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Observations présentées à la Commission canadienne des droits de la personne concernant l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la réglementation de la propagande haineuse sur Internet Préparé par Richard Moon Octobre 2008

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Janvier 2009

Aperçu

  • Le Canada a le devoir, en vertu de ses obligations internationales, d’interdire la haine fondée sur la race ou la religion, qui constitue une incitation à la violence, à la discrimination et à l’hostilité.
  • La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) estime qu’il est dans l’intérêt public de maintenir les propos haineux sous le joug des systèmes des droits de la personne et du droit pénal.
  • Les organismes de défense des droits de la personne devraient se servir de leurs pouvoirs d’exécution pour intervenir face à la publication d’une intention de refuser un logement, des services ou un emploi à une personne en raison de sa race, de sa religion ou d’un autre motif de discrimination interdit.
  • Autrement, la liberté d’expression ne doit pas être réprimée, sauf en cas de propos qui incitent à la violence contre des groupes identifiables.
  • L’exécution de la loi à elle seule ne suffit pas.
  • Le droit à la liberté d’expression s’accompagne de la responsabilité de lutter contre les propos haineux.
  • Une approche fondée sur les droits de la personne procure des outils de lutte contre les expressions de haine sans enfreindre la liberté d’expression.
  • Les intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux, dont les gouvernements, les commissions de droits de la personne, d’autres institutions du secteur public et les médias, ont la responsabilité de s’opposer aux expressions de haine.
  • La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) serait favorable à la création d’un conseil national de la presse, qui pourrait instaurer une plus grande uniformité entre tous les territoires de compétence.
  • La CODP confirme le besoin de recueillir des données sur les crimes haineux et autres formes de propos haineux.

Introduction

La Commission ontarienne des droits de la personne est heureuse de présenter ses observations en réponse à l’appel de commentaires lancé par la Commission canadienne des droits de la personne (CCDP) au sujet du rapport du professeur Richard Moon, intitulé Rapport présenté à la Commission canadienne des droits de la personne concernant l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne et la réglementation de la propagande haineuse sur Internet.

Bien que l’objet du rapport soit d’analyser l’article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP ») qui concerne les messages haineux diffusés sur Internet et le rôle de la CCDP, il y a lieu de féliciter le professeur Moon pour avoir contribué à cadrer le vaste débat entourant la liberté d’expression.

Les commentaires ci-dessous de la CODP mettent l’accent tant sur la réglementation juridique de la propagande haineuse que sur le rôle des intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux. Nous encourageons les organismes de défense de droits de la personne du Canada, ainsi que d’autres institutions publiques et privées, à réfléchir attentivement à ces deux aspects et à les comprendre en vue des débats qui auront certainement lieu.

Principes

La CODP aimerait énoncer quelques principes très importants à titre de préface de ses commentaires :

Tous les droits sont liés de façon inhérente à des responsabilités. Le droit à la liberté d’expression se grève de la responsabilité de s’opposer à des propos haineux et à d’autres formes de discrimination.[1]

Établir un équilibre entre les différentes formes de droits est un exercice important qui doit nécessairement suivre certains paramètres juridiques. L’expression de haine contre des groupes identifiables est sans conteste un cas d’atteinte aux droits de la personne qui devrait être traité par le droit régissant les droits de la personne, et non seulement par le droit pénal.

Cependant, l’équilibre parfait ne peut pas être stipulé par une loi. Il s’agit d’un processus actif auquel tous les particuliers, organismes et institutions de la société sont obligés de participer; ce qui signifie qu’il doit être ouvert au débat public.

En tant qu’institution légale des droits de la personne, fondée il y a plus de 45 ans, la CODP connaît bien l’importance des efforts publics de prise de position et de défense des droits de la personne. Les commissions des droits de la personne et d’autres organismes ont un rôle très particulier à jouer, au même titre que le gouvernement, les médias et les autres acteurs non gouvernementaux.

La prolifération des nouvelles formes de médias et la composition démographique en évolution constante de la société canadienne signifient aussi que nous devons sans cesse chercher de nouveaux moyens de régler les problèmes de droits de la personne et le faire d’une façon uniforme dans tous les territoires de compétence. Une approche fondée sur les droits de la personne procure des outils efficaces pour lutter contre les propos haineux sans compromettre la liberté d’expression.

Cette compréhension du devoir d’établir un équilibre entre les droits et les responsabilités est conforme aux obligations juridiques nationales et internationales du Canada.

