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13. Cessation d’une relation d’emploi

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Dans de nombreux cas, une cessation d’emploi, qu’elle prenne la forme d’un licenciement, d’une mise à pied, d’une suppression de poste, d’un programme de retraite anticipée ou d’une démission de l’employé, est jugée acceptable et non discriminatoire. L’une des principales conditions qu’il faut toutefois respecter est de s’assurer que la cessation de la relation d’emploi n’est pas dictée ou influencée par une attitude discriminatoire. Cette condition s’applique même aux cas où un employé est licencié au cours de sa période probatoire ou au moment où elle prend fin.

Exemple : Une employée sollicite un congé en raison de son état familial et de besoins reliés à un handicap durant sa période de probation de trois mois. Il est inacceptable que l’employeur tienne compte de ce fait pour décider de la congédier à la fin de sa période d’emploi.

L’une des pratiques exemplaires que pourraient adopter les employeurs est d’organiser des sondages ou des entrevues anonymes pour recueillir les commentaires des employés qui quittent l’entreprise, démissionnent, sont mis à pied ou sont licenciés. Ces commentaires aideront les employeurs à déterminer si la discrimination, le harcèlement ou l’absence de mesures d’adaptation entrent en jeu dans la décision des employés de quitter l’entreprise.

a) Démission et congédiement déguisé

Le fait qu’un employé démissionne ne libère pas l’employeur de la responsabilité qu’il pourrait avoir dans tout acte de discrimination dont l’employé pourrait avoir fait l’objet au travail. Si un employé démissionne par suite de pratiques discriminatoires, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur ces pratiques et les prévenir. Un tribunal judiciaire ou administratif peut juger que les employés qui quittent un emploi parce qu’ils refusent de travailler dans des conditions malsaines sont susceptibles de se prévaloir d’un congédiement déguisé.

La Commission a instruit des affaires où les employés se sont vus donner la possibilité d’éviter le licenciement en choisissant volontairement de quitter leur emploi. Si le départ de l’employé est dicté par un motif prévu au Code, il peut être considéré comme discriminatoire, même si l’employeur peut arguer que l’employé a quitté son emploi de son propre gré.

Quand un employé démissionne brusquement dans des circonstances qui laissent croire que sa décision a pu être dictée par une maladie mentale ou un autre handicap, l’employeur doit prendre les initiatives nécessaires pour déterminer s’il y a lieu de prendre des mesures d’adaptation avant d’accepter sa démission. S’il n’envisage pas de telles mesures, l’employeur doit malgré tout s’assurer que l’employé comprend les conséquences de son geste, dispose d’un certain temps pour réfléchir sur sa décision et a la possibilité de revenir sur sa démission dans un délai raisonnable.

Exemple : Une stagiaire employée dans une société de placement annonce son intention d’abandonner le stage au milieu de l’année et décline l’offre lucrative de se joindre à la société à titre permanent à partir de l’année suivante. Le directeur des ressources humaines soupçonne que la stagiaire est déprimée ou qu’elle agit sous l’influence d’une forme ou une autre de maladie mentale parce que son rendement a récemment posé quelques problèmes et qu’elle tient des propos illogiques, où elle prétend qu’elle préférerait travailler comme balayeuse de rue. Malgré cela, la société s’empresse de remplir les papiers administratifs et confirme la démission de l’employée avant qu’elle ne change d’avis. Quand la stagiaire prend conscience qu’elle a agi de manière précipitée, elle demande de réintégrer son poste, mais on lui répond qu’il est trop tard pour le faire. La société pourrait se trouver dans une position vulnérable si l’employée déposait une plainte en vertu du Code des droits de la personne.

Dans certains cas, la démission d’un employé ou les actions d’un employeur peuvent être perçues comme une forme de « licenciement déguisé ». Si un tribunal judiciaire ou administratif rend un jugement dans ce sens, un employé a droit à tous les recours dont il aurait bénéficiés s’il avait de fait été licencié.

Exemple : De retour au travail après un congé d’invalidité, un vice président des finances apprend que son poste a été confié à un autre employé. On lui explique qu’il peut reprendre le travail à condition d’accepter un poste de cadre débutant, avec un salaire et des responsabilités moindres. L’employée démissionne et dépose une plainte en vertu du Code des droits de la personne. L’employeur peut être accusé d’avoir failli à son obligation d’adaptation, auquel cas l’employé aura droit à la fois aux dommages pour atteinte à la dignité (dommages-intérêts généraux) et aux dommages pour perte d’emploi (dommages-intérêts particuliers).

Exemple : Une employée est victime d’une agression sexuelle de la part d’un client en milieu de travail. Son poste est suspendu en attendant les résultats de l’enquête et des procédures pénales. Le processus prend plus de deux ans. Cette suspension de poste peut être considérée comme cessation d’emploi discriminatoire.

Exemple : Une employée en congé de maternité se voit contrainte de payer son assurance médicale. De retour au travail, elle doit accepter un poste de salaire et de classification inférieurs. Elle décide de démissionner. Les employés de sexe masculin ayant bénéficié d’un congé pour raisons médicales de durée équivalente n’ont pas été soumis aux mêmes exigences. L’employée pourra sans doute se prévaloir d’un congédiement déguisé et obtenir de ce fait l’indemnisation prévue par le Code dans ces situations.

b) Licenciements

Un grand nombre de personnes qui déposent une plainte pour atteinte aux droits de la personne en milieu de travail allèguent que leur cessation d’emploi repose sur des motifs discriminatoires. Certaines personnes font valoir leurs droits pendant qu’elles sont encore à l’emploi de leur société. Toutefois, la plupart des employés composent avec la discrimination et le harcèlement en milieu de travail jusqu’à ce que leur emploi prenne fin, puis déposent une plainte où elles réclament des indemnités pour une série de situations discriminatoires survenues pendant leur période d’emploi. Dans d’autres cas, les employés estiment qu’ils ont été traités équitablement jusqu’à la cessation effective de leur emploi ou jusqu’aux dernières étapes de la dotation de leur poste. Pour certains, c’est la manière dont la cessation d’emploi se produit qui est jugée discriminatoire.

