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Objet : Collecte obligatoire de données relatives à la race par les organismes du secteur public

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Le 12 septembre 2017
Honorable Michael Coteau
Ministère des Services à l'enfance et à la jeunesse / Direction générale de l’action contre le racisme
14e étage
56, rue Wellesley Ouest
Toronto (Ontario)  M5S 2S3

Monsieur le Ministre,

Objet : Collecte obligatoire de données relatives à la race par les organismes du secteur public 

J’espère que vous vous portez bien. Je suis heureuse de savoir que la Direction générale de l’action contre le racisme (DGAR) consulte activement la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) en vue d’élaborer des normes et lignes directrices sur la collecte de données relatives à la race. Je vous écris aujourd’hui pour exhorter le gouvernement à poursuivre cet important travail en exigeant que des organismes précis du secteur public recueillent et analysent des données relatives à la race, tout particulièrement dans des domaines clés comme les soins de santé, les services correctionnels, le maintien de l’ordre, l’éducation et le bien-être de l’enfance.

Le récent rapport de consultation de la CODP intitulé Pris à partie fait part de nombreuses préoccupations à l’égard de la discrimination raciale systémique dans les domaines susmentionnés. La CODP et la DGAR ont tous les deux pour buts d’éliminer la discrimination raciale systémique et de promouvoir l’équité. Parce nous en comprenons l’importance cruciale pour l’atteinte de ces buts, la CODP réclame depuis des années la collecte de données relatives aux droits de la personne, dont des données relatives à la race.    

Le mois dernier, le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations Unies (CEDR) s’est fait l’écho de cette demande et a fortement appuyé la collecte de données. Dans ses observations finales sur le Canada, le CEDR s’est dit préoccupé du fait que, sans données statistiques désagrégées exhaustives, il ne pouvait pas pleinement évalué si les Canadiennes et Canadiens d’ascendance africaine, les groupes ethniques, les peuples autochtones et les non-citoyens jouissaient de droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Il exhortait le Canada à recueillir des données systémiques désagrégées dans tous les ministères pertinents afin d’améliorer le suivi et l’évaluation de la mise en œuvre et des effets de politiques visant à éliminer la discrimination raciale et les inégalités.

Ce mois-ci, le Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine des Nations Unies présentera son rapport sur le Canada au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Fondé sur une visite effectuée l’année dernière au Canada, le rapport fait état d’un grave manque de recherches et de données relatives à la race pouvant alimenter les stratégies de prévention, d’intervention et de traitement ciblant les Canadiennes et Canadiens d’ascendance africaine, et indique que les autorités ont reconnu l’importance d’obtenir des données désagrégées relatives à la race et à l’origine ethnique pour comprendre les préoccupations des Canadiennes et Canadiens d’ascendance africaine sur le plan des droits de la personne.

Dans ce contexte, nous avons apprécié avoir eu la chance de fournir des observations à propos de l’élaboration des normes et lignes directrices provisoires sur la collecte de données, eu égard aux obligations du ministre conformément à la Loi de 2017 contre le racisme. Pour être efficaces, cependant, les normes et lignes directrices finales devront être mises en œuvre.

À l’heure actuelle, la Loi contre le racisme n’oblige aucun organisme du secteur public à recueillir des données conformes aux normes. Or, le fait de se fier aux organismes pour recueillir des données à leur discrétion est incompatible avec les buts ambitieux de la Loi contre le racisme et les commentaires récents du CEDR et Groupe de travail des Nations Unies. Plus concrètement, puisque la mise en œuvre nécessitera de l’expertise et des ressources, il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que les organismes décident d’eux-mêmes de recueillir des données. Sans l’intervention du gouvernement, de nombreux organismes failliront à la tâche de cerner et de surveiller le racisme systémique, ainsi qu’à celle d’éliminer les disparités raciales, ce qui pourrait entraîner des infractions au Code des droits de la personne de l’Ontario.

Par exemple, compte tenu des études récentes mettant en lumière l’« orientation » des élèves noirs vers des études non universitaires et les taux élevés de suicide parmi les jeunes des Premières Nations, il est essentiel que les élèves racialisés de l’ensemble de la province bénéficient de mesures concrètes de lutte contre la discrimination, dont la collecte de données relatives à la race, dans l’ensemble des régions de la province. Voilà pourquoi nous avons été consternés d’apprendre que jusqu’à présent, seulement 16 des 76 conseils scolaires financés par l’État s’étaient volontairement engagés à recueillir des données relatives aux droits de la personne (malgré le lancement récent du Plan d’action pour l’équité du ministère de l’Éducation). Le gouvernement peut et doit combler ce vide.

Pour réaliser le plein potentiel des normes et lignes directrices de collecte de données de la  DGAR, et faire preuve de leadership à l’échelle nationale et internationale, nous exhortons le gouvernement à adopter un règlement exigeant que les organismes du secteur public recueillent et analysent des données relatives à la race, et en fassent rapport. Plus particulièrement, nous l’exhortons à exiger, aux termes d’un règlement pris en application du paragraphe 6(5), que les organismes du secteur public, y compris les organismes des domaines de la santé, des services correctionnels, du maintien de l’ordre, de l’éducation et du bien-être de l’enfance, recueillent et analysent des données relatives à la race, et en fassent publiquement rapport.

Le règlement adopté doit énoncer les données spécifiques devant être recueillies dans chaque domaine spécifique, ce qui exigera la tenue de consultations avec le ministère ou organisme du secteur public pertinent, des groupes communautaires et de défense des droits, le Commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario et la CODP.

Je vous remercie de l’attention que vous porterez à cette question. Si vous souhaitez en discuter davantage, n’hésitez pas à communiquer avec moi. Conformément à l’engagement de la CODP en matière de responsabilité publique et à ses obligations envers les Ontariennes et Ontariens, la présente lettre sera rendue publique.

Veuillez agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

La commissaire en chef de la Commission ontarienne des droits de la personne,
Renu Mandhane, B.A., J.D., LL.M.

c.c. : L’hon. Kathleen Wynne, première ministre de l’Ontario

L’hon. Yasir Naqvi, procureur général de l’Ontario

Commissaires de la CODP