Sa mère le conduit, ou bien c'est moi, ou encore ses tantes ou son oncle. » (M. W.)

« Je me souviens que [quand mon fils] était adolescent et qu'il a commencé à conduire, je lui donnais des conseils tels que : "Écoute bien. S'ils t'arrêtent, fais attention qu'ils puissent te voir les mains. Aie soin d'allumer la lampe de plafond de la voiture. Place tes mains bien à la vue sur le volant. Prends tes précautions." » (M. W.)

Il s'agit d'un mode de socialisation, c'est-à-dire un processus par lequel l'enfant, à mesure qu'il grandit, en vient à accepter le schème de comportement social de base qui lui est enseigné et qui est observé dans sa famille. Cet enseignement donne à l'enfant une grille pour comprendre son univers et forger sa notion d'identité. Ce processus détermine l'orientation de notre vie tout entière, notre comportement habituel, nos réactions réflexes, nos valeurs morales et notre perception du monde[49]. On voit donc que forcer les enfants et les jeunes à modifier leur perception du monde et leur comportement en raison du profilage racial a des effets profonds et durables, susceptibles d'influer sur le reste de leur vie et pouvant être transmis aux générations suivantes.

Enfin, les témoignages reçus révèlent une tendance à la normalisation ou banalisation de l'expérience du profilage; en d'autres termes, le fait qu'une personne se résigne ou s'attend à subir le profilage racial comme s'il s'agisssait d'un fait normal de la vie contre lequel elle ne peut rien.

Les gens pensent n'avoir d'autre choix que de continuer à vivre dans l'appréhension, en s'attendant toujours à ce que les membres de leur famille et leurs enfants, leurs fils surtout, soient nécessairement exposés à des incidents de profilage. Nombreux sont ceux qui ont l'impression qu'il est illusoire d'essayer de s'attaquer au profilage ou qui craignent que la tentative de dénoncer le phénomène puisse avoir des répercussions. Plusieurs participants qui s'identifiaient comme étant des Blancs et qui avaient été témoins d'incidents de profilage ont aussi déclaré que, lorsqu'ils exprimaient un sentiment d'outrage au sujet de l'incident survenu à un ami, on leur répondait que c'était là une expérience normale, que les personnes racialisées en sont venues à accepter comme telle.

Un Afro-Canadien qui avait éprouvé ces mêmes émotions après un incident de profilage survenu 30 ans auparavant, a décrit les sentiments d'impuissance manifestés par son fils, qui venait d'être interpellé par la police trois fois en quatre semaines : « Je répétais [à mon fils], eh bien, pourquoi ne fais-tu pas quelque chose? Quant à moi, je suis prêt à t'accompagner au poste de police ou chez un avocat, mais qu'est-ce que tu veux faire, toi?... Et il m'a répondu qu'on ne pouvait rien faire, il était simplement - je ne sais pas comment dire. Ce n'est pas le genre à se claquemurer dans sa chambre. Alors, j'imagine qu'il se sentait comme je me suis senti moi, 30 ans auparavant [lorsque j'ai été victime du profilage], absolument impuissant et humilié. » (R. M.)

D'autres décrivent comment ils en viennent à accepter le profilage dans les termes suivants :

« C'est le pire aspect de la chose. Nous, des minorités visibles, nous avons accepté un phénomène qui est complètement et absolument inacceptable. Nous avons eu grand tort et il faut rectifier la situation. » (S. G.)

« C'est la vie dans une grande ville. Quand on fait partie d'un groupe défavorisé, ceux qui ont le pouvoir vont immanquablement piétiner vos droits à un moment ou à un autre. Ce type d'événement fait partie du cours normal des choses, et je dois maintenant vivre avec, l'intégrer à ma vie. » (A. A.)

« Il est extrêment inquiétant de voir toute une génération d'enfants s'attendre à être privée de droits civils et même accepter cet état de choses. » (K. I.)

« C'est un événement qui survient systématiquement, et que les hommes comme moi tolèrent et continueront de tolérer. Ce qu'il me reste à faire, c'est d'enseigner à mes enfants, surtout à mes petits garçons, que des incidents tels que ceux-là vont leur arriver et qu'ils doivent s'y attendre. Quoi qu'il arrive, ils devront toujours respecter la loi et en prôner le respect, et se conduire de manière honnête.» (R. G.)

« J'ai une vie à vivre et le risque de créer davantage de problèmes, pour moi et pour d'autres de mes semblables, est suffisant pour m'empêcher d'essayer de remédier à la situation. » (T. E.)

Combien émouvant, ce sentiment de résignation et de la futilité de toute résistance montre à quel point la perception du problème du profilage est ancrée en Ontario. Il démontre également à quel point ses effets marquent le psychisme de ceux qui en sont victimes.

Coûts cachés du profilage racial

La dignité répond à un besoin fondamental de la nature humaine. Pour l'être humain, la dignité se traduit par le droit d'être traité avec respect et un sentiment de confiance en soi et d'estime de soi. Elle constitue une condition essentielle de l'intégrité physique et psychologique de la personne et de sa capacité de définir sa propre vie. Le plus grand tort psychologique et affectif qu'on puisse infliger à quelqu'un est de porter atteinte à sa dignité.

Or, c'est justement ce que fait le profilage racial : il viole la dignité humaine, en signifiant à la personne qu'elle ne vaut pas la considération et le respect qui sont dus à tout être humain. La quasi totalité des témoignages reçus lors de l'enquête ont confirmé les effets dévastateurs du profilage racial pour l'estime de soi et la dignité des victimes.