Quand un employé concerné par un motif de discrimination prévu au Code est licencié et que sont poste est comblé par un autre employé qui n’est pas concerné dans la même mesure par un motif de discrimination prévu au Code, la situation laisse inférer une attitude discriminatoire. L’inférence peut être plus forte lorsque l’employeur justifie la cessation de l’emploi par un faux prétexte comme une restructuration du service, alors que rien n’indique qu’une telle restructuration a lieu.

Exemple : Un vendeur de 69 ans dont le rendement est excellent est remercié de ses services. Son employeur prétend que son poste est devenu excédentaire, mais il apprend de diverses sources qu’il sera remplacé par un employé célibataire plus jeune chez lequel l’employeur voit un plus grand potentiel de carrière.

Exemple : Une femme demande et obtient des mesures d’adaptation à l’égard de sa situation familiale. Ces mesures prennent la forme d’un horaire flexible qui lui permet de prodiguer les soins nécessaires à sa mère et à son fils, qui ont tous deux de graves problèmes de santé. Quelques mois plus tard, l’employée est licenciée sur le motif que sa productivité est inférieure à celle de ses collègues et que son licenciement fait partie d’une restructuration d’ensemble du personnel. Or, aucune autre personne n’est licenciée et un homme, réputé être un bourreau de travail, est nommé à son poste.

Comme nous l’avons noté plus haut à propos des mesures disciplinaires, de nombreuses plaintes pour atteinte aux droits de la personne portent sur des situations où les mesures disciplinaires, dont le licenciement, sont appliquées de manière inéquitable ou disproportionnée aux personnes concernées par l’un des motifs de discrimination prévus par le Code.

Exemple : Deux employées d’une garderie s’occupent de dix enfants d’âge préscolaire. Un accident se produit et aucune des deux employées ne remplit le rapport d’incident requis. L’employée racialisée est congédiée, tandis que sa collègue de race blanche, qui a le même dossier disciplinaire sans tache et le même niveau de responsabilité, ne reçoit qu’un avertissement par écrit.

La cessation d’emploi doit se dérouler en conformité avec les dispositions du Code et dans le respect de la dignité des employés. Des agissements comme le refus de remplir les documents de cessation d’emploi ou la création d’obstacles pour empêcher que l’employé ne bénéficie des droits que lui confère la loi, comme l’indemnité de départ, constituent des infractions au Code. Consulter aussi la section IV-13b(viii) – Forme du licenciement.

i) Licenciement d’un employé en période probatoire :

De nombreux employeurs croient à tort qu’ils peuvent licencier un employé en période d’essai pour n’importe quelle raison, y compris un motif fondé sur le Code. Ils croient aussi que l’indemnisation qu’ils doivent verser à un tel employé en vertu des lois sur les droits de la personne sera minimale. Ce n’est pas le cas.

On ne peut se défendre contre une plainte pour discrimination en alléguant que l’employé était en période probatoire. Toute personne licenciée durant ou à la fin d’une période d’essai pour des raisons discriminatoires ou au vu de facteurs discriminatoires, a le droit de déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne et de réclamer des recours, y compris des dommages-intérêts.

Une récente décision du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario illustre les conséquences importantes qu’ont eues le traitement discriminatoire et le licenciement d’un employé en période d’essai qui venait d’être embauché. L’affaire Lane c. ADGA Group Consultants Inc.[89] portait sur un employé en période d’essai licencié au bout de huit jours de travail seulement pour des raisons liées à un handicap mental. Le Tribunal a ordonné à l’intimé de :

  • verser à l’employé 35 000 $ en dommages intérêts généraux pour violation de ses droits en vertu du Code, 10 000 $ en dommages-intérêts pour souffrance morale et près de 35 000 $ en dommages-intérêts spéciaux pour perte de salaire découlant de la violation de ses droits.
  • payer les intérêts avant jugement calculés sur ces montants à compter de la date où M. Lane a déposé sa plainte, ainsi que les intérêts après jugement sur le montant complet à compter de 30 jours après la date du jugement.
  • retenir à ses propres frais les services d’un consultant qualifié pour fournir au personnel, aux superviseurs et aux supérieurs immédiats une formation sur les dispositions du Code et les mesures d’adaptation prévues en cas de maladie mentale;
  • formuler par écrit des directives antidiscriminatoires complètes dans les trois mois qui suivent le jugement, les afficher très visiblement dans tous les endroits où l’employeur exerce ses activités d’affaires et les inclure dans les programmes d’orientation des employés. L’intimé a également été tenu de joindre des exemplaires de ces directives à toutes les réponses aux demandes de proposition qu’il soumet.

ii) Comportements reliés à un motif de discrimination prévu au Code :

En présence d’un « climat malsain », le licenciement d’un employé sera replacé dans le contexte de ce climat.[90] Avant de mettre fin à un emploi sous un motif d’insubordination ou de propos injurieux au travail, l’employeur doit prendre toutes les mesures de diligence raisonnable pour déterminer si un environnement de travail malsain ou une discrimination latente a contribué à créer cette situation. Les tribunaux tiendront compte de l’existence de conditions de travail pour évaluer si un licenciement a ou non des mobiles discriminatoires.

