Politique et directives concernant la discrimination au motif de l'état familial

Approuvé par la Commission le 28 mars 2007
Disponible en divers formats accessibles

Veuillez noter ce qui suit

La présente politique représente la façon dont la Commission interprète les dispositions du Code des droits de la personne de l’Ontario sur l’état familial. Elle est assujettie aux décisions des cours supérieures et à leur propre interprétation du Code. Toute question concernant cette politique doit être adressée au personnel de la Commission ontarienne des droits de la personne.

Les politiques et directives de la Commission fixent des normes sur la façon dont les particuliers, les employeurs, les fournisseurs de services et les décideurs doivent agir pour se conformer au Code. Elles sont importantes parce qu’elles représentent la manière dont la Commission interprète le Code au moment où elles sont publiées. Bien qu’elles n’aient pas force exécutoire dans les tribunaux des droits de la personne ni dans les autres tribunaux, elles font souvent l’objet d’une grande déférence[1] et sont appliquées aux faits des causes présentées devant les cours et les tribunaux, et citées dans les décisions de ces institutions juridiques.

I. Introduction

Le Code des droits de la personne de l’Ontario (le « Code ») énonce que l’Ontario a pour principe de reconnaître la dignité et la valeur inhérente de toutes les personnes et d’assurer à toutes sans discrimination les mêmes droits et les mêmes possibilités. Les dispositions du Code visent à créer un climat de compréhension et de respect mutuel pour la dignité et la valeur de chaque personne de façon que chacune se sente partie intégrante de la collectivité et apte à y a apporter une pleine contribution.

En Ontario, toute personne a le droit d’être à l’abri de la discrimination et du harcèlement pour des raisons liées à l’état familial dans les domaines sociaux de l’emploi, des services, des biens, des installations, du logement, des contrats et de l’adhésion à une association commerciale ou professionnelle.

Le motif de l’état familial fait partie du Code depuis 1982, mais n’a fait l’objet que de relativement peu d’analyse et d’attention en Ontario, ni dans les autres territoires canadiens. C’est la première fois que des questions liées aux droits de la personne au motif de l’état familial sont explorées en profondeur. Il est à prévoir que la compréhension du public et sa sensibilisation à ce motif du Code iront croissant avec le temps.

Le motif de l’état familial, de par sa nature, soulève des questions complexes et difficiles liées à la façon dont les pourvoyeurs de soins[2] sont traités dans notre société. La Cour suprême du Canada a déclaré ce qui suit : « Il semble aller de soi que celles qui donnent naissance à des enfants et favorisent ainsi l’ensemble de la société ne devraient pas en subir un désavantage économique ou social »[3]. Les résultats des recherches et des consultations de la Commission ontarienne des droits de la personne (la « Commission ») sur l’état familial indiquent qu’au contraire, les pourvoyeurs de soins continuent à subir des désavantages notables et continus du fait même qu’ils dispensent des soins. La Commission espère que la présente Politique constituera un pas en avant vers la solution de ce problème.

La Politique est fondée sur des recherches et des consultations approfondies sur les questions en rapport avec l’état familial. En mai 2005, la Commission a publié le document de travail intitulé Les droits de la personne et la famille en Ontario qui dégageait les problèmes clés et invitait les parties intéressées à présenter leurs observations. En même temps, la Commission a distribué un questionnaire, qu’elle a également affiché sur son site Web, invitant individuellement les Ontariennes et Ontariens à partager leurs expériences sur les conséquences que leur état familial avait eu sur leur accès à un logement, à un emploi et à des services. La Commission a entendu quelque 120 organismes et particuliers, notamment des employeurs, des syndicats, des fournisseurs de logement, des représentants du gouvernement, des universitaires, des organismes communautaires, des cliniques juridiques, des fournisseurs de services, des organismes professionnelles et des groupes d’intervenants. Au cours de l’automne 2005, la Commission a organisé quatre tables rondes sur des sujets précis : les problèmes auxquels se heurtent les Ontariennes et Ontariens plus âgés, la définition de l’état familial, l’emploi et le logement. La Commission publie simultanément un rapport de consultation intitulé Le coût de la prestation de soins. Le rapport examine le vaste éventail de facteurs qui ont un effet sur la capacité des familles avec des responsabilités en matière de prestation de soins d’avoir un accès égal à l’emploi, au logement et aux services, et d’en tirer les mêmes avantages, et souligne le rôle et les responsabilités du gouvernement, des institutions et de la Commission elle-même.

