7. Expérience des Premières Nations, des Métis et des Inuits

Introduction

En 2018, l’Ontario estimait à 64 000 le nombre d’élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites qui fréquentaient les écoles qu’elle finance[483]. Ces élèves qui fréquentent les écoles financées par la province[484] ont le droit de lire en vertu du Code des droits de la personne de l’Ontario, de même que les droits à l’éducation qui découlent de leurs droits autochtones inhérents, des traités, de la Constitution canadienne, de la Charte canadienne des droits et libertés et du droit international[485]. Par exemple, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (Déclaration de l’ONU) fait ressortir le fait que le Canada (y compris les provinces) a la responsabilité de veiller à ce que les enfants autochtones aient droit, sans discrimination, à tous les niveaux et à toutes les formes d’éducation nationale et, dans la mesure du possible, à une éducation dans leur propre culture et leur propre langue (article 21). L’article 22 stipule qu’une attention particulière doit être accordée aux droits et aux besoins particuliers des enfants et des personnes handicapées autochtones.

Le terme « Autochtones » sert aussi à désigner collectivement les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Toutefois, l’emploi des termes « Premières Nations », « métis » et « inuits » marque mieux la reconnaissance de groupes distincts de peuples autochtones en Ontario, dont chacun possède une organisation politique, une organisation en milieu urbain, une économie, une histoire, une culture, une langue, des convictions spirituelles et un territoire qui lui sont propres. Il existe également des distinctions au sein de ces groupes (il y a par exemple de nombreuses communautés distinctes de Premières Nations en Ontario). Bien qu’une approche fondée sur les distinctions soit préférable, nous employons parfois « Autochtones » dans le présent rapport pour désigner les expériences que peuvent avoir en commun les Premières Nations et peuples inuits et métis. On retrouve la même approche dans d’autres enquêtes, notamment l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées[486].

Certaines décisions juridiques ont confirmé le droit des enfants des Premières Nations – qu’ils vivent ou non dans une réserve – à un niveau de services au moins équivalent à celui dont bénéficient les enfants non autochtones. Des mesures supplémentaires sont parfois nécessaires et exigées par la loi afin de compenser le désavantage historique et les problèmes particuliers auxquels les enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites sont confrontés[487].

Malgré cela, les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites accusent un retard sur les autres élèves pour ce qui est du droit à lire. Les données démontrent que les personnes issues des Premières Nations et des communautés métisses et inuites présentent un niveau de littératie et de réussite scolaire inférieur à celui des autres personnes. L’enquête nous a permis de recueillir de l’information sur les formes particulières et cumulatives de désavantage qui contribuent à creuser cet écart. Il y a lieu de porter une attention spéciale aux besoins croisés des élèves qui sont issus de ces groupes et ont des besoins particuliers afin de respecter leurs droits à une équité substantielle, leurs droits découlant des traités et les droits que leur confère le droit international.

L’analyse qui suit est axée sur le droit de lire en anglais ou en français. Toutefois, il importe de noter qu’il existe de nombreuses langues propres aux Premières Nations, aux Métis et aux Inuits en Ontario[488]. Ces langues sont un élément fondamental de l’identité, de la culture, de la spiritualité, des relations avec le territoire, de la vision du monde et de l’autodétermination des Premières Nations, et des peuples inuits et métis[489].

Les politiques coloniales et assimilatrices du Canada ont ciblé les langues des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Par exemple, dans les pensionnats, il était souvent interdit aux enfants de parler leur langue sous peine de punitions sévères, et on les forçait à apprendre l’anglais ou le français[490]. Cette contrainte a eu un impact multigénérationnel, car les survivants des pensionnats n’ont pas été en mesure de transmettre leur langue à leurs enfants[491]. Par conséquent, des générations de Premières Nations et de peuples inuits et métis ont perdu l’accès à leur langue ancestrale. Plusieurs appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation (CVR) du Canada ont trait à la promotion des langues autochtones, notamment en éducation[492].

En vertu de l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982[493], les « droits des peuples autochtones » incluent les droits relatifs aux langues autochtones[494]. Bien que les droits relatifs aux langues autochtones débordent le cadre du présent rapport, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) reconnaît et appuie l’importance centrale de préserver, de revitaliser et de renforcer les langues autochtones, parallèlement à l’exercice du droit de lire en anglais ou en français[495].

La CODP reconnaît également que les Premières Nations, et les communautés métisses et inuites doivent participer à part entière à la prise des décisions relatives à leur propre éducation (par exemple, lors de l’élaboration de programmes de soutien aux élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites dans les écoles financées par la province) ou à l’éducation à leur sujet (par exemple, lors de l’intégration de l’histoire et des perspectives des Premières Nations, des Métis et des Inuits au curriculum provincial). La mise en œuvre des recommandations relatives aux élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites contenues dans le présent rapport doit se faire en partenariat avec les communautés, organisations et gouvernements inuits, métis et des Premières Nations, ainsi qu’avec les communautés et organisations autochtones en milieu urbain.

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Mise en contexte pour la compréhension du droit de lire des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites

Avertissement : Certains sujets abordés dans cette section peuvent être traumatisants pour certains lecteurs, notamment les références aux mauvais traitements subis par les Premières Nations et peuples inuits et métis, aux sévices physiques et sexuels subis par des enfants, à la violence raciale et sexuelle, à l’automutilation et au suicide. Veuillez prendre soin de vous-même en lisant ce matériel. De nombreuses ressources sont à votre disposition si vous avez besoin de soutien additionnel, notamment dans le site Web [DP2] de la CODP, dans la liste de soutiens.

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Colonialisme, racisme et politiques d’assimilation

Le point de départ de toute prise en compte du droit de lire des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites est le contexte général du traitement des peuples autochtones au Canada. Ce contexte a été résumé récemment comme suit dans Réclamer notre pouvoir et notre place : Le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées :

Le Canada est un pays colonial. Les pays européens, imités par le nouveau gouvernement du « Canada », ont imposé leurs propres lois, institutions et cultures aux peuples autochtones tout en occupant leurs terres. Les attitudes coloniales racistes ont servi à justifier les politiques d’assimilation du Canada, qui cherchaient à éliminer les populations des Premières Nations, des Inuits et des Métis en tant que communautés et peuples distincts[496].

Bon nombre de politiques et de structures assimilatrices du Canada ciblaient les enfants et les familles des Premières Nations et communautés métisses et inuites. Les pensionnats et la « rafle des années soixante » en sont deux exemples significatifs.

On estime qu’environ 150 000 enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites ont fréquenté un pensionnat du XVIIe siècle à la fin des années 1990. Des enfants ont été arrachés à leurs foyers, emmenés dans un pensionnat souvent situé loin de leur communauté[497] et empêchés d’en repartir[498]. Ils ont été soumis à une discipline sévère, à la malnutrition et à la famine, à des soins de santé inadéquats, à des abus physiques, émotionnels et sexuels, à de la négligence ainsi qu’à l’éradication délibérée de leur culture et de leur langue. Des milliers d’enfants ont trouvé la mort au pensionnat, et les lieux de sépulture de bon nombre d’entre eux demeurent inconnus[499]. En 2021, la découverte d’un grand nombre de tombes anonymes aux sites d’anciens pensionnats[500] a fourni des éléments de preuve additionnels de la violence et des décès survenus dans les pensionnats.

Les pensionnats « font partie intégrante d’une politique délibérée de génocide culturel[501] ». Leur véritable objectif n’était pas d’éduquer les enfants :

Le système des pensionnats a été un échec en tant que système d’éducation. Il était fondé sur des opinions racistes à propos de l’infériorité intellectuelle et culturelle des Autochtones, soit la croyance que les enfants autochtones étaient incapables d’atteindre un niveau de scolarité plus élevé qu’une éducation de niveau primaire ou professionnelle rudimentaire. Par conséquent, pendant la majeure partie de l’histoire de ce système, la plupart des élèves n’ont pas progressé au-delà du niveau primaire. Le gouvernement et les autorités religieuses qui ont exploité les pensionnats n’ont pas tenu compte de l’accent positif que les traités et de nombreuses familles autochtones ont placé sur l’éducation. Ils ont plutôt créé des établissements dangereux et effrayants qui ont offert peu d’enseignement[502].

On estime qu’entre 1890 et 1950, 60 % des élèves des pensionnats ne dépassaient pas la 3e année. En plus des autres torts causés, l’échec des pensionnats à dispenser une éducation suffisante a contribué à la fabrication d’un legs de pauvreté, de faibles niveaux de scolarité et de marginalisation sociale et économique continue dans les communautés autochtones[503].

Un certain nombre d’enfants métis ont fréquenté les pensionnats[504]. Cependant, le gouvernement fédéral estimait que l’éducation et l’assimilation des Métis étaient des compétences de ressort provincial et territorial. Les gouvernements provinciaux et territoriaux étaient réticents à bâtir des écoles dans les collectivités métisses ou à permettre aux enfants métis de fréquenter les écoles publiques[505]. Pendant un certain temps, les enfants métis n’étaient admis ni dans les pensionnats fédéraux ni à l’école publique provinciale et n’étaient pas scolarisés[506]. Ceux qui fréquentaient les écoles financées par la province étaient souvent mal accueillis, stigmatisés et racialisés[507]. Après les années 1950, beaucoup d’enfants métis ont fréquenté des pensionnats administrés par les gouvernements provinciaux dans les régions éloignées et du Nord. Comme le notait le rapport de la CVR : « Il est indéniable que le préjudice subi par les enfants, leurs parents et la communauté métisse a été considérable[508]. »

Le rapport de la CVR traite de certains éléments particuliers des pensionnats du Nord canadien. Les pensionnats du Nord ont été fondés beaucoup plus tard que ceux du Sud. Des élèves inuits ont commencé à fréquenter les pensionnats à compter des années 1950. Les pensionnats ont contribué à l’évolution rapide des modes de vie et de l’économie traditionnels liés à la terre dans la région[509].

Comme l’histoire des pensionnats du Nord est relativement récente, un grand nombre de survivants de ces pensionnats sont toujours en vie aujourd’hui. Le rapport de la CVR notait que les séquelles de ces pensionnats sont particulièrement prononcées dans le Nord et chez les Inuits :

Les élèves inuits sont ceux qui sont aux prises avec les écarts les plus importants sur le plan de la scolarité. Un nombre disproportionnellement élevé de parents dans le Nord sont des survivants des pensionnats indiens ou des survivants intergénérationnels[510].

Malgré certaines particularités de l’expérience vécue dans le Nord, les élèves, familles et communautés inuites ont subi, en grande partie, les mêmes torts que les autres peuples autochtones du pays :

Si l’expérience nordique est, à certains égards, propre à chaque collectivité, les grands thèmes n’en demeurent pas moins les mêmes dans tout le Nord. Les enfants sont séparés de leurs parents, souvent sans que ces derniers soient consultés ou y consentent. L’enseignement est donné dans une langue et dans un milieu étrangers, et ils vivent dans des établissements insuffisamment financés et en manque d’effectifs, en proie à une discipline sévère, aux maladies et aux abus[511].

En plus de perturber la transmission intergénérationnelle des valeurs et des compétences, les pensionnats du Nord ne donnaient pas à leurs élèves les compétences nécessaires pour exercer un emploi[512].

Le système des pensionnats et les politiques d’assimilation racistes qu’il incarnait ont nourri un autre ciblage systématique des enfants et des familles des Premières Nations et communautés métisses et inuites : la « rafle des années soixante ». À partir des années 1950, les autorités responsables de la protection de l’enfance ont retiré un grand nombre d’enfants de leur famille et de leur communauté. Ces enfants ont été envoyés en foyers d’accueil ou adoptés dans des familles majoritairement non autochtones, partout au Canada, aux États-Unis et même outre-mer[513]. Lorsque les pensionnats ont commencé à fermer leurs portes, de plus en plus d’enfants autochtones ont été pris en charge par des organismes de protection de l’enfance. Vers la fin des années 1970, les Autochtones représentaient 44 % des enfants placés sous protection en Alberta, 51 % en Saskatchewan et 60 % au Manitoba[514]. L’importante surreprésentation des enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites pris en charge par la protection de l’enfance perdure encore aujourd’hui en Ontario. Malgré qu’ils représentent seulement 4,1 % de la population ontarienne de moins de 15 ans, les enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites comptent pour environ 30 % des enfants placés en foyers d’accueil[515].

Ce ne sont là que deux exemples de politiques et pratiques colonialistes appliquées pendant des siècles afin de miner l’identité culturelle des Premières Nations et des peuples inuits et métis, et de les assimiler[516]. Depuis quelques années, le gouvernement du Canada a présenté des excuses publiques au sujet de ces politiques[517]. Tout récemment, en réaction à la découverte de restes d’enfants sur le site d’un pensionnat à Kamloops, le Canada a reconnu ce qui suit :

Les mauvais traitements infligés aux enfants autochtones constituent une partie tragique et honteuse de l’histoire du Canada. Les pensionnats faisaient partie d’une politique coloniale qui retirait les enfants autochtones de leurs communautés. Des milliers d’enfants ont été envoyés dans ces écoles et ne sont jamais retournés dans leur famille. Les familles n’ont souvent reçu que peu ou pas d’informations sur les circonstances de la mort de leur proche ou sur le lieu de son enterrement. Les enfants placés dans des pensionnats n’avaient pas le droit de parler leur langue ni de pratiquer leur propre culture. La perte des enfants qui ont fréquenté les pensionnats est impensable et le Canada reste déterminé à soutenir les familles, les survivants et les communautés, et à commémorer ces âmes innocentes perdues[518].

