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La CODP réclame la réforme du système de détention de personnes en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés

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Avril 11, 2016

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L’honorable Yasir Naqvi
Ministre de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels
18e étage, édifice George Drew
25, rue Grosvenor
Toronto ON  M7A 1Y6

Monsieur le ministre,

Je vous écris aujourd’hui au nom de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) pour vous faire part de nos préoccupations à l’égard de la détention de citoyens étrangers dans les prisons de l’Ontario aux termes de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) du Canada (personnes détenues en vertu de la LIPR).

Comme vous le savez, en ma qualité précédente de directrice générale du programme sur les droits de la personne internationaux de la faculté de droit de l’Université de Toronto, j’ai dirigé la rédaction d’un rapport de 2015 sur la détention de personnes en vertu de la LIPR (http://ihrp.law.utoronto.ca/We_Have_No_Rights).

Selon nos recherches, la détention de personnes en vertu de la LIPR est un phénomène courant. Chaque année, des milliers de citoyens étrangers sont incarcérés dans les prisons de l’Ontario. En dépit du fait que ces personnes ont droit aux protections conférées par le Code des droits de la personne (Code) de l’Ontario, nous nous préoccupons du fait que les services leur étant fournis ne tiennent pas compte des obligations du ministère de la Sécurité communautaire et des Services correctionnels (MSCSC) aux termes du Code.

Les personnes détenues en vertu de la LIPR forment un groupe particulièrement vulnérable pouvant être associé à des motifs entrecroisés de protection du Code, comme la race, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique et la citoyenneté. Nous sommes également conscients que l’Agence des services frontaliers du Canada transfère aussi régulièrement des détenus ayant des troubles mentaux dans des établissements de la province, et ce, malgré le fait que des recherches indiquent que la détention de personnes en vertu de la LIPR nuit tout particulièrement aux citoyens étrangers vulnérables (comme les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des handicaps physiques, les demandeurs d’asile et les victimes de torture) et entraîne souvent l’apparition de nouveaux troubles mentaux.

La détention de personnes immigrantes n’ayant été reconnues coupables d’aucun délit et ne purgeant aucune peine dans des établissements carcéraux provinciaux conçus pour assurer la détention de contrevenants au Code criminel pose un problème fondamental et systémique. Il semblerait que les établissements carcéraux provinciaux n’ont pas les installations ni l’expertise requises pour tenir compte des besoins particuliers des personnes détenues en vertu de la LIPR.

Par exemple, nous nous inquiétons du fait que les personnes détenues en vertu de la LIPR ont un accès extrêmement limité à des services d’interprétation ou à des programmes de soutien appropriés malgré leur situation de vulnérabilité et leurs besoins particuliers. Nous craignons aussi qu’elles n’aient pas accès à des traitements et services de soutien appropriés en matière de santé mentale.

Il est impératif que l’on procède à la réforme du système en place. Entretemps, le rapport de l’Université de Toronto formule plusieurs recommandations ayant reçu l’appui d’une panoplie d’intervenants, y compris l’Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés, l’Association canadienne des libertés civiles, l’End Immigration Detention Network, la Refugee Lawyers Association de l’Ontario, la South Asian Legal Clinic de l’Ontario et la Société de schizophrénie de l’Ontario.

Ces recommandations incluent des mesures que le gouvernement provincial devrait prendre et qui, dans bien des cas, visent à combler les besoins en matière de droits de la personne des personnes détenues en vertu de la LIPR.

La CODP recommande au MSCSC de mettre en œuvre les recommandations de l’Université de Toronto qui sont de son ressort, c’est-à-dire :

  1. Négocier avec le gouvernement fédéral pour veiller à ce que :

    a. le financement octroyé pour détenir des personnes en vertu de la LIPR soit suffisant pour permettre la prestation de soins de santé (y compris des soins de santé mentale), de services juridiques et de soutiens communautaires, spirituels et familiaux en personne aux personnes immigrantes détenues

    b. des membres du personnel de l’ASFC se présentent régulièrement dans tous les établissements provinciaux où sont détenues des personnes en vertu de la LIPR
     

  2. Veiller à ce que les personnes immigrantes soient détenues en milieu le moins restrictif possible, conformément aux modes de détention de clientèles sans antécédents criminels et de protection du public, du personnel et des autres détenus, y compris dans les centres de traitement en établissement au besoin
     
  3. Assurer aux personnes détenues un accès uniforme et significatif à des soins de santé (y compris des soins de santé mentale), des services juridiques et des soutiens communautaires, spirituels et familiaux en personne adéquats
     
  4. Faire en sorte que la Croix-Rouge canadienne puisse assurer une surveillance régulière et indépendante des prisons provinciales qui font la détention de personnes en vertu de la LIPR et s’engager à mettre en œuvre les recommandations formulées
     
  5. Offrir au personnel des établissements carcéraux une formation sur la détention de personnes en vertu de la LIPR, les droits de la personne et la diversité
     
  6. Veiller à ce que les personnes détenues en vertu de la LIPR aient pleinement accès aux programmes provinciaux d’aide juridique à toutes les étapes du processus, sans égard à la durée de leur détention, et que le financement octroyé soit suffisant pour assurer la conduite d’évaluations indépendantes de la santé mentale
     
  7. Rendre public toute entente ou tout contrat conclu avec le gouvernement fédéral relativement à la détention de personnes en vertu de la LIPR dans des prisons provinciales.

Comme toujours, la CODP s’engage à collaborer avec vous afin de régler les questions de droits de la personne qui ont trait à votre mandat.

Cette lettre sera rendue publique conformément à notre mandat qui consiste à faire rapport de l’état des droits de la personne en Ontario.

Veuillez agréer, Monsieur le ministre, mes salutations distinguées.

La commissaire en chef,
Renu Mandhane, B.A., J.D., LL.M.

c.c. :  L’honorable Madeleine Meilleur, procureure générale de l’Ontario

Ralph Goodale, ministre de la Sécurité publique

Marie Claude Landry, commissaire en chef de la Commission canadienne des droits de la personne

David Wanstall, Comité international de la Croix-Rouge (Canada)

Rana Khan, Haute-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés

Samer Muscati, directeur, programme sur les droits de la personne internationaux, faculté de droit, Université de Toronto

Commissaires de la CODP