Éviter les impacts discriminatoires de l’autorisation des logements locatifs

Lors qu’ils élaborent des règlements d’autorisation, les examinent et surveillent leur application, les responsables de la planification municipale devraient voir les choses sous l’angle des droits de la personne afin de déterminer s’ils ont un impact sur les groupes protégés par le Code. Les situations peuvent changer, et par conséquent les municipalités doivent se pencher régulièrement sur ces impacts.

Si les gens subissent un désavantage en raison de l’autorisation des logements locatifs (comme une éviction du logement ou une difficulté accrue à trouver un logement) parce qu’ils sont liés à l’un des motifs du Code (comme l’âge, l’état familial, etc.), les municipalités pourraient alors contrevenir au Code sauf si elles peuvent prouver :

  • Que la municipalité a adopté le règlement ou l’un de ses éléments précis, pour réaliser un objectif rationnel d’aménagement du territoire
  • Que la municipalité croyait de bonne foi qu’elle devait adopter le règlement ou l’exigence pour réaliser l’objectif en question
  • Que l’exigence au règlement était raisonnablement nécessaire pour réaliser l’objectif, dans la mesure où d’autres mesures moins discriminatoires lui causeraient un préjudice injustifié en ce qui a trait à des facteurs liés à la santé, à la sécurité ou à ses finances.

Les règlements arbitraires, ceux qui n’ont aucun lien évident avec l’objectif fixé, s’exposent particulièrement à être jugés discriminatoires et contraires au Code.

Avant d’envisager l’autorisation des logements locatifs, la CODP conseille aux municipalités de :

  1. Tenir compte du Code des droits de la personne de l’Ontario avant d’élaborer un règlement et faire référence au Code dans le règlement
  2. Consulter les groupes protégés par le Code
  3. S’assurer que les assemblées publiques ayant trait au règlement ne donnent pas lieu à de la discrimination
  4. Mettre le règlement en application uniformément et sans discrimination
  5. Viser à assurer la disponibilité du parc locatif actuel
  6. Éviter l’imposition de plafonds arbitraires sur les chambres à coucher
  7. Éviter d’appliquer des normes de surface de plancher brute supérieures à celles du Code du bâtiment
  8. Éliminer les exigences relatives à la surface de plancher par personne
  9. Éliminer les distances de séparation minimales
  10. Appliquer le règlement aux propriétaires, et non aux locataires
  11. Protéger les locataires en cas de cessation de la location
  12. Surveiller les impacts sur les groupes protégés par le Code
  13. Assurer que les frais d’autorisation sont équitables.

1. Tenir compte du Code des droits de la personne de l’Ontario avant d’élaborer un règlement et faire référence au Code dans le règlement

Dans l’exercice de leurs responsabilités en vertu de la Déclaration de principes provinciale, de la Loi de 2001 sur les municipalités, de la Loi sur l’aménagement du territoire, de la Loi de 2006 sur la cité de Toronto, et de tout programme ou politique, les municipalités doivent s’assurer qu’elles ne contreviennent pas au Code. Étant donné son statut quasi-constitutionnel, le Code a primauté sur toutes autres les lois provinciales, sauf si la loi indique expressément qu’elle s’applique nonobstant le Code. Autrement dit, s’il y a conflit entre le Code et d’autres lois, le Code a préséance. L’intégration de mentions du Code dans le règlement signale que la municipalité prend ses responsabilités au sérieux et qu’elle a scrupuleusement tenu compte de ses obligations en vertu du Code lorsqu’elle a élaboré le règlement, et aussi qu’elle en suit l’impact.

Les municipalités qui mentionnent spécifiquement dans leurs règlements la nécessité de se conformer au Code démontrent qu’il faut tenir compte des droits de la personne dans les décisions relatives à la planification de l’aménagement du territoire. Elles démontrent également que la protection des droits de la personne est un objectif municipal important qui contribue à l’amélioration de la réglementation des propriétés résidentielles locatives. Cela est compatible avec le but du Code, lequel inclut la reconnaissance de la dignité et de la valeur de chaque personne.

Ce message peut être renforcé lorsque les municipalités publient des documents à l’intention des personnes demandant une autorisation de logements locatifs. Dans son travail sur le logement, la CODP a entendu que les propriétaires font parfois preuve d’attitudes discriminatoires à l’égard des locataires à cause de leur lien avec les motifs du Code, et ce type de sensibilisation serait extrêmement précieux.