« On croit qu'on est comme les autres, pour découvrir subitement, un jour, qu'en réalité on ne l'est pas, parce qu'on se fait traiter d'une manière particulière. C'est humiliant. » (A. B.)

« C'est une expérience si humiliante, on nous cible à cause d'un trait sur lequel nous n'avons aucun pouvoir. » (S. G.)

« J'ai eu infiniment honte et j'ai été profondément fâché, outré, blessé. Je n'avais jamais subi ce type de confrontation devant d'autres. ... J'en suis encore ébranlé. En vous l'écrivant, j'en ai les mains qui tremblent. » (T. S.)

L'impact de ces incidents sur la dignité d'une personne est à ce point marquant qu'on nous a raconté des incidents qui remontaient jusqu'à 30 ans auparavant : « Je n'ai jamais oublié le sentiment d'impuissance et d'humiliation absolue que j'ai ressenti. » (R. M.)

De plus, ces effets ne sont pas restreints à la personne qui subit le profilage. Les parents, surtout, décrivent le grave impact affectif et psychologique qu'ils subissent lorsque leurs enfants sont victimes d'un tel incident : « Moi, qui suis mère, j'en suis démoralisée. Chaque fois que le téléphone sonne, je crains que ce ne soit l'école qui appelle, pour me dire que mon fils est dans le pétrin. »(C. P-J.) D'autres disent ne pas avoir mis les membres de leur famille au courant de certains incidents, pour éviter de leur faire de la peine : « Je n'en ai jamais parlé à aucun membre de ma famille. Ils sont tous à Trinidad, aux États-Unis ou en Angleterre; je n'ai pas voulu leur dire, parce que je ne voulais pas les blesser inutilement. » (G. V.)

Beaucoup de gens ressentent une honte profonde lorsqu'un incident de profilage racial survient en public ou devant leur famille, leurs amis ou leurs collègues. Ils craignent que les autres ne les croient coupables d'avoir provoqué l'incident par un acte quelconque. Par exemple, un Afro-Canadien qui enseigne dans une école primaire s'est fait arrêter et fouiller par la police en plein jour, dans le quartier où il enseigne; il nous a confié son désarroi : « Qu'aurais-je fait si les parents d'un de mes élèves étaient passés à ce moment-là et m'avaient vu, au beau milieu de la rue, à côté d'une voiture de police, les mains en l'air, le dos tourné aux policiers? De toute évidence, ils y penseraient à deux fois avant de me renvoyer leurs enfants en classe, pas vrai? Également, comme nous le savons, les enfants sont impressionnables; quand ils voient quelque chose, même s'ils n'y ajoutent pas foi, ils ne vont pas l'oublier. Ils vont y repenser et se dire que... celui-là, il a peut-être fait quelque chose de mal. » (R. R.) De même, la Commission a reçu le témoignage d'un Musulman qui craignait que ses compagnons de travail le voient comme une menace pour la sécurité, après avoir été interrogé sur ses croyances et activités dans son lieu de travail. 

Un père de famille afro-canadien, de confession juive, a décrit un incident survenu alors que ses fils adolescents étaient allés payer une facture de services publics pour leur mère, à la banque du quartier. Or, la mère avait donné à ses fils de faux billets de 10 $ qu'on lui avait remis à son insu. Plutôt que de poser des questions pour voir si les garçons étaient impliqués dans une activité illégale ou bien s'ils ignoraient que les billets étaient faux, le directeur de la banque a supposé le pire et appelé la police. Lorsque la police est arrivée, on a de nouveau présumé les jeunes garçons coupables d'une activité illégale; on leur a passé les menottes et ils ont été détenus pendant sept heures. La police les a interrogés de façon brutale, sans communiquer avec leurs parents. On les a ramenés à la maison menottés, devant les voisins. Le père relate la honte causée par l'incident : « Le rabbin, qui est l'enseignant de mon fils cadet, est aussi notre voisin; il a vu son élève ramené, les menottes aux poignets, par la police. Quelle sorte de réputation croyez-vous que cet incident fera à mon fils, à la Yeshiva? » (J. B.)

D'autres décrivent comme suit l'humiliation qu'entraînent les incidents de profilage :

« J'ai aussi eu tellement honte (devant le centre commercial Bayview à 8 heures du matin - les enfants qui se rendaient à l'école - dans mon quartier - les gyrophares de la voiture de police qui clignotaient - les hurlements de la sirène - tout cela était bouleversant). J'étais si énervé que j'ai dû retourner à la maison pour me calmer, ce qui m'a mis en retard pour le travail. » (P. B.)

« J'ai eu honte devant mes deux passagers, qui ont tous les deux un doctorat, des ingénieurs qui travaillent en collaboration avec l'Université de Toronto... » (R. R.)

« Je me suis senti humilié et désemparé, parce qu'on m'avait ouvertement manqué de respect, et ce, devant mes enfants. » (K. I.)

Nombre de personnes se voient comme des boucs émissaires, blâmées pour les problèmes de la société, traitées comme des criminels, simplement en raison de leur race, leur couleur, leur origine ethnique, leur religion ou leur ascendance : « Ces incidents me laissent absolument démoralisé, car on semble m'assimiler à l'élément criminel de notre société, même si je sais fort bien distinguer le bien du mal et que j'aie à coeur d'améliorer mon sort sans enfreindre la loi. » (R. R.)