La présente Politique est fondée sur plusieurs des thèmes qui ont émergé de la consultation :

  • Il y a un profond manque de conscience, parmi les employeurs, les fournisseurs de logement, les pourvoyeurs de services, les intervenants communautaires et le grand public, en ce qui concerne les responsabilités et les droits prévus par le Code eu égard à l’état familial.
  • Les personnes qui prodiguent des soins à des membres de leur famille font face à une gamme de sérieux obstacles systémiques à la participation complète à l’emploi, au logement et aux services, et se heurtent à des désavantages continus à cause de leur état familial. L’emploi, le logement et les services n’ont souvent pas été conçus de façon à inclure les personnes avec des responsabilités en matière de prestation de soins.
  • L’existence et la nature de ces obstacles ne sont pas généralement reconnues, et les problèmes liés à l’état familial sont souvent considérés comme des « problèmes personnels » plutôt que des préoccupations relevant des droits de la personne.
  • Les familles revêtent des formes très différentes de nos jours en Ontario. Des mesures doivent être prises pour veiller à ce que toutes ces familles soient incluses et traitées avec respect et dignité.
  • La façon dont chaque personne perçoit son état familial est notablement influencée par la race, le sexe, l’état matrimonial, l’orientation sexuelle, l’âge, la croyance et le fait que cette personne ou un membre de la famille a un handicap.
  • Les attitudes négatives et les stéréotypes fondés sur certains types d’état familial comme, par exemple, les parents uniques, persistent et ont pour effet de mettre en doute le caractère et les capacités de ces personnes.
  • Les employeurs, les fournisseurs de logements, les fournisseurs de services, le gouvernement et les particuliers doivent travailler ensemble pour éliminer les obstacles existants auxquels se heurtent les personnes identifiées par leur état familial.

La présente Politique établit la position de la Commission sur la discrimination fondée sur l’état familial telle qu’elle est définie dans les dispositions du Code. Elle ne traite que des problèmes qui relèvent du Code et qui peuvent faire l’objet d’une plainte au motif des droits de la personne. En même temps, la Politique donne aux protections du Code une interprétation large et intentionnelle conformément au principe selon lequel le statut quasi constitutionnel du Code exige qu’il soit interprété de la façon libérale qui garantit le mieux que ses objectifs anti-discriminatoires sont atteints. Le rapport de consultation de la Commission contient un examen plus vaste des problèmes sociaux auxquels se heurtent les personnes défavorisées par leur état familial. Outre la présente Politique, la Commission continuera à encourager les initiatives de promotion et d’avancement qui cherchent à s’opposer au vaste contexte systémique de la discrimination fondée sur l’état familial.

Les énoncés de politique de la Commission contribuent à la création d’une culture des droits de la personne en Ontario. La présente Politique a pour but d’aider le public à comprendre les protections prévues par le Code contre la discrimination et le harcèlement fondés sur l’état familial. Elle a également pour objet d’aider les particuliers, les employeurs, les organismes, les fournisseurs de services et de logements et les décideurs à prendre conscience de leurs responsabilités, et à agir de façon appropriée pour veiller à ce que le Code soit respecté.

L’analyse et les exemples utilisés dans la Politique sont fondés sur les recherches de la Commission concernant la discrimination au motif de l’état familial, les normes internationales, les plaintes dont la Commission a été saisie, les décisions des tribunaux et des cours, et les commentaires des personnes et des organismes qui ont participé au processus de consultation de la Commission.