Exemple : Un employé est licencié sur le motif que son dossier disciplinaire révèle une tendance aux conflits avec certains collègues, malgré des faits qui semblent indiquer que son comportement soit provoqué par l’attitude discriminatoire que ces collègues observent à son égard. Un licenciement survenant dans ces circonstances pourrait être jugé discriminatoire.

Les employés souffrant de handicap mental sont particulièrement vulnérables au licenciement. Dans de nombreux cas, un handicap mental non diagnostiquée peut influer sur le rendement professionnel d’un employé. Tout employeur a le droit d’exiger que des normes de rendement soient respectées et que le lieu de travail ne présente aucun risque pour les employés. Cependant, il doit aussi proposer des mesures d’adaptation avant d’évaluer si l’employé pourra ou non répondre aux normes de rendement. Les attentes en matière de rendement de l’employé doivent être établies dans le cadre d’un plan d’adaptation concerté.

iii) Risques perçus du handicap mental pour les autres employés :

Dans certains cas, un employeur peut juger que le handicap mental d’un employé présente des risques pour les autres employés et que sa gravité justifie un licenciement. L’employeur peut, dans certaines conditions, prendre des mesures légitimes pour protéger les employés, mais il doit le faire en tenant compte de ses devoirs et de ses obligations à l’égard de l’employé atteint de handicap mental.

Exemple : Un employé fait des déclarations bizarres à plusieurs de ses collègues de sexe féminin et leur laisse des lettres d’amour à l’extérieur de leur vestiaire. Ces femmes se plaignent à la direction. L’employeur demande à l’employé de passer un examen médical parce qu’il craint qu’un handicap mental ne soit à l’origine de ce comportement. Les dossiers médicaux indiquent en effet que l’employé souffre d’un grave handicap mental, empiré par le stress, et qu’il nourrit des pensées obsessives et compulsives à l’égard de ses collègues de sexe féminin. L’employeur informe le personnel féminin de la situation. Une semaine plus tard, il licencie l’employé pour prévenir toute escalade du harcèlement sexuel. Cet employeur pourrait être soupçonné d’avoir enfreint les dispositions du Code (climat malsain et licenciement sans mesures d’adaptation préalables).

Exemple : Un employeur placé devant la même situation note que l’employé exécute depuis peu des tâches supplémentaires et se demande si ce surplus de travail n’aggrave pas son stress. L’employeur obtient rapidement le consentement de l’employé pour parler à son médecin, demander une évaluation réaliste des risques que courent les employés de sexe féminin et mettre en place des mesures d’adaptation. De concert avec le médecin et l’employé, l’employeur accorde un congé payé à l’employé pour lui permettre de se reposer et de suivre un traitement. À son retour au travail, l’employé bénéficie de mesures d’adaptation qui l’aident à gérer convenablement sa charge de travail et son handicap. Les droits de tous les employés ont été respectés.

Si l’employeur a suivi les conseils du médecin de l’employé, obtenu, au besoin, l’avis de spécialistes et pris les mesures d’adaptation recommandées et qu’il a des motifs valables de croire qu’il subsiste malgré tout de graves risques pour les autres employés, il est vraisemblablement en droit de prendre les mesures nécessaires pour réduire ces risques sans être taxé de discrimination.

Toutefois, l’employeur est toujours tenu de proposer des mesures d’adaptation et de retenir la solution la moins discriminatoire. Par exemple, il peut accorder à l’employé un congé d’invalidité à court ou à long terme et faire évaluer régulièrement son état de santé pour déterminer s’il peut ou non reprendre le travail en toute sécurité.

Si le pronostic de santé de l’employé ne change pas et que les données médicales indiquent qu’il ne pourra pas reprendre le travail même après une longue absence, les circonstances pourraient causer un préjudice injustifié à l’employeur. L’employeur doit toutefois faire preuve de patience et de prudence avant de licencier un employé en congé prolongé pour handicap mental. De nombreux employeurs mettent fin à un emploi beaucoup plus tôt qu’ils ne devraient le faire, et bien avant qu’ils n’atteignent le seuil de ce qu’un tribunal des droits de la personne pourrait qualifier de préjudice injustifié. Consulter ci-dessous la section vi) - Clauses de cessation d’emploi automatique et la section vii) - Cessation d’emploi durant ou après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code.

iv) Absentéisme :

Il est contraire aux dispositions du Code de congédier un employé sur le motif d’absences répétées sans s’être d’abord acquitté de son obligation d’adaptation. Tout employeur décidant de mettre fin à l’emploi d’un employé agit de manière discriminatoire s’il se fonde sur des absences dues à une raison fondée sur le Code, à moins qu’il ne prouve que l’autorisation d’absences additionnelles pour accommoder l’employé constitue un préjudice injustifié. Consulter aussi la section IV-11d(i) – S’assurer de prendre les mesures d’adaptation nécessaires avant d’exécuter des mesures disciplinaires pour absentéisme, la section IV-13b(vi) – Clauses de cessation d’emploi automatique et la section IV-13b(vii) – Cessation d’emploi durant ou après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code.

v) Rendement médiocre susceptible d’être relié à un motif de discrimination prévu au Code :

Les employeurs ne peuvent mettre fin à un emploi pour cause de rendement médiocre si ce dernier est susceptible d’être relié à un motif de discrimination prévu au Code, à moins d’avoir prévu des mesures d’adaptation conformes au Code, sous réserve d’un préjudice injustifié (consulter la section IV-8 – Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail ) et créer un climat de travail non discriminatoire.

