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À un carrefour critique de la haine

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Octobre 5, 2020

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Aujourd’hui, la commissaire en chef de la CODP, Ena Chadha, a publié une déclaration sur la lutte que livre le Canada à deux pandémies, soit la COVID-19 et la pandémie de haine, d’extrémisme et de brutalité manifestes.

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) a condamné publiquement l’intensification de la xénophobie et du discours alarmiste, responsables de la montée de la rhétorique toxique durant les premiers jours de la COVID-19. Malgré cela, dix mois plus tard, le Canada demeure aux prises avec une pandémie de haine, d’extrémisme et de brutalité manifestes. 

Il semblerait que le stress engendré par la COVID-19 ait réveillé les pires instincts chez certaines personnes, qui se sentent dorénavant libres d’exprimer par des paroles et des gestes leur sectarisme jadis latent. Le mois dernier, de nombreuses manifestations publiques de haine discriminatoire ont été observées partout au pays, ce qui signale un recul du respect des droits de la personne et la normalisation du racisme explicite et de la haine croissante dans notre tissu social. 

À l’heure actuelle, il est difficile de déterminer avec précision si cette montée de la haine est attribuable aux stress et pressions provoqués par la pandémie de COVID-19, ou si cette corrélation a plutôt trait à d’autres facteurs comme l’enveniment du discours politique ou une réaction hostile à une quête acharnée de justice sociale. Bien sûr, tous ces facteurs sont intimement liés. Quoi qu’il en soit, il est évident que le Canada est en proie à deux pandémies dangereuses ciblant toutes les deux les communautés marginalisées. 

À titre d’exemple, le chef de la police d’Ottawa Peter Sloly, un homme noir, s’est fait ridiculiser dans une vidéo grossière qui le comparait à Adolf Hitler parce qu’il appuyait les droits de la personne. Le chef Sloly doit cette représentation cruelle au seul fait qu’il a reconnu l’existence de discrimination systémique et la présence de préjugés raciaux dans le secteur du maintien de l’ordre. À Vancouver, la police a créé un groupe travail parce que les rapports d’incidents haineux ont plus que doublé durant la dernière année.

Quand les universités ont repris leurs activités, les étudiants racialisés de différentes régions du pays ont dit faire régulièrement l’objet de discrimination, y compris des microagressions de la part de professeurs. Ils font aussi état d’une utilisation généralisée du mot « nègre ». Les élèves du secondaire tiennent aussi des propos haineux, comme ce jeune garçon de 12e année, à Markham, qui a fait face à des accusations pour avoir fait des commentaires dérogatoires à l’égard des Noirs ayant occasionné la fermeture de sa salle de classe virtuelle.

Les partenaires communautaires de la CODP font état d’une vague sans précédent de haine à l’endroit des groupes historiquement vulnérables, comme les personnes sans-abri ou aux prises avec des troubles mentaux. Bon nombre de membres de ces groupes ont perdu les soutiens auxquels ils avaient accès avant que la société ne passe à l’ère de la prestation virtuelle des services. Chez ces personnes, l’intensification des gestes haineux s’ajoute au manque de protection et autres obstacles croissants.

À l’extrémité du continuum de la haine, un homme musulman de 58 ans a été poignardé à mort à l’extérieur de sa mosquée d’Etobicoke. Selon une enquête préliminaire, le tueur entretenait des liens avec des groupes néonazis et islamophobes.

Régulièrement la cible de racisme, de violences et même de meurtres, les communautés autochtones sont également victimes d’incidents accrus de haine flagrante. La vidéo sinistre publiée récemment, qui montre les commentaires et mauvais traitements abominables infligés à une femme autochtone mourante dans un hôpital du Québec, est à la fois odieuse et attristante. Quand des travailleurs de la santé dénigrent une femme sur son lit de mort en raison de stéréotypes préjudiciables pernicieux sur son ascendance autochtone et son sexe, nous avons le devoir urgent d’agir pour éliminer ces systèmes de racisme enraciné qui ont maintenu les peuples autochtones et racialisés dans l’oppression.

La question se pose : avons-nous atteint un point culminant? Avons-nous atteint une masse critique de violence et de haine non voilées qui montrent que nous tous, en tant que société, avons cédé au racisme et à la discrimination manifestes pour la simple raison que la COVID-9 nous a épuisés? Si plusieurs incidents de haine flagrante surviennent en un mois dans les secteurs du maintien de l’ordre, de l’éducation et des soins de santé, ne doit-on pas en conclure que nous avons atteint un point critique?

En tant que société, nous commençons à prendre pleinement conscience du fait que la xénophobie et d’autres discriminations puisent en partie leur source dans le racisme systémique. En général, les Canadiennes et les Canadiens affirment avoir moins de préjugés que leurs pendants américains. Or, le racisme et la haine n’ont pas de frontières et les événements récents nous obligent à réexaminer les artifices de notre discours canadien.

Un jour, la COVID-19 disparaîtra et une nouvelle normalité d’après-pandémie s’installera. Nous sommes responsables de la forme que prendra cette nouvelle normalité sociale. On peut encore espérer que lorsque nous examinerons nos agissements durant cette crise mondiale, nous verrons que nous avons choisi de protéger les droits de la personne plutôt que de succomber à la peur et à la colère. Pour promouvoir une culture de compassion et de droits de la personne, nous devons tous nous prononcer contre la discrimination et le harcèlement.

Nous devons rester attentifs à la haine flagrante et au racisme insidieux qui assiègent notre société, afin de ne pas laisser cette pandémie miner notre humanité. Nous devons défendre les principes d’équité et de dignité, surveiller notre rapport aux droits de la personne au Canada et refuser de laisser la COVID-19 à ce point nous épuiser que nous abandonnons la lutte contre le racisme et la haine.

Ena Chadha
Commissaire en chef
Commission ontarienne des droits de la personne