Plusieurs relèvent que, lors de ces incidents, on met en doute la légitimité de leur situation sociale ou de leur emploi. Par exemple, une mère de famille afro-canadienne raconte que, lorsque son fils a répondu aux agents de police qu'il fréquentait l'Université de Toronto, ils ont insinué qu'il ne pouvait pas plus être étudiant d'université que résident du riche quartier où il se trouvait. Une autre personne signale un incident lors duquel les agents avaient mis en doute sa déclaration qu'il était un employé rémunéré et non un bénévole. Une dame décrit une situation où on lui a demandé d'arrêter sa voiture parce que l'agent, ayant « vérifié les plaques », avait découvert que c'était une voiture de fonction et donc qu'elle était suspecte. Une autre s'est fait dire qu'elle ne pouvait pas être propriétaire de la voiture luxueuse qu'elle conduisait, parce que celle-ci était immatriculée au nom d'une entreprise. Or, cette entreprise était la sienne.

Une jeune femme afro-canadienne relate un incident survenu dans un restaurant, où elle était en compagnie de sa mère, qui est médecin. La mère veut régler l'addition, et l'employé, voyant cette Afro-Canadienne se servir d'une carte libellée « Dre », téléphone aussitôt au centre des cartes de crédit, pour vérifier s'il ne s'agirait pas d'une carte volée.

Un policier qui se trouvait dans un autre territoire que le sien a été accusé de vouloir « se faire passer pour un agent de police », lorsque son insigne et ses documents d'identité ont été découverts. L'Association of Black Law Enforcers (ABLE) rapporte des incidents analogues, où l'on met en doute la parole des agents de police afro-canadiens, à cause de leur couleur.

Toutes ces personnes se sentent extrêmement dévalorisées par la présomption voulant que, en raison de leur couleur, elles ne puissent occuper le rang social qui est le leur.

Les commentaires et insultes de nature raciale qu'on leur adresse lors des incidents de profilage viennent aggraver cet affront à leur dignité d'être humain.

Beaucoup ajoutent que le profilage racial leur a nui dans leurs relations sociales et personnelles. Plusieurs déclarent des problèmes de couple : « Cet incident m'a réellement bouleversé pendant deux ou trois heures, et j'ai eu une sorte de dispute avec mon amie, parce que j'étais hors de moi. » (R. M.) Dans l'un des cas, la rupture du couple a été citée comme résultat du profilage racial. Le mari, qui dit avoir perdu son emploi en raison d'un incident de profilage lié au 11 septembre et avoir ensuite souffert de dépression, attribue la destruction de son mariage à cette situation.

Les couples mixtes décrivent les problèmes particuliers que le profilage leur a posés. Certains racontent avoir été victimes de profilage en raison de la nature de leurs relations. Par exemple, des femmes racialisées évoquent des circonstances où elles ont été prises pour des prostituées, parce qu'elles se trouvaient en voiture en compagnie d'un Blanc, présumé client, et des hommes racialisés ont raconté avoir été pris pour des proxénètes lorsque leur compagne était une Blanche.

Presque tous les participants dont le couple est interracial disent que le partenaire blanc est profondément touché et se sent responsable lorsqu'il voit l'autre exposé au profilage.

« Mon mari aussi a été profondément blessé. Je pleurais de rage quand je suis revenue à la maison ce soir-là, et, chaque fois que nous parlons de l'incident, les mêmes émotions me remontent à la gorge. De son côté, l'impact est le suivant : il lui semble qu'il devrait pouvoir me protéger, moi, sa femme, de ces incidents blessants. Lors de cette expérience, il a pu se faire une idée de ce que ses beaux-frères et son beau-père - des hommes qu'il respecte, qu'il aime et qu'il admire - éprouvent à répétition, et des émotions dévastatrices que pareil incident engendre. Il est porté à vouloir s'excuser, à avoir honte. Mais il n'a rien à se reprocher. Nul n'est gardien de son frère. Nous sommes chacun des personnes distinctes, qui doivent être considérées et respectées comme telles, à moins de nous en révéler indignes. » (A. B.)

Certains témoignages traitent de l'impact du profilage sur l'amitié et d'autres types de relations entre Blancs et personnes racialisées. Dans certains cas, un incident de profilage a fait en sorte que des personnes qui s'identifient comme des « Blancs » se rendent compte pour la première fois de l'existence du profilage et de son impact sur les personnes qui en sont victimes. Plusieurs constatent que leur idée du racisme s'est complètement transformée.

« J'ai subi un véritable choc. Étant de race blanche, je n'avais jamais été exposée à ce genre d'attitude à l'égard d'une autre personne, sans raison apparente. Après y avoir réfléchi, je me suis également sentie dégoûtée. ... Je comprends mieux maintenant la situation de la communauté noire et ce que ses membres doivent affronter au jour le jour. » (C. O.)

« Je vous raconte un autre incident : je faisais des achats avec une amie, une Noire de Trinidad, et c'est elle qui est passée à la caisse en premier. J'étais juste derrière, et j'ai bien vu qu'on la surveillait, pour voir si elle n'avait rien volé. ... Je n'en croyais pas mes yeux. En sortant du magasin, j'ai demandé à mon amie si elle s'en était rendu compte. Elle m'a répondu : "Bien sûr que oui, mais il faut s'y faire, c'est courant." Si des Blancs et des Noirs allaient faire des courses ensemble plus souvent, c'est le type de scène à laquelle ils pourraient assister. On ne peut pas continuer comme ça, c'est trop dégradant. J'ai comme un grand poids, à l'intérieur, c'est comme un cancer qui me ronge. Quelque chose qui gonfle à l'intérieur, comme un secret, une tumeur mortelle, une maladie horrible. Cela nous avilit tous. » (K. K.)