Pratique prometteuse

Dans son règlement, la Ville de Waterloo fait référence aux principes des droits de la personne et au Code des droits de la personne. Entre autres, elle indique que l’un de ses objectifs en matière de réglementation des logements locatifs est de « protéger la santé, la sécurité et les droits fondamentaux des personnes qui vivent en logement locatif. 

2. Consulter les groupes protégés par le Code

Les consultations auprès des groupes enclins à être affectés par un règlement constituent une pratique exemplaire vu qu’elles permettent d’éviter les infractions au Code avant qu’elles se produisent. Parfois, les assemblées publiques ordinaires peuvent ne pas être accessibles pour toutes les personnes en cause ou il se peut que des gens n’aient pas connaissance de la tenue de l’assemblée parce que les modes et le processus de communication habituels ne permettent pas de les joindre efficacement. Il se peut aussi que dans une municipalité certains groupes protégés par le Code aient été sous-représentés lors d’assemblées publiques. Des interventions directes ciblées auprès des groupes vulnérables ou marginalisés assurent que leurs voix sont entendues et peuvent permettre d’abattre des obstacles imprévus à l’accès au logement que les règlements pourraient créer.

3. S’assurer que les assemblées publiques ayant trait au règlement ne donnent pas lieu à de la discrimination

Les municipalités peuvent utiliser les assemblées publiques pour faire passer le message que tout règlement d’autorisation a trait au parc de logements locatifs, et non aux personnes qui occupent ces logements.

Il est important pour les municipalités, lors d’assemblées publiques et de séances de discussion sur le règlement, d’insister sur le fait que l’objectif visé ne peut être discriminatoire. Les municipalités doivent établir des règles de base dès le début des assemblées pour indiquer que le langage discriminatoire ne sera pas toléré et s’opposer activement à ce type de langage en l’interrompant lorsqu’il survient.

Les municipalités doivent sensibiliser leurs résidents à leurs règlements et à leurs activités d’application de ces derniers, afin de s’assurer que tous les résidents en comprennent les objectifs. La sensibilisation de la collectivité peut aussi permettre de tisser des liens entre les locataires et les autres résidents de la municipalité.

4. Mettre le règlement en application uniformément et sans discrimination

Si un règlement vise à atteindre des objectifs légitimes en matière de planification ou de sécurité, il doit être requis et appliqué dans l’ensemble de la municipalité. Un règlement qui s’applique d’abord ou seulement dans un secteur précis est probablement arbitraire et pourrait être vu comme prenant pour cible les résidents de ce secteur. Si les résidents du secteur s’identifient à certains motifs du Code, par exemple s’ils sont membres d’une communauté racialisée ou s’ils comptent avant tout des étudiants parmi eux, la municipalité peut être en train de viser un groupe de personnes, et pourrait être considérée comme contrevenant au Code avec une mesure discriminatoire.

Pratique prometteuse

Waterloo a appliqué son règlement à toute la ville immédiatement.

5. Viser à assurer la disponibilité du parc locatif actuel

Le maintien des droits acquis sur les résidences existantes ou les dérogations pour les résidences bâties à des fins particulières assurent le maintien du parc de logements locatifs actuel afin que les groupes protégés par le Code ne soient pas affectés de façon trop marquée lorsqu’un règlement d’autorisation entre en vigueur.

Conformément à la Déclaration de principes provinciale de 2005[18], les municipalités doivent permettre une diversité appropriée de types de logement et de densités requises pour satisfaire les exigences projetées de résidents actuels et futurs, notamment en établissant et en faisant appliquer des cibles minimales pour la prestation de logements abordables à la fois pour les foyers à faible revenu et à revenu moyen.

6. Éviter l’imposition de plafonds arbitraires sur les chambres à coucher

Si elles veulent imposer des limites au nombre de chambres à coucher permises dans les logements locatifs, les municipalités devraient permettre l’aménagement du nombre de chambres à coucher en fonction du plan d’étage original de la résidence ou du plan d’étage existant si des modifications y ont été apportées après approbation de la municipalité, conformément au Code du bâtiment, et/ou sont compatibles avec d’autres logements dans le secteur. Les plafonds imposés arbitrairement sur les chambres à coucher peuvent réduire la disponibilité de logements pour les groupes protégés. Ils peuvent exclure les familles nombreuses ayant des enfants ou les familles élargies.