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Oppression, racisme et difficultés d’aujourd’hui

Les conditions dans lesquelles les Premières Nations et les peuples inuits et métis vivent actuellement sont une conséquence directe de cette histoire. Aujourd’hui, les Premières Nations, les Métis et les Inuits du Canada sont désavantagés à plusieurs titres sur les plans social et économique. L’expérience vécue varie d’une personne ou d’une communauté à l’autre, mais ces désavantages comprennent un faible niveau de scolarité, un taux de chômage élevé, une implication disproportionnée avec le système de justice pénale, des niveaux de pauvreté extrêmes, des logements inadéquats et des disparités sur le plan de la santé physique et mentale[519].

Les Premières Nations et les peuples inuits et métis demeurent exposés à des niveaux élevés de discrimination systémique ainsi qu’à des actes individuels de racisme[520]. Une enquête du coroner sur les décès de Reggie Bushie, Jethro Anderson, Jordan Wasasse, Kyle Morrisseau, Curran Strang, Paul Panacheese et Robyn Harper, sept jeunes de la Nation Nishnawbe Aski (NAN) décédés alors qu’ils fréquentaient une école secondaire des Premières Nations à Thunder Bay (l’« enquête sur les sept jeunes ») a mis au jour des preuves du racisme constant que vivent des jeunes des Premières Nations :

Le racisme vise souvent des membres des Premières Nations lorsqu’ils sont à l’extérieur des réserves. De nombreux témoins ont raconté des expériences telles que de s’être fait appeler « stupide sauvage » ou de s’être fait dire « allez-vous-en chez vous, les Indiens ». Comme le dit un témoin : « Ils me traitent comme une chose, pas comme une personne. » Des élèves de l’école secondaire Dennis Franklin Cromarty rapportent qu’ils sont régulièrement l’objet d’insultes verbales et qu’on leur lance des objets quand ils marchent dans les rues de la ville. On sait qu’il s’est produit des actes de violence graves allant jusqu’à l’agression et au meurtre[521].

Les Premières Nations et les peuples inuits et métis sont à la fois victimisés et emprisonnés de façon disproportionnée[522]. L’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (ENFFADA) révèle que la violence subie par les membres des Premières Nations, les Inuits et les Métis, en particulier les femmes, les filles et les personnes 2ELGBTQQIA[523], équivaut à un génocide des peuples autochtones fondé sur la race[524].

Les Premières Nations et les peuples inuits et métis connaissent des taux anormalement élevés de maladies mentales, de dépression grave, de troubles du spectre de l’alcoolisation fœtale (TSAF), de consommation de médicaments et de drogues illégales, d’alcoolisme et de dépendance au jeu. Des centres d’amitié autochtone déclarent que les troubles mentaux non diagnostiqués comme la dépression, l’anxiété, les TSAF et le trouble déficitaire de l’attention augmentent au sein des communautés autochtones vivant en milieu urbain en Ontario[525]. La pandémie de COVID-19 a exacerbé les disparités préexistantes en matière de santé mentale entre les Autochtones et les autres personnes[526].

Les taux de suicide sont plus élevés chez les Premières Nations et les peuples inuits et métis que dans le reste de la population, bien qu’ils diffèrent selon la communauté, le groupe autochtone, le groupe d’âge et le sexe[527]. Les taux observés chez les jeunes de certaines communautés de la NAN du nord de l’Ontario sont parmi les plus élevés au monde[528]. Ces décès par suicide affectent profondément les familles, les amis, les pairs et l’ensemble des communautés autochtones. Les séquelles peuvent être particulièrement graves lorsque la personne décédée est jeune et dans les petites communautés où les liens de parenté sont étroits[529].

Le traumatisme intergénérationnel, l’isolement social, la pauvreté et l’insécurité alimentaire ainsi que l’inadéquation des services de santé et des services communautaires font que les enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites vivent un niveau élevé d’adversité qui se traduit par des abus, de la négligence[530] et l’usage de produits ménagers à titre de drogues[531]. Comme nous le verrons plus loin, ces conditions se combinent à d’autres points de vulnérabilité. Elles se répercutent sur les besoins pédagogiques des élèves liés à leur droit d’apprendre à lire.

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Expérience et effet du traumatisme

Le traumatisme[532] causé par les pensionnats, le système de protection de l’enfance et d’autres expériences passées et actuelles d’oppression et de discrimination a des séquelles pour des générations de membres des Premières Nations et des peuples inuits et métis. Comme l’explique une étude sur le traumatisme historique, multigénérationnel et intergénérationnel vécu par les peuples autochtones :

Sur une longue période, les effets de ce traumatisme peuvent affecter toute une population avec pour résultat un héritage d’inégalités physiques, psychologiques et économiques qui persistent d’une génération à l’autre […] Il n’y a pas que les personnes à titre individuel et [les] familles qui sont affectées, mais aussi leurs communautés[533].

La chercheuse ojibwée Amy Bombay, de la Première Nation de Rainy River, a étudié la transmission intergénérationnelle des traumatismes et les effets durables des pensionnats et d’autres traumatismes sur la santé des Autochtones. L’exposition chronique au traumatisme se traduit par des symptômes individuels comme l’anxiété, la dépression, les dépendances (comme mécanisme de compensation), le manque d’estime de soi, la colère, les comportements autodestructeurs et un taux élevé de suicide[534]. Elle a également des séquelles pour les familles et les communautés, notamment par son apport à l’éclatement des structures et des relations familiales et sociales. Le traumatisme devient cyclique et cumulatif lorsque de nouveaux facteurs de stress et traumatismes renforcent le traumatisme préexistant[535].

Les systèmes et institutions coloniaux tels que les pensionnats ont rompu les liens culturels et familiaux, de sorte que les systèmes institutionnels actuels qui ne tiennent pas compte de l’importance de la culture et de la famille pour les Premières Nations et les peuples inuits et métis risquent de perpétuer le traumatisme intergénérationnel au lieu de le soulager[536].

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Manque de ressources dans les écoles des Premières Nations financées par le gouvernement fédéral

En Ontario, les élèves métis et inuits fréquentent généralement les écoles financées par la province. Les élèves des Premières Nations peuvent fréquenter soit une école administrée par les Premières Nations dans une réserve, soit une école financée par la province. Environ 14 000 élèves fréquentent les écoles administrées par les Premières Nations en Ontario[537].

Les écoles des Premières Nations établies dans les réserves sont financées par le gouvernement fédéral. Historiquement, elles ont souffert d’un sous-financement chronique et de l’insuffisance des ressources[538]. L’investissement par élève du gouvernement fédéral dans les écoles des Premières Nations est significativement moindre que celui du gouvernement ontarien dans les écoles financées par la province. Il est difficile de comparer le financement par élève, car les formules de financement sont complexes et les fonds dévolus aux conseils scolaires financés par la province varient en fonction des besoins de chaque conseil[539]. Toutefois, certaines estimations antérieures de la situation ontarienne donnent à penser que les écoles des Premières Nations reçoivent moins de la moitié du financement par élève accordé aux petites écoles financées par la province en milieu rural dont certains élèves ont des besoins considérables[540]. Cette disparité est amplifiée par le fait que les écoles des Premières Nations ont souvent de plus grandes difficultés à surmonter sur le plan pédagogique. Souvent, au regard des écoles financées par la province servant de comparateurs, les écoles établies dans les réserves ont moins d’élèves, sont situées dans une région plus isolée, sont confrontées à des conditions socioéconomiques plus difficiles et ont une langue et une culture particulières[541].

Historiquement, outre les écarts de financement par élève, les écoles des Premières Nations n’ont reçu aucun financement pour des services que les élèves des écoles financées par la province tiennent pour acquis, notamment les bibliothèques, la technologie, les activités parascolaires et les services des conseils scolaires. De plus, les écoles des Premières Nations n’ont reçu aucun financement pour des activités linguistiques ou culturelles[542].

Le sous-financement de l’éducation spéciale et des services connexes est un problème particulièrement criant dans les écoles des Premières Nations. Ces écoles ont reçu moins d’apports financiers que les conseils scolaires financés par la province pour répondre aux besoins particuliers en matière d’éducation des élèves des Premières Nations. Les services spécialisés tels que l’orthophonie sont souvent soit indisponibles, soit très onéreux[543]. Pour les élèves des Premières Nations vivant dans des régions éloignées du Nord, le sous-financement des services se combine à l’inaccessibilité, car les obstacles à l’accès à divers services de santé et services communautaires sont un problème chronique.

En 2009, la Première Nation des Mississaugas de Credit a allégué, dans une plainte déposée devant la Commission canadienne des droits de la personne, que les services à l’enfance en difficulté offerts aux communautés des Premières Nations étaient inéquitables et inadéquats. Cette plainte a donné lieu à la production, en 2017, d’un rapport d’examen sur l’éducation de l’enfance en difficulté dans les Premières Nations[544], fruit du travail collaboratif approfondi d’enseignants et d’administrateurs des Premières Nations de toute la province.

Ce rapport démontre qu’il y a lieu de porter une attention spéciale aux besoins croisés des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites qui ont des besoins particuliers; il contient des recommandations à l’Ontario et au Canada. Les recommandations ont été intégrées à un énoncé de position des Chiefs of Ontario[545] et ont reçu un plein appui des dirigeants des Premières Nations de l’Ontario lors de l’All Ontario Chiefs Conference des Chiefs of Ontario tenue en 2017. Dans la résolution 38/17, les Ontario Chiefs in Assembly déclarent que l’assemblée « soutient et accepte entièrement les recommandations[546] ».

Ce rapport d’examen décrit de graves inégalités qui affligent l’éducation de l’enfance en difficulté dans les Premières Nations, dont le sous-financement, le manque d’accès au personnel et aux spécialistes de l’éducation de l’enfance en difficulté, l’absence de programmes complets d’éducation de la petite enfance et l’inadéquation des installations. Les auteurs notent les besoins et les coûts propres aux Premières Nations des régions éloignées et du Nord, ainsi que les besoins financiers supplémentaires associés à ces problèmes[547].

Par ailleurs, à cause du sous-financement et de l’éloignement, les écoles des Premières Nations ont du mal à attirer et à conserver du personnel enseignant et de soutien qualifié. Les enseignants de ces écoles sont moins bien rémunérés que leurs homologues des écoles financées par la province, ils travaillent dans des conditions plus difficiles (par exemple, dans des écoles en mauvais état), les occasions de perfectionnement professionnel sont pratiquement inexistantes, et l’accès au logement est parfois limité[548]. Ces facteurs ont des répercussions négatives sur la qualité de l’enseignement dans les écoles des Premières Nations.

En 2019, le gouvernement fédéral et l’Assemblée des Premières Nations (APN) ont annoncé qu’ils avaient élaboré conjointement une nouvelle approche de financement pour les écoles des Premières Nations[549]. Cette nouvelle approche vise à faire en sorte que les élèves qui fréquentent les écoles des Premières Nations bénéficient d’un financement de base prévisible et durable, fondé sur les besoins et les coûts réels[550]. La CODP espère que cette nouvelle approche aidera à résoudre certains problèmes persistants qui affligent les écoles des Premières Nations depuis des années. Dans l’intervalle, beaucoup d’élèves des Premières Nations qui commencent par fréquenter une école des Premières Nations se heurtent à de multiples obstacles lors de leur entrée dans le système scolaire financé par la province. Leur éducation, y compris en lecture, accuse parfois beaucoup d’années de retard.

Les écoles des Premières Nations de l’Ontario suivent souvent le curriculum provincial. Leurs enseignants reçoivent la même formation que tous leurs collègues qui ont réussi un programme de formation des enseignants dans une faculté d’éducation de l’Ontario. Par conséquent, les recommandations du présent rapport qui portent sur le curriculum de l’Ontario et la préparation du personnel enseignant sont pertinentes pour l’enseignement de la lecture dans les écoles des Premières Nations et auront un effet direct sur cet enseignement.

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Promotion d’une équité substantielle pour les enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites

Depuis quelques années, on reconnaît de plus en plus que pour jouir d’une équité substantielle, les enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites doivent avoir accès en temps opportun au même niveau de services que les autres enfants. Ils peuvent aussi avoir besoin de mesures supplémentaires qui répondent à leurs besoins particuliers.

Les enfants des Premières Nations et les enfants inuits peuvent accéder aux produits, aux services et aux mesures de soutien dont ils ont besoin, respectivement par l’entremise du financement fédéral accordé en vertu du principe de Jordan et de l’Initiative : Les enfants inuits d’abord du gouvernement fédéral. La Métis Nation of Ontario (MNO) est une structure de gouvernance propre aux Métis de l’Ontario, qui soutient ses citoyens métis. Il y a quelques années, la MNO a lancé un programme de promotion de l’aide à l’éducation dans les écoles de l’Ontario afin d’aider ses citoyens à s’orienter dans le système d’éducation public et à accéder à des services comme le tutorat, l’évaluation psychologique et l’orthophonie.

On ne sait pas trop si les conseils scolaires sont au courant de ces aides offertes aux élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites, et s’ils sont proactifs dans l’identification des situations où il est possible de se prévaloir de ces services.