Les droits de la personne et l’exécution du droit pénal

La première recommandation du professeur Moon est de limiter l’interdiction de la propagande haineuse aux formes d’expression haineuse extrême qui « préconisent ou justifient la violence, ou qui contiennent des menaces de violence » contre des groupes identifiables et cette interdiction devrait être appliquée entièrement sous le régime du Code criminel. Ce n’est pas ce qui se passe avec d’autres domaines des droits de la personne. Par exemple, lorsque le harcèlement sexuel met en jeu des allégations de violence ou d’agression, il relève alors du Code criminel, mais tout en demeurant assujetti à la législation sur les droits de la personne.

Les codes des droits de la personne, et par conséquent, les commissions et les tribunaux administratifs, devraient avoir un rôle à jouer dans les affaires liées à des propos haineux. Établir le mal causé par la propagande haineuse par un jugement de discrimination a une valeur sociale importante et peut encourager d’autres formes d’intervention, même si la censure est acceptée comme une mesure juridique exceptionnellement étroite. Comme le professeur Moon l’a souligné, les lois en matière de droits de la personne offrent de vastes recours d’intérêt public qui viennent compléter ceux qu’ordonnent les tribunaux en vertu du droit pénal.

Par ailleurs, le Canada a un devoir dicté par ses obligations internationales d’interdire la haine raciale ou religieuse qui constitue une incitation, non seulement à la violence, mais également à la discrimination et à l’hostilité.[2]

Pour ces raisons, la CODP est d’avis qu’il faudrait analyser plus profondément les obligations internationales du Canada avant qu’un gouvernement ne prenne la décision d’abroger l’article 13 de la LCDP et de limiter les dispositions du Code criminel aux situations de haine extrême incitant à la violence, ou, selon la proposition alternative du professeur Moon, de maintenir l’article 13, mais de le limiter d’une manière semblable.

Comme l’a fait remarquer le professeur Moon, très peu de codes des droits de la personne d’autres provinces et territoires du Canada contiennent une disposition équivalant à l’article 13 de la LCDP. Le Code des droits de la personne de l’Ontario n’en contient pas et il ne pourrait pas être invoqué pour interdire, par exemple, un article de journal qui exposerait une personne ou des personnes à la haine ou au mépris en raison de leur appartenance à un groupe identifiable.

Toutefois, la plupart des lois protégeant les droits de la personne, dont le Code des droits de la personne de l’Ontario et la LCDP, contiennent des dispositions traitant de la publication ou de l’exposition publique d’un avis, d’un signe, d’un symbole, d’un emblème ou d’une autre représentation semblable qui indique l’intention d’une personne de porter atteinte à un droit (discriminer) dans un domaine social. Ces dispositions autorisent les organismes de défense des droits de la personne à se servir des pouvoirs d’exécution pour contester la publication de l’intention de refuser un logement, un emploi ou des services, comme l’accès à un restaurant ou à un magasin, en raison de la race ou de la religion d’une personne ou d’un autre motif énuméré.

Par ailleurs, les politiques et lois en matière de droits de la personne au Canada ont établi que les employeurs, les locateurs et les fournisseurs de services ont le devoir de s’abstenir de certaines formes d’expression qui créent une « atmosphère empoisonnée » pour leurs employés, leurs locataires ou leurs clients.[3] Par exemple, un DG qui, lors d’une réunion du personnel, lance un commentaire désobligeant devant tout le monde, du genre « les femmes devraient rester à la maison pour s’occuper de leurs enfants » ou « les hommes et les femmes musulmans devraient porter des vêtements occidentaux au travail », même sur un ton blagueur, risque d’influencer la conduite d’autres employés et aura terni, de façon irréversible, les conditions d’emploi des personnes visées. Les tribunaux administratifs et les tribunaux judiciaires ont estimé que ce genre de situations constituait une violation du droit protégeant les droits de la personne.

Il ne fait pas de doute que la liberté d’expression doit être protégée, mais elle ne peut pas être illimitée. Chacun a le droit de participer pleinement à la société. Bien qu’il soit nécessaire de promulguer des lois pénales et des lois de protection des droits de la personne exécutoires pour punir des commentaires ou comportements qui sont harcelants, qui créent une « atmosphère empoisonnée » ou qui sont si extrêmes qu’ils incitent ou conduisent à la violence et à la discrimination contre des groupes identifiables, l’application de la loi toute seule n’est pas suffisante.

Le professeur Moon reconnaît ce point dans sa troisième recommandation sur le rôle des intervenants non gouvernementaux dans la prévention de propos haineux.