[1] Dans Quesnel c. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474 au para 53 (Commission d’enquête de l’Ontario), la commission d’enquête a appliqué la décision de la Cour suprême des États-Unis dans Griggs c. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971) pour conclure que les énoncés de politique de la Commission devraient faire l’objet d’une « grande déférence » s’ils sont conformes aux valeurs du Code et sont formulés d’une façon qui est en accord avec le contexte législatif du Code lui-même. Cette dernière exigence a été interprétée comme signifiant qu’ils ont été formulés à l’issue d’un processus de consultation publique.
[2] Aux fins de la présente Politique, l’expression « pourvoyeurs(euses) de soins » désigne les personnes qui dispensent une aide non officielle et non payée en réponse aux besoins physiques et psychologiques d’une autre personne qui dépend de leur aide. Généralement, le bénéficiaire des soins est un enfant, une personne plus âgée ou une personne avec un handicap. La « prestation de soins » peut comprendre toute une gamme d’activités au-delà des soins physiques directs, comme la défense de la personne qui bénéficie des soins, la recherche et l’organisation de services, la conduite de la personne à ses rendez-vous, les courses et la surveillance des besoins ou du bien-être. Les personnes identifiées par l’état familial (c’est-à-dire les personnes dans une relation parent-enfant) passeront généralement par des étapes où elles seront et ne seront pas des pourvoyeuses de soins à leurs parents ou à leurs enfants. Les personnes non identifiées par l’état familial (comme les frères et sœurs, par exemple) peuvent aussi avoir des responsabilités en matière de prestation de soins dans certaines circonstances.
[3] Brooks c. Canada Safeway Ltd, [1989] 1 R.C.S. 1219, au para 40.

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II. Protections internationales

La Cour suprême du Canada a indiqué que les valeurs et les principes contenus dans le droit international font partie du cadre juridique au sein duquel une loi est adoptée et interprétée[4]. Par ailleurs, les commissions des droits de la personne ont été reconnues comme des institutions clés pour la mise en œuvre et la protection des normes internationales relatives aux droits de la personne. En conséquence, la Commission a recours aux normes internationales applicables pour élaborer ses politiques et pour étayer son application et son interprétation du Code.

Les besoins et les droits des personnes avec des responsabilités familiales ont été reconnus dans nombre d’ententes internationales dont le Canada est signataire, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme[5], le Pacte international relatif aux droits civils et politiques[6], le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels[7], la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes[8] et la Convention internationale des droits de l’enfant[9]. En tant que signataire de ces instruments internationaux des droits de la personne, le Canada a reconnu que la famille est une unité fondamentale de la société et s’est engagé à offrir la plus grande protection et la plus grande assistance possibles à la famille.

Dans le cadre de ces accords internationaux sur les droits de la personne, le Canada a accepté de reconnaître les droits particuliers des familles avec de jeunes enfants, d’offrir l’aide appropriée aux parents et aux tuteurs légaux dans l’accomplissement de leurs responsabilités éducatives, et d’assurer le développement d’établissements, d’installations et de services de soins aux enfants.

Un certain nombre de ces accords reconnaissent également le rôle unique que les femmes continuent à jouer dans la prestation des soins à la famille, et exigent que les États parties à ces accords veillent à ce que la maternité soit correctement comprise comme une fonction sociale, encouragent la reconnaissance de la responsabilité commune des hommes et des femmes dans l’éducation et le développement de leurs enfants et prennent des mesures pour veiller à ce que les femmes ne soient pas empêchées de réaliser pleinement leur potentiel, particulièrement dans le lieu de travail, à cause de leurs responsabilités en matière de prestation de soins.


