Vers une politique sur l'identité sexuelle

Introduction

L’un des grands mythes de notre culture veut que tous les enfants puissent être identifiés à la naissance en tant que «mâle» ou «femelle» (sexe biologique), qu’ils grandissent tous en faisant preuve d’un comportement «féminin» ou «masculin» (identité sexuelle publique), qu’ils vivent en tant que «femme» ou «homme» (rôle sexuel social) et qu’ils marient une femme ou un homme (orientation affective hétérosexuelle); mais la réalité est toute autre. Peu de gens s’accordent sur les raisons profondes de cette réalité, mais, en vérité, de nombreuses personnes ne correspondent pas à cette idée simpliste de la destinée biologique des sexes.[1]

Cette citation nous rappelle que notre connaissance et notre compréhension des droits de la personne ont évolué avec le temps. Elle nous rappelle également que nous devons faire preuve d’ouverture d’esprit en examinant les méthodes les plus efficaces que peut utiliser la Commission ontarienne des droits de la personne (la «Commission») pour accorder tout son sens au Code des droits de la personne de l’Ontario[2] (le «Code»).

Le préambule du Code précise que l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur de toute personne et d’assurer à tous les mêmes droits et les mêmes chances, sans discrimination contraire à la loi. Les dispositions du Code visent à créer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne de façon que chacun se sente partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer à la collectivité.

Les recherches et les consultations qu’ont menées les membres de la Commission dans le cadre de la préparation de ce document montrent que les personnes transgenres sont confrontées à des stéréotypes négatifs qui ont des répercussions profondes et souvent traumatisantes sur pratiquement tous les aspects de leur vie quotidienne. Elles sont mises au banc de la société et considérées avec méfiance. Leur emploi, leur logement et leur vie de famille sont menacés aussi bien par le processus de dévoilement que par la découverte involontaire. Toutes ces questions exigent la mise en place d’une politique progressiste en vue de protéger les droits des personnes transgenres dans le cadre légal du Code.

Depuis deux décennies, la société est de plus en plus consciente qu’il existe des gens dont l’identité sexuelle diffère des normes sociales admises. Parmi ces gens, nous comptons les transsexuels en phase préopératoire et postopératoire, les transgendéristes (transsexuels qui ont décidé de ne pas subir de changement chirurgical de sexe), les intersexués, les travestis, les personnificateurs féminins et toute autre personne qui estompe la ligne traditionnelle différenciant les sexes. L’émergence de cette réalité va de pair avec la connaissance des difficultés auxquelles ces personnes doivent faire face. La collectivité, les médias et les sites Internet qui s’intéressent à l’identité sexuelle font état de cas de discrimination sur le lieu de travail, de harcèlement, de violence, de refus d'accès à certains services, d'un risque de suicide plus élevé, de toxicomanie et de pauvreté.

La mise au point d’une politique à ce sujet permettra à la Commission de :

  • promouvoir la dignité et l’égalité des personnes transgenres;
  • s’assurer que les personnes transgenres sont protégées par le Code;
  • sensibiliser les gens et prévenir la discrimination;
  • cerner les sources de discrimination systémique;
  • définir des stratégies en vue d’éliminer la discrimination;
  • dissiper les mythes qui favorisent les préjugés ancrés.

La Colombie-Britannique a proposé, pour la première fois dans l’histoire des autorités canadiennes, d'ajouter l’identité sexuelle comme motif de protection officielle dans les lois relatives aux droits de la personne, et d’autres provinces abondent dans ce sens[3]. Les lois australiennes qui traitent de la discrimination reconnaissent les personnes transgenres tout comme le font de nombreuses municipalités et de nombreux États américains qui ont intégré l’identité sexuelle ou des concepts semblables à leurs lois portant sur les droits de la personnes[4].


[1] L. Lees, Gender: Exploring Diversity And Acceptance. Internet : http://www.msu.edu/~lees/handout.html. Copyright 1997-1999, Lisa Josephine Lees.
[2] Code des droits de la personne, L.R.O. 1990, chap. H. 19.
[3] Voir BC Human Rights Commission, Human Rights for the Next Millennium (janvier 1998), recommandation no 6.
[4] Voir annexe 1.