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Principe de Jordan

Le principe de Jordan est un principe ayant force de loi fondé sur le concept « l’enfant d’abord ». Il stipule que tout service public ordinairement offert à tous les autres enfants doit également être offert aux enfants des Premières Nations, sans délai ni refus. Il a été nommé à la mémoire de Jordan River Anderson, un enfant de la Première Nation crie de Norway House, au Manitoba. Né avec des besoins médicaux complexes, Jordan a passé plus de deux ans inutilement à l’hôpital parce que la province du Manitoba et le gouvernement fédéral n’arrivaient pas à s’entendre à savoir qui devrait payer pour ses soins à domicile. Jordan est décédé à l’hôpital à l’âge de cinq ans, sans jamais avoir pu passer une journée dans son foyer familial.

Le principe de Jordan est un principe juridique axé sur l’enfant, qui confirme que les enfants des Premières Nations ne devraient jamais subir d’écarts de niveaux de service, y compris en éducation, en raison de conflits de juridiction ou de financement entre les administrations provinciales et fédérale ou entre des ministères. Il vise à assurer aux enfants des Premières Nations une équité substantielle en veillant à ce qu’ils puissent accéder à tous les services publics d’une manière qui reflète leurs besoins culturels distincts et qui tient pleinement compte du désavantage historique lié à la colonisation. Le principe a pour but d’éviter que des enfants subissent le refus, le retard ou l’interruption de services parce qu’ils sont membres des Premières Nations.

Le principe de Jordan peut faciliter l’accès aux services d’aide aux élèves comme des services à la petite enfance, des services d’orthophonie, des évaluations professionnelles (notamment en orthophonie et en psychopédagogie), des services en santé mentale, des technologies d’assistance ou du tutorat. Les enfants des Premières Nations qui répondent à l’un des critères suivants sont éligibles pour être pris en compte dans le cadre du principe de Jordan :

  1. Un enfant qui réside dans une réserve ou hors réserve et qui est inscrit ou peut-être inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens
  2. Un enfant qui réside dans une réserve ou hors réserve et dont un des parents ou tuteurs est inscrit ou peut être inscrit en vertu de la Loi sur les Indiens
  3. Un enfant résidant dans une réserve ou hors réserve qui est reconnu par sa nation aux fins du Principe de Jordan
  4. Un enfant qui réside habituellement dans une réserve[551].

Des participants à l’enquête ont donné des exemples d’élèves de Premières Nations aux prises avec des TA qui ont reçu des services tels que des évaluations par l’entremise du processus du principe de Jordan. Le processus d’accès à l’aide financière en vertu du principe de Jordan est décrit dans divers manuels et guides[552].

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Initiative : Les enfants inuits d’abord

L’Initiative : Les enfants inuits d’abord est administrée par le gouvernement fédéral[553]. Similaire au principe de Jordan, elle a pour objectif de répondre aux besoins des enfants inuits sur la base des principes de l’équité substantielle, de l’adéquation culturelle et de l’intérêt supérieur de l’enfant[554]. Elle ouvre l’accès au financement de divers types de services de santé, sociaux et éducatifs :

  • services culturels dispensés par des aînés
  • counseling en matière de santé mentale
  • évaluations et tests de dépistage
  • services thérapeutiques (orthophonie, ergothérapie)
  • services de tutorat
  • assistants en éducation
  • transport scolaire spécialisé
  • évaluations professionnelles
  • technologies d’assistance.

Pour être admissibles, les enfants inuits doivent être reconnus par une organisation inuite de revendication territoriale au Canada et être âgés de moins de 18 ans[555].

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Programme de promotion de l’aide à l’éducation de la Métis Nation of Ontario

Ayant relevé des lacunes de longue date sur le plan de l’aide pédagogique qui ont une incidence négative sur la réussite scolaire des élèves métis, la MNO a lancé un programme de promotion de l’aide à l’éducation (Education Support Advocacy ou ESA) dans les écoles de l’Ontario afin d’aider ses citoyens à s’orienter dans le système d’éducation public et à accéder à des services tels que le tutorat, l’évaluation psychologique et l’orthophonie, entre autres. Ce programme est une telle réussite qu’il a pris de l’expansion; il existe maintenant un programme ESA pour l’apprentissage préscolaire, axé sur la petite enfance et l’intervention précoce.

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Impact sur la capacité d’apprendre à lire

Que les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites souffrent ou non d’un handicap, le contexte décrit ci-dessus a d’importantes répercussions sur leur expérience d’apprentissage de la lecture. Les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites qui ont également des difficultés de lecture sont d’autant plus désavantagés. Ils ont également été significativement affectés par la pandémie de COVID-19[556].

Les élèves dont les besoins ne sont pas comblés sont peu susceptibles de réaliser leur plein potentiel éducatif. La pyramide (ou hiérarchie) des besoins d’Abraham Maslow est une théorie qui a des implications en éducation. Selon cette théorie, l’apprentissage de l’élève est compromis si ses besoins humains fondamentaux ne sont pas satisfaits :

  1. Les besoins physiologiques : nourriture, eau, sommeil, vêtements et chaleur
  2. Les besoins de sécurité : se sentir en sécurité à la maison et à l’école
  3. Les besoins d’appartenance et d’amour : famille, amitiés, appartenance, inclusion
  4. Les besoins d’estime : estime de soi, confiance en soi, accomplissement, respect des autres
  5. Les besoins d’accomplissement de soi : atteinte de son plein potentiel.

Dans la théorie de Maslow, les besoins sont hiérarchisés : certains sont plus fondamentaux que d’autres. Maslow considère les besoins physiologiques et les besoins de sécurité comme les plus fondamentaux et les plus importants. L’élève ne peut atteindre son plein potentiel – au sommet de la pyramide – lorsque ses besoins fondamentaux ne sont pas satisfaits.

La théorie de Maslow a été influencée par son séjour dans la Nation des Siksika (Pieds-Noirs) en Alberta[557]. Terry Cross, un expert autochtone en bien-être de l’enfance, a recadré cette théorie afin de mieux refléter les visions relationnelles autochtones. La réinterprétation des besoins humains dans une optique autochtone intègre une interconnectivité accrue entre les besoins individuels, la famille, la communauté, la société et le monde[558].

Le symbole de la roue de la médecine sert à représenter les enseignements et les croyances de nombreux peuples des Premières Nations[559]. La roue de la médecine traditionnelle (le cercle sacré) est un symbole millénaire, souvent représenté par des pierres disposées en forme de roue. Si les croyances sous-jacentes à la roue de la médecine sont communes à un grand nombre de Premières Nations, leur représentation et leur reconnaissance varient[560]. Certains Métis et Inuits s’identifient également à la roue de la médecine[561]. Le modèle ci-dessous présente, au moyen du diagramme de la roue de la médecine des Premières Nations, l’interconnectivité des besoins qui doivent atteindre un équilibre pour un bien-être optimal[562].

 

Figure 1

Principes de vision du monde de Cross (2007), au moyen du schéma de roue médicinale des Premières Nations. En haute à gauche (Côté cognitif) : Rôle de réalisation, identité, service et estime de soi et communautaires En haut à droite (Côté physique) : Nourriture, eau, logement, sûreté et sécurité En bas à gauche (Côté spirituel) : Spiritualité et sens de la vie En bas à droite (Côté émotionnel) : Appartenance et relation

 

  • Besoins cognitifs

 

 

  • Besoins physiques

 

Actualisation de soi et de la communauté, rôle, identité, service, estime

Nourriture, eau, logement, sécurité

 

 

Spiritualité et raison d’être

Appartenance et relations

 

  • Besoins spirituels

 

 

  • Besoins affectifs

En raison du désavantage historique et continu que vivent les membres des Premières Nations et des peuples inuits et métis, les élèves sont plus susceptibles que la moyenne :

  • de vivre dans la pauvreté
  • de vivre dans l’insécurité alimentaire
  • de n’avoir pas d’accès à l’eau potable[563]
  • de vivre dans des logements insalubres et surpeuplés
  • d’être exposés aux abus et à la négligence
  • d’avoir subi des traumatismes
  • d’avoir subi le racisme
  • d’avoir vécu ou vu la violence ou la mort d’un membre de la famille ou de la communauté
  • de manquer de sentiment d’appartenance à l’école
  • de ressentir une érosion de leur identité culturelle et une déconnexion spirituelle.

La présence d’un ou plusieurs de ces facteurs peut avoir un impact négatif sur l’éducation des élèves des Premières Nations, communautés métisses ou inuites, y compris leur expérience d’apprentissage de la lecture.

Un rapport de Statistique Canada[564] a trait aux facteurs associés à la perception de la réussite scolaire chez les enfants des Premières Nations vivant hors réserve. L’autrice constate que plusieurs facteurs ont une incidence négative sur la réussite :

  • Avoir manqué l’école pendant deux semaines ou plus d’affilée pendant l’année scolaire
  • Être un enfant chez qui un problème d’apprentissage ou le trouble déficitaire de l’attention a été diagnostiqué
  • Avoir des parents qui ont fréquenté un pensionnat indien.

À l’inverse, parmi les enfants des Premières Nations vivant hors réserve, les facteurs suivants étaient associés à la perception d’une réussite scolaire relativement plus grande :

  • Bien s’entendre avec ses professeurs, ou avec ses amis et ses camarades de classe
  • Avoir des parents qui étaient satisfaits des pratiques de l’école (comme les renseigner sur les progrès scolaires, l’assiduité et le comportement de l’enfant)
  • Lire des livres chaque jour
  • Participer à des sports au moins une fois par semaine ou prendre part à des activités d’art ou de musique au moins une fois par semaine
  • Vivre dans une famille du quintile supérieur de revenu du ménage (les 20 % ayant le revenu le plus élevé).

Bon nombre de ces constats recoupent ce que nous avons entendu au cours de l’enquête. Dans notre sondage auprès des élèves et des parents, nous avons demandé aux participants si l’ascendance autochtone de l’élève avait un impact positif, négatif ou nul sur son expérience scolaire liée à son trouble de lecture. En ce qui concerne les élèves des Premières Nations, 18 % des répondants déclarent que l’impact est positif ou plutôt positif, 33 % déclarent qu’il n’y a aucun impact et 45 % affirment que l’impact est plutôt négatif ou négatif[565]. En ce qui concerne les élèves métis, 25 % des répondants déclarent que leur ascendance a un impact positif, 60 % déclarent que cet impact est nul et 10 % affirment que l’impact est négatif. Nous n’avons pas reçu de réponses au sujet des élèves inuits.

 

Tableau 15 : Impact de l’ascendance autochtone sur l’expérience scolaire de l’élève liée à son trouble de lecture[566]

 

Total

Premières Nations

Métis

Positif

13 %

11 %

15 %

Plutôt positif

9 %

7 %

10 %

Nul

43 %

33 %

60 %

Plutôt négatif

13 %

15 %

10 %

Négatif

17 %

30 %

0 %

Inconnu

2 %

0 %

5 %

Sans objet

2 %

4 %

0 %

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Impact des pensionnats

Le fait d’avoir des parents ou des tuteurs qui ont fréquenté un pensionnat est associé à un faible niveau de réussite scolaire. Tous les autres facteurs étant égaux, les enfants des Premières Nations issus de ces familles étaient moins susceptibles de réussir « très bien ou bien » à l’école, comparativement aux enfants des Premières Nations dont les parents ou les tuteurs n’avaient pas fréquenté un pensionnat[567]. L’impact des pensionnats a souvent été mentionné au cours de nos conversations avec les Premières Nations, les Métis et les Inuits. Par exemple, un membre des Premières Nations a déclaré : « La scolarisation au pensionnat est encore fraîche dans notre mémoire. C’est une considération qui doit figurer dans votre enquête. »

La CODP a appris que les faibles niveaux de scolarité et de littératie sont un défi pour certains parents et grands-parents des Premières Nations et communautés métisses et inuites[568] :

Je ne sais vraiment pas écrire. J’ai demandé à une enseignante de m’aider en 5e année, mais il n’y avait personne pour m’aider. Alors j’ai essayé de m’aider moi-même. Je ne sais toujours pas écrire. Ça a été vraiment difficile, surtout après avoir eu mes enfants. Je ne pouvais pas les aider.

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Impact du traumatisme

Des représentants de conseils scolaires et des participants des Premières Nations et communautés métisses et inuites ont dit aux responsables de l’enquête qu’un traumatisme intergénérationnel ou un traumatisme lié à un décès ou à une tragédie dans la famille ou la communauté peut affecter l’apprentissage de l’élève. Des participants des Premières Nations et communautés métisses et inuites ont indiqué que les écoles sont mal outillées pour utiliser des stratégies d’enseignement tenant compte des traumatismes, notamment les traumatismes propres aux personnes autochtones, et omettent tout simplement d’offrir des évaluations, un enseignement et des mesures de soutien efficaces aux élèves aux prises avec un traumatisme ou d’autres problèmes de santé mentale. Ces élèves peuvent avoir deux ou trois années scolaires de retard sur leurs pairs.

