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Le critère de revenu minimum

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Les assistés sociaux qui cherchent un logement locatif ainsi que d’autres personnes à faible revenu désignées au Code, ont été particulièrement touchés par l’application du critère de revenu minimum. De nombreux locateurs appliquent une norme voulant qu’un locataire ne doive pas dépenser plus de 25 à 35 pour cent de son revenu en loyer. Ceux qui ne peuvent atteindre ce coefficient sont rejetés. Tandis qu’on fait valoir que cette approche est un moyen nécessaire pour évaluer la capacité d’un demandeur de payer le loyer, son usage a pour effet de refuser l’accès à des unités de location aux membres de groupes défavorisés protégés par le Code qui ont généralement des revenus inférieurs. Rien ne prouve que des personnes provenant de groupes défavorisés ou de groupes à faibles revenus, qui dépensent pour le loyer une portion de leur revenu plus élevée que le coefficient de loyer proportionné au revenu ne le permettrait, soient plus susceptibles de se retrouver en défaut de paiement de leur loyer.

Les recherches indiquent qu’environ un tiers des Ontariens paient plus de 30 pour cent de leurs revenus de ménage en loyer.[210] Dans la plupart des cas, ces personnes paient leur loyer en entier et à temps. Rien ne prouve que les bénéficiaires d’aide sociale manquent à leurs obligations relatives au loyer dans une proportion plus élevée que d’autres ou qu’ils soient moins consciencieux avec leur argent.[211] En fait, un rapport de la Commission des droits de la personne du Québec en 1997 démontre que 78 pour cent des locataires défaillants avaient un emploi lorsqu’ils ont omis de payer le loyer.[212] Le rapport québécois concluait qu’un critère de sélection des locataires utilisé par les locateurs selon un coefficient de loyer proportionné au revenu mène à une discrimination systémique et fondée sur la condition sociale envers les personnes à faible revenu.[213]

En Ontario, l’emploi de coefficient de loyer proportionné au revenu et d’exigences de revenu minimum a été examiné dans l’affaire de Kearney c. Bramalea.[214] L’affaire impliquait trois locateurs, dont deux se servaient de coefficients de loyer proportionnés au revenu, et le troisième appliquait un seuil de revenu minimum de 22 000 $ par année. La commission d’enquête a décidé que les coefficients de loyer proportionnés au revenu et seuils de revenu minimum violaient le Code, qu’on s’en serve séparément ou qu’on les combine avec d’autres critères ou exigences. La commission a conclu que la preuve démontrait que ces pratiques avaient des effets disparates sur les groupes protégés par le Code et que ces politiques n’étaient pas appliquées de bonne foi étant donné qu’elles ne permettent pas de prédire si un locataire sera en défaut ou non. En appel, la Cour supérieure de l’Ontario a maintenu le jugement de la commission voulant que l’utilisation de coefficients de loyer proportionnés au revenu et de seuils de revenu minimum, comme seules raisons de refuser des demandes, constituait de la discrimination indirecte contre le plaignant pour un motif interdit par le Code.[215]

Par la suite, le Code a été modifié avec l’ajout du paragraphe 21(3), qui autorise les locateurs à utiliser, de la façon prescrite par le Code et les règlements, des renseignements sur le revenu, des vérifications de solvabilité, des références concernant le crédit, des antécédents en matière de location, des garanties ou autres pratiques commerciales similaires pour sélectionner les locataires éventuels. En ce qui concerne l’utilisation des renseignements sur le revenu, le règlement 290/98 prévu par le Code permet aux locateurs de demander à un locataire éventuel des renseignements sur le revenu, seulement si ces locateurs demandent également des références concernant le crédit, des antécédents en matière de location et des vérifications de solvabilité, et pour examiner les renseignements sur le revenu seulement par rapport à tous les autres renseignements obtenus. Le règlement réaffirme expressément qu’aucun de ces outils d’évaluation ne peut être utilisé de manière arbitraire pour écarter des locataires potentiels pour des motifs prévus au Code. Le critère doit être utilisé de bonne foi et de façon non discriminatoire. Dans les cas où des renseignements sur le revenu, des vérifications de solvabilité, des références concernant le crédit, des antécédents en matière de location ou des garanties sont appliqués de manière à créer des obstacles systémiques pour les personnes désignées par un motif prévu au Code, le locateur devra démontrer que cette exigence est faite de bonne foi – soit que le critère ne pourrait pas être appliqué de façon non discriminatoire sans imposer des contraintes excessives au locateur.