[4] Voir Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1 R.C.S. 1038 et Baker c. Canada (Ministre des Affaires civiques et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, aux para 70-71.
[5] 10 décembre 1948, résolution 217A (III) de l’Assemblée générale de l’ONU. Doc. A/810.
[6] 19 décembre 1966, 999 R.T.N.U. 171, R.T. Can 1976 No 47 (entré en vigueur le 23 mars 1976, accession par le Canada le 19 mai 1976).
[7] 16 décembre 1966, 993 R.T.N.U. 3, R.T. Can 1976 No 46 (entré en vigueur le 3 janvier 1976, accession par le Canada le 19 août 1976).
[8] 18 décembre 1979, 1249 R.T.N.U. 13, R.T. Can 1982 No 31 (entré en vigueur le 3 septembre 1981, accession par le Canada le 9 janvier 1982).
[9] 20 novembre 1989, A.G. Rés. 44/25, R.T. Can 1992 No 3 (entré en vigueur le 2 septembre 1990, accession par le Canada le 12 janvier 1992, article 18).

III. Protections du Code concernant les relations

1. Définitions du Code

Les familles contemporaines de l’Ontario sont extrêmement diverses. Il y a toujours eu des familles qui ne correspondaient pas au modèle de famille « traditionnelle » : c’est-à-dire un père salarié, marié à une mère qui s’occupe à plein temps de leurs enfants. Mais, suite aux changements démographiques qui ont marqué ces dernières décennies, ce modèle ne constitue plus la norme. L’Institut Vanier de la famille indique que moins de la moitié de toutes les familles canadiennes sont actuellement constituées d’un couple marié hétérosexuel avec un enfant ou plus[10]. Certains des changements démographiques les plus importants à l’origine de l’évolution des familles sont notés ci-dessous[11].

  • Près d’un quart des familles avec des enfants sont maintenant des familles monoparentales avec, le plus souvent, une femme à leur tête.
  • Les taux croissants de divorce ont causé une augmentation des familles en garde conjointe et des familles recomposées.
  • On assiste à une reconnaissance grandissante des familles dirigées par des personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgendéristes (LGBT), qu’il s’agisse de parents uniques ou de couples[12].
  • La diversification croissante de la population de l’Ontario s’est accompagnée d’un élargissement de la gamme des interprétations culturelles de la famille, une importance grandissante étant accordée aux réseaux de familles étendues.
  • À mesure que la population de l’Ontario continue à vieillir, les familles ont de plus en plus de responsabilités en matière de prestation de soins aux aînés.
  • Le déplacement en masse des femmes dans la population active payée s’est soldé par un changement des rôles et des attentes concernant chacun des sexes au sein de la famille.

Les relations familiales fondées sur l’attachement et les soins que l’on prodigue à l’autre sont essentielles aussi bien pour le bien-être individuel que pour le fonctionnement efficace de la société. Les personnes qui dispensent des soins à des membres de la famille profitent à la société dans son ensemble et ne devraient donc pas être défavorisées ni faire l’objet de discrimination et d’exclusion.

Le Code prévoit une protection explicite contre la discrimination fondée sur certaines relations en interdisant la discrimination au motif de l’état matrimonial ou de l’état familial.

Le paragraphe 10 (1) du Code définit largement le motif de l’état matrimonial comme suit :

« état matrimonial » signifie le fait d’être marié, célibataire, veuf, divorcé ou séparé. Est également compris le fait de vivre avec une personne dans une union conjugale hors du mariage.

Cette définition inclut les relations entre personnes du même sexe et personnes deu sexe opposé.

Le motif de l’état familial est défini plus étroitement au paragraphe 10 (1) comme le « fait de se trouver dans une relation parent-enfant ».

Ces deux motifs se recoupent pour couvrir toute une gamme de familles, y compris les familles monoparentales et les familles recomposées, ainsi que les familles dont les parents sont dans une relation de même sexe ou d’union de fait.