Un adulte membre d’une Première Nation ayant lui-même un trouble d’apprentissage (TA) a insisté sur l’importance pour les élèves des Premières Nations et des communautés métisses et inuites, en particulier ceux qui ont des TA, de fréquenter des écoles qui tiennent compte des traumatismes. Il a parlé de l’effet de l’intersectionnalité de l’identité autochtone et des handicaps sur l’expérience du traumatisme. Il décrit la combinaison du traumatisme qu’il vivait comme Autochtone avec celui d’être pris à partie devant la classe : « Les enseignants devraient tenir compte des traumatismes » afin de savoir éviter les pratiques traumatisantes « comme quand on demande à un enfant autochtone qui ne sait pas lire de lire devant la classe et que le reste de la classe se met à se moquer de lui ».

L’un des conseils scolaires consultés qui affichent une très forte population d’élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites, celui de Keewatin-Patricia, a récemment annoncé qu’il avait adopté une pratique tenant compte des traumatismes. L’Alberta encourage aussi l’adoption de pratiques tenant compte des traumatismes dans ses écoles[569].

Les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites qui vivent en foyer d’accueil sont confrontés à des défis particuliers à l’école. Par exemple, l’enquête a révélé que ces élèves ont également des problèmes d’assiduité. Ces problèmes peuvent être attribuables à la fréquence des déménagements et à la nécessité de traiter avec des bureaucraties qui n’ont pas toutes les mêmes règles d’inscription et d’admissibilité aux services. On note aussi, à l’échelle du système, l’absence d’un éventail complet de ressources de soutien à l’intention de ces élèves.

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Impact de la pauvreté

La pauvreté et un statut social défavorisé affectent la préparation à l’école et le rendement scolaire. La pauvreté compromet la capacité des familles et des enfants à pratiquer l’apprentissage à la maison, en raison d’un manque d’accès aux livres, aux outils technologiques et à d’autres ressources et mesures de soutien. Un des conseils scolaires consultés considère la pauvreté comme l’un des principaux obstacles à l’apprentissage pour tous les élèves, tout en soulignant que la pauvreté est plus accentuée et plus prévalente parmi les familles des Premières Nations de son territoire. Le conseil note que les élèves en situation de pauvreté sont souvent défavorisés avant même de commencer l’école : « Lorsque les élèves vivent en situation de pauvreté intergénérationnelle, il manque des composantes nécessaires à l’apprentissage préscolaire dans l’environnement où ils se trouvent, et ce, du seul fait de la pauvreté. »

Un organisme qui dessert des Inuits en milieu urbain décrit la précarité du logement et l’insécurité alimentaire comme des problèmes significatifs qui affectent les élèves inuits.

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Assiduité scolaire

Le manque d’assiduité à l’école est un important obstacle à la réussite des élèves autochtones[570]. Ses causes recoupent bon nombre des problèmes systémiques relevés dans le présent rapport. Des parents et des enseignants nous ont dit que certains enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites s’absentent de l’école pour plusieurs raisons qui ont souvent des liens avec le désavantage historique, les barrières systémiques actuelles et la discrimination, en plus des autres causes possibles de l’absentéisme des enfants.

L’héritage des pensionnats ainsi que les expériences négatives de racisme et de marginalisation vécues actuellement dans le système éducatif se traduisent par la méfiance et l’anxiété[571]. Comme l’a dit une personne ayant participé à une des rencontres avec des groupes autochtones : « Thunder Bay a un problème d’assiduité. Nos gens ne font pas confiance aux écoles. »

Des représentants d’un conseil scolaire consulté par l’équipe d’enquête notent aussi que la méfiance influe sur l’engagement scolaire : « Il y a un problème de confiance avec les enfants et les familles autochtones en raison du système des pensionnats, car historiquement, on a abusé de leur confiance. »

La combinaison de la pauvreté et des expériences vécues par les Premières Nations et les peuples inuits et métis avec les services de protection de l’enfance a également un impact négatif sur l’assiduité scolaire. On a dit à la CODP qu’il arrive que des parents vivant dans la pauvreté et aux prises avec l’insécurité alimentaire n’envoient pas leurs enfants à l’école s’ils n’ont pas les moyens de payer leurs repas, de peur que les administrations scolaires y voient de la négligence parentale et alertent les services de protection de l’enfance.

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Effets croisés du statut de membre d’une Première Nation, de Métis ou d’Inuit et des troubles d’apprentissage

Fait important pour l’enquête, le diagnostic d’un TA est un autre facteur qui s’avère déterminant pour la réussite des élèves autochtones :

Le fait d’avoir reçu un diagnostic de trouble d’apprentissage ou de trouble déficitaire de l’attention était associé à un succès scolaire moindre. Tous les autres facteurs étant égaux, les cotes de réussir « très bien » ou « bien » à l’école parmi les enfants des Premières nations vivant hors réserve chez qui un trouble d’apprentissage avait été diagnostiqué représentaient la moitié (0,5 fois) des cotes correspondantes pour les autres enfants. De plus, les cotes de réussir « très bien » ou « bien » parmi les enfants chez qui le trouble déficitaire de l’attention avait été diagnostiqué représentaient à peu près la moitié (0,6 fois) de celles des autres enfants[572].

Les troubles tels que les troubles de lecture peuvent amplifier les défis particuliers auxquels les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites sont confrontés. Voici par exemple ce que nous a dit la MNO : « Les individus qui ont des TA ou de lecture sont marginalisés. Quand, en plus, ce sont des Métis, ils forment un groupe marginalisé au sein d’un groupe marginalisé, ce qui rend leurs besoins encore plus complexes. »

Selon certains stéréotypes tenaces et nuisibles, les membres des Premières Nations et des communautés métisses et inuites auraient une intelligence et une capacité d’apprentissage inférieures. Ces préjugés ont de graves implications négatives sur la perception qu’ont les enseignants des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites et sur leurs interactions avec ces élèves, de même que sur le sentiment d’estime de soi de ceux-ci. Selon certains autres stéréotypes, les élèves ayant des TA seraient soit moins intelligents que les autres, soit paresseux. Un répondant au sondage décrit l’effet croisé des stéréotypes concernant les Premières Nations et les TA :

Il nous semble aussi qu’on tient pour acquis qu’il ne fait pas assez d’efforts et qu’il doit simplement en faire plus – alors qu’il a un diagnostic de trouble d’apprentissage –, et il est difficile de s’empêcher d’établir un lien entre cette attitude et les stéréotypes et perceptions profondément enracinés au sujet des Premières Nations.

Selon un témoignage, on décourage souvent les élèves métis de la réussite scolaire, ce qui affecte leur engagement envers l’école. Lorsque ces élèves ont aussi un handicap, leurs besoins passent inaperçus et ils « passent entre les mailles du filet » ou sont poussés vers l’avant même si leur compétence ne correspond pas à leur niveau scolaire.

Selon les témoignages reçus, bon nombre des défis communs à tous les élèves ayant des difficultés de lecture et à leur famille sont amplifiés chez les familles issues des Premières Nations et communautés métisses et inuites :

  • Naviguer dans le système d’enseignement est complexe et difficile.
  • Comme les soutiens en milieu scolaire aux élèves ayant un TA tendent à être limités, c’est aux parents qu’il revient de travailler avec leurs enfants à la maison. C’est parfois particulièrement difficile pour les parents des Premières Nations et communautés métisses et inuites, en raison d’un illettrisme intergénérationnel ou d’une réticence face au système scolaire conventionnel.
  • Les parents peuvent eux-mêmes avoir des troubles de lecture qui n’ont jamais été diagnostiqués ni traités.
  • Les parents des Premières Nations et communautés métisses et inuites pourraient avoir davantage de difficulté à aider leurs enfants à utiliser les technologies d’assistance.

De plus, certains élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites pourraient devoir franchir des obstacles pour accéder à des services non stigmatisés, être incapables de se payer des services privés en raison de leur niveau de pauvreté ou vivre dans un milieu rural ou du Nord où l’accès aux services est restreint pour des raisons géographiques.

Par exemple, les responsables de l’enquête ont appris que dans certains secteurs du nord de l’Ontario, l’accès à des services holistiques tenant compte des besoins linguistiques et culturels est limité, faute de financement ou de spécialistes de ce domaine. Les gens sont très souvent obligés de franchir des distances considérables et même de quitter l’Ontario (par exemple, aller du nord-ouest de l’Ontario au Manitoba) pour accéder à des services d’orthophonie ou de psychologie.

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Obstacles associés à l’obligation pour les parents de défendre les droits de leurs enfants

Dans un système d’enseignement où il incombe aux parents de défendre le droit de leurs enfants à bénéficier de mesures de soutien et d’adaptation, les élèves dont les parents ne sont pas en mesure de le faire sont défavorisés. Les responsables de l’enquête ont appris que la défense des droits peut poser davantage de difficultés aux parents et élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites.

Un parent d’élève des Premières Nations atteint de dyslexie et fréquentant une école d’un conseil du Nord a déclaré qu’à cause des ressources limitées, des élèves autochtones passent entre les mailles du filet :

Il n’y a pas de ressources, et le peu de ressources qu’il y a n’est pas disponible avant que l’élève ait atteint un certain âge et ait déjà abandonné ET que la famille ait harcelé l’école pour obtenir de l’aide. J’ai vu beaucoup d’enfants non soutenus par leur famille passer entre les mailles du filet, et ce sont tous des Autochtones. C’est du racisme systémique.

La CODP a appris qu’à cause du traumatisme causé par le système des pensionnats, certains parents craignent de « mettre le pied » dans l’école de leurs enfants. La MNO a déclaré à l’équipe d’enquête que les pensionnats et les écoles de jour ont affecté les parents et grands-parents métis, qui ont l’impression que leur mode de communication et d’interaction est inacceptable. Elle ajoute que les parents métis peuvent voir dans le rejet d’une demande initiale par un conseil scolaire un « point final » et croire qu’il est inutile de poursuivre leurs démarches, alors que c’est souvent ce qu’ils devraient faire pour accéder à un programme, à un service ou à une aide.

Une personne qui travaille dans un centre d’amitié autochtone nous a dit : « Beaucoup de parents de la communauté autochtone ne s’impliquent pas dans l’éducation de leur enfant parce qu’ils ne pensent pas en avoir le droit ou parce que le système scolaire les intimide. » Chez les Premières Nations, les Métis et les Inuits comme ailleurs, des parents hésitent à réclamer des mesures de soutien ou d’adaptation pour leur enfant parce qu’ils se disent que « l’enfant va en subir les contrecoups si on ne la ferme pas ».

Des parents des Premières Nations et communautés métisses et inuites ont décrit leur crainte du jugement des enseignants :

Le système peut être très intimidant. Je ne suis même pas visiblement autochtone, mais ça ne changeait rien à mon idée d’aller dans le système scolaire avec mes trois enfants. J’étais très jeune quand j’ai eu mes enfants. On fait sentir aux jeunes parents qu’ils ont sûrement eu leurs enfants hors mariage.

Des parents ont dit qu’ils se sentent comme si on leur « parlait de haut » et que les élèves ont la même impression.

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Manque d’appartenance et expérience de la discrimination

On nous a dit que les parents des Premières Nations et communautés métisses et inuites n’ont pas de sentiment d’appartenance envers l’école :

Lorsqu’il y a un groupe de personnes autochtones et non autochtones, les Autochtones évitent de prendre la parole soit parce qu’ils ont le sentiment de ne pas être à leur place, soit parce qu’ils craignent de mal s’exprimer ou qu’ils manquent d’éducation. Si ces parents ont eux-mêmes un trouble d’apprentissage ou que l’anglais n’est pas leur langue maternelle, c’est encore plus difficile.

Les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites ressentent aussi un manque d’appartenance lorsqu’ils vivent des expériences de racisme et de discrimination. La CODP a appris que cette expérience n’est que trop courante. Une mère des Premières Nations a décrit l’impact du racisme sur son fils qui a un trouble de lecture :

[Mon fils] a vécu de la discrimination à l’école de la part de ses pairs parce qu’il est issu des Premières Nations, et ils se sont moqués de son nom de famille. Cela a eu un impact sur son estime de soi, sur sa confiance en soi et, plus globalement, sur ses travaux scolaires.

Une autre personne a parlé des stéréotypes :

Les gens tiennent pour acquis que les Autochtones sont tous paresseux et qu’ils ne veulent pas travailler. Ce n’est pas vrai. Nous sommes en voie de guérir de beaucoup de traumatismes intergénérationnels. Nos familles vivent bien des choses que les gens ne comprennent pas.

Une mère des Premières Nations ayant répondu à un sondage indique que son fils a vécu « beaucoup de racisme » et a rapporté des livres de la « bibliothèque de l’école et un travail en études sociales contenant des opinions racistes ».

Comme le note la mère d’un élève racialisé des Premières Nations : « la colonisation et les stéréotypes coloniaux » ont eu un impact négatif sur l’expérience de son fils à l’école à cause de leurs impacts intergénérationnels :

Si mon fils était enthousiaste à l’idée d’aller à l’école, s’il excellait en lecture et que le système d’éducation respectait son origine culturelle différente (et lui donnait à lire des documents qui reflètent cette diversité), et si on lui enseignait des approches de littératie structurées fondées sur la science de la lecture, je n’aurais même pas l’idée de répondre à ce sondage. Je m’attends à davantage que des « attentes réduites » de la part des enseignants et du système d’éducation […] L’origine ethnique, le caractère autochtone et le genre de mon fils sont des sources de fierté et de force pour lui, jour après jour.

La MNO a décrit des croyances, des attitudes et des préjugés racistes systémiques qui débutent dès les premières années de scolarisation et ont un impact sur toute l’éducation de l’élève.