Rôle des médias

La CODP est d’accord avec la recommandation du rapport selon laquelle les intervenants non gouvernementaux, dont les médias, ont aussi la responsabilité d’éliminer les problèmes de propos haineux et qu’ils devraient le faire de leur plein gré en créant des conseils de presse provinciaux ou à la suite de l’introduction d’une loi créant un conseil de presse national à adhésion obligatoire qui aurait le pouvoir de déterminer l’existence d’une violation des normes professionnelles et d’ordonner la publication des décisions du conseil de presse.

La CODP appuierait surtout la création d’un conseil de presse national, étant donné que les services médiatiques publient de plus en plus en ligne. Ce serait un moyen d’instaurer davantage d’uniformisation entre tous les territoires de compétence.

Toutefois, la CODP reconnaît que les médias doivent disposer d’une liberté complète à l’égard de ce qu’ils publient et qu’ils doivent le contrôler entièrement. Veiller à ce que des mécanismes soient mis en place pour autoriser la critique publique et le dépôt de plaintes, surtout des groupes vulnérables, est important, mais cette démarche ne doit pas devenir de la censure.

Rôle des commissions des droits de la personne

Le professeur Moon explique dans son rapport qu’il a eu l’occasion de voir des « descriptions outrageusement inexactes » du processus de traitement des plaintes de la CCDP. Ces descriptions témoignent de la profonde incompréhension des médias et du public face au rôle des commissions des droits de la personne.

La CODP est consciente du fait que des contraintes de temps et de ressources aient empêché le professeur Moon de « faire beaucoup plus qu’un examen du cadre juridique réglementant la propagande haineuse ». Avant de donner suite aux recommandations figurant dans le rapport, la CODP estime qu’il faudrait réfléchir soigneusement à la signification du mandat des commissions des droits de la personne en vertu de la législation en matière de droits de la personne.

Les lois protégeant les droits de la personne bénéficient d’un statut spécial par rapport à d’autres lois en vertu de documents nationaux et internationaux. Le Code des droits de la personne de l’Ontario, par exemple, stipule expressément qu’il l’emporte sur d’autres lois de la province.

Cependant, des droits couchés sur papier ne suffisent pas. Ils doivent également prévoir la mise sur pied d’institutions assumant des fonctions et des pouvoirs suffisants pour assurer la protection, la promotion et l’application efficaces de ces droits. Des commissions des droits de la personne ont été créées au Canada, et à l’étranger, dans ce seul but. Leur existence et leur indépendance se trouvent protégées par la loi contre l’ingérence du gouvernement. Elles sont liées par des mandats beaucoup plus vastes que ceux des tribunaux administratifs ou des tribunaux judiciaires, mais ne peuvent pas agir en qualité de juge, de jury ou de législateur. Les commissions peuvent prendre des mesures contre l’état et d’autres acteurs et comparaître en tant que partie ou intervenant devant les tribunaux administratifs ou judiciaires.

La loi habilitante régissant une commission limite les affaires qu’elle peut porter devant un tribunal administratif ou judiciaire. Par exemple : les commissions n’ont pas le pouvoir d’agir comme une commission de censure, et elles ne devraient pas le faire. Le paragraphe 13 (2) du Code des droits de la personne de l’Ontario est très clair à ce sujet et stipule que le Code « n’entrave pas la libre expression d’opinions ».

Les tribunaux administratifs et judiciaires ont la responsabilité de prendre leurs décisions selon le bien-fondé des causes, de rendre des ordonnances et de ne « s’exprimer » que par l’intermédiaire de leurs décisions.

Les commissions, en revanche, ne se contentent pas de traiter de violations techniques; elles traitent également de l’esprit général et des objectifs de la législation en matière de droits de la personne. Elles devraient prendre position et réagir face à des propos haineux proférés contre des groupes identifiables, et ont en réalité la responsabilité de promouvoir et de protéger les droits de la personne en exécutant leurs vastes fonctions à savoir : effectuer des recherches, examiner la loi, interpréter la loi relative aux droits de la personne, élaborer des politiques, conseiller d’autres organes, tenir des enquêtes publiques, solliciter la coopération d’intervenants, poursuivre ses propres réclamations en matière de droits de la personne, intervenir dans des instances au besoin, ainsi que se livrer à des campagnes d’éducation publique, et surveiller l’état des droits de la personne et en faire état.[4]

Comme les médias, les commissions devraient poser des questions provocatrices et encourager le débat sur des questions d’actualité. Parfois, cela signifie se placer au cœur de la controverse et du conflit, remettre en question les opinions sociales et les nouvelles formes de stéréotype et de discrimination.