Les municipalités qui imposent un plafond sur les chambres à coucher en fonction des médianes et moyennes des données démographiques peuvent pénaliser toute famille ou tout foyer qui ne se situe pas dans la moyenne. L’impact négatif peut être considérable : D’après les données du recensement de 2006, près d’un demi-million de foyers en Ontario comptaient cinq personnes ou plus. La taille de la famille ou du foyer peut être fortement influencée par l’origine ethnique, l’ascendance, la croyance et le lieu d’origine, qui constituent tous un motif du Code. De récentes études laissent croire qu’il y a aussi hausse des foyers multigénérationnels au sein de communautés provenant de divers horizons culturels.

Les municipalités doivent déterminer avec soin si les plafonds qu’elles envisagent d’imposer sont arbitraires ou non. Si ceux-ci visent à régler un problème de stationnement ou une autre préoccupation liée à l’aménagement, ont-elles alors prévu des dérogations pour que les maisons déjà construites puissent compter plus de chambres à coucher que ce que permet le plafond? Si elles ont établi des plafonds pour les résidences locatives, comment expliquent-elles le fait qu’elles n’appliquent pas ces mêmes plafonds aux propriétés résidentielles ayant le même bâti? Si les municipalités invoquent des raisons de sûreté, pourquoi celles-ci ne s’appliquent-elles pas aux propriétés résidentielles?

Pratique prometteuse

La Ville de North Bay impose un plafond de cinq chambres à coucher, mais permet aux propriétaires de résidences de plus de cinq chambres à coucher de demander une dérogation si leur maison a été construite initialement pour en compter plus de cinq. Bien que la meilleure protection d’une municipalité contre une plainte pour infraction au Code soit de n’imposer aucun plafond arbitraire sur les chambres à coucher, la possibilité de dérogation peut limiter les impacts négatifs.

Certaines municipalités n’imposent aucun plafond, mais appliquent plutôt un système où les propriétés où sont loués plus qu’un certain nombre de logements sont réglementées par un régime distinct visant les maisons de chambres. Si ce régime distinct est arbitrairement onéreux, ce type de système peut engendrer les mêmes problèmes et peut contrevenir au Code de la même façon qu’un plafonnement.

7. Éviter d’appliquer des normes de surface de plancher brute supérieures à celles du Code du bâtiment

Le Code du bâtiment établit des exigences pour les surfaces de plancher de différentes pièces et des espaces dans tous les logements. Les exigences réglementaires sur les surfaces de plancher qui sont plus strictes que les règlements du Code du bâtiment pourraient être considérées comme arbitraires, et ainsi contrevenir au Code des droits de la personne.

Par exemple, si les normes de surface de plancher brute qui limitent le pourcentage d’une résidence pouvant être utilisé pour des chambres à coucher ne s’appliquent pas aux gens dans les propriétés résidentielles, cela pourrait avoir un effet négatif sur les groupes protégés par le Code.

8. Éliminer les exigences relatives à la surface de plancher par personne

Les gens doivent être en mesure de partager une chambre à coucher, s’ils le désirent, sans que le propriétaire ou la municipalité regarde par le trou de la serrure. En fait, toute interrogation ou investigation connexe pourrait donner lieu à une plainte pour déni des droits de la personne.

Les exigences dictant l’espace que doit avoir un logement, ou une chambre dans une unité, par personne peuvent contrevenir au Code.

Le règlement de l’Ontario 350/06, pris en application du Code du bâtiment de 1992, prévoit sept mètres carrés par chambre à coucher, ou aussi peu que six si elle comprend un placard;[19] et 9,8 mètres carrés par chambre des maîtres, ou 8,8 si elle comprend un placard.[20] Il prévoit également des espaces pour les chambres à coucher en combinaison avec les autres espaces en logement, avec une aire minimale de 4,2 mètres carrés.[21]

De nombreuses résidences ou logements locatifs ont des chambres à coucher conformes aux règlements du Code du bâtiment, lesquelles peuvent accueillir deux personnes ou plus.

L’indication « par occupant » peut restreindre considérablement les options de logement pour les personnes qui partagent communément des pièces, comme les couples, les familles avec des enfants, et beaucoup d’autres personnes qui s’identifient selon les motifs du Code. À moins que ce ne soit de bonne foi ou pour une raison nécessitant que les logements locatifs satisfassent à des exigences plus strictes que celles du Code du bâtiment (alors que les propriétés résidentielles ne sont pas visées par une telle exigence), la CODP juge discriminatoire la mention « par occupant ».