On a informé la Commission du fait qu’il y a constamment des problèmes relatifs à l’usage que les locateurs font des renseignements, et que les locateurs interprètent erronément ou appliquent mal les dispositions du Code et le règlement 290/98 et continuent d’appliquer des coefficients de loyer proportionnés au revenu. Par exemple, l’exigence de cosignataires et de garants pour les locataires peut dresser des obstacles systémiques. La Commission a été informée que de nombreux locateurs ont pour pratique de demander automatiquement aux demandeurs à faible revenu (surtout les assistés sociaux) de fournir un cosignataire ou un garant. Il arrive souvent que les locateurs appliquent aux cosignataires un coefficient de loyer proportionné au revenu. Il s’agit d’un obstacle majeur pour de nombreuses personnes protégées par le Code, étant donné que peu d’entre elles ont accès à un cosignataire ou un garant, et encore moins à un cosignataire ou garant apte à satisfaire le coefficient de loyer proportionné au revenu que l’on exige. Bien qu’il puisse être approprié de se servir de cosignataires ou de garants dans le cas où un locataire n’a que des références médiocres ou a des antécédents de défaillances, le fait par exemple, d’exiger des cosignataires ou garants pour la seule raison qu’un demandeur est prestataire d’aide sociale, pourrait constituer une violation du Code. La Commission est d’avis que lorsque les locateurs examinent les renseignements sur le revenu, ils doivent le faire avec bonne foi en s’efforçant d’évaluer valablement les locataires potentiels.

Dans Vander Schaaf c. M.R. Property Management Ltd.[216], la commission d’enquête a considéré l’emploi de coefficients de loyer proportionnés au revenu dans le contexte de la nouvelle loi. Bien que la Commission n’ait pas établi de lien causal entre le refus de la demande et l’emploi de coefficients de loyer proportionnés au revenu dans cette affaire, elle a formulé un certain nombre de commentaires sur cette question. La Commission a déclaré que l’expression renseignements sur le revenu est suffisamment large pour englober les renseignements sur le montant, la source et la constance du revenu d’un locataire potentiel. Elle a ajouté que le fait d’autoriser les locateurs à obtenir des « renseignements sur le revenu » ne leur permet pas d’appliquer des coefficients de loyer proportionnés au revenu. Dans Sinclair c. Morris A. Hunter Investments Ltd.[217], la commission d’enquête a conclu qu’en se fondant sur ses décisions antérieures, le Code et les règlements, elle pourrait rendre une ordonnance de cesser et de s’abstenir qui exige du locateur dans cette affaire de ne plus appliquer de coefficients de loyer proportionnés au revenu. La commission a sévèrement mis en garde tous les locateurs contre l’usage constant de coefficients de loyer proportionnés au revenu, étant donné qu’ils ont été jugés discriminatoires dans leur application à un large éventail de locataires potentiels.


[210] Hulchanski, J.D. How Households Obtain Resources to Meet their Needs: The Shifting Mix of Cash and Non-Cash Sources (Université de Toronto, Toronto, 1994), p. 34-35; Ornstein, M. Income and Rent: Equality Seeing Groups and Access to Rental Accommodation Restricted by Income Criteria (Université York, Toronto, 1994), p. 63.
[211] Stapleton, J. Report on Social Assistance Programs in Ontario (avril 1994), p. 8.
[212] Commission des droits de la personne, Pauvreté et droit au logement en toute égalité : une approche systémique (Québec, avril 1997), p. 50.
[213] Le rapport du Québec indique également que :

  • le logement ne saurait être considéré comme un bien comme les autres, car il répond au besoin humain primordial de logement;
    • les propriétaires sont obligés d'offrir des logements convenables sans discrimination aux personnes qui peuvent démontrer leur aptitude à remplir réellement les obligations auxquelles elles s'engagent en signant un bail, sans préjugé à l'égard de l'importance et de la source de leurs revenus, de même que de la proportion que le loyer représente par rapport à ces revenus;
    • l’existence de risques ne saurait justifier le refus automatique de louer à des personnes bénéficiant de l’aide sociale.

[214] Kearney c. Bramalea Ltd. (No 2)(1998), 34 C.H.R.R. D/1 (Com. d’enq. de l’Ont.).
[215] (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (Cour sup. de l’Ont.).
[216] Vander Schaaf c. M.R. Property Management Ltd., supra note 141.
[217] Ibid.

 

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