Cependant, comme le professeur Moon le fait observer, les messages haineux et de nombreuses autres formes de propos et comportements discriminatoires sont choses courantes. Les commissions doivent répartir leurs ressources limitées par ordre de priorité et choisir leurs batailles stratégiquement.

Rôle des autres intervenants gouvernements et non gouvernementaux

Les commissions et les médias ne sont pas les seules institutions dotées de la responsabilité de combattre les propos haineux et la discrimination.

Tandis que le rapport du professeur Moon affirme que les propos haineux « extrêmes » sont relativement rares et qu’il recommande de considérer les propos incitant à la violence comme des actes criminels, le rapport reconnaît aussi que les formes d’expression moins extrêmes sont courantes et qu’elles doivent être contrées par d’autres moyens :

« Il faut trouver d’autres moyens que la censure pour contrer ces propos stéréotypés ou diffamatoires à l’égard de membres d’un groupe identifiable, et pour obliger les institutions, comme les médias, à rendre des comptes lorsqu’elles diffusent de telles formes de propos discriminatoires. »

La CODP est tout à fait d’accord. Elle ajoute cependant que tous les degrés d’expression haineuse devraient être contestés par un vaste éventail de moyens, que des recours judiciaires soient ou non indiqués dans des circonstances particulières. Même les tribunaux judiciaires ont reconnu le besoin de s’opposer à la haine au-delà de l’action en justice.

Même si la plupart des formes d’expression haineuse ne relèvent pas de la compétence d’un tribunal judiciaire ou administratif, divers intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux ont des obligations légales, prévues par des lois canadiennes et internationales, de respecter, de promouvoir et d’appliquer les droits de la personne.

Par exemple, en vertu de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les États parties s’engagent à « ne pas permettre aux autorités publiques ni aux institutions publiques, nationales ou locales, d'inciter à la discrimination raciale ou de l'encourager ».

Les gouvernements, à tous les paliers, ont la responsabilité d’agir efficacement en vue de lutter contre les propos haineux et d’éliminer les circonstances qui conduisent à cette forme de discrimination. Cette responsabilité comprend l’obligation de prendre la parole et de s’exprimer contre la haine lorsqu’elle surgit. Comme le professeur Moon et bien d’autres personnes l’ont affirmé, un « mauvais » propos devrait se voir opposer un « bon » propos, et non de la censure.

Favoriser des moyens d’aider les gens à exprimer leurs points de vue est aussi important. Les groupes vulnérables se heurtent souvent à des obstacles à cet égard, et ce, pour de multiples raisons, par exemple : certains de ces groupes manquent de moyens pour mobiliser leurs efforts; d’autres groupes font face à de la discrimination, à la pauvreté et à une sous-représentation dans des domaines sociaux comme l’éducation, le logement ou l’emploi; et la concentration croissante des médias.

La prolifération de nouvelles formes de médias a des avantages et des inconvénients. Les sites Web, les blogues, Facebook, le courriel et les autres outils électroniques permettent aux groupes ciblés de véhiculer facilement leur message, mais c’est aussi vrai pour les incitations à la haine.

Il est important de surveiller les mesures prises et les progrès réalisés dans la lutte contre les propos haineux et le respect des droits de la personne. Les normes nationales et internationales en matière de droits de la personne le reconnaissent. Le professeur Moon souligne que le suivi des activités criminelles haineuses soupçonnées est « confus » et inefficace. Comme nous l’avons recommandé dans d’autres domaines, y compris le profilage racial, la CODP soutient le besoin de recueillir des données sur les crimes haineux et d’autres formes d’expression haineuse. C’est un moyen efficace de lutter contre la discrimination et nous sommes prêts à étudier d’autres propositions dans ce sens.

Il est essentiel d’accepter de faire participer les communautés ciblées par la haine ou « victimisées ». Il est tout aussi important de coopérer avec d’autres organismes communautaires ainsi qu’avec les institutions publiques et privées, comme les écoles et les médias, qui ont tous la responsabilité de protéger et de promouvoir les droits de la personne.

La police et la Couronne sont également tenues par cette responsabilité et bien entendu par celle d’appliquer les dispositions du Code criminel contre la haine. Le professeur Moon souligne les inconvénients à n’invoquer que le Code criminel : un fardeau de la preuve plus élevé, l’obligation d’obtenir le consentement du procureur général aux poursuites et le manque d’expérience des policiers et des poursuivants dans les affaires de propagande haineuse. Le professeur Moon recommande un plus grand recours aux dispositions du Code criminel et la mise sur pied d’« équipes anti-haine », composées de policiers et de procureurs de la Couronne expérimentés.