Ces motifs ne couvrent cependant pas la gamme complète des relations que la plupart des gens considéreraient comme familiales, y compris les relations entre frères et sœurs ou avec des membres de la famille élargie comme les grands-parents et les petits-enfants, les tantes et les oncles, les nièces et les neveux, et les cousins. Ils excluent les types de « familles choisies » souvent adoptées par les personnes LGBT ainsi que diverses formes de réseaux de soutien élaborés par des personnes avec un handicap. Comme on le verra ci dessous, les personnes qui font l’objet de discrimination à cause de ces relations ne peuvent pas déposer de plaintes au motif de « l’état familial » à moins qu’elles ne puissent démontrer un type de relation parent-enfant. Bien que toutes les relations familiales ne soient pas la cible de stéréotypes négatifs ni une source de désavantages, une définition vaste permet de veiller à ce que les besoins des pourvoyeurs de soins dans différentes relations familiales soient pris en compte.

Dans le rapport de consultation sur l’état familial intitulé Le coût de la prestation de soins, la Commission déclare que la définition courante du Code exclut des relations familiales importantes et a un effet négatif sur les personnes définies par les motifs d’orientation sexuelle, d’identité sexuelle, de sexe, de handicap, d’âge, de croyance et de race et motifs connexes (origine ethnique, lieu d’origine, ascendance, citoyenneté et couleur) prévus par le Code, et elle conclut que le Code devrait être modifié de façon à reconnaître le large éventail des types de familles dans l’Ontario contemporain.

La Commission recommande qu’à titre de meilleure pratique, les employeurs, les fournisseurs de logements et les fournisseurs de services reconnaissent une gamme plus vaste de relations familiales que celles qui sont décrites à partir des motifs d’état matrimonial et d’état familial, et qu’ils en tiennent compte.

Exemple : Lorsqu’il élabore sa politique sur les adaptations à offrir en réponse aux besoins des personnes qui fournissent des soins, un employeur inclut les frères et sœurs, la famille élargie et d’autres personnes qui dépendent des soins et de l’aide de l’employé.

2. La portée du motif de l’état familial

Conformément au principe qu’il faut interpréter les protections des droits de la personne de façon large et intentionnelle, les tribunaux et les cours ont donné une interprétation large au motif de l’état familial qui est actuellement défini comme le « fait de se trouver dans une relation parent-enfant ».

Le motif de l’état familial protège les rapports entre les enfants et les parents non biologiques comme dans le cas des familles constituées par adoption, des familles recomposées avec des beaux-parents, des familles d’accueil et des parents non biologiques, et des familles gaies et lesbiennes[13].

Une Commission d’enquête de l’Ontario a énoncé le principe que la définition d’état familial couvre tous ceux qui se trouvent dans un « type » de relation parent enfant :

Une personne agissant en position de parent à l’égard d’un enfant est, à notre avis, incluse dans cette définition; par exemple un tuteur légal ou même un adulte qui fonctionne en fait comme un parent. Il peut arriver, par exemple, suite au décès ou à la maladie d’un membre de la famille ou d’un ami, qu’une personne intervienne et agisse à titre de parent eu égard à l’enfant de l’adulte décédé ou frappé d’incapacité. Ainsi, si un neveu devait habiter avec une tante pendant une période de temps indéfinie, à notre avis, leur relation relèverait du motif « d’état familial »[14].

Le motif de l’état familial peut ainsi englober une gamme de circonstances où il n’y a pas de liens du sang ni de liens d’adoption mais des relations fondées sur la prestation de soins, la responsabilité et l’engagement qui ressemblent aux relations parent-enfant.

Exemple : Lorsqu’une mère chef de famille a du mal à s’occuper de ses deux jeunes enfants à cause de sa situation économique, ses cousins offrent de prendre les enfants jusqu’à ce que la mère retombe sur ses pieds. Lorsque le couple essaie de trouver un logement locatif pour ces deux enfants, une propriétaire leur oppose un refus au motif qu’il s’agit d’un immeuble pour adultes. Le couple dépose une plainte pour discrimination fondée sur l’état familial.