Comme l’écrit l’Ontario Federation of Indigenous Friendship Centres (OFIFC) :

À l’école, les élèves autochtones demeurent confrontés au racisme et à une ignorance générale de leur culture de la part du personnel enseignant et des élèves. L’anxiété, l’aliénation, la méfiance, le manque de confiance en soi et le choc culturel ne sont que quelques-uns des symptômes qui peuvent se manifester lorsque des élèves autochtones sont placés dans un système d’éducation qui tarde à répondre à leurs besoins et où ils ont du mal à se voir eux-mêmes et à voir leurs valeurs dans la pédagogie, le curriculum et la structure globale du système d’éducation de l’Ontario. Ces conditions font de l’apprentissage une expérience difficile, voire douloureuse, susceptible de démobiliser les élèves[573].

On a également dit à la CODP que faute de compétences culturelles, les enseignants appliquent des stéréotypes aux élèves. Par exemple, on présume que les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites sont paresseux s’ils ne sont pas à l’aise pour prendre la parole en classe ou s’ils sont fatigués le lendemain d’une soirée d’activités culturelles telles que la pêche sur la glace.

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Importance des langues, de la culture et du mentorat

Des parents nous ont parlé de l’importance pour la motivation des élèves d’une exposition aux langues autochtones et d’une programmation culturelle à l’école. « Il y a un trou là-dedans. Il leur manque cet élément culturel. Ils ont ce besoin. » Une organisation qui s’occupe des Inuits en milieu urbain insiste sur l’importance pour les élèves inuits d’apprendre à lire et à écrire en inuktitut.

Des rapports ont confirmé l’importance de l’exposition aux langues, cultures, histoires, perspectives et apports autochtones pour la réussite des élèves autochtones, y compris dans le curriculum de base et les expériences offertes à tous les élèves[574].

Cet engagement figure dans la Stratégie d’éducation autochtone de l’Ontario[575].

Le rapport de l’ENFFADA constate que cette exposition est toujours absente des écoles :

De nombreux obstacles empêchent les enfants et les jeunes autochtones d’accéder à l’éducation, en particulier au savoir culturel. Ils ont droit à une éducation, et à ce que cette éducation soit ancrée dans leur culture et dans leur langue. La plupart des enfants autochtones continuent d’être éduqués dans le système d’éducation général qui exclu[t] les cultures, les langues, l’histoire et les réalités contemporaines autochtones. Il est pourtant impératif de leur donner accès à une éducation de haute qualité et adaptée à la culture pour rompre les cycles de traumatisme, de violence et d’abus[576].

Le rapport publié par la CODP en 2018 sous le titre Rêver ensemble : Rapport relatif au dialogue sur les peuples autochtones et les droits de la personne souligne lui aussi l’importance de faire en sorte que l’éducation sur les Premières Nations et les peuples inuits et autochtones, leurs langues, leurs cultures et leurs visions du monde soit une priorité dans le système d’éducation[577].

L’autodétermination des Premières Nations, des Métis et des Inuits en matière d’éducation mène à une amélioration des résultats[578]. Il y a vingt ans, par exemple, la Première Nation des Mi’kmaq de Nouvelle-Écosse a pris en charge son système d’éducation, où le taux de diplomation de ses élèves du secondaire n’était que de 30 %. Aujourd’hui, plus de 90 % de ses élèves obtiennent leur diplôme d’études secondaires[579]. Les programmes alternatifs au secondaire administrés par les centres d’amitié autochtone de l’Ontario sont un autre exemple de réussite de l’éducation dirigée par les Autochtones[580].

L’équipe d’enquête a entendu des témoignages sur l’importance vitale du mentorat et de l’exposition à des modèles positifs : « Nous avons besoin que les élèves les plus âgés fassent du mentorat. Nous avons aussi besoin du mentorat d’un plus grand nombre d’enseignants autochtones. » Un sondage du gouvernement du Canada sur l’éducation des Premières Nations constate lui aussi l’importance critique des relations de soutien, en particulier pour les élèves qui font la transition entre une école des Premières Nations établie dans une réserve et l’école provinciale :

[Les participants] ont indiqué que les élèves des Premières Nations ont besoin d’une ou de plusieurs personnes-ressources à l’école provinciale qui leur offre encadrement et soutien. Il pourrait s’agir d’un mentor ou d’une personne avec qui l’élève serait jumelé dans le cadre d’un programme de jumelage, ou encore il pourrait s’agir d’un conseiller, d’un agent de liaison communautaire ou d’un enseignant. Ces personnes ou groupes pourraient aider les élèves à surmonter le racisme, l’intimidation ou d’autres difficultés[581].

Les aînés, en tant que gardiens du savoir, jouent aussi un rôle essentiel pour la transmission des savoirs à la jeune génération et pour l’établissement de jeunes personnes, de familles et de communautés plus fortes, plus saines et plus résilientes[582].

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Manque de représentation

Il faut que les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites voient leur reflet dans le système d’éducation, dans la matière enseignée et la façon de l’enseigner, ainsi que dans la direction de l’enseignement, de l’école et du conseil scolaire[583]. Comme l’a dit une personne participant à l’enquête :

Il faut que les élèves voient leur origine ethnique et leur caractère autochtone se refléter dans leurs enseignants, dans le personnel, la direction et les commissaires d’école, au ministère de l’Éducation, au gouvernement, etc.

On a souligné à l’équipe d’enquête le problème que constitue le manque de représentation. Lorsqu’une représentation existe, elle ne reflète pas nécessairement chacune des Premières Nations, et communautés métisses et inuites. Par exemple, même un conseil scolaire qui compte un grand nombre d’élèves métis peut avoir une représentation des Premières Nations, mais pas des Métis. Cette absence de distinction est une source d’aliénation pour les élèves métis. On a souligné à l’équipe d’enquête toute l’importance d’une approche qui reconnaît les identités uniques et les distinctions entre les élèves et communautés des Premières Nations, métis et inuits.

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Défis de la transition

Des participants à l’enquête et des représentants de conseils scolaires des Premières Nations ont parlé des défis associés à la transition entre les écoles des Premières Nations et les écoles financées par la province. Bon nombre d’élèves qui fréquentent les écoles des Premières Nations vont éventuellement faire la transition vers une école du système provincial[584]. La plupart des réserves n’ont pas d’école secondaire[585]. Les jeunes qui grandissent dans les communautés de Premières Nations éloignées et accessibles uniquement par avion doivent souvent quitter leur communauté pour fréquenter une école secondaire dans une ville du nord de l’Ontario comme Thunder Bay, Kenora, Dryden ou Sioux Lookout[586]. Les élèves des Premières Nations qui vivent dans une réserve peuvent être affectés à une école provinciale n’importe où en Ontario, selon les places disponibles et moyennant le paiement des frais de scolarité par la Première Nation au conseil scolaire local. Dans certains cas, des familles déménagent hors réserve pour que les enfants puissent fréquenter une école provinciale.

Les élèves des Premières Nations qui font la transition entre leur école communautaire et une école provinciale, de même que les élèves inuits qui viennent d’une communauté du Nord, doivent apprendre à composer avec de nouvelles situations, de nouvelles cultures et de nouveaux milieux, et se faire de nouveaux amis, ce qui s’accompagne de difficultés de toutes sortes[587]. Des témoins ont parlé du « choc culturel » vécu par les élèves lorsqu’ils quittent leur communauté[588]. L’enquête sur les sept jeunes a également recueilli des éléments de preuve significatifs quant aux défis sérieux et parfois graves que les élèves de communautés éloignées de la NAN affrontent quand ils doivent quitter leur communauté pour fréquenter l’école secondaire dans une ville comme Thunder Bay[589].

Bon nombre de participants à l’enquête ont souligné que le sous-financement des écoles des Premières Nations, la pénurie d’enseignants, ainsi que l’inexpérience et le roulement du personnel enseignant, affectent la qualité de l’éducation reçue par les élèves avant d’entrer dans le système provincial : « Les enseignants arrivent dans nos communautés en avion, ils restent un an ou moins, puis ils repartent. »

Un autre témoin dit : « Nous constatons que les enfants ont trois ou quatre années scolaires de retard lorsqu’ils passent d’une école de réserve à une école publique de l’Ontario. »

Plusieurs participants à l’enquête ont noté que chez certains élèves, le TA est repéré pour la première fois à l’entrée à l’école provinciale. Cependant, on ne sait trop s’il s’agit d’un TA non décelé à l’école des Premières Nations, ou si le TA est le résultat d’un retard pris par l’élève à cause de la qualité de l’enseignement à l’école des Premières Nations :

Ceux qui ont vraiment de la difficulté sont ceux qui entrent dans le système d’éducation public après avoir fréquenté l’école de la réserve. Est-ce vraiment un trouble d’apprentissage ou est-ce plutôt qu’ils n’ont pas reçu un enseignement adéquat?

Pour ce qui est des élèves inuits, les écoles de l’Inuit Nunangat[590] peuvent aussi accuser des retards dans la réception des dossiers[591].

D’après la preuve présentée à l’enquête sur les sept jeunes, les élèves qui entrent à l’école secondaire après une éducation élémentaire dans une réserve sont souvent obligés de rattraper leurs pairs sur le plan académique et sont confrontés à d’autres défis. Les écoles du système provincial doivent être prêtes à reconnaître cette réalité et à y répondre[592].

Un énoncé de position des Chiefs of Ontario sur l’éducation de l’enfance en difficulté souligne lui aussi l’importance d’éviter que les transitions avec les conseils et les écoles de la province compromettent la réussite des élèves. Les auteurs de ce document recommandent que le gouvernement provincial offre un meilleur soutien global aux enfants des Premières Nations qui ont des besoins particuliers et fréquentent l’école provinciale, que les conseils scolaires publics s’adaptent à la culture afin de mieux répondre aux besoins des apprenants des Premières Nations, et que des améliorations soient apportées dans les communications entre les écoles, les conseils scolaires et les Premières Nations[593].

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Surmonter les obstacles

Malgré ces obstacles de taille, les élèves et les parents des Premières Nations et communautés métisses et inuites consacrent beaucoup d’efforts à la réussite scolaire[594]. Les parents font tout ce qu’ils peuvent pour soutenir leurs enfants, y compris ceux qui ont des difficultés de lecture. Bon nombre d’entre eux parlent de retirer leurs enfants de l’école de la réserve dans l’espoir qu’ils bénéficient de meilleures mesures de soutien dans le système provincial. Ils décrivent leurs démarches en vue de trouver et payer des services de tutorat et d’autres mesures d’appui afin de répondre aux besoins de leurs enfants. Une mère célibataire de trois enfants a parlé des efforts qu’elle déploie pour équilibrer son travail, pour occuper ses enfants et leur éviter des ennuis en les inscrivant à des activités parascolaires comme le hockey et la gymnastique, et pour les aider à faire leurs devoirs. Une autre mère a affirmé qu’elle faisait tout ce qu’elle pouvait pour aider son enfant à faire ses devoirs, même si elle-même n’avait jamais reçu une bonne éducation.

Un homme des Premières Nations ayant un TA a décrit comment il avait surmonté les traumatismes et la pauvreté pour apprendre à lire, notamment en allant à l’école le ventre vide. Aujourd’hui, il fait des études de maîtrise en plus d’occuper un emploi. Il a décrit tout le travail qu’il doit abattre pour suivre le rythme du volume de lecture et de rédaction dans son programme de maîtrise.

Les gouvernements et organisations des Premières Nations, des Métis et des Inuits prennent aussi des mesures pour combler les lacunes du système. Par exemple, le programme ESA de la MNO aide ses citoyens métis à s’orienter dans le système d’éducation public, il les oriente vers des services de tutorat, d’évaluation psychologique et d’orthophonie, et il propose d’autres services qui répondent aux besoins des apprenants métis. Toutefois, le gouvernement provincial ne subventionne pas la MNO pour la prestation de ces services pédagogiques. La MNO a fait de ces travaux une priorité à l’aide de ressources puisées dans d’autres secteurs.

Les centres d’amitié autochtone offrent eux aussi des services et des soutiens pédagogiques aux communautés autochtones en milieu urbain. Leur programme parallèle d’études secondaires (Alternative Secondary School Program) combine le curriculum de l’Ontario à un programme culturel et à un modèle pédagogique autochtone.

Tungasuvvingat Inuit a également des activités pédagogiques pour les Inuits en milieu urbain. L’organisme offre des actions de sensibilisation aux politiques et des mesures de soutien pédagogique aux Inuits qui vivent à l’extérieur de l’Inuit Nunangat.

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Écart de rendement

Compte tenu des problèmes systémiques, il n’est pas étonnant d’observer un écart de rendement entre les élèves autochtones et non autochtones dans les écoles ontariennes. Certains gains ont été réalisés depuis quelques années. Toutefois, lorsqu’on se reporte aux résultats aux tests de l’OQRE, aux taux d’accumulation des crédits et aux taux de diplomation[595], on constate que les élèves qui se définissent volontairement comme membres des Premières Nations, Métis ou Inuits accusent encore un retard sur les autres élèves de l’Ontario[596].