La CODP estime que d’autres mécanismes de coopération sont aussi nécessaires. Notre expérience de travail sur le profilage racial et d’autres domaines des droits de la personne nous a démontré les avantages profonds qui résultent de la collaboration entre les commissions, les services de police et d’autres organismes d’application de la loi et groupes communautaires. Raison de plus pour que les propos haineux demeurent la cible des droits de la personne et de la justice criminelle.

Des initiatives multilatérales, comme la Coalition canadienne des municipalités contre le racisme et la discrimination, offrent un modèle de coopération entre municipalités, d’autres paliers de gouvernement, le secteur privé et des organismes de la société civile. Le cadre de travail de la Coalition mentionne expressément le besoin de lutter contre les crimes fondés sur la haine en coopérant avec la police et d’autres acteurs, et propose un certain nombre de mesures non judiciaires que n’importe quel palier de gouvernement, institution ou organisme pourrait prendre à cette fin, notamment :

  • Appuyer ou établir, en collaboration avec les organismes communautaires, un système ou réseau de surveillance et d’intervention rapide pour repérer les actes de racisme, les crimes et les incidents haineux, et les porter à la connaissance des autorités compétentes.
  • Sensibiliser les citoyens en leur donnant voix au chapitre en ce qui concerne les initiatives antiracisme et la prise de décisions.
  • Appuyer les initiatives qui renforcent le savoir-faire et la capacité au sein des organismes ethnoculturels afin d’apporter des changements aux communautés touchées et de permettre à leurs membres de participer pleinement à la vie de la société (y compris des moyens d’exprimer des opinions contraires).

Pour terminer, il existe quelques ressources importantes, comme le rapport préparé par le Groupe de travail communautaire pour la lutte contre les crimes haineux de l’Ontario, qui offrent une foule de renseignements et conseils utiles sur la lutte contre la haine et la discrimination par de vastes moyens. Parmi ses recommandations, le groupe de travail a renforcé le besoin que les commissions des droits de la personne et d’autres institutions jouent un rôle dans la lutte contre la propagande haineuse. D’autres groupes comme le Congrès juif canadien, ont élaboré des outils sur Internet ou autres en vue de repérer les incidents haineux, en faire rapport et en parler publiquement.

Conclusion

La CODP croit qu’il est dans l’intérêt public que les propos haineux relèvent à la fois du système des droits de la personne et du système de justice pénale.

Le système des droits de la personne propose un vaste éventail d’outils pour promouvoir la conformité aux règles et la compréhension de la responsabilité, qui incombe aux particuliers et aux institutions, de respecter les droits de la personne et de prévenir les propos haineux, de protéger les groupes vulnérables victimes de haine, de cerner les incidents haineux, de les dénoncer et de prendre des mesures pour y remédier.

Il est dans l’intérêt public de mettre en place un système des droits de la personne qui soit capable de reconnaître le mal que causent les propos haineux à la société et d’y remédier. Toutefois, il est tout aussi important pour l’intérêt public de protéger la liberté d’expression et de veiller à ce que les recours ne constituent pas une interdiction de la liberté d’expression, sauf si l’expression incite à la violence contre des groupes identifiables.

La propagande haineuse est un sujet dans lequel nous devrions tous avoir un intérêt; et pas seulement les tribunaux administratifs ou judiciaires. Il concerne également les commissions, les gouvernements et leurs institutions publiques. La haine nous affecte tous individuellement et en tant que membres de groupes ethnoculturels, religieux, géographiques et autres communautés ainsi que dans la société en général; la lutte contre la haine devrait être une responsabilité partagée.


[1] Des organismes de l’ONU créés par traité, comme le Comité relatif aux droits civils et politiques, ont fait savoir, par le biais de « commentaires » interprétatifs que les traités sur les droits de la personne, comme la Convention internationale sur les droits civils et politiques, énonçaient des obligations positives contraignant les états signataires à prendre des mesures immédiates et progressives, dont celles de s’abstenir eux-mêmes de se livrer à de la propagande haineuse (voir par exemple, le commentaire 11 du comité sur le Pacte international relatif aux droits civils et politiques).
[2] Voir le paragraphe 20 (2) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et l’article 4 de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
[3] Voir « atmosphère empoisonnée » dans Politique et Directives sur le racisme et la discrimination raciale de la Commission ontarienne des droits de la personne.
[4] Voir par exemple l’article 29 du Code des droits de la personne de l’Ontario, ainsi que les Principes relatifs au statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l'homme  (connus sous le nom de « Principes de Paris »), Nations Unies, résolution 1992/54.