VII. Responsabilité organisationnelle

La responsabilité ultime eu égard à la création d’une atmosphère saine et inclusive repose sur les employeurs, les propriétaires, les syndicats, les associations professionnelles, les fournisseurs de services et les autres organismes et établissements couverts par le Code. Il y a une obligation de veiller à ce que l’environnement soit à l’abri de la discrimination et du harcèlement. Qu’une plainte ait été déposée ou non, il n’est pas acceptable, du point de vue des droits de la personne, de décider de ne pas tenir compte de l’existence possible de discrimination ou de harcèlement, d’ignorer ce qui se passe et de ne rien faire pour redresser les problèmes liés aux droits de la personne.

Un organisme viole le Code lorsqu’il empiète sur le Code directement ou indirectement, intentionnellement ou non intentionnellement, ou s’il n’empiète pas directement sur le Code, mais plutôt autorise, tolère, adopte ou ratifie un comportement qui est contraire au Code. Les organismes devraient veiller à ce que les règles, les politiques, les procédures, les processus de prise de décisions et la culture organisationnelle ne semblent pas discriminatoires et n’aient pas d’effets discriminatoires.

En outre, il y a un devoir, au nom des droits de la personne, de ne pas tolérer ou poursuivre une action discriminatoire qui s’est déjà produite, car cela aurait pour effet d’étendre ou de prolonger la durée de l’action discriminatoire initiale. L’obligation s’étend à ceux qui, bien que n’étant pas les principaux acteurs, se retrouvent pris dans la situation discriminatoire par le biais de relations contractuelles ou autrement[41]. Un organisme devrait également ne pas punir une personne à cause de la façon dont elle a réagi à la discrimination ou au harcèlement : on peut s’attendre à ce que les personnes qui croient raisonnablement qu’elles font l’objet de discrimination trouvent l’expérience troublante et réagissent avec colère et d’une façon verbalement agressive.

Il incombe aux syndicats et aux associations professionnelles de s’assurer qu’ils ne pratiquent ni ne tolèrent la discrimination et le harcèlement et qu’ils n’y contribuent pas. Ils peuvent être tenus responsables de politiques ou d’actions discriminatoires au même degré que l’employeur et ils partagent les mêmes obligations de prendre des mesures pour redresser un environnement harcelant ou empoisonné. Lorsqu’un syndicat ou une association professionnelle fait obstruction à un processus d’accommodement, il ou elle peut faire l’objet d’une plainte au motif des droits de la personne.

Les décisions rendues à l’issue des causes fondées sur les droits de la personne concluent fréquemment à la responsabilité de l’organisme et évaluent les dommages d’après le défaut de l’organisme de répondre de façon appropriée à la discrimination et au harcèlement. Un organisme peut répondre à des plaintes concernant des cas individuels de discrimination ou de harcèlement, mais sa réponse peut ne pas être jugée acceptable si le problème sous jacent n’est pas réglé. Au-delà de la sanction des auteurs du harcèlement, il peut exister un environnement empoisonné ou une culture organisationnelle qui exclut ou marginalise les personnes au motif de l’état familial. Dans ce cas, l’organisme devra prendre des mesures supplémentaires, comme la formation et l’éducation, afin de répondre au problème de façon plus appropriée.

L’examen des facteurs suivants a été suggéré pour déterminer si un organisme s’est acquitté de ses responsabilités en réponse à une plainte au motif des droits de la personne :

  • procédures en place à l’époque pour traiter de la discrimination et du harcèlement;
  • promptitude de la réponse de l’organisme à la plainte;
  • sérieux avec lequel la plainte a été traitée;
  • ressources rendues disponibles pour traiter la plainte;
  • si l’organisme offrait un environnement de travail sain à la personne qui s’est plainte;
  • jusqu’à quel point les mesures prises ont été communiquées à l’auteur de la plainte[42].