Le Cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits de 2007 (le Cadre) vise à améliorer le rendement des élèves autochtones et prévoit la production d’un rapport d’étape tous les trois ans. Le rapport le plus récent, qui remonte à mai 2018, s’intitule Renforcer notre parcours d’apprentissage : Troisième rapport d’étape sur la mise en œuvre du Cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits. À partir de données de l’OQRE datant de 2015-2016, il dresse les constats suivants.

  • 47 % des élèves des Premières Nations, 39 % des élèves métis et 52 % des élèves inuits du système de langue anglaise n’ont pas satisfait à la norme provinciale en lecture de 3e année, comparativement à 28 % de tous les élèves anglophones[597]
  • 21 % des élèves des Premières Nations et 23 % des élèves métis[598] du système de langue française n’ont pas satisfait à la norme provinciale en lecture de 3e année, comparativement à 18 % de tous les élèves francophones[599]
  • 38 % des élèves des Premières Nations, 30 % des élèves métis et 45 % des élèves inuits du système de langue anglaise n’ont pas satisfait à la norme provinciale en lecture de 6e année, comparativement à 19 % de tous les élèves anglophones[600]
  • 22 % des élèves des Premières Nations et 10 % des élèves métis[601] du système de langue française n’ont pas satisfait à la norme provinciale en lecture de 6e année, comparativement à 9 % de tous les élèves francophones[602]
  • Le pourcentage des élèves participant à part entière et admissibles pour la première fois qui ont réussi le Test provincial de compétences linguistiques (TPCL) dans le système de langue anglaise était de 59 % pour les élèves des Premières Nations, 71 % pour les élèves métis et 63 % pour les élèves inuits, comparativement à 81 % pour l’ensemble des élèves[603]
  • Le pourcentage des élèves participant à part entière et admissibles pour la première fois qui ont réussi le Test provincial de compétences linguistiques (TPCL) dans le système de langue française était de 92 % pour les élèves des Premières Nations et de 93 % pour les élèves métis, comparativement à 91 % pour l’ensemble des élèves[604].

Le pourcentage d’élèves qui se définissent comme des membres des Premières Nations ou de communautés métisses et inuites et ont obtenu un diplôme en cinq ans dans les écoles financées par la province est inférieur au pourcentage de l’ensemble des élèves de la province[605].

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Auto-identification volontaire et analyse des données sur les élèves

Le ministère de l’Éducation (ministère) a encouragé tous les conseils scolaires de l’Ontario à élaborer des politiques d’auto-identification volontaire des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites. La collecte de ces données vise notamment à mieux soutenir ces élèves en littératie et en numératie (y compris par l’amélioration des résultats aux tests de lecture, d’écriture et de mathématiques de l’OQRE), à améliorer les taux de diplomation et à soutenir l’admission aux études postsecondaires[606].

Les mesures visant l’auto-identification des élèves se heurtent à certains obstacles. Bon nombre de membres des Premières Nations et communautés métisses et inuites conservent des soupçons ou des préoccupations à l’égard de la collecte de données. Nous avons appris qu’ils ont parfois l’impression d’avoir été « examinés à mort », souvent par des institutions coloniales qui n’ont pas utilisé des méthodes de recherche sûres sur le plan culturel. Les mauvais traitements historiques, le mésusage passé des données et la méfiance envers le système d’éducation découlant des séquelles des pensionnats figurent parmi les motifs de leur refus de s’auto-identifier. Ils peuvent craindre que les données servent à dresser un portrait négatif d’eux ou qu’elles soient utilisées d’une manière irrespectueuse[607]. On nous a dit qu’ils peuvent craindre, s’ils se définissent comme membres des Premières Nations, comme Métis ou comme Inuits, que leur enfant risque davantage d’être pris en charge par le système d’aide à l’enfance. Nous avons aussi appris qu’ils pourraient ne pas savoir si l’auto-identification sert réellement les intérêts des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites, et comment elle le fait. Par conséquent, les données de la province et des conseils scolaires n’incluent pas nécessairement tous les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites. Des efforts additionnels devront être déployés pour prendre en compte et intégrer les méthodologies de recherche autochtones[608] et créer un environnement sécuritaire propice à l’auto-identification volontaire.

La CODP a demandé des renseignements aux huit conseils scolaires visés par l’enquête afin d’en savoir davantage sur les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites qui ont un trouble de lecture. Comme chaque conseil scolaire a sa propre politique d’auto-identification, ces conseils ont été en mesure de fournir davantage de renseignements sur les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites que sur les autres groupes d’élèves. Cependant, la qualité des données demeurait inégale. Par exemple, un conseil a déclaré qu’il ne ventilait pas ses données selon l’appartenance déclarée à une Première Nation ou communauté métisse ou inuite, et qu’il ne recueille pas de données sur le rendement (tels les taux d’achèvement des cours ou de diplomation) des élèves qui se sont définis. Plusieurs conseils n’ont pas fourni de données sur l’accumulation de crédits, sur l’existence de PEI ou de TA reconnus parmi les élèves des Premières Nations et des communautés métisses et inuites, ni sur les taux de diplomation de ces élèves[609].

Un seul conseil, celui d’Ottawa-Carleton, a fourni un rapport annuel sur le rendement, qui montre que le conseil fait un suivi proactif des données sur le rendement des élèves qui se définissent comme membres des Premières Nations, comme Métis ou comme Inuits. Le conseil Thames Valley a dit produire un rapport semblable. Le ministère a fait part de l’existence d’un outil de profil analytique de l’éducation autochtone qui aide les conseils scolaires et le ministère à mener des analyses exhaustives des données relatives à l’éducation des élèves autochtones.

Les conseils scolaires visés par l’enquête ont été en mesure de fournir certaines données sur les résultats obtenus par les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites aux tests de l’OQRE. Les données présentées au Tableau 16 comprennent les élèves participants et non participants. Les conseils scolaires sont censés ventiler et analyser à leurs propres fins les données selon l’auto-identification à une Première Nation ou communauté métisse ou inuite, et fournir des réponses ciblées aux problèmes qu’ils relèvent pour chaque groupe, mais ce rapport ne présente pas les données des conseils scolaires dans une forme ventilée, en raison de la faible taille des échantillons et du risque de dévoiler l’identité de certains élèves.

 

Tableau 16 : Pourcentage des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites qui ont satisfait à la norme provinciale au test en lecture de l’OQRE, 2018-2019[610]

 

Pourcentage des élèves se définissant comme Autochtones

 

Norme OQRE de 3e année, ensemble des élèves

Norme OQRE de 3e année, élèves autochtones

Norme OQRE de 6e année, ensemble des élèves

Norme OQRE de 6e année, élèves autochtones

Hamilton-Wentworth

0,1

67

67

73

68

Keewatin-Patricia

52

59

39

72

51

Lakehead

21

71

53

75

57

London Catholic

0,5

72

s.o.

78

s.o.

Ottawa-Carleton

2

76

63

82

61

Peel

0,1

75

Non précisé

81

Non précisé

Simcoe Muskoka Catholic

1,5

67

69

79

89

Thames Valley

2.5

63

45

73

48

Dans la même veine que les données provinciales de l’OQRE, à quelques exceptions près[611], les élèves se définissant comme membres d’une Première Nation, comme Métis ou comme Inuits dans les huit conseils scolaires visés par l’enquête étaient moins susceptibles que la moyenne de satisfaire à la norme provinciale en lecture[612].

L’équipe d’enquête a entendu des préoccupations quant au fait que les données de l’OQRE ne sont pas communiquées aux Premières Nations, et communautés métisses et inuites qui ne sont donc pas informées des problèmes et ne peuvent pas y réagir. Par exemple, les données de l’OQRE sur les élèves métis ne sont pas communiquées à la MNO. La MNO a déclaré avoir besoin de ces données pour agir au bénéfice de ses citoyens métis.

L’élaboration des plans d’action des conseils pour l’éducation des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites est censée se faire en partenariat avec les communautés autochtones. On a indiqué aux responsables de l’enquête que dans la pratique, les Premières Nations, et communautés métisses et inuites représentées dans la population étudiante du conseil ne sont pas toujours consultées. Par exemple, les communautés métisses sont parfois ignorées lors de l’élaboration de ces plans.

 

Enseignement de la lecture aux élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites

Bien qu’il existe d’autres considérations visant à répondre adéquatement aux besoins pédagogiques des enfants des Premières Nations et communautés métisses et inuites, des données probantes indiquent que « les enfants des Premières Nations qui n’arrivent pas à lire tendent à avoir davantage de similitudes que de différences, comparativement aux enfants issus d’autres cultures qui n’arrivent pas non plus à lire[613] ». On notait dans un article que, comme pour les autres enfants,

les variables de la conscience phonologique et la désignation rapide étaient les plus solides prédicteurs du rendement en lecture des enfants des Premières Nations. Ce constat confirme les résultats obtenus à répétition dans les écrits sur la lecture, à savoir que l’habileté phonologique serait un élément central des troubles de lecture et de certains troubles d’apprentissage[614].

De même, une autre étude arrive à la conclusion suivante :

Pour ce qui est de la présente étude, nous avons démontré que la relation entre les processus cognitifs et la lecture que l’on constate dans l’ensemble de la population est reproductible, que les enfants appartiennent ou non à la communauté des Premières Nations[615].

Les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites ont besoin des mêmes compétences de base en conscience phonologique que tous les élèves pour apprendre à lire :

Une masse de données probantes corrélationnelles et expérimentales indique que la langue orale et la conscience phonologique sont des clés de la réussite dans l’apprentissage de la lecture en anglais. Ce constat, corroboré dans toutes les autres langues à l’étude […] se maintient même si l’on contrôle l’âge, les compétences linguistiques, le QI, la classe sociale et […] la mémoire […] Pour ces raisons, la détermination des méthodes d’enseignement de la lecture les plus efficaces pour les enfants autochtones pourrait produire les résultats les plus robustes à long terme si elle s’oriente sur les premières étapes de la lecture[616]. [C’est nous qui soulignons.]

L’enseignement direct des compétences de base en lecture des mots est tout aussi important pour les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites que pour les autres élèves. Dans l’ensemble, les études constatent une faiblesse relative des habiletés en lecture des mots chez les élèves des Premières Nations[617], de sorte que l’enseignement direct des compétences de base est extrêmement important pour aider à combler les écarts entre les élèves autochtones et non autochtones sur le plan de la littératie. Par exemple, des études sur l’écart de littératie observé chez des enfants autochtones d’Australie traitent de l’importance des approches fondées sur la science pour le développement des éléments constitutifs des premières habiletés en lecture, y compris les habiletés phonologiques, en vue de la réussite des élèves autochtones[618].

De même, les mesures d’intervention qui ciblent la conscience phonologique, la connaissance des correspondances lettres-sons et le décodage sont tout aussi efficaces, sinon plus, pour les élèves autochtones. Une étude consacrée à l’outil de lecture sur Web ABRACADABRA arrive à la conclusion suivante :

Les élèves autochtones [d’Australie] ont fait des gains significativement plus élevés par heure d’enseignement que les élèves non autochtones sur le plan de la conscience phonologique et des aptitudes initiales à la lecture et à l’écriture. Les résultats donnent à penser qu’ABRACADABRA prévient les retards d’alphabétisation fondamentale qui sont le lot des lecteurs médiocres, y compris les élèves autochtones[619].

Le conseil scolaire de Fort Nelson, une petite collectivité rurale du nord-est de la Colombie-Britannique, a constaté des résultats positifs pour tous les élèves – et en particulier pour les élèves autochtones – après avoir mis en œuvre un cadre de résolution des difficultés de lecture. En plus de recevoir un enseignement quotidien en lecture, tous les élèves de maternelle et de 1re année ont fait l’objet d’un dépistage au moyen de mesures de la conscience phonologique. Les élèves chez qui on a relevé un besoin de soutien additionnel ont reçu un enseignement complémentaire sur la conscience phonologique, le décodage et la fluidité de lecture. Cette initiative a produit une augmentation des résultats en littératie pour chacune des quatre années de sa mise en œuvre :

[L]es notes obtenues par les élèves au test provincial de compréhension de lecture en 4e année étaient nettement supérieures à la moyenne provinciale de l’ensemble des élèves; 92 % des sujets ont atteint ou dépassé les attentes (contre 68 % à l’échelle provinciale), et 94 % des élèves autochtones ont atteint ou dépassé les attentes (contre 51 % à l’échelle provinciale). Ces résultats ont été obtenus malgré la forte vulnérabilité constatée dans une mesure provinciale du développement de l’enfant, y compris un classement parmi les cinq districts les plus vulnérables de la province sur les plans de la compétence sociale et de la maturité émotionnelle[620]. [C’est nous qui soulignons.]

Partenariat entre les écoles des Premières Nations et l’Initiative de la Famille Martin, le Projet d’écoles modèles en littératie a fait la démonstration du potentiel des programmes de littératie fondés sur des données probantes lorsqu’il s’agit d’améliorer les résultats en matière de littératie des élèves des Premières Nations de la maternelle à la 3année.

Ce projet est axé sur l’apprentissage professionnel des enseignants et directions d’école, car les recherches démontrent clairement que l’enseignement est le facteur en milieu scolaire qui exerce la plus grande influence sur la réussite des enfants en lecture, et car les programmes de formation des enseignants du Canada n’abordent pas les compétences spécifiques requises pour enseigner la lecture et l’écriture aux jeunes enfants[621]. En plus d’offrir du soutien aux enseignants, le projet met l’accent sur l’évaluation formative pour guider l’enseignement de la littératie, sur l’enseignement direct des compétences essentielles en lecture et écriture, et sur les contextes d’enseignement (comme l’implication des parents et la mobilisation de la communauté)[622].