Certains participants se font un devoir de sensibiliser leur entourage au phénomène du profilage racial. Par ailleurs, d'autres disent vouloir tourner le dos aux personnes non racialisées, parce qu'elles manquent d'empathie, qu'elles nient l'existence du profilage ou encore qu'elles prétendent que c'est là une pratique légitime.

« Vous savez, mes voisins ne croient pas que ce genre de chose se produise réellement, il faut que je leur ouvre les yeux. Cela m'arrive réellement à moi. Je suis un homme d'affaires, j'ai des employés, je vais à l'église régulièrement. Lorsqu'ils lisent le Toronto Star, ils pensent que c'est de la frime, mais quand je leur raconte ce que je vis, ils voient bien que ces choses là arrivent. » (S. P.)

« Ce phénomène a radicalement changé mes rapports avec la plupart des Blancs que je connais, parce que je me suis rendu compte que, pour beaucoup d'entre eux, mes droits ne comptent pas. Je crois que cela m'a également rapproché des autres immigrants. » (O. B.)

« Je crois aussi que le niveau de tolérance s'est amélioré, mais beaucoup de Blancs, surtout ceux qui ont très peu de contacts quotidiens avec des Noirs, ne comprennent vraiment rien à ce que les Noirs endurent au quotidien. » (R. T.)

Comme nous le disions ci-dessus, l'American Psychological Association et d'autres[50] ont documenté les effets psychologiques du profilage, et les témoignages reçus au cours de l'enquête de la Commission vont dans le même sens. Le profilage occasionne de graves préjudices affectifs et psychologiques à ses victimes, à leur famille et à leurs amis : « Il est en vérité bien triste que nous devions vivre avec un tel fléau. C'est une source de frayeur et de dégradation, et les coûts affectifs pour nous tous sont très élevés. Tant pour les enfants que pour les parents ... » (D. W.) De l'avis d'un autre participant, le profilage est une véritable « bombe à retardement psychologique ». (B. K.)

Quantité de ceux qui ont participé à l'enquête mentionnent des répercussions psychologiques directes - peur, anxiété, intimidation - ainsi que des sentiments d'impuissance et de désespoir. D'autres signalent, parmi les manifestations de ces sentiments : tendance à pleurer constamment, cauchemars, insomnies, idées suicidaires, dépression, abus de médicaments ou de drogues. Plusieurs disent être traités ou faire traiter leur enfant par un psychologue ou un thérapeute, à cause des séquelles psychologiques du profilage racial.

« [Le fait qu'on m'ait injustement arrêté et interpellé sur ce ton agressif et brutal] a affecté mon travail, ma santé, mon union, ma capacité d'adaptation. J'ai pratiquement perdu mon emploi parce que j'ai mis longtemps à me remettre de cet incident. J'en avais des cauchemars, des crises de panique, et j'ai finalement dû être hospitalisé et suivre une thérapie plus tard [pour syndrome de stress post-traumatique], pour cette raison. » (C. B.)

« Cette expérience m'a psychologiquement démolie. Mon estime de moi-même, entre autres. Bien que j'aie eu du succès dans mes études, je me sens toujours inférieure aux membres de la majorité (les Blancs) et je tente tous les jours, grâce à la psychothérapie, de dissiper ce nuage sombre qui me masque le monde entier. » (S. I.)

« Maintenant, j'ai très peur pour mes deux garçons. J'ai peur de les laisser sortir. Je ne peux pas dormir quand ils sortent. » (S. N.)

« Même aujourd'hui, je me réveille parfois en sursaut au milieu de la nuit, après des cauchemars qui me font sans cesse revivre l'expérience. » (L. H.)

« À ce moment-là, je me suis senti violé. Quelquefois, je pleurais le soir, quand une situation pareille s'était produite. » (O. B.)

Il est impossible de chiffrer le coût de ces préjudices psychologiques pour les victimes, leur famille et leurs amis, leur communauté et la société dans son ensemble. Néanmoins, il est clair que les dommages affectifs et psychologiques qu'inflige le profilage sont considérables, et que nous ne pouvons pas, en tant que société, nous permettre de les ignorer.

Outre les coûts indirects découlant des retombées affectives et psychologiques du profilage racial, certains participants ont fait état des coûts financiers directs qui y sont reliés.

Ces coûts financiers directs comprennent les frais d'avocat engagés pour se défendre d'accusations au criminel résultant du profilage, de même que le coût des poursuites civiles que certains intentent contre des organismes qui ont posé des actes de profilage à leur endroit. Ainsi, un jeune homme a dû se servir de l'argent mis de côté pour ses frais d'université afin de se défendre d'accusations non fondées découlant du profilage.

Des participants à l'enquête rapportent des préjudices financiers, attribuables à la perte, temporaire ou permanente, de leur revenu d'emploi. La Commission a reçu plusieurs témoignages de personnes musulmanes d'origine arabe ou sud-asiatique, qui disaient avoir perdu leur emploi parce qu'elles avaient été perçues comme pouvant poser une menace à la sécurité après les attaques terroristes du 11 septembre. Ces personnes signalent aussi avoir eu beaucoup de mal à retrouver un emploi, pour la même raison : « J'ai affiché mon curriculum sur le Net. Avant le 11 septembre, il était consulté au moins 20 fois par jour, mais après, ce nombre est descendu à 11 seulement pour tout le mois, simplement à cause de mon nom et de l'endroit où j'ai fait mes études : Téhéran, en Iran. » (M. I.)

