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Lettre à la TPA sur l'enquête sur le profilage racial et la discrimination envers les personnes noires au sein du service de police de Toronto

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Le 13 décembre 2018

Conseil d'administration
Toronto Police Association
A/s de Mike McCormack, président
2075 Kennedy Rd, bureau 200
Toronto (Ontario)  M1T 3V3

Madame, Messieurs,

Objet : Enquête sur le profilage racial et la discrimination envers les personnes noires au sein du service de police de Toronto

Les médias ont transmis à la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) la vidéo de la Toronto Police Association (TPA), et les déclarations faites le 10 et 11 décembre par la TPA à tous ses membres en réaction à Un impact collectif, le rapport provisoire de la CODP relatif à l’enquête sur le profilage racial et la discrimination envers les personnes noires au sein du service de police de Toronto (SPT). Selon le site Web de la TPA, l’association représente « environ 8 000 employés civils et en uniforme, membres du SPT ».

Nous sommes déçus de la réaction de la TPA aux conclusions de la CODP. Dans Un impact collectif, nous sommons le SPT de « [reconnaître] que les disparités raciales et récits d’expérience des communautés noires présentés dans le rapport provisoire soulèvent de graves préoccupations ». La TPA qualifie Un impact collectif d’« irresponsable et incendiaire ». Ses déclarations et sa vidéo contiennent plusieurs énoncés inexacts et trompeurs, qui devraient être corrigés. 

Méthodologie

Selon la TPA, « le rapport de la CODP se fonde sur les données démographiques de recensement et omet de tenir compte du contexte des interactions policières et d’autres variables cruciales » et « cette fausse représentation des données dans le rapport, jumelée à l’absence de contexte, mine le travail de nos membres au sein de la collectivité ».

En fait, Un impact collectif tient compte d’une variété de facteurs contextuels à l’égard des enquêtes menées par l’Unité des enquêtes spéciales (UES) sur des incidents ayant entraîné des allégations d’agression sexuelle, des blessures graves ou la mort de civils.  Par exemple, Un impact collectif tient compte du fait que les civils touchés avaient ou non un casier judiciaire, et des conclusions tirées par l’UES, à savoir si ces civils :

  • étaient armés, y compris s’ils avaient un pistolet ou un couteau
  • étaient aux prises avec un trouble mental
  • avaient résisté à leur arrestation ou menacé d’agresser des agents.

Le rapport provisoire indique également qu’à titre de prochaine étape, « [l]a CODP compte analyser plus en détail les données de l’UES ». Dans son rapport d’expert indépendant, Scot Wortley affirme aussi que son rapport final « étudier[a] comment d’autres facteurs — âge des civils, classe sociale des civils, emplacement géographique des interactions avec la police, pratiques policières réactives et proactives, etc. —  peuvent contribuer à expliquer les disparités raciales constatées dans les dossiers de l’UES sur des cas de recours à la force ». Un impact collectif combine ensuite les données quantitatives et l’information qualitative comme les conclusions des rapports du directeur de l’UES, la jurisprudence et le fruit des rapports de la CODP avec les communautés noires.

La TPA se dit également « extrêmement préoccupée du fait que la CODP a retenu les services de Scot Wortley, professeur agrégé au centre d’études en criminologie et en sociologie de l’Université de Toronto, afin qu’il analyse les données de l’UES, malgré qu’il ait été critiqué par le passé par ses pairs pour des études similaires fondées sur la même méthodologie ».

Nous avons confiance en l’expertise de Scot Wortley, en sa méthodologie et en les conclusions tirées dans son rapport d’expert indépendant. Comme nous l’indiquons dans Un impact collectif, la Cour supérieure de justice de l’Ontario, le Tribunal canadien des droits de la personne et le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario ont attribué à Scot Wortley le titre d’expert. Comme vous le savez, Scot Wortley a mené une analyse statistique très semblable des données de l’UES de l’ensemble de l’Ontario dans le cadre de l’Enquête sur Ipperwash. Dans son Rapport de la Commission d’enquête sur Ipperwash, l’honorable juge Sidney affirme :

Scot Wortley et Terry Roswell ont mené, pour le compte de l’African Canadian Legal Clinic, une étude statistique qui constitue un bon exemple de projet provincial de collecte de données. Cette étude, intitulée « Police Use of Force in Ontario: An Examination of Data from the Special Investigations Unit » est un important exemple d’étude d’envergure provinciale sur les services de police, et qui, en l’occurrence, a étudié les rapports entre la race et l’usage de la force par la police. Je félicite l’Unité des enquêtes spéciales (UES) pour sa collaboration à ce projet et j’espère qu’elle continuera de recueillir des données de façon à se faire une meilleure idée de la manière dont la police recourt à la force dans cette province.