Le rapport sur le projet indique ce qui suit :

L’efficacité du plan a été clairement établie par les résultats du projet-pilote de 2010-2014. Avant la mise en place de ce dernier, 13 % des enfants de la 3année démontraient des compétences en lecture adéquates pour leur niveau selon l’évaluation provinciale de l’Ontario. À la fin du projet, 81 % atteignaient ou dépassaient ce niveau et le pourcentage des enfants ayant besoin de soutien en orthophonie est passé de 45 % à 19 %[623].

Bien que ce projet soit mené en anglais, la langue et la culture de la communauté autochtone sont enseignées dans chaque école. Le projet accorde une valeur égale aux deux langues à l’école et reconnaît que l’acquisition d’une langue permet de renforcer l’apprentissage d’autres langues[624]. Comme l’indique le rapport :

[…] les enfants ayant une bonne connaissance de leur propre langue autochtone et de l’anglais en retirent de nombreux bienfaits sur les plans cognitifs, sociaux et culturels. Afin de renforcer cette interdépendance, les enseignants sont incités à intégrer la langue, l’histoire et la culture dans les différentes activités de lecture et d’écriture proposées aux enfants[625].

Certaines études donnent également à penser que les élèves autochtones réagissent bien aux méthodes d’enseignement qui utilisent des éléments de la culture autochtone[626]. L’enseignement des compétences de base initiales devrait incorporer les cultures des Premières Nations, des Métis et des Inuits (par exemple par des mots, de la musique et des mouvements) dans l’enseignement de la conscience phonologique, des correspondances lettres-sons et de la lecture des mots[627]. Comme c’est le cas pour tous les enfants, des compétences de base en lecture des mots doivent être développées dans le contexte global d’un programme exhaustif de littératie à l’intention des élèves autochtones.

Outre l’enseignement de qualité – et fondé sur des données probantes – des compétences de base initiales en lecture, les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites ont besoin d’approches holistiques de l’apprentissage et d’environnements d’apprentissage de qualité supérieure qui s’harmonisent avec les visions du monde autochtones[628]. Les enseignants doivent entrer en contact avec les communautés locales des Premières Nations, des Métis et des Inuits afin de trouver des moyens d’en intégrer les expériences et les valeurs dans toute la matière enseignée en classe[629]. Ces éléments sont des ajouts et non des substituts à l’enseignement direct et systématique des compétences de base en lecture. Des familles ont déclaré vouloir que leurs enfants fassent l’expérience et l’apprentissage de leur culture et qu’ils reçoivent l’enseignement nécessaire pour réussir dans tout le curriculum scolaire et au-delà. D’indiquer le rapport du projet :

Les Premières Nations souhaitent que leurs enfants connaissent leur langue et leur culture, qu’ils soient fiers de leur identité et qu’ils acquièrent les compétences en littératie qui leur permettront de profiter pleinement des possibilités qui s’offrent à eux[630].

Les recommandations relatives au curriculum, à l’enseignement, au dépistage précoce, aux mesures d’adaptation et aux évaluations professionnelles qui sont énoncées dans la suite du présent rapport seront bénéfiques pour les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites. Quant aux recommandations ci-dessous, elles ont trait à certains besoins propres à ces élèves dans les écoles ontariennes.

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Recommandations

La CODP formule les recommandations suivantes :

 

Reconnaître les distinctions

1. Le ministère de l’Éducation (ministère), les conseils scolaires et les autres intervenants devraient utiliser les qualificatifs «  Premières Nations, Métis et Inuits » chaque fois qu’il est possible et approprié de le faire. En faisant cette distinction, on veille à ce que tous les enfants et les jeunes des Premières Nations et communautés métisses et inuites se reconnaissent dans le système scolaire, se sentent représentés et soient confiants dans le fait que l’on comprend leurs besoins particuliers et qu’on y répond.

 

2. De plus, l’interprétation et la mise en œuvre des recommandations contenues dans le présent rapport devraient tenir compte des besoins particuliers des peuples autochtones distincts. L’auto-identification des membres des Premières Nations, des Métis et des Inuits à une communauté, à une nation ou selon certaines distinctions géographiques ou régionales devrait être prise en compte[631]. Les décideurs locaux comme les conseils scolaires devraient apprendre à connaître les communautés autochtones locales et les consulter.

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Suivre les recommandations existantes à l’appui des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites :

3. De nombreux rapports contiennent des recommandations visant à bonifier l’apprentissage, les expériences et le bien-être des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites à l’école. Ces recommandations appellent notamment : à améliorer l’accès de tous les élèves à l’enseignement des langues des Premières Nations, du michif et de l’inuktitut, ainsi qu’à la culture, aux connaissances et aux perspectives des Premières Nations, des Métis et des Inuits; à assurer le perfectionnement professionnel du personnel enseignant et du personnel professionnel des conseils; à faciliter la transition des élèves; à prendre des mesures pour contrer le racisme et la discrimination systémique. Le ministère de l’Éducation de l’Ontario et tous les conseils scolaires de l’Ontario devraient mettre en œuvre toutes les recommandations existantes d’appui aux élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites, y compris les suivantes :

  1. Les recommandations de l’Ontario First Nations Special Education Review Report de mai 2017 et celles de l’énoncé de position des Chiefs of Ontario ayant trait au rôle de l’Ontario dans l’éducation de l’enfance en difficulté dans les Premières Nations[632]
  2. Les recommandations de l’Ontario Federation of Indigenous Friendship Centres sur les moyens de répondre aux besoins d’accessibilité des élèves autochtones en milieu urbain, contenues dans son document Response to the Development of an Accessibility Standard for Education publié en juillet 2017[633]
  3. Les recommandations à l’Ontario de l’enquête du coroner sur les sept jeunes[634]
  4. Les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation, en particulier ceux qui ont trait à l’éducation et à la mise à jour de tout le curriculum provincial afin d’y inclure des perspectives et contenus autochtones[635]
  5. Les Appels à la justice de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, en particulier ceux qui ont trait à l’éducation[636]
  6. Les rapports du projet Listening Stone du Conseil ontarien des directions de l’éducation[637]
  7. Les recommandations du rapport publié par la CODP sous le titre Rêver ensemble : Rapport relatif au dialogue sur les peuples autochtones et les droits de la personne[638].

Lors de la mise en œuvre des recommandations de ces rapports ayant trait au contenu autochtone du curriculum et aux ressources appropriées sur le plan culturel pour les apprenants des Premières Nations et communautés métisses et inuites, le ministère et les conseils scolaires devraient veiller à refléter distinctement les Premières Nations, les Métis et les Inuits, et s’assurer que les enfants de ces communautés voient un reflet positif de leur propre identité dans le matériel. Cela leur donnera un sentiment d’appartenance et de fierté.

 

4. Le ministère de l’Éducation et tous les conseils scolaires de la province devraient examiner et, au besoin, réviser le Cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits et la Stratégie d’éducation autochtone, afin de s’assurer que ces recommandations se reflètent dans ces documents.

 

5. Le ministère et tous les conseils scolaires de la province devraient veiller à ce que les conseils se dotent d’un comité consultatif sur l’éducation autochtone, comme le requiert le Plan de mise en œuvre du Cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits[639]. Les conseils scolaires devraient s’assurer que les conseils et tous les autres forums où il est question des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites sont représentatifs de chacune des communautés autochtones représentées au conseil scolaire, afin de veiller à répondre aux besoins et perspectives distincts des élèves et des familles.

 

6. Le ministère et tous les conseils scolaires de la province devraient se servir de la Déclaration de l’ONU comme cadre pour la mise en œuvre de ces recommandations[640]. La Déclaration de l’ONU doit s’interpréter conjointement avec la Convention relative aux droits des personnes handicapées (articles 7 et 24) et la Convention relative aux droits de l’enfant (article 28)[641].

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Assurer un traitement équitable des écoles des Premières Nations

7. Le gouvernement fédéral devrait mettre en œuvre les recommandations relatives aux écoles des Premières Nations financées par des fonds fédéraux contenues dans les rapports cités à la recommandation 3.

 

8. Les écoles des Premières Nations devraient recevoir un financement équitable comparativement aux écoles financées par la province, ainsi que tout appui financier supplémentaire nécessaire pour assurer une équité substantielle, compte tenu de la situation unique des élèves qui fréquentent les écoles des Premières Nations.

 

9. Les recommandations énoncées dans le présent rapport devraient être mises en œuvre dans les écoles des Premières Nations lorsqu’elles sont applicables.

 

Adopter des approches sensibles aux traumatismes et à la culture

10. Le ministère devrait encourager l’ensemble des conseils scolaires et des écoles à adopter des approches sensibles aux traumatismes et sécuritaires sur le plan de la culture, notamment en fournissant des orientations, des ressources et des mesures de soutien.

 

11. Tous les conseils scolaires et les écoles devraient instaurer un environnement sensible aux traumatismes et sécuritaire sur le plan de la culture, et donner aux éducateurs une formation exhaustive et soutenue en cours d’emploi sur les pratiques sensibles aux traumatismes et sécuritaires sur le plan de la culture.

 

Identifier les élèves autochtones et assurer leur accès à des mesures de soutien

12. Les conseils scolaires ne devraient pas retarder l’identification des élèves autochtones ayant des troubles d’apprentissage, ou omettre de le faire, en raison d’hypothèses, d’évaluations ou de pratiques biaisées relatives à l’identité autochtone.

 

13. L’Ontario devrait publiciser, adopter et mettre en œuvre une approche générale pour le financement du principe de Jordan et de l’Initiative : Les enfants inuits d’abord, conformément à l’objectif consistant à assurer une équité substantielle; cette approche devra reconnaître qu’un appui financier du gouvernement fédéral est disponible pour tout service fourni à des enfants par le gouvernement, notamment les services de santé, sociaux et pédagogiques tels que les évaluations professionnelles, le tutorat et les technologies d’assistance.

 

14. Les conseils scolaires et les fournisseurs de services communautaires de l’Ontario devraient être au fait des critères et du processus de demande de financement fédéral dans le cadre du principe de Jordan et de l’Initiative : les enfants inuits d’abord, et promouvoir l’utilisation de cet appui financier pour accéder aux mesures de soutien permettant de répondre à tout besoin des élèves des Premières Nations et inuits.

 

15. Les conseils scolaires et les écoles devraient reconnaître le rôle des centres d’amitié et des organisations inuites en milieu urbain dans la coordination de mesures de soutien holistiques et fondées sur la culture à l’intention des élèves inuits et des Premières Nations en milieu urbain, et leurs familles.

 

16. Les conseils scolaires et les fournisseurs de services communautaires de l’Ontario devraient comprendre le rôle de la MNO en matière de représentation et de prestation de services complets à ses citoyens métis. Le ministère et les conseils scolaires devraient travailler en partenariat avec la MNO et les communautés métisses du territoire de chaque conseil scolaire. Les conseils scolaires devraient cultiver la relation entre les écoles et le programme ESA de la MNO. Des contributions financières de la province au programme ESA de la MNO permettraient de bonifier annuellement les mesures de soutien à fournir aux apprenants métis d’une façon prévisible.

 

17. Le financement provincial et fédéral des mesures de soutien aux élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites devrait prévoir les coûts additionnels associés aux milieux nordiques, éloignés ou isolés et, le cas échéant, inclure le coût des déplacements nécessaires pour recevoir les services.

 

18. Les conseils scolaires et les écoles devraient reconnaître le fait que les aînés des Premières Nations et des communautés métisses et inuites sont des gardiens du savoir et des éducateurs, de même que leur rôle pour la transmission des savoirs à la jeune génération et pour l’établissement de jeunes personnes, de familles et de communautés plus fortes, plus saines et plus résilientes. Les conseils scolaires et les écoles devraient accroître le recours à des aînés et à des conférenciers invités et veiller à ce que ces personnes soient représentatives de tous les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites représentés au conseil scolaire.

 

19. La reconnaissance des peuples autochtones par les conseils scolaires devrait comprendre la reconnaissance de chacun des peuples et territoires des Premières Nations et communautés métisses et inuites concernées. Les conseils devraient également souligner les événements et journées d’importance tels que la Semaine de reconnaissance des traités[642], la Journée nationale des peuples autochtones, la Journée hommage à Powley[643] et la Journée Louis Riel[644].

 

Utiliser des méthodes d’enseignement et d’intervention efficaces et inclusives

20. Le ministère de l’Éducation l’Ontario et tous les conseils scolaires devraient fournir un curriculum et un enseignement en classe sur les compétences de base en lecture qui soient fondés sur des données probantes, d’une manière inclusive pour tous les élèves, y compris les élèves des Premières Nations et des communautés métisses et inuites. Ils devraient trouver des moyens d’intégrer les expériences, les cultures et les valeurs autochtones dans toute la matière enseignée en classe.

 

21. Les éducateurs ne devraient pas faire la promotion des langues d’instruction que sont le français ou l’anglais au détriment des langues autochtones. Ils devraient encourager la maîtrise des langues autochtones, reconnaître les avantages pour les enfants de maîtriser à la fois leur propre langue autochtone et la langue d’instruction (français ou anglais), et ne jamais dissuader les élèves d’utiliser ou d’apprendre leur langue.