Pratique prometteuse

La Ville de North Bay n’inclut pas d’exigences de surface de plancher par personne dans son règlement d’autorisation des logements locatifs.

9. Éliminer les distances de séparation minimales

Le zonage des gens, où l’on se sert de l’aménagement du territoire pour contrôler les gens en fonction de leurs relations ou de leurs caractéristiques réelles ou perçues au lieu de l’appliquer à l’usage d’un bâtiment, est illégal depuis de nombreuses années.[22]

De l’avis de la CODP, les distances de séparation minimales entre les logements constituent une forme de « zonage des gens ».

Les distances de séparation minimales servaient au départ à séparer les usages fonciers tels que l’industrie et le logement.[23] Leur application s’est élargie avec le temps.

Certaines municipalités appliquent des distances de séparation minimales aux « maisons de chambres », c’est-à-dire aux logements qui ne sont pas des immeubles d’appartements, mais qui comptent un nombre élevé de chambres. Cela signifie que si une maison de chambres est établie dans un certain quartier, d’autres ne peuvent s’établir dans un certain rayon ou une certaine distance.

Le but de ces distances de séparation minimales n’est pas de réglementer les bâtiments. Un immeuble similaire ayant un propriétaire unique n’est pas frappé par la même restriction. Les distances de séparation minimales visent à réglementer les gens, et découlent souvent des stéréotypes associés aux locataires.

Au lieu de permettre de planifier des quartiers inclusifs, les distances de séparation minimales peuvent limiter les sites disponibles pour l’aménagement et restreindre le nombre d’emplacements à proximité des services, ce qui nuit aux gens qui ont besoin de logement.

Dans son mémoire présenté lors des consultations de la CODP sur le logement en 2007, le ministère des Affaires municipales et du Logement a indiqué que les exigences relatives aux distances de séparation devraient être justifiées en fonction d’un aménagement rationnel, adoptées de bonne foi et être dans l’intérêt public.

Les distances de séparation arbitraires peuvent contrevenir au Code des droits de la personne. Il se peut que certaines municipalités tentent d’utiliser les distances de séparation minimales pour gérer la « surconcentration » de certains types de logement dans un quartier. À la base, les distances de séparation minimales sont des restrictions, et elles peuvent nuire aux locataires en limitant les options à leur disposition. Les municipalités devraient envisager des mesures incitatives et des façons d’encourager les logements abordables partout dans la municipalité, ce qui constitue une approche positive, au lieu de l’approche punitive que constitue souvent l’adoption de distances de séparation minimales.

La CODP est intervenue dans deux cas où les règlements établissant des distances de séparation minimales étaient considérés discriminatoires. Le premier, à la Commission des affaires municipales de l’Ontario, avait trait à un règlement de la Ville de Guelph, qui est présenté ci-dessous.

Le second, au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, a été soulevé par Dream Team, une organisation qui préconise du logement supervisé pour les personnes ayant un handicap. Dans ce cas, Dream Team contestait les exigences de distance de séparation minimale de la Ville de Toronto pour les foyers de groupe de personnes ayant un handicap. Un expert engagé par la Ville de Toronto pour examiner les enjeux découlant de l’imposition par la Ville de distances de séparation minimales aux foyers de groupe a indiqué dans son rapport qu’il ne pouvait trouver de raison d’être saine et acceptable du point de vue de l’aménagement pour ces distances de séparation minimales, et a recommandé par conséquent leur retrait.[24]

La CODP est aussi devenue l’une des parties dans une instance introduite à la Commission des affaires municipales de l’Ontario par Lynwood Charlton contre la Ville de Hamilton, après que la Ville ait refusé d’accorder une modification visant un site précis dans un règlement de zonage exigeant une distance de séparation radiale minimale pour les foyers de groupe pour les personnes ayant un handicap intellectuel.

Pratiques prometteuses

Un règlement de la Ville de Guelph utilisait les distances de séparation minimales pour limiter le nombre de résidences locatives ayant des appartements accessoires et réduisait également le nombre de logements pouvant être loués en tant que maisons de chambres. Il semble que ces dispositions pourraient tenir les jeunes à l’écart de certains quartiers, et entraînerait aussi une perte de logements locatifs abordables qui nuirait aux autres personnes s’identifiant aux motifs du Code (comme les personnes âgées, les nouveaux arrivants, les personnes ayant un handicap, les familles monoparentales et les personnes ayant le statut d’assisté social). La CODP est intervenue dans la contestation de ce règlement auprès de la Commission des affaires municipales de l’Ontario. En février 2012, avant que l’affaire soit entendue, la Ville de Guelph a abrogé le règlement, et s’est engagée à collaborer avec la CODP pour traiter efficacement de la question des logements locatifs tout en faisant la promotion des droits fondamentaux des locataires.