Des interactions avec la police peuvent faire que des personnes soient incapables d'obtenir l'autorisation de sécurité exigée pour certains postes, ce qui compromet directement leurs perspectives d'emploi : « Par conséquent, cela a également fait dévier mon cheminement de carrière. J'ai fait l'objet d'une accusation, bien que je n'aie pas été reconnu coupable, mais dans mon type de travail, ... ce fait a considérablement rétréci mes horizons professionnels. » (S. B.) En outre, les communautés arabes et musulmanes s'inquiètent de la possibilité que les incidents de profilage aux États-Unis puissent compromettre la capacité de leurs membres d'obtenir des emplois qui comportent des déplacements vers les États-Unis.

De plus, la destruction, chez les personnes victimes du profilage, des sentiments d'estime de soi et de confiance en soi que nous avons décrits ci-dessus, peut avoir un impact direct sur leur employabilité. Ces personnes peuvent même renoncer à se porter candidates à un emploi parce qu'elles doutent d'elles-mêmes. Si elles font acte de candidature, il est probable qu'elles appréhenderont l'entrevue, craignant que le responsable ne se repose sur des idées préconçues. Essentiellement, l'expérience de ces personnes les porte à croire qu'elles ne seront jamais jugées équitablement, sur une base autre que celle de leur couleur : « Si un jeune homme noir fait face à une situation quelconque en matière d'emploi mais que, conditionné à réagir d'une certaine façon à l'autorité, il doive traiter avec une personne qui détient le pouvoir d'engager et de congédier, eh bien, on voit tout de suite qu'il pourrait adopter une attitude... pas très positive dans une situation qui pourrait autrement lui être favorable. » (H. M.) Aucun de ces éléments ne favorise l'obtention d'un emploi, et, si ces personnes sont embauchées, leur rendement pourra être considérablement inférieur à leurs capacités, pour les mêmes raisons.

Effets physiques du profilage racial

Comme certains participants l'ont mentionné, les incidents de profilage subis ont eu des répercussions sur leur état physique. Dans certains cas, ils ont été brimés dans leur autonomie physique, leur dignité, leur droit au respect de leur vie privée; ainsi, être soumis à des fouilles à nu ou à des fouilles par palpation, parfois aux mains d'agents du sexe opposé, ou subir en public la fouille de leurs parties intimes. Dans d'autres cas, on a imposé à ces personnes des conditions pénibles tout au long de l'incident : obligation de rester exposées indéfiniment à des pluies diluviennes ou à un froid glacial, ou encore de voir son enfant de deux ans baigné de sueurs dans son habit de neige, à cause de retards prolongés au contrôle douanier.

D'autres exemples ont trait aux lésions ou blessures physiques découlant d'une utilisation excessive de la force ou de réactions agressives à la situation. L'enquête révèle que le profilage racial peut se traduire par des gestes davantage physiques et agressifs, déclenchés par la race, la couleur, l'ascendance, l'origine ethnique, le lieu d'origine ou la religion. Par exemple, un participant qui s'est identifié comme étant un Blanc d'un certain âge a narré un incident survenu dans un magasin où il avait eu une dispute avec le vendeur. On avait appelé la police, et l'intéressé était sorti du magasin en même temps qu'un jeune homme noir. À leur arrivée, « ... les agents avaient vu un homme blanc d'un certain âge, mal habillé, et un Noir élégamment vêtu sortir en même temps du magasin; ils ont immédiatement empoigné le Noir, l'ont brutalement coincé contre la vitrine du magasin, lui ont écrasé le visage contre la vitre, puis l'ont menotté sans ménagements. Au lieu de profiter de ces péripéties pour m'esquiver, je suis resté sur place et j'ai attendu qu'ils constatent leur erreur. ... Quand ils se sont rendu compte que c'était moi, le suspect, eh bien : s'en sont-ils pris à ma personne avec la même violence qu'avec le Noir? Mais non, pas du tout. Nous sommes restés debout bien tranquillement, à l'extérieur du magasin, et ils ont simplement pris note de ma version des faits et des détails de mon identité. » (D. P.)

Voici un autre exemple. Un Afro-Canadien, lui-même agent de police, se trouvait dans une autre ville et il était sorti avec des amis. Vers la fin de la soirée, il s'était fait arrêter, après avoir traversé la rue sur un feu rouge. Mais la réaction de l'agent avait été largement disproportionnée : il l'avait « jeté contre le mur du restaurant, sans aucun avertissement ». Après quoi il lui avait passé les menottes et, malgré son entière coopération, l'avait écrasé contre le coffre de sa voiture et l'avait soumis à une fouille sommaire. Découvrant que le prévenu avait sur lui un insigne et une plaque d'identification de policier, l'agent n'avait pas admis qu'il puisse s'agir réellement d'un collègue. Au contraire, il l'avait menacé, l'accusant de « vouloir se faire passer pour un agent de police ».

« Je sais que je n'étais pas entièrement exempt de tout blâme lorsque j'ai été interpellé par la police ce soir-là. J'avais bu et j'avais traversé la rue sur un feu rouge, mais cela semblait si minime en comparaison de ce qui s'est produit après mon interpellation. ... Également, j'ai eu honte que mes amis soient forcés de me voir malmené et bousculé. J'ai eu des douleurs physiques pendant quelques minutes, car l'agent m'avait brutalement serré les bras dans le dos pour m'enfiler les menottes et m'avait violemment rabattu le visage sur sa voiture. J'ai eu envie de me défendre, et, en fait, j'ai envisagé de me battre, parce que je ne pouvais même pas imaginer un soupçon de justification légale pour ce type de traitement. Je me suis senti agressé. J'ai eu honte de cette démonstration du comportement que manifestent parfois mes collègues agents et de la manière dont ils peuvent avilir et victimiser des citoyens ordinaires. » (S. B.)

