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Le 29 janvier : une journée pour se souvenir des terribles ravages causés par la haine

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Janvier 29, 2018

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Il y a maintenant un an – le 29 janvier 2017 – les Canadiennes et les Canadiens apprenaient qu’une tuerie de masse avait fait six morts et de nombreux blessés au Centre culturel islamique de Québec, dans la ville de Québec. Les yeux rivés sur mon minuscule écran, je suivis le fil des événements relatés en temps réel sur les médias sociaux, jusqu’à une heure avancée de la nuit – une spectatrice qui observait [le cours des choses] depuis sa fenêtre, impuissante.

Il s’agissait de la première attaque meurtrière visant des musulmans à l’intérieur d’une mosquée en Amérique du Nord. La classe politique et les membres influents de la société condamnèrent immédiatement et avec virulence cet acte de haine inqualifiable. Le Canada ne ferait preuve d’aucune tolérance devant de tels actes de terreur, affirmaient-ils.

Certes, il est primordial de faire entendre sa voix, et ce geste doit constituer l’amorce d’une réaction à plus grande échelle face à la haine. Souvent, pourtant, la réponse apportée n’est que rhétorique; l’attaque hostile est imputée à un « loup solitaire » et les rouages de l’appareil de justice pénale se retrouvent à administrer une justice lacunaire, dépourvue de remède concret pour pallier les problèmes systémiques à la source de ces actes odieux.

Déjà, les meurtres de la mosquée semblent s’estomper et disparaître de la mémoire collective. Qui se souvient du nom des victimes? Qu’en est-il de l’engagement renouvelé pour endiguer l’islamophobie et renforcer l’efficacité de la législation relative aux crimes haineux? Ces sujets de préoccupation sont à l’origine d’une campagne menée il y a peu sur les médias sociaux (#SouvenezVous29jan) qui exhorte les Canadiennes et les Canadiens à se souvenir du 29 janvier et à poursuivre une réflexion sur ces événements, tel que ce fut le cas pour d’autres événements de portée historique.

Comparons les suites données à cette fusillade aux prolongements de la tuerie de l’École polytechnique de Montréal, perpétrée le 6 décembre 1989. À l’époque, les Canadiennes et les Canadiens sont encore aux prises avec le mouvement féministe et les nouveaux débats d’idées entourant le patriarcat et la « masculinité toxique ». Le massacre de l’École Polytechnique de Montréal est venu accentuer l’urgence et la tangibilité de ces débats. Aujourd’hui, tout le monde se souvient du nom de ce meurtrier, et, chaque année, nous prenons le temps de célébrer la mémoire des femmes auxquelles il a ôté la vie. Le gouvernement proclama le 6 décembre « Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes ». Près de 30 ans plus tard, ce jour nous rappelle encore les conséquences tragiques de la misogynie et nous incite chaque année à renouveler nos actions de plaidoyer pour mettre un terme aux violences faites aux femmes.

L’assassinat de musulmans au sein de leur lieu de culte aurait dû, de la même manière, renforcer le caractère urgent et tangible des débats actuels sur la doctrine de la suprématie blanche et sur l’islamophobie. Un récent sondage d’opinion réalisé par la Commission ontarienne des droits de la personne prouve que les personnes de confession musulmane comptent parmi les plus marginalisées de l’Ontario – moins de la moitié des répondants manifestaient un sentiment positif à l’égard des personnes musulmanes. Les auditions relatives à la motion M-103, présentée par le gouvernement fédéral en vue de dénoncer l’islamophobie et toutes les formes de racisme et de discrimination religieuse systémiques, ont été menées après la fusillade de la mosquée, à l’heure où l’on attendait le soutien le plus absolu. Pourtant, ces audiences se sont pour la plupart polarisées sur la définition de l’islamophobie, plutôt que sur les moyens à mettre en œuvre pour endiguer cette dernière. La mort de six innocents et les blessures infligées à bien d’autres témoignent que la haine envers les personnes musulmanes, qu’importe la définition que l’on en donne, est bien réelle et meurtrière.

La politisation de telles questions ne justifie aucunement l’inertie. Tous les ordres de gouvernement doivent mettre fin à l’impunité des prêcheurs de haine qui nourrissent le terreau propice à l’émergence de ces actes odieux. Il nous faut enjoindre à chaque ordre de gouvernement de prêter l’oreille aux témoignages authentiques livrés par les membres de la collectivité et de faire preuve d’initiative pour briser les obstacles qui entravent l’égalité matérielle. Notre société doit appliquer une politique de tolérance zéro face aux actes de racisme, que chaque Canadienne et chaque Canadien est tenu de dénoncer – en ligne et sur le terrain.

Pour ouvrir la voie, par un geste certes symbolique, le gouvernement devrait proclamer le 29 janvier « Journée nationale de commémoration et d’action contre l’islamophobie et les crimes haineux ».

Azzedine Soufiane. Mamadou Tanou Barry. Khaled Belkacemi. Aboubaker Thabti. Ibrahima Barry. Abdelkrim Hassane. Gravons leurs noms dans notre mémoire, et rappelons-nous en quel lieu et à quelle date ils ont perdu la vie. Et engageons-nous à prendre toutes les mesures nécessaires pour étouffer le sentiment de haine qui a conduit à leur disparition.

Renu Mandhane
Commissaire en chef
Commission ontarienne des droits de la personne