La Commission est partie du principe que le motif de l’état familial comprend les relations d’attention et de soins entre les enfants adultes et ceux qui se trouvent dans une relation parentale avec eux. Par exemple les personnes qui prodiguent des soins à leurs parents âgés sont protégées de la discrimination fondée sur l’état familial. La protection s’étend pour inclure quiconque se trouve dans une relation de type parental avec le pourvoyeur de soins. Par exemple, une personne qui s’occupe d’un grand-parent qui a joué un rôle notable dans son éducation peut être protégée au motif de l’état familial.

Le motif de l’état familial a été interprété comme interdisant une différence de traitement suivant le type de famille. Par exemple, nous avons une longue histoire de traitement différentiel eu égard aux familles constituées par adoption ou par accueil par comparaison avec les familles biologiques. Un tribunal des droits de la personne canadien a jugé que les règles de citoyenneté qui distinguaient entre les enfants biologiques et adoptifs étaient discriminatoires au motif de l’état familial[15].

Les protections des droits de la personne liées à l’état matrimonial et à l’état familial comprennent la protection contre la discrimination au motif de l’identité particulière d’un conjoint ou d’un membre de la famille[16]. Par exemple, il serait discriminatoire pour un employeur de prendre des mesures négatives envers un employé à cause de son animosité personnelle envers l’enfant ou le parent de cette personne.

Exemple : Un homme travaille dans une entreprise familiale avec ses beaux-frères. Lorsque sa fille avance des allégations d’abus sexuel contre l’un de ses oncles, l’homme est immédiatement renvoyé. Il dépose avec succès une plainte au motif des droits de la personne pour discrimination fondée sur l’état familial.

Il faut noter que, dans certaines circonstances, les protections du Code liées au motif de l’état familial chevauchent les protections liées au motif du sexe, et donc de la grossesse. En vertu de ce motif, une femme est protégée contre la discrimination parce qu’elle est, a été ou peut devenir enceinte, ou parce qu’elle a eu un bébé. Cela comprend la période qui suit l’accouchement, notamment la période post-natale et la période d’allaitement. Les employeurs et les fournisseurs de services peuvent, par exemple, être dans l’obligation de répondre aux besoins des mères qui allaitent. On trouvera une discussion complète de ces questions dans la publication de la Commission intitulée Politique concernant la discrimination liée à la grossesse et à l’allaitement maternel.

3. Autres motifs

Il peut y avoir des situations où une personne qui pense qu’elle a été victime d’un traitement négatif à cause de son rôle de pourvoyeuse de soins ne tombe pas dans les catégories définies par les motifs d’état familial ou d’état matrimonial, mais puisse déposer une plainte fondée sur d’autres motifs du Code.

3.1 Discrimination fondée sur le sexe

Le rôle lié à la prestation des soins est traditionnellement attribué aux femmes. On assume quasiment depuis toujours que les femmes sont et doivent être les premières responsables des soins à prodiguer aux enfants, aux parents et aux membres âgés de la famille ainsi qu’aux membres de la famille qui sont malades ou ont un handicap. Les femmes et les hommes qui ne se conformaient pas aux rôles qui leur avaient été assignés par leur sexe faisaient face à une opposition et à des réactions négatives marquées.