Un homme signale avoir reçu une indemnité de la Commission d'indemnisation des victimes d'actes criminels pour une agression physique survenue au cours d'un incident de profilage. Il a ultérieurement déménagé dans le sud des États-Unis, car ses blessures sont permanentes et son état est aggravé par le froid.

Des études menées aux États-Unis ont établi des corrélations entre la perception de discrimination raciale et l'hypertension, l'état de santé déclaré par l'intéressé et les congés de maladie[51]. Selon une étude britannique, les victimes de discrimination sont plus susceptibles de contracter une maladie respiratoire, de souffrir d'hypertension, d'être frappé d'une maladie débilitante de longue durée (maladie ou invalidité prolongée, qui restreint la capacité de travailler ou même de vaquer aux activités de tous les jours) et de présenter des symptômes d'anxiété, de dépression et de psychose[52].

On voit que les répercussions physiques du profilage sont profondes et durables.

Coûts financiers du profilage pour la société

Les commentaires précédents sur les impacts négatifs du profilage racial montrent amplement que le profilage racial comporte des coûts financiers, directs et indirects, pour les personnes, les entreprises et la société dans son ensemble. Nous avons donc de bonnes raisons de nous inquiéter de ce problème, ne serait-ce qu'en raison de ses coûts financiers pour la société, même si l'on est membre d'un groupe qui pourrait ne pas subir ses effets directs sur d'autres plans.

En quoi consistent ces coûts financiers directs pour ceux qui ne sont pas visés par le phénomène? Au cours de son enquête, la Commission a appris que le profilage racial peut porter atteinte à une organisation sous différents angles, dont celui des résultats financiers. Tout d'abord, une foule de participants à l'enquête qui avaient été lésés par des incidents impliquant des entreprises du secteur privé, telles que magasins et centres commerciaux, ont signalé qu'ils boycottaient ces commerces. De plus, dans certains cas, les amis, les familles et même la communauté tout entière participent au boycottage, surtout s'il est connu que le commerce pratique le profilage.

« Je suis plus sage maintenant et je choisis de façon plus judicieuse les endroits où je dépense un argent durement gagné. Je n'achète jamais dans un magasin si je sais qu'il pratique le profilage à l'endroit des membres des minorités visibles. » (A. C.)

« Nous étions fâchés et blessés. Nous avons décidé de retourner encore une fois au magasin, lui donnant le bénéfice du doute. La même chose s'est reproduite cette fois-là. Nous avons boycotté le magasin et avons mis tous nos amis au courant. » (N. G.)

« Dans un certain nombre de cas, on a agi de façon tout à fait insultante à l'égard des clients noirs, ce qui a mené les dirigeants de Détroit à recommander aux Noirs de ne pas fréquenter le casino... » (H. M.)

Aux États-Unis, des poursuites civiles ont été intentées contre plusieurs grands magasins, alléguant qu'ils exercent des activités de profilage racial. Des recherches effectuées par trois universitaires américains ont révélé que, depuis 1990, plus de 80 consommateurs avaient déposé une plainte relative au profilage racial auprès des tribunaux fédéraux, un nombre encore supérieur ayant entamé les même procédures auprès des tribunaux d'État[53] - sans parler de plusieurs règlements se chiffrant à des millions de dollars, à l'issue de ces types de poursuites. Bien entendu, outre les recours possibles qui pourraient être accordés advenant que les plaignants aient gain de cause, le coût au plan de la réputation pour ces commerces pourrait être substantiel.

Cependant, dans le sillage du profilage racial, les commerces et entreprises pourraient subir des pertes financières moins directes. Par exemple, certains tentent désormais d'accroître la diversité au sein de leur personnel. Beaucoup se rendent compte que la réalisation de l'équité et de la diversité est à la fois moralement juste et indispensable à une bonne stratégie d'entreprise. Cependant, le profilage racial peut avoir un impact direct sur la capacité d'une organisation de recruter et de conserver des employés compétents issus de groupes racialisés. Comme nous l'avons déjà relevé, le profilage racial peut attiser le comportement antisocial et contribuer à une marginalisation accrue des groupes racialisés. En d'autres termes, le profilage peut mener directement à comprimer le bassin des candidats disponibles qui possèdent la formation ou les compétences demandées par les entreprises.

Outre les répercussions ci-dessus énoncées, le profilage peut avoir un impact extrêmement négatif sur le moral des employés racialisés. Dans l'une des descriptions les plus vivantes d'un effet du profilage lié à l'emploi que nous ayons entendues au cours de l'enquête, un participant raconte avoir été soumis à une ambiance de travail empoisonnée du point de vue racial, en partie à cause d'un incident de profilage. Un jour, pendant qu'il était au travail, cet Afro-Canadien et deux de ses compagnons de travail blancs ont entendu la préposée d'un poste d'essence voisin appeler à l'aide, car on venait de la cambrioler. Les trois hommes se sont lancés à la poursuite du coupable, un Blanc, et l'Afro-Canadien a réussi à immobiliser le voleur. À leur retour, ils ont trouvé sur les lieux une équipe d'intervention spéciale d'un service de police de l'extérieur de Toronto. Les policiers se sont enquis : « Puis, l'avez-vous rattrapé? » Le gérant a répondu affirmativement, et l'un des agents, sûr que l'Afro-Canadien était le coupable, lui a immédiatement saisi le bras en lui intimant de le suivre.