Exemple : Au bout de six années de performance impeccable, une employée originaire du Portugal se met à faire de nombreuses erreurs qui ralentissent considérablement la production. Il est connu parmi les employés que le nouveau supérieur immédiat que l’entreprise a engagé il y a trois mois a mauvais caractère et qu’il « cherche querelle » aux employés de sexe féminin dont l’anglais est la langue seconde. L’employée avertie qu’elle sera licenciée, fait valoir que le climat discriminatoire dans lequel elle travaille est la principale raison de sa baisse de rendement. L’employeur devrait prendre les mesures nécessaires pour enquêter sur la situation, examiner le problème et prévenir toute autre discrimination au lieu d’opter immédiatement pour le licenciement.

Les employés souffrant de handicap mental sont particulièrement vulnérables au licenciement. Dans de nombreux cas, un handicap mental non diagnostiqué peut influer sur le rendement professionnel d’un employé. Tout employeur a le droit d’exiger que des normes de rendement soient respectées et que le lieu de travail ne présente aucun risque pour les employés. Cependant, il doit aussi proposer des mesures d’adaptation avant d’évaluer si l’employé pourra ou non répondre aux normes de rendement. Les attentes en matière de rendement de l’employé doivent être établies dans le cadre d’un plan d’adaptation concerté.

vi) Clauses de cessation d’emploi automatique :

Certains employeurs et syndicats établissent parfois des ententes en vertu desquelles un employé perd son ancienneté ou (et) son emploi au bout d’une période d’absence déterminée. La Cour suprême du Canada a statué que l’inclusion d’une telle clause dans une convention collective ou tout autre entente n’est pas discriminatoire, mais que cette clause ne peut prendre effet que si elle s’accompagne de l’obligation de prendre des mesures d’adaptation en fonction des circonstances.[91] Dans ce cas, une employée ayant quinze ans d’ancienneté a quitté le travail il y a trois ans et rien n’indique qu’elle pourra le reprendre dans un avenir prévisible.

Dans tous les cas, et qu’il y ait ou non clause de cessation d’emploi automatique, l’employeur et le syndicat doivent évaluer individuellement chaque employé et soupeser la situation au vu des critères de préjudice injustifié.

Exemple : En vertu d’un contrat d’emploi, tout employé absent du travail depuis trois ans est assujetti à une clause de cessation d’emploi. Robert ne travaille pas depuis deux ans et onze mois en raison d’interventions chirurgicales et de traitements qu’il a dû subir. Il reçoit des médecins l’autorisation de reprendre son travail, peu après le délai de trois ans qui a suivi la date de son départ. L’obligation de prendre des mesures d’adaptation à l’égard de Robert exige normalement de l’employeur qu’il n’observe pas le délai de trois ans, à moins qu’il ne prouve que cela n’entraîne entraîne un préjudice injustifié.

Exemple : Hélène, une collègue de Robert, a commencé à être en congé d’invalidité à peu près à la même date que Robert. De l’avis de son spécialiste, elle ne sera pas en mesure d’occuper un quelconque poste dans l’entreprise pendant les années à venir, même si elle bénéficie de mesures d’adaptation. La clause de la convention collective s’applique à cette situation et l’emploi d’Hélène prend fin au bout de trois ans. Cette cessation d’emploi sera probablement considérée comme non discriminatoire.

Un employeur n’est pas tenu de conserver indéfiniment un employé parmi ses effectifs, si rien n’indique que l’employé pourra reprendre son travail à l’avenir. En revanche, et même si l’employé est absent depuis longtemps, l’employeur ne sera pas en mesure de se prévaloir d’un préjudice injustifié si les coûts associés à cette absence ne sont pas déraisonnables.

Exemple : Un employé de longue date a dû interrompre son emploi il y a deux ans en raison d’une insuffisance rénale. Il doit attendre de un à cinq ans pour obtenir une greffe de rein, mais il est possible qu’il soit complètement rétabli après la greffe. L’employeur souhaite mettre fin à la relation d’emploi sur le motif d’un préjudice injustifié en s’appuyant sur une clause de la convention collective qui permet de mettre fin à un emploi au bout de deux ans. Un arbitre statue que les mesures d’adaptation requises ne constituent pas un préjudice injustifié, car le seul coût que défraie l’employeur est le versement des prestations de maladie de l’employé, qui représentent un montant d’environ 300 $ par mois.[92]

Consulter aussi la section IV-13b(iv) – Absentéisme, la section IV-11d(i) – S’assurer de prendre les mesures d’adaptation nécessaires avant d’exécuter des mesures disciplinaires pour absentéisme et la section IV-11d) – Programmes et politiques en matière de gestion de l’absentéisme.

vii) Cessation d’emploi durant ou après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code :

Tout employeur doit agir avec prudence lorsqu’il décide de mettre fin à l’emploi d’une personne en congé pour des motifs fondés sur le Code. Bien qu’il puisse avoir des raisons légitimes de prendre cette décision, il lui faudra prouver que la discrimination n’entrait pas en ligne de compte dans cette initiative si une plainte pour atteinte aux droits de la personne était déposée contre lui.

Exemple : Un employé se trouve brusquement en congé d’invalidité après un accident de voiture survenu durant l’exercice de ses fonctions. Quatre jours plus tard, il reçoit une lettre de licenciement. L’employeur y explique que cette décision est dictée par le rendement médiocre qu’avait l’employé avant l’accident et qu’il a résolu de la mettre en exécution malgré la nouvelle tournure des événements. Ce cas laisse inférer un motif de discrimination que l’employeur devra surmonter.