 

22. Les conseils scolaires devraient assurer une intervention immédiate, au moyen de programmes fondés sur des données probantes, aux élèves des Premières Nations et des communautés métisses et inuites qui ont ou risquent d’avoir un trouble de lecture des mots. Les retards dans la prestation des mesures d’intervention ou le recours à des mesures d’intervention qui ne reposent pas sur des preuves solides axées sur les compétences de base en lecture désavantagent encore plus ces élèves.

 

Améliorer les approches relatives à l’auto-identification et aux données

23. Les conseils scolaires devraient collaborer avec les gouvernements des Premières Nations et communautés métisses et inuites (les Premières Nations locales et la MNO) et avec les organisations locales (telles que les centres d’amitié et Tungasuvvingat Inuit) pour comprendre les préoccupations relatives à l’auto-identification, et y réagir. Ils devraient communiquer clairement comment l’auto-identification sert aux élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites, et comment les données d’auto-identification seront conservées et utilisées. Ils ne devraient jamais utiliser les données d’auto-identification pour brosser un portrait négatif ou non respectueux des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites.

 

24. Les conseils scolaires devraient s’assurer d’avoir des données sur le pourcentage des élèves qui se définissent comme membres d’une Première Nation ou communauté métisse ou inuite, globalement et pour chacun de ces groupes.

 

25. Les conseils scolaires devraient recueillir et analyser des données sur le rendement et les résultats (par exemple, les résultats aux tests de l’OQRE, les taux d’achèvement des cours et d’obtention de diplôme) des élèves s’étant définis comme membres d’une Première Nation ou communauté métisse ou inuite. Ils devraient savoir si les élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites ont un PEI ou un TA reconnu (voir également les recommandations touchant la collecte de données à la Section 13 : Problèmes systémiques). Ils devraient enfin réagir à tout écart d’équité relevé dans ces données.

 

26. Les conseils scolaires devraient communiquer régulièrement ces données aux gouvernements des Premières Nations et communautés métisses et inuites (les Premières Nations locales et la MNO) et aux organisations locales (telles que les centres d’amitié et Tungasuvvingat Inuit). Ils devraient agir en partenaires de ces gouvernements et organisations afin de veiller à offrir des mesures de soutien appropriées à la culture en vue d’améliorer les résultats des élèves des Premières Nations et communautés métisses et inuites

 


 

[490] Commission de vérité et réconciliation du Canada, Sommaire du rapport final, supra note 485, ;aux p. 80-85. « Le système des pensionnats indiens est officiellement établi : 1880 », (consulté pour la dernière fois le 14 janvier 2022), en ligne: Commissariat aux langues officielles www.clo-ocol.gc.ca/fr/chronologie-evenements/le-systeme-des-pensionnats-indiens-est-officiellement-etabli

[Commissariat aux langues officielles, « Le système des pensionnats indiens est officiellement établi : 1880 »].

[492] Commission de vérité et réconciliation du Canada, Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action (2015), appels à l’action 10 et 13 à 17, en ligne (pdf) : ehprnh2mwo3.exactdn.com/wp-content/uploads/2021/04/4-Appels_a_l-Action_French.pdf [Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action].

[497] Commission de vérité et réconciliation du Canada, Sommaire du rapport final, supra note 485, à la p. 370.

[502] Ibid., à la p. 144.

[513] Commission de vérité et réconciliation du Canada, Sommaire du rapport final, supra note 485, à la p. 8.

  1. Commission ontarienne des droits de la personne, Enfances interrompues : Surreprésentation des enfants autochtones et noirs au sein du système de bien-être de l’enfance de l’Ontario (2018), s. 4.1, en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne www.ohrc.on.ca/fr/enfances-interrompues; Commission de vérité et réconciliation du Canada, Sommaire du rapport final, supra note 485, aux p. 135 et 136. Une étude menée par Statistique Canada en 2016 constate que la majorité des enfants autochtones (de 14 ans ou moins) vivant en famille d’accueil au Canada étaient des Premières Nations (82 %) tandis que 13 % étaient Métis et 4 %, Inuits; voir : Statistique Canada, La situation des enfants autochtones âgés de 14 ans et moins dans leur ménage, par Annie Turner, no 75-006-X au catalogue (Ottawa : Statistique Canada, 13 avril 2016), en ligne (pdf) : Statistique Canada www150.statcan.gc.ca/n1/fr/pub/75-006-x/2016001/article/14547-fra.pdf [Turner, La situation des enfants autochtones âgés de 14 ans et moins dans leur ménage].

[516] Aguiar et Halseth, supra note 503, à la p. 7.

[517] Premier ministre Stephen Harper, « Déclaration d'excuses aux anciens élèves des pensionnats indiens » (11 juin 2008), en ligne : Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada rcaanc-cirnac.gc.ca/eng/1100100015644/1571589171655. Voir aussi : L'honorable Jane Stewart, « Allocution de l'honorable Jane Stewart ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien à l'occasion du dévoilement de : Rassembler nos forces, le plan d'action du Canada pour les Autochtones » (7 janvier 1998), Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada rcaanc-cirnac.gc.ca/eng/1100100015725/1571590271585.

[522] Commission de vérité et réconciliation du Canada, Sommaire du rapport final, supra note 485. à la p. 135.

[531] Aguiar et Halseth, supra note 503, à la p. 8; Bureau du coroner en chef : Enquête sur la mort de sept jeunes des Premières Nations, supra note 521.

[537] Ontario, ministère de l’Éducation, Renforcer notre parcours d’apprentissage : Annexe technique, supra note 322, à la p. 6; Ontario, ministère de l’Éducation, De solides bases, supra note 483, à la p. 11.

[538] Assemblée des Premières Nations, Fact Sheet: First Nations Education Funding (dernière consultation le 14 janvier 2022), en ligne (pdf) : Assemblée des Premières Nations www.afn.ca/uploads/files/education/fact_sheet_-_fn_education_funding_final.pdf [Assemblée des Premières Nations, « Fact Sheet: First Nations Education Funding »].

[541] Ibid., à la p. 20.

[546]Ibid., à la p. 3.

[547]Ibid., à la p. 7.

[551] Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada en partenariat avec le Wabanaki Council on Disability et la Mawita’mk Society, Jordan’s Principle and Children with Disabilities and Special Needs: A Resource Guide and Analysis of Canada’s Implementation (mars 2021), p. 12-13, en ligne (pdf) : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada fncaringsociety.com/sites/default/files/fiche_dinformation_tcdp_2020_36.pdf [Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al., Jordan’s Principle and Children with Disabilities and Special Needs].

[556] Ontario, Stephen Lecce (ministère de l’Éducation) et Nancy Naylor (Vice-ministre) « Planification de l’année scolaire 2021-2022 » (note de service) (4 mai 2021), p. 12, en ligne (pdf) : Gouvernement de l’Ontario efis.fma.csc.gov.on.ca/faab/Memos/B2021/B07_FR.pdf [Note de service de le ministre Lecce et le vice-ministre Naylor]; K Gallagher-Mackay et al., « COVID-19 and education disruption in Ontario: emerging evidence on impacts » (4 juin 2021; actualisé le 16 juin 2021) Science Briefs of the Ontario COVID-19 Science Advisory Table 2021; 2(34), DOI : https://doi.org/10.47326/ocsat.2021.02.34.1.0; pour une analyse sur la façon dont la pandémie a affecté l’alphabetisation dans les écoles des Premières Nations; voir : J T O’Sullivan, Le projet d'écoles modèles en littératie : Investir dans les enfants (Montréal : Martin Family Initiative, 2021), en ligne : Initiative de la Famille Martin https://themfi.ca/investing-in-children [O’Sullivan, Model Schools Literacy Project].

[557] Cindy Blackstock, « The Emergence of the Breath of Life Theory » (2011), volume 8, p. 1, Journal of Social Work Values and Ethics, p. 3, en ligne (pdf) : Journal of Social Work Values and Ethics jswve.org/download/2011-1/spr11-blackstock-Emergence-breath-of-life-theory.pdf.

[558] Ibid., aux p. 3-5.

[562] Gouvernement de l’Alberta, « Walking Together », supra note 561.

[563] Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de l’auditeur indépendant 2021 : Rapport 3 – Accès à une eau potable salubre dans les collectivités des Premières Nations – Services aux Autochtones Canada (25 février 2021), en ligne (pdf) : Bureau du vérificateur général du Canada www.oag-bvg.gc.ca/internet/docs/parl_oag_202102_03_f.pdf.

[579] Michael MacDonald, supra note 578.

[581] Hill + Knowlton, supra note 548; voir aussi : Ontario, ministère de l’Éducation, Renforcer notre parcours d’apprentissage : Sommaire du Troisième rapport d’étape sur la mise en œuvre du Cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières Nations, des Métis et des Inuits (2018), p. 3, en ligne (pdf) : Ministère de l’Éducation www.edu.gov.on.ca/fre/autochtones/sommaire-du-troisieme-rapport.pdf [Ontario, ministèere de l’Éducation, Renforcer notre parcours d’apprentissage : Sommaire], pour une analyse de l’importance des conseillers et travailleurs de soutien autochtones pour assister les élèves dans leur transition, ainsi que pour engager et retenir les élèves à risque de décrochage précoce.

[583] Ontario, ministère de l’Éducation, « Cadre d’élaboration des politiques de l’Ontario en éducation des Premières nations, des Métis et des Inuit » (2007), p. 6, en ligne (pdf) : Gouvernement de l’Ontario www.edu.gov.on.ca/fre/aboriginal/fnmiframeworkf.pdf; People for Education, Moving toward Reconciliation in Ontario’s Publicly Funded Schools (2016), p. 2, en ligne (pdf) : People for Education peopleforeducation.ca/wp-content/uploads/2017/11/P4E-Indigenous-Education-2016.pdf; Tanya C. Leary, « First Nations, Métis, and Inuit Education 101 » (2014), en ligne : EFTO Voice etfovoice.ca/node/586; Daniel Schwartz, « First Nations education needs fresh ideas, leaders say », CBC News (4 novembre 2013), en ligne : CBC www.cbc.ca/news/canada/first-nations-education-needs-fresh-ideas-leaders-say-1.2255180; Brittany Hobson, « New report highlights underrepresentation of Indigenous school teachers in Winnipeg », APTN National News (9 octobre 2020), en ligne : APTN News www.aptnnews.ca/national-news/new-report-highlights-underrepresentation-of-indigenous-school-teachers-in-winnipeg.

[600] Ibid, à la p. 18.

[606] Les chemins de la réussite pour les élèves des Premières nations, étudiants Métis et Inuit – Élaboration de politiques pour l'auto-identification, volontaire et confidentielle, des élèves autochtones : pratiques réussies pour les conseils scolaires de l'Ontario (2007), p. 6, en ligne (pdf) : Ontario, ministère de l’Éducation https://files.ontario.ca/edu-building-bridges-to-success-first-nation-metis-inuit-students-en-2021-10-21.pdf [Ontario, ministère de l’Éducation, Les chemins de la réussite pour les élèves des Premières nations, étudiants Métis et Inuit].

[608] Pour des ressources sur les méthodologies de recherche autochtones, voir: « Indigenous Methodologies : Xwi7xwa Library » (drenière consultation le 29 janvier 2022), en ligne : The University of British Columbia Library guides.library.ubc.ca/ld.php?content_id=35791473.

[609] Le ministère de l'Éducation a indiqué que tous les conseils scolaires avaient accès à leurs propres données d'auto-identification ainsi qu'à des données agrégées régionales et provinciales depuis plusieurs années (y compris des ventilations des données d'auto-identification et des données sur le rendement) grâce à l'Outil de profil analytique de l'éducation autochtone (Indigenous Education Analytical Profile Tool).

[615] J.P. Das et al., « Correlates of Canadian native children’s reading performance: From cognitive styles to cognitive processes », Journal of School Psychology 589, volume 45, no 6 (2007), à la p. 600, DOI : 10.1016/j.jsp.2007.06.004 [Das et al., « Correlates of Canadian native children’s reading performance »].

[617] Das et al., « Correlates of Canadian native children’s reading performance », supra note 615, à la p. 600. Voir aussi : Das et al., « Influence of distal and proximal cognitive processes on word reading », supra note 613.

[618] M. Williams, « Phonemic Awareness and Early Spelling Skills in Urban Australian Aboriginal and Non-Aboriginal Children », International Journal of Speech Language Pathology 497, volume 12, no 6 (2010), DOI : 10.3109/17549507.2011.481798; Margot Prior, « Language and literacy challenges for Indigenous children in Australia », Australian Journal of Learning Difficulties 123, volume 18, no 2 (2013), DOI : 10.1080/19404158.2013.840901.

[621] O’Sullivan, Model Schools Literacy Project, supra note 556, à la p. 12.

[622] Ibid, aux p. 12-13.

[623] Ibid, à la p. 13.

[624] Ibid, à la p. 9.

[625] Ibid.

[627] Ibid.

[630] O’Sullivan, Model Schools Literacy Project, supra note 556, à la p. 9.

[631] Voir aussi : Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Appels à la justice (2019), volume 1b, p. 167–218 (« Appels à la justice ), en ligne (pdf): Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées mmiwg-ffada.ca/wp-content/uploads/2019/06/Final_Report_Vol_1b.pdf [Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, Rapport final, volume 1b].