Les deux employés blancs qui avaient participé à l'opération ont été interrogés par la police à titre de témoins et se sont vu décerner une citation pour civisme, mais pas leur compagnon afro-canadien. Son employeur ne l'a pas soutenu, et les autres employés se sont moqués de lui à cause de l'incident. Il a fini par déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne et a réussi à démontrer que cet incident et bien d'autres contribuaient à empoisonner l'ambiance de son milieu travail du point de vue racial.

« Eh bien, dans mon milieu de travail, les gens s'amusaient à faire des commentaires touchant la race, ça revenait essentiellement à du harcèlement racial. Et comme dans ce cas, la police m'avait appréhendé parce que j'étais le seul Noir présent, ils ont trouvé cette affaire hilarante. À l'époque, mon directeur en a ri aux larmes, parce que c'était moi que la police avait arrêté. La police avait pensé que c'était moi le coupable, alors que, au contraire, c'était moi qui l'avait attrapé. » (M. S.)

Cet exemple souligne l'importance pour les employeurs de se montrer compréhensifs et d'appuyer les employés qui sont victimes de profilage. Et, bien que cet exemple soit extrême, les incidents de profilage racial relatés au cours de l'enquête ont nettement influé sur le moral des personnes, qu'ils se soient produits en milieu de travail ou à l'extérieur.

On reconnaît de façon générale que le moral des employés est inextricablement lié à la satisfaction des clients et au rendement organisationnel. Par conséquent, en établissant ce lien avec le moral de l'individu, la Commission en est venue à la conclusion que le profilage racial pourrait bien avoir des répercussions sur le rendement au sein des organisations, dans les secteurs tant privé que public.

Un autre important sujet de préoccupation pour les employeurs est la santé physique et mentale de leurs employés et leur bien-être affectif. Comme nous l'avons déjà énoncé dans ce rapport, le profilage racial a un impact direct à cet égard. Les employés qui sont exposés au profilage, dont un membre de la famille en a été victime, qui s'inquiètent de la possibilité de subir un tel incident ou qui sont simplement préoccupés par son existence peuvent voir leur rendement au travail affecté. En outre, il peut y avoir perte de temps de travail à cause des démarches entraînées par ce genre d'incident (p. ex. rencontre avec la direction de l'école, obligation de comparaître au tribunal, etc.) ou de ses retombées physiques, mentales et affectives.

Les parents, en particulier, ont dit devoir consacrer beaucoup de temps et toutes leurs énergies, affectives et physiques, à essayer de remédier aux problèmes de profilage touchant leurs enfants, par exemple : « J'étais vraiment au bout du rouleau. J'avais des sautes d'humeur, je passais de l'agitation à la dépression. Mon médecin m'a prescrit des somnifères. Je ne savais plus que faire. Je ne pouvais plus me concentrer au travail. » (K. N.) Il est nécessairement au détriment de l'employeur qu'un membre de son personnel éprouve un tel degré de stress.

Aux États-Unis, la Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health a estimé le coût des troubles mentaux à 11 milliards de dollars en productivité et à 33 milliards de dollars au total[54]. Il est clair que le stress éprouvé par les personnes en raison d'incidents de profilage racial explique en partie ce coût.

Le profilage peut aussi entraver directement la capacité des employés de s'acquitter de leurs tâches quotidiennes. Par exemple, les employés qui voyagent beaucoup dans le cadre de leurs fonctions peuvent être touchés par certaines formes de profilage pratiquées par le personnel de sécurité des aéroports ou des douanes canadiennes. Un participant à l'enquête, un professionnel qui effectue des voyages d'affaires à l'extérieur du Canada, a signalé avoir été interrogé et retardé plusieurs fois dans les aéroports et aux frontières depuis le 11 septembre. Il indique que, en conséquence, il a réduit le volume de ses déplacements professionnels.

De plus, les employés qui conduisent des voitures de fonction peuvent se faire arrêter pour interrogatoire simplement parce qu'ils se trouvent dans un véhicule d'entreprise, ainsi qu'en ont témoigné plusieurs participants. Nombre de personnes ont signalé des retards au travail, à des réunions et autres en conséquence d'incidents liés au profilage.

Enfin, mentionnons l'impact sur le niveau de vie de la population ontarienne. Des recherches suggèrent que des niveaux élevés de cohésion sociale contribuent de façon appréciable à la prospérité de l'économie et de la société[55]. On peut définir ainsi la cohésion sociale : « un processus continu en vue d'instaurer une collectivité offrant des valeurs communes, des défis communs et l'égalité des chances au Canada, sur la base d'un sentiment de confiance, d'espoir et de réciprocité entre les Canadiens[56] ». On a caractérisé cette réalité de la façon suivante : des personnes éprouvant un sentiment d'appartenance à la collectivité, la participation à la gestion des affaires publiques, la reconnaissance de la tolérance des différences comme vertu et le maintien d'institutions légitimes, tant privées que publiques[57].

Ainsi que l'illustre le présent rapport, le profilage racial a, entre autres effets, celui de compromettre nos perspectives d'avenir par ses retombées sur nos enfants et sur nos jeunes; de susciter la méfiance envers nos institutions; d'altérer le sentiment d'appartenance à la collectivité et le niveau de participation à la vie de la société; enfin, de saper les bases de la dignité humaine. Le profilage racial a donc sans aucun doute un effet pernicieux sur la cohésion sociale, ce qui entraîne des coûts financiers prohibitifs pour la société ontarienne.