Même si le licenciement repose sur des raisons légitimes, un jugement de discrimination peut être rendu si le fait que la personne est en congé autorisé entre en jeu d’une quelconque manière dans cette décision. Par exemple, un service qui restructure ses activités choisit d’attribuer les postes aux personnes qui montrent le plus d’intérêt et d’enthousiasme. Même s’ils en sont informés par téléphone ou par écrit, les employés en congé autorisé seront désavantagés par cette décision. Les enjeux de ce type sont analysés de manière plus approfondie dans les cas de restructuration et de réduction des effectifs, à la section IV-13c) – Restructuration, réduction des effectifs et mises à pied.

Un employeur ne peut licencier, rétrograder ou mettre à pied une employée pour la seule raison qu’elle est enceinte ou qu’elle est en congé de maternité. Quel que soit son sexe, tout employé en congé parental ou en congé d’invalidité a le droit de reprendre son travail, de bénéficier d’avantages sociaux et de profiter des débouchés qu’offre son entreprise, comme les programmes de formation et les affectations de projet. Le fait que le poste doit être pourvu durant l’absence de l’employé ne protège pas totalement l’employeur contre une plainte de discrimination, d’autant plus que ce type de situation donne rarement lieu à un préjudice injustifié. L’employeur est censé pourvoir le poste à titre temporaire.

Exemple : Une employée entame un congé de maternité doublé d’un congé d’invalidité d’une durée de 14 mois. L’employeur affiche et dote le poste vacant en tant que poste à l’interne d’une durée d’un an avec prorogation possible tous les mois. La nouvelle titulaire sait que le poste « appartient » à une autre employée et qu’elle est uniquement engagée pour un contrat à court terme. Quand la première employée annonce son retour au travail, l’employeur indique à sa remplaçante à quelle date s’achèvera son contrat à court terme. L’employeur a rempli les obligations auxquelles il est tenu en vertu du Code ainsi que ses besoins légitimes en dotation de personnel.

Les employés qui reprennent leur travail après un congé octroyé pour des motifs fondés sur le Code, comme l’état familial, l’état matrimonial, un handicap, et le sexe (y compris la grossesse et l’identité sexuelle) sont souvent exposés à des actes discriminatoires. Les employeurs doivent faire preuve de prudence lorsqu’ils envisagent de mettre fin à l’emploi de personnes qui reviennent d’un congé autorisé. Dans de nombreux cas, en effet, de tels licenciements ont été prouvés et jugés discriminatoires.

Exemple : Une employée avise son employeur qu’elle doit prendre un congé pour subir une chirurgie de changement de sexe. L’employeur lui accorde le congé demandé. Quand elle revient au travail après la chirurgie, elle apprend qu’elle est licenciée. Le licenciement a été associé à la transition de l’employée, qui est protégée par le Code en vertu de raisons fondées sur le sexe.

viii) Forme du licenciement :

Certaines plaintes pour atteinte aux droits de la personne découlent de la manière dont se produit le licenciement. Il serait sage que l’employeur traite l’employé avec respect et dignité et qu’il lui donne accès aux services de soutien nécessaires avant de mettre fin à la relation d’emploi qu’il entretient avec lui.[93]

Exemple : Une employée sollicite des tâches modifiées ou une affectation plus adaptée à ses besoins de personne handicapée. L’employeur n’envisage aucune mesure d’adaptation. Au lieu de lui accorder le rendez-vous qu’elle demande pour discuter d’éventuelles tâches modifiées, il organise une réunion au cours de laquelle l’employée se voit signifier son licenciement par une personne qu’elle connaît à peine, avec laquelle elle n’a jamais travaillé et qui n’a pas pris la peine d’explorer les débouchés d’emploi qui pourraient être disponibles. Un tribunal lui a ordonné de verser à l’employée 25 000 $ pour atteinte à la dignité associée au licenciement.

Quand un employeur soupçonne qu’un employé manifeste des symptômes de maladie mentale, il est particulièrement important qu’il mette en place des mécanismes de soutien adéquats avant de le licencier (s’il n’a pas déjà déployé des mesures d’adaptation et s’il y a des raisons légitimes et non discriminatoires au licenciement). Cette initiative sert autant les intérêts de l’employé que ceux de l’employeur. Par contre, si les motifs du licenciement sont discriminatoires, l’employeur pourra être contraint d’indemniser l’employé pour les dommages découlant de la forme du licenciement, en plus des dommages subis pour tout autre motif de discrimination.[94]

Exemple : Un employé atteint d’une maladie mentale est congédié. Même s’il est au fait des difficultés que vit l’employé de par son handicap, l’employeur n’avise ni son docteur ni son épouse qu’il l’a congédié. L’employé est plongé dans une profonde détresse qui nécessite une hospitalisation et n’est plus en mesure de travailler pendant de nombreux mois. En octroyant les recours, on a tenu compte des répercussions que le licenciement a eues sur l’employé, et l’employeur a été contraint de verser à celui-ci des dommages-intérêts importants, y compris des dommages pour souffrance morale.

c) Restructuration, réduction des effectifs et mises à pied

Les entreprises ont un droit légitime de réorganiser, de restructurer ou de rationaliser leurs activités, mais elles doivent néanmoins se plier aux dispositions du Code lorsqu’elles entreprennent de mettre à exécution leurs plans d’action. Les personnes concernées par un motif de discrimination prévu au Code ne doivent pas être ciblées par les mises à pied et ne doivent pas, de manière générale, être traitées différemment des autres employés quand la direction décide quels employés elle va conserver et quels employés elle va mettre à pied.

Exemple : Dans le cadre d’une réorganisation, une entreprise licencie un certain nombre de femmes qui reviennent d’un congé de maternité. La décision de l’entreprise est dictée par le désir de se doter d’effectifs de base et part de la perception que les femmes ayant de jeunes enfants sont plus susceptibles de quitter l’entreprise. On a déterminé que cette situation constituait bel et bien un cas de discrimination.