En 2010, la Ville de Sarnia a modifié ses règlements pour s’assurer que les personnes ayant un handicap n’aient pas à surmonter d’autres obstacles pour trouver un logement supervisé. Un groupe de survivants à la psychiatrie a déposé une plainte pour violation des droits de la personne contre la Ville, alléguant que ses règlements de zonage violaient les droits fondamentaux des personnes ayant un handicap vivant en foyer de groupe. La Ville a apporté les modifications suivantes à son règlement :

  • Les exigences de distance pour tous les foyers de groupe ont été éliminées
  • L’exigence voulant que les foyers de groupe comptant plus de cinq résidents se trouvent sur une artère ou une voie collectrice a été abrogée
  • Les foyers de groupe peuvent maintenant se trouver dans toutes les zones permettant un usage résidentiel
  • Les établissements de soins en résidence sont un usage autorisé dans toute zone résidentielle.[25]

10. Appliquer le règlement aux propriétaires, et non aux locataires

Si l’autorisation des logements locatifs vise vraiment à réglementer les logements locatifs (plutôt que les personnes qui les occupent, ce qui n’est pas un objectif approprié pour l'autorisation), ce sont donc les propriétaires plutôt que les locataires qui doivent être tenus responsables de toute infraction à l’autorisation. Cela doit être indiqué clairement dans le règlement et communiqué aux locataires tout comme aux propriétaires.

11. Protéger les locataires en cas de cessation de la location

Un règlement d’autorisation entraînera parfois la cessation justifiable de la location d'un logement. Par exemple, il se peut que certaines normes de sûreté ne soient pas satisfaites.

Les municipalités doivent tenir compte de l’impact sur les locataires de leur décision de fermer des logements locatifs, et voir activement à ce que les locataires ne soient pas déplacés sans recours ni aide. Les locataires doivent également être informés de toute question de santé et de sécurité lorsqu’elle est soulevée, au lieu de simplement subir une éviction à court préavis.

Pratique prometteuse

Le règlement d’autorisation des logements locatifs de la Ville de Waterloo contient la disposition suivante :

5.3 Avant de révoquer ou suspendre un permis délivré conformément à l'article 5.2 du présent règlement, le directeur de l’application du règlement doit :

a)     tenir compte de l’impact sur les locataires de toute révocation ou suspension du permis; et,

b)     imposer des conditions à une telle révocation ou suspension de permis qui minimiserait l’impact négatif sur les locataires, notamment la possibilité de prévoir un délai raisonnable avant que la révocation ou suspension du permis entre en vigueur afin de permettre aux locataires de trouver un nouveau logement ou de demander une indemnisation en cour ou auprès de la Commission de la location immobilière de l’Ontario.

12. Surveiller les impacts sur les groupes protégés par le Code

Les municipalités doivent s’engager à contrôler et évaluer l’impact de leurs règlements d’autorisation sur les locataires au moins tous les cinq ans, afin de déterminer si ces règlements ont un effet discriminatoire relativement aux motifs du Code.

L’une des façons de minimiser l’imputabilité en vertu du Code est de mettre en place un programme qui contrôlera régulièrement les impacts du règlement. Des informations complémentaires à propos de la collecte de données qui pourraient aider les municipalités se trouvent dans le manuel Comptez-moi! de la CODP. Les données recueillies aux fins de contrôle doivent être réparties par motif du Code, et recueillies d’une manière compatible avec le Code. Par exemple, la municipalité peut recueillir de l’information auprès d’un groupe-témoin représentatif des locataires et propriétaires à partir d'entrevues téléphoniques, de visites de porte à porte, de sondages ou de groupes de discussion. La municipalité peut ensuite faire un suivi auprès des participants sur un certain temps.

La municipalité devrait rendre ses conclusions publiques à intervalles réguliers. Un programme de contrôle sera renforcé s’il est exécuté en consultation avec un expert en collecte de données.

 

Pratiques prometteuses

Les Villes de North Bay et Waterloo ont pris l’engagement de contrôler et évaluer de façon continue leurs règlements d’autorisation.