[32] S. Wortley, Racial Differences in Customs Searches at Pearson International Airport: Results from a Pilot Survey, supra, note 11.
[33] American Psychological Association, Letter to U.S. House in Support of the End Racial Profiling Act, H.R. 2074 (9 août 2001); en ligne : American Psychological Association: http://www.apa.org/ppo/issues/pracialprof.html.
[34] Ibid.
[35] Convention relative aux droits de l'enfant, entrée en vigueur le 2 septembre 1990 et ratifiée par le Canada le 13 décembre 1991.
[36] M. D. Ruck et S. Wortley, « Racial and Ethnic Minority High School Perceptions of School Disciplinary Practices: A Look at Some Canadian Findings » (2002),31(3), Journal of Youth and Adolescence, p. 185-186 et 194.
[37] R. J. Skiba et R. Peterson, « The Dark Side of Zero Tolerance: Can Punishment Lead to Safe Schools? » (1999), 80(5), Phi Delta Kappan, p. 372; en ligne : http://www.pdkintl.org/kappan/kski9901.htm; L. M. DeRidder, « How Suspension and Expulsion Contributes to Dropping Out », The Education Digest (février 1991).
[38] Entrevue avec David R. Offord, directeur du Canadian Centre for Studies of Children At-Risk, Université McMaster, 6 mai 2003.
[39] V. Lu, « Youthful Fears Include Police Treatment », Toronto Star (16 janvier 2003).
[40] Rapport du Groupe d'étude sur les relations entre la police et les minorités raciales, supra, note 7, p. 23.
[41] C. E. James, supra, note 11, p. 173.
[42] Raymond W. Li, Letters to the Editor, Share (19 juin 2003), p. 9.
[43] D. Kennedy, « We need not yield to them: Some U.S. cities have made great strides in dealing with violent kids. But for starters, adults must act, says Harvard's David Kennedy », The Globe and Mail (18 août 2003).
[44] Statistique Canada, Population des minorités visibles, provinces et territoires (Recensement de 2001); en ligne : Statistique Canada, http://www.statcan.ca/français/Pgdb/demo40a_f.htm. Statistique Canada chiffre à 2 153 045 personnes la population totale des « minorités visibles » de l'Ontario selon le recensement de 2001, lequel établissait la population totale de l'Ontario à 11 285 550 personnes. Les catégories de « minorités visibles » énumérées sont les suivantes : Noir, Sud-Asiatique, Chinois, Coréen, Japonais, Asiatique du Sud-Est, Philippin, Arabe/Asiatique occidental, Latino-Américain, Minorités visibles non incluses ailleurs et Minorités visibles multiples.
[45] C. Fröhlicher-Stines, « The Effects of Racism on Group and Individual Identity », Nationale Tagung de EKR, 20 mars 2002; en ligne : http://www.ekr-cfr.ch/tagungen/2002/carmel_froehlicher_stines.pdf.
[46] Ibid.
[47] Ibid.
[48] Voir par exemple : Fondation canadienne des relations raciales, Unequal Access: A Canadian Profile of Racial Differences in Education, Employment and Income (communication préparée pour la Fondation canadienne des relations raciales par le Conseil canadien de développement social, 2000); Rapport de la Commission sur le racisme systémique dans le système de justice pénale en Ontario, supra, note 1; Commission ontarienne des droits de la personne, Les commissions des droits de la personne et les droits économiques et sociaux (document de recherche, février 2000); en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne, http://www.ohrc.on.ca/french/consultations/economic-social-rights-paper.shtml.
[49] C. Fröhlicher-Stines, supra,note 45.
[50] Par exemple, J. Sanchez-Hucles, professeure de psychologie à l'Old Dominion University de Virginie, a étudié l'effet du racisme sur les citoyens issus de minorités. Selon elle, il faudrait considérer les problèmes chroniques auquel donne lieu le grave stress causé par le racisme comme un type de syndrome de stress post-traumatique. Voir le commentaire des effets psychologiques du profilage, dans D. A. Harris, Profiles in Injustice, supra, note 27, p. 97-98.
[51] N. Krieger, « Discrimination and Health », dans L. Berkman et I. Kawachi (dir.), Social epidemiology(Oxford, Oxford University Press, 2000), p. 36.
[52] S. Karlsen et J. Nazroo, « Relation between racial discrimination, social class, and health among ethnic minority groups » (2002), 92, Am J Public Health, p. 624.
[53] « Lawsuits Cite Consumer Racial Profiling », Associated Press (9 juin 2003).
[54] Global Business and Economic Roundtable on Addiction and Mental Health Web site:
http://www.mentalhealthroundtable.ca/june_2003/HealthMandateArticles.pdf
[55] Comité de recherche stratégique, Soutenir la croissance, le développement humain et la cohésion sociale dans un contexte de mondialisation (Ottawa, 1999), tel que cité dans Changing Values the Canadian Way, ibid., p. 15.
[56] Comité de recherche stratégique, Soutenir la croissance, le développement humain et la cohésion sociale dans un contexte de mondialisation (Ottawa, 1999), tel que cité dans Changing Values the Canadian Way, ibid., p. 15.
[57] J. Jenson, Les contours de la cohésion : l'état de la recherche au Canada, étude nF/03 des RCRPP, 1998, telle que citée dans Changing Values the Canadian Way, ibid., p. 16.

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