Exemple : En raison d’un ralentissement économique, une entreprise se voit contrainte de réduire ses effectifs. Deux contremaîtres, l’un de 56 ans et l’autre de 57 ans, qui ont tous deux plus de 32 années d’ancienneté, sont mis à pied. Tous deux reçoivent de généreuses indemnités de retraite. Les deux contremaîtres restants sont plus jeunes que ceux qui ont été mis à pied. Le vice-président rédige une note où il annonce le départ des deux contremaîtres plus âgés, explique que la réduction des effectifs était nécessaire et ajoute que l’entreprise souhaite « conserver les employés à grand potentiel de carrière ». Cette affirmation constitue un acte discriminatoire fondé sur l’âge, compte contenu des bons antécédents professionnels du plaignant, de l’âge des personnes mises à pied par rapport à celui des personnes retenues et de la déclaration de l’employeur, qui fait indirectement allusion à l’âge.

Exemple : Afin de réduire ses coûts, une entreprise se dote d’un plan de restructuration où elle prévoit licencier tous les employés en congé de maladie et conserver les autres employés. Cette décision contrevient aux dispositions du Code, même si elle n’enfreint pas d’autres lois comme la Loi sur les normes d’emploi ou la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

La sélection subjective et informelle des employés qui feront l’objet de mises à pied peut léser les personnes concernées par un motif de discrimination prévu au Code et entraîner des plaintes pour discrimination. Il est plus judicieux de prendre les décisions de mises à pied à partir de critères clairement définis que l’on applique de manière uniforme. Ces critères devraient être objectifs et indépendants de l’enthousiasme, de la souplesse, de la facilité à s’adapter ou du potentiel de carrière d’employés en particulier. Ils devraient découler des objectifs de la réorganisation et des besoins que définit l’entreprise. Idéalement, ce ne sont pas des employés qu’il faudrait mettre à pied, mais des postes qu’il faudrait supprimer et ne plus rétablir par la suite.

Exemple : En raison d’une baisse des profits et des pressions de la concurrence, une entreprise décide de mettre en place un nouveau système de production, plus automatisé. Elle détermine le nombre de postes à pourvoir et définit les fonctions de chacun d’eux. Elle établit également la liste des postes qui ne seront plus utiles et les raisons de leur abolition. Elle présente la situation à toutes les personnes dont le poste est devenu excédentaire et leur explique comment elle a pris ses décisions. Elle invite ensuite tous ces employés à présenter leur candidature aux nouveaux postes. Elle étudie les candidatures en fonction de critères neutres, objectifs et indépendants des raisons fondées sur le Code, et applique un système de notation qui permet d’évaluer les candidats d’après les mêmes critères. Des mesures d’adaptation sont fournies, si nécessaire. Les examens du rendement antérieurs sont pris en considération. Les candidats qui obtiennent les meilleures notes sont sélectionnés et invités à suivre une formation.

Les décisions concernant les mises à pied doivent s’appuyer sur une évaluation objective des qualifications. Elles peuvent être remises en cause quand une évaluation objective montre que les employés concernés par un motif de discrimination prévu au Code sont mis à pied, alors que d’autres employés moins qualifiés ne le sont pas. Cette situation peut être associée à une tendance à sous-estimer les points forts et la contribution des employés racialisés[95] ou d’autres personnes concernées par un motif de discrimination prévu au Code.

Exemple : Un enseignant canadien d’origine chinoise est déclaré surnuméraire parce qu’il ne cadre pas avec la conception étroite que le directeur se fait d’une activité « parascolaire ». Le directeur retient les activités qu’un immigrant chinois a peu de chances de faire et exclut celles qu’il serait plus susceptible de faire. Il est déterminé qu’il s’agit d’un cas de discrimination.

Quand un employeur réembauche des employés après une mise à pied, il doit offrir du travail à tous les employés qualifiés, sans tenir compte du fait qu’ils sont en congé pour des raisons fondées sur le Code et qu’ils sont temporairement non disponibles.

Exemple : Un employeur ne réembauche pas une employée parce qu’elle est en congé de maternité. L’employeur soutient qu’aucun des employés en congé n’a été réembauché et qu’il n’y a pas par conséquent de discrimination. Ce règlement défavorise les femmes qui sont en congé de maternité et ne peuvent pas se rendre disponibles et les employés qui sont en congé pour des motifs fondés sur le Code, comme l’invalidité. Cette condition d’emploi n’a pas été jugée une exigence établie de bonne foi.

Quand une entreprise entreprend de restructurer ses activités, elle peut en évaluer les conséquences possibles sur les droits de la personne en se posant les questions suivantes :

  • Quelle est la raison de la restructuration et comment peut-elle être réalisée sans discrimination envers le personnel?
    • Sur quels critères faut-il s’appuyer pour sélectionner les employés qui seront mis à pied?
    • En quoi la restructuration influera-t-elle sur le personnel?
    • Comment peut-on intégrer les principes d’inclusion et d’adaptation au processus?
    • La restructuration aura-t-elle des répercussions négatives sur les employés protégés par le Code?
    • Quelles mesures peut-on prendre pour atténuer ces répercussions?
  • Y a-t-il des employés absents pour congé parental, congé d’invalidité ou pour d’autres motifs fondés sur le Code?
    • A-t-on pris en considération l’impact de la restructuration sur ces employés?
    • Est-ce que ces employés auront les mêmes chances de conserver leur travail que les autres?
    • Quelles mesures peut-on déployer pour s’assurer que les employés en congé autorisé ne seront pas désavantagés par rapport aux autres?
  • Les employés sont-ils syndiqués?
    • Quel est le rôle du syndicat?
    • La convention collective contient-elle des clauses de protection des droits de la personne dont il faut tenir compte?