13. Assurer que les frais d’autorisation sont équitables

Certaines règles constitutionnelles s’appliquent aux frais imposés par les organismes publics comme les municipalités. Bien que ces dernières aient le droit d’imposer des frais d’autorisation, « il doit exister un lien entre le quantum imposé et le coût du service fourni ». Autrement dit, il doit y avoir un lien raisonnable entre le coût du service et le montant imposé.[26]

Les frais associés à l’autorisation, s’ils sont passés aux locataires, pourraient faire augmenter le prix des loyers.[27] La CODP a entendu que les hausses de coûts liées au logement peuvent avoir des impacts particulièrement négatifs sur les groupes protégés par le Code. Par exemple, au cours de sa consultation sur Le droit au logement, la CODP a entendu de la Société d’aide à l’enfance de Toronto que des frais d’assurance appartement obligatoires de 30 $ ont un impact négatif sur les personnes à faible revenu, les foyers assistés sociaux, les chefs de famille monoparentale pauvres, les jeunes et les familles de nouveaux arrivants. La CODP a également entendu du Centre for Equality Rights in Accommodation et du Social Rights Advocacy Centre que ces mêmes frais peuvent constituer un obstacle financier pour les Autochtones et les membres de communautés racialisées.[28] Comme l’a souligné la CODP dans le document Dans la zone, les municipalités peuvent encourager le développement de logements abordables en réduisant les frais ou en y renonçant.[29]

 

Pratique prometteuse

La Ville de North Bay indique qu’elle a utilisé des précautions avant d’imposer des frais – et instauré des frais d’autorisation qui ne permettent pas une récupération des coûts à 100 % – pour limiter les préjudices subis par les personnes concernées par le règlement.


[18] Déclaration de principes provinciale, gouvernement de l’Ontario, 2005, article 1.4 (Logement).

[19] Code du bâtiment de 1992, article 9.5.7.1.

[20] Ibid., article 9.5.7.2.

[21] Ibid., article 9.5.7.4.

[22] Dans l’affaire R c. Bell, [1979] 2 RCS 212, la Cour suprême du Canada a entendu la contestation d’un règlement municipal de North York qui limitait l’usage de certains secteurs résidentiels à des logements conçus pour ou devant être utilisés par une seule personne ou une famille. On définissait la famille comme un groupe de deux personnes ou plus vivant ensemble et ayant des liens de consanguinité, de par le mariage ou l’adoption légale.

   Le juge Spence, parlant au nom de la majorité des juges, a statué que, en faisant des membres de la « famille » les seuls occupants autorisés dans un logement autonome, le règlement constituait une interférence oppressante et gratuite dans les droits des personnes assujetties au règlement, et que :

La législature n’a jamais eu l’intention d’accorder l’autorité d’adopter de telles règles et que le système de zonage faisant référence à la relation entre les occupants plutôt qu’à l’usage du bâtiment ne relève pas du pouvoir de la municipalité en vertu des dispositions de la Loi sur l’aménagement du territoire.

[23] Voir, par exemple, Finkler, L. & Grant, J. « Minimum separation distance bylaws for group homes: The negative side of planning regulation », Canadian Journal of Urban Research, vol. 20, no 1, 2011, page 36, pour une discussion de l’utilisation typique des distances de séparation minimales (pour limiter l’impact du bruit, des odeurs ou de la poussière sur les voisins), et du passage graduel par les municipalités à d’autres usages.

[24] Sandeep K. Agrawal, Opinion on the Provisions of Group Homes in the City-wide Zoning By-Law of the City of Toronto, aux pages 3 et 28, document rendu public le 28 février 2013 par la Ville de Toronto, comme rapport complémentaire à celui du Comité sur l’aménagement du territoire et la gestion de la croissancedans Final Report on the City-wide Zoning By-Law: Supplementary Report on Human Rights Challenge to Group Home Zoning Regulations, PG13020.

[25] OHRC, Dans la zone: Logement, droits de la personne et planification municipale, 2012, p. 26.

[26] Eurig Estate (Re), [1998] 2 R.C.S. 565 au paragraphe 21.

[27] D’autres coûts lies à l’autorisation, comme les frais pour certaines inspections, n’accroîtront probablement pas les préoccupations liées au Code si les inspections sont effectuées à des fins de santé et de sécurité et s’appliquent uniformément entre les logements du même type, et que les frais sont raisonnablement associés au coût de l’inspection.

[28] Le droit au logement, CODP, page 33.

[29] Dans la zone, CODP, pages 28-29.