En vertu du paragraphe 46.3 du Code, une personne morale, un syndicat ou une association professionnelle, une association non dotée de la personnalité morale ou une organisation patronale sera tenue responsable, en matière de discrimination, des omissions et des actes commis par ses employés et/ou ses mandataires dans le cadre de leur emploi. C’est ce que l’on appelle la responsabilité du fait d’autrui. Cela s’applique non seulement aux violations des droits de la personne dans le lieu de travail, mais également dans le domaine du logement, des biens, des services ou des installations, des contrats, et de l’appartenance à des syndicats et à des associations professionnelles.

En termes simples, la position de la Commission est que la responsabilité du fait d’autrui attribue automatiquement la responsabilité de la discrimination à un organisme pour les actes de ses employés ou de ses mandataires accomplis pendant les heures normales de travail, que l’organisme en ait ou non connaissance, qu’il y participe ou non, ou qu’il ait ou non le contrôle de ces actes.

La responsabilité du fait d’autrui ne s’applique pas aux violations des articles du Code qui traitent du harcèlement bien que, puisque l’existence d’un environnement empoisonné est une forme de discrimination, lorsque le harcèlement aboutit à la création d’un environnement empoisonné, la responsabilité du fait d’autrui en vertu du paragraphe 46.3 du Code est restaurée. De plus, en de tels cas, la « théorie organique » de la responsabilité des sociétés peut s’appliquer. C’est-à-dire qu’un organisme peut être responsable des actes de harcèlement exécutés par ses employés s’il peut être démontré qu’il était au courant du harcèlement ou que l’auteur du harcèlement fait notoirement partie de la direction ou de « l’âme dirigeante » de l’organisme. En de tels cas, les décisions, actes ou omissions de l’employé engagent la responsabilité de l’organisme si :

  • l’employé qui fait partie de « l’âme dirigeante » s’adonne au harcèlement ou à un comportement incorrect qui est contraire au Code; ou
  • l’employé qui fait partie de « l’âme dirigeante » ne réagit pas comme il se doit au harcèlement ou au comportement incorrect alors qu’il en est au courant ou devrait raisonnablement en être au courant.

Généralement parlant, les cadres et les principaux décideurs d’un organisme constituent son « âme dirigeante ». Les employés qui n’ont qu’une autorité de supervision peuvent également faire partie de l’âme dirigeante s’ils fonctionnent ou paraissent fonctionner comme des représentants de l’organisme. Même des non-superviseurs peuvent être considérés faire partie de l’âme dirigeante s’ils ont en fait une autorité de supervision ou qu’ils ont une responsabilité notable dans l’encadrement des employés. Par exemple, un membre d’une unité de négociation qui est chef de section peut être considéré comme faisant partie de « l’âme dirigeante » d’un organisme.


[41] Payne c. Otsuka Pharmaceutical Co. (No 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203, au para 63 (Commission d’enquête de l’Ontario) : « La nature du moment où une tierce partie ou une personne collatérale se retrouverait prise dans une chaîne de discrimination dépend des faits. Cependant, il est possible d’établir des principes généraux. L’élément clé est le contrôle ou le pouvoir que l’intimé collatéral ou indirect avait sur le plaignant et l’intimé principal. Plus grand est le contrôle ou le pouvoir sur la situation et les parties, plus grande est l’obligation légale de ne pas tolérer ni encourager l’acte discriminatoire. Le pouvoir ou le contrôle est important parce qu’il suppose une capacité de redresser la situation ou de faire quelque chose pour améliorer les conditions. » [Traduction libre]
[42] Wall c. University of Waterloo (1995), 27 C.H.R.R. D/44, aux para 162-67 (Commission d’enquête de l’Ontario). Ces facteurs aident à évaluer le caractère raisonnable de la réponse d’un organisme au harcèlement. Une réponse raisonnable de la part de l’organisme n’aura pas d’effet sur sa responsabilité, mais sera prise en considération pour décider du remède approprié. En d’autres termes, un employeur qui a répondu de façon raisonnable au harcèlement n’est pas déchargé de sa responsabilité, mais il peut profiter d’une réduction des dommages qui découlent du harcèlement.