En répondant à ces questions, on réduira les risques d’une situation discriminatoire non désirée et de plaintes pour atteinte aux droits de la personne qui pourraient s’ensuivre. Consulter aussi la section IV-2a(ii) – Attitude proactive concernant les exigences légitimes.

d) Retraite

i) Primes et programmes de retraite anticipée :

Il arrive souvent que des entreprises proposent des programmes de retraite anticipée dans le cadre d’une restructuration ou d’une réduction des effectifs. Ces programmes ont pour but d’inciter certains employés désignés à quitter volontairement l’entreprise. Ces programmes présentent de nombreux avantages pour le personnel, d’abord parce qu’ils offrent aux employés plus âgés des primes lucratives qui leur permettent de se consacrer à d’autres intérêts ou de réaliser d’autres projets, ensuite parce qu’ils réduisent le nombre d’employés qui devront abandonner leur emploi contre leur gré.

Bien conçus, les programmes de retraite anticipée sont équitables et ne posent pas de problèmes sur le plan des droits de la personne. Toutefois, comme les programmes de retraite anticipée visent par définition les employés âgés, il faut veiller avec le plus grand soin à les justifier par les objectifs de réduction des effectifs.

Le fait que le programme de retraite soit généreux n’invalide pas une plainte de discrimination fondée sur l’âge si l’option de retraite anticipée n’est pas vraiment volontaire (ou, en d’autres termes, si l’employé a subi des pressions directes ou implicites qui l’ont forcé à l’accepter).

Exemple : Une entreprise détermine qu’elle est dans l’obligation de réduire ses effectifs de 10 %. Le service des ressources humaines passe en revue tous les dossiers du personnel et retient ceux des employés âgés de plus de 60 ans. Tous les employés de ce groupe sont convoqués à une réunion avec la direction, au cours de laquelle on leur explique qu’ils vont bientôt atteindre l’âge de la retraite et qu’il serait bon d’accepter le programme de retraite anticipée qu’on leur propose pour permettre aux employés plus jeunes de conserver leur emploi. On les avertit que, s’ils refusent, on pourra abolir leur poste, auquel cas ils recevront uniquement une indemnité de départ et ne pourront pas bénéficier des avantages du programme de retraite anticipée. Dans ces circonstances, certains employés se sentent contraints d’accepter l’offre, même s’ils avaient l’intention de travailler plus longtemps. Cette situation peut faire l’objet d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Les employeurs peuvent prendre certaines mesures pour s’assurer que l’offre de retraite anticipée n’est pas coercitive :

  • Définir les critères d’admissibilité au programme de retraite volontaire et les communiquer à tous les employés, sans égard à leur âge, par un moyen neutre tel qu’un document écrit. Le document doit donner une date butoir pour les réponses et le nom d’une personne ressource de manière à ce que les employés admissibles et intéressés puissent donner suite à l’offre sans pression de la direction. Il arrive même que certains employeurs proposent des programmes de départ volontaire analogues à des personnes qui n’approchent pas l’âge de la retraite.
  • Ne pas faire de lien entre l’acceptation de l’offre et la suppression de l’emploi. Si les effectifs doivent être réduits, indiquer sur quels critères on se fondera pour sélectionner les postes qui seront éliminés. L’employeur peut même garantir aux employés que l’admissibilité au programme de départ volontaire n’entrera pas en jeu dans les décisions sur les éliminations de postes.

Cela dit, un employé ne peut pas invoquer la discrimination fondée sur l’âge si l’employeur ne lui propose pas un programme de départ volontaire parce qu’il a encore besoin de ses services.

ii) Retraite obligatoire :

Jusqu’au 12 décembre 2006, le Code ne prohibait pas la discrimination fondée sur l’âge à l’égard des employés de 65 ans et plus. Il en résultait que les politiques qui imposaient une retraite obligatoire à l’âge de 65 ans ne pouvaient pas être contestées en vertu du Code. Ce n’est plus le cas. Désormais, les personnes âgées de 65 ans et plus qui estiment avoir fait l’objet d’une discrimination fondée sur l’âge, y compris dans le cadre de politiques de retraite obligatoire, peuvent déposer une plainte pour ce motif.

Cette disposition n’interdit pas aux employeurs d’offrir des programmes de retraite à partir d’un certain âge. Elle signifie plutôt que ces programmes ne peuvent pas être obligatoires, sauf dans le cas des juges, des protonotaires et des juges de paix, qui sont tenus de prendre leur retraite dans des conditions déterminées en vertu de la Loi sur les tribunaux judiciaires. Ces professions font l’objet d’une exemption spécifique dans le Code.

Dans certaines professions, les employeurs peuvent juger nécessaire d’imposer une retraite obligatoire à partir d’un certain âge. Pour obéir aux dispositions du Code, l’employeur doit prouver que l’âge inférieur à l’âge fixé constitue une exigence légitime pour occuper la profession. Par exemple, les politiques de retraite obligatoire à compter d’un certain âge ont été jugées légitimes dans les cas suivants :

  • retraite obligatoire à 60 ans pour des policiers, des pompiers et un chef de la prévention des incendies.
  • retraite obligatoire à 65 ans pour un conducteur d’autobus scolaire, sur le motif que, selon les recherches médicales, les personnes de plus de 65 ans sont dans l’ensemble plus susceptibles d’avoir des accidents et qu’il est impossible d’évaluer individuellement chaque personne de ce groupe d’âge pour déterminer qui peut avoir des problèmes de santé ou présenter des risques pour les autres.