La TPA indique avoir « retenu les services d’un universitaire respecté pour mener un examen indépendant du rapport ». Nous serions heureux de prévoir une rencontre entre votre « universitaire respecté » et Scot Wortley. La CODP sera heureuse de recevoir un exemplaire de votre examen.

Conclusions

La TPA affirme également que « la CODP fait des allégations de profilage racial et de racisme généralisés au sein du service de police de Toronto, soit de façon directe ou par insinuation… » Elle poursuit en indiquant que « la publication d’un rapport provisoire qui ne tient pas compte des raisons possibles de la disparité raciale sur le plan des données est imprudente et contre-productive, et ne fera que creuser le fossé entre la police et certaines communautés marginalisées ».

Dans Un impact collectif, la CODP dit avoir « de graves préoccupations à l’égard du profilage racial et de la discrimination à l’égard des personnes noires en situation de recours à la force, d’interpellation, de questionnement, de fouille et de dépôt d’accusations ». Compte tenu de la totalité de l’information qualitative et quantitative analysée, elle poursuit en disant : « [à] l’égard des préoccupations exprimées et disparités raciales observées, le SPT et la CSPT doivent fournir des explications… »

Objectifs de l’enquête

Selon la TPA, les « allégations » de la CODP constituent « envers tous les membres de l’association un affront personnel causant préjudice sur le plan professionnel ».  Vous remarquerez que la CODP n’a nommé aucun agent de police dans Un impact collectif, même lorsqu’elle faisait référence à des décisions de tribunaux administratifs ou judiciaires ayant établi l’existence de discrimination raciale.

Le mandat de la CODP est axé sur la discrimination systémique et Un impact collectif indique précisément que l’objectif de l’enquête est de rétablir la confiance envers la police :

Le fait de restaurer la confiance entre la police et la collectivité devrait être une priorité pour l’ensemble de la collectivité, et pas seulement les communautés noires de Toronto. Il existe un lien clair entre la confiance des membres du public dans les services policiers et la sécurité publique. Les gens sont moins susceptibles de coopérer aux enquêtes policières et d’accepter de témoigner devant les tribunaux s’ils ont une perception négative des forces policières. Sans confiance, les services de police ne peuvent pas assurer un maintien de l’ordre proactif et axé sur le renseignement, ce qui a des répercussions considérables sur notre système de justice. Cela a également des répercussions sur le rapport coût-efficacité des services offerts par le SPT, lesquels coûtent plus d’un milliard de dollars par année.

Dans une ville où plus de la moitié de la population se qualifie de « minorité visible », le respect des droits de la personne est l’un des moyens les plus efficaces dont dispose la police pour gagner la confiance des citoyens. Les services de police doivent veiller à satisfaire aux mêmes normes élevées que les autres institutions publiques. Voilà l’essence de la règle du droit. Le SPT et la Commission de services policiers de Toronto (CSPT) doivent assumer de façon proactive leurs obligations aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario. Ils doivent prendre des mesures pour prévenir et éliminer la discrimination raciale, surtout quand ils ont été avisés d’un problème possible.

Durant la conférence de presse annonçant le lancement de Un impact collectif, j’ai déclaré : « La Commission reconnaît que le maintien de l’ordre est un élément essentiel de la sécurité publique, et qu’il s’agit d’un secteur complexe et parfois traumatisant. Nous savons également que le service de police de Toronto est déterminé à gagner la confiance des communautés diversifiées afin d’accroître la sécurité de tous et toutes. » Vous trouverez ma déclaration sur le site Web de la CODP.

Perspective de la TPA

Nous connaissons l’importance du point de vue de la TPA sur ces questions. Comme en fait mention le rapport provisoire de la CODP, les prochaines étapes de l’enquête prévoient le maintien de rapports avec « les associations et organisations policières, dirigeants des services de police et agents ». Nous serons heureux d’en apprendre davantage sur la perspective de la TPA dans le cadre de notre enquête. D’ici là, n’hésitez pas à communiquer directement avec mon bureau si vous avez des préoccupations additionnelles.

Enfin, puisque la TPA affirme dans sa vidéo avoir « communiqué avec le gouvernement pour lui faire part de ses préoccupations à l’égard de la Commission ontarienne des droits de la personne », nous avons transmis un exemplaire de cette lettre au gouvernement.

Veuillez agréer, Madame, Messieurs, mes salutations distinguées.

La commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne,

Renu Mandhane, B.A., J.D., LL.M.

c.c.      L’honorable Caroline Mulroney, procureure générale
L’honorable Sylvia Jones, ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels
Andrew Pringle, président, Commission de services policiers de Toronto
Mark Saunders, chef du service de police de Toronto
Commissaires de la CODP