Au vu de la méthode en trois étapes de la Cour suprême du Canada, étudiée en détail à la section IV-2a(i) – « Critère pour qu’une exigence soit légitime », il est inacceptable d’invoquer les caractéristiques supposées d’un groupe d’âge. Pour justifier une retraite obligatoire à partir d’un certain âge, l’employeur doit montrer que l’évaluation individuelle, en tant que forme d’adaptation, n’est pas possible. Il doit prouver qu’il n’existe pas de méthode pour faire une évaluation individuelle ou que celle-ci constitue un préjudice injustifié. Il incombe à l’employeur de démontrer que sa politique est justifiable dans les conditions de travail particulières de son entreprise.

Sauf dans les cas où la retraite obligatoire s’impose comme une exigence légitime , les conventions collectives contenant des clauses de retraite obligatoires ne peuvent plus être appliquées.

iii) Traitement égal pour les employés en congé autorisé :

Quand il offre un programme de retraite anticipée ou d’indemnités de départ volontaire, ou quand il apporte des changements aux avantages sociaux des employés, comme l’assurance médicale ou les prestations de retraite, l’employeur doit s’assurer que les employés ne sont pas traités de manière inéquitable pour des raisons fondées sur le Code et qu’ils sont pleinement informés de leurs droits. Cette obligation s’applique aussi aux employés en congé pour des motifs fondés sur le Code, comme le sexe (grossesse), l’état familial ou un handicap (ce qui inclut les congés de maladie, les congés de CSPAAT, les congés d’assurance de longue durée ou tout autre congé d’invalidité payé ou non payé)[96].

Exemple : Avant de fermer une usine, un employeur et le syndicat de ses employés concluent une entente qui établit les modalités de réclamation et d’obtention des prestations de retraite pour trois catégories d’employés : 1) employés ayant plus de trente années de service, indépendamment de l’âge; 2) employés de 60 à 64 ans ayant au moins dix années de service et 3) employés en état d’invalidité totale ou permanente ayant au moins dix années de service. Des clauses spécifiques sont négociées pour chacune de ces catégories d’employés. La plupart des employés ayant une invalidité sont en congé d’invalidité de longue durée ou (et) en congé de CSPATT. N’étant pas présents au travail, ils ignorent qu’ils doivent faire une demande de retraite anticipée avant que l’usine ne ferme ses portes. En conséquence, ils font leur demande après la fermeture de l’usine, mais aucune prorogation ne leur est accordée, alors même que certains employés de la deuxième catégorie bénéficient d’une prorogation. Cette situation a donné lieu à des plaintes pour discrimination, qui ont été réglées dans le cadre d’un litige dont a été saisi un tribunal des droits de la personne.

Dans le cas où un employeur offre un programme de départ volontaire sous forme de paiement forfaitaire ou d’indemnités dans le but de réduire ses coûts de main-d’œuvre, il doit veiller à ce que les employés ayant une invalidité, y compris les employés en congé d’invalidité, bénéficient des mêmes conditions d’admissibilité et que l’obligation d’adaptation à leur égard soit remplie. Il a été déterminé que les politiques qui fondent l’admissibilité à un programme de départ volontaire sur le nombre d’heures travaillées l’année antérieure sont discriminatoires.[97]

Exemple : Un employeur propose aux employés un programme d’indemnités de départ sous forme d’un paiement forfaitaire et leur donne deux options : quitter leur emploi ou être réembauché comme nouvel employé avec un salaire inférieur. Ce programme n’est offert qu’aux employés qui ont travaillé un nombre d’heures déterminé au cours des 52 dernières semaines. Plusieurs employés en congé d’invalidité de longue durée ne sont pas admissibles au programme du fait qu’ils n’ont pas travaillé le nombre d’heures requis. Ni le syndicat ni l’employeur n’ont rempli leur obligation d’adaptation, parce que l’application du programme aux personnes ayant une invalidité n’aurait pas constitué un préjudice injustifié.


[89] Lane, supra note 70.
[90] Voir Naraine, supra, note 76. Suivi dans l’affaire Smith c.Mardana Ltd. (2005), (Cour de secteur), 52 C.H.R.R. 89. Voir aussi Moffatt c. Kinark Child & Family Services (1988), 35 C.H.R.R. D/205, 52 C.H.R.R. 89.
[91] Centre universitaire de santé McGill (L’Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal) [2007] S.C.R. 161.
[92] Masonite International Corp. and U.B.C.J.A., Loc. 1072 (Ganeshamoorthy) (Re)], (2007) L.A.C. (4th) 426.
[93] Voir, par exemple, Datt, supra, note 51.
[94] Lane, supra, note 70.
[95] Commission ontarienne des droits de la personne, Politique et directives sur le racismeet la discrimination raciale (2005). Voir aussi Wong v. Ottawa (City) Bd. of Education (No. 3) (1994), 23 C.H.R.R. D/37 (Ont. Bd. of Inquiry).
[96] Voir Kimberly Altenburg et al. v. Johnson Controls Limited (Partnership) and Johnson Control Inc. (Tribunal Settlement), Décrit dans les décisions judiciaires de la Commission ontarienne des droits de la personne “Settlements and Tribunal Decisions” (Communiqués de presse : année fiscale 2006-2007), accessible en ligne à : www.ohrc.on.ca/en/resources/news/settle/view.
[97] Voir, par exemple, United Food and Commercial Workers, Local 401 v. lberta Human Rights and Citizenship Commission (2003), 231 D.L.R. (4th) 285, (Alta. C.A.), leave to appeal to S.C.C. refused 236 D.L.R. (4th) viii.

 

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