Les stéréotypes et les a priori sur les rôles liés à la prestation des soins, bien que moins répandus que dans le passé, restent puissants à un point tel que les problèmes posés par les soins à prodiguer aux proches sont souvent caractérisés comme « des problèmes de femmes ». Bien que les rôles liés aux sexes soient devenus plus flexibles, les responsabilités en matière de prestation de soins restent très liées au sexe féminin, les femmes dispensant la grande majorité des soins aux enfants, aux parents et aux membres de la famille âgés ou avec un handicap[17]. Ces responsabilités contribuent notablement à l’inégalité continue dont souffrent les femmes et ont un impact particulier sur leur aptitude à obtenir et à conserver un emploi et à y progresser. La situation des femmes dans l’emploi, le logement et les services est fondamentalement liée à leur rôle de premiers fournisseurs de soins. Les hommes peuvent aussi, dans certaines circonstances, se trouver défavorisés par ces rôles liés au sexe du fait que, lorsqu’ils assument effectivement les responsabilités premières en matière de soins, ces responsabilités ont moins de chances d’être reconnues et de bénéficier d’un soutien.

Le fait de ne pas reconnaître les responsabilités en matière de prestation de soins et de ne pas en tenir compte est lié à des préjugés de longue date sur le rôle des sexes. En conséquence, il a un effet négatif sur les femmes et, dans certains cas, sur les hommes et peut, dans certaines circonstances, être considéré comme une discrimination fondée sur le sexe au lieu ou en plus de la discrimination fondée sur l’état familial.

Exemple : Parce qu’Eva est la seule fille de sa famille, ses parents et ses frères ont toujours supposé que, lorsque ses parents prendraient de l’âge, elle assumerait le rôle de première pourvoyeuse de soins eu égard à l’un de ses frères qui présente une déficience cognitive grave. Après la mort de ses parents, Eva trouve très difficile de s’acquitter de ses responsabilités familiales tout en conservant un emploi exigeant. Elle demande à son employeur de réduire temporairement ses heures de travail pour lui permettre de mettre des soutiens en place. Son chef lui répond qu’il peut réduire ses heures de travail mais que, puisque le travail n’est plus sa priorité première, il va la rétrograder à un poste de débutante. Eva dépose une plainte au motif des droits de la personne pour discrimination fondée sur le sexe.

3.2 Discrimination pour des raisons fondées sur l’association

L’article 12 prévoit qu’il y a violation du Code lorsqu’il y a discrimination fondée sur des rapports, une association ou des activités avec une personne ou un groupe de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination. Une personne qui se voit refuser un service ou un logement, par exemple, à cause de sa relation avec une personne identifiée par un motif du Code peut déposer une plainte de discrimination pour des raisons fondées sur l’association. Ce motif peut s’étendre à la protection des personnes qui dispensent des soins à des personnes identifiées par le motif du handicap.

Exemple : Un homme qui vit avec un proche qui présente un handicap de mobilité et qui lui prodigue des soins se voit refuser un logement par un propriétaire qui craint que les nouveaux locataires ne demandent que des changements soient apportés à l’appartement pour le rendre plus accessible. L’homme dépose une plainte pour discrimination fondée sur des raisons d’association avec une personne avec un handicap.


[10] L’Institut Vanier de la famille, Profil des familles canadiennes III (2004): 18, en ligne : L’Institut Vanier de la famille www.vifamily.ca.
[11] On trouvera une discussion plus détaillée des tendances démographiques des familles dans le document de travail de la Commission ontarienne des droits de la personne intitulé Les droits de la personne et la famille en Ontario (2005), en ligne : Commission ontarienne des droits de la personne : www.ohrc.on.ca.
[12] Voir, par exemple, la cause M.D.R. c. Ontario (registraire général adjoint), [2006] O.J. No 2268, aux para 111-15 (Cour supérieure de l’Ontario) dans laquelle la Cour a jugé que les dispositions de la Loi sur les statistiques de l’état civil qui empêchaient l’inclusion des deux mères lesbiennes sur la Déclaration de naissance vivante d’un enfant conçu par insémination artificielle violaient les dispositions sur l’égalité de la Charte concernant le sexe et l’orientation sexuelle. Dans une décision très récente de la Cour d’appel de l’Ontario A.A. c. B.B., [2007] O.J. No 2, au para 7 (Cour d’appel de l’Ontario), la Cour a jugé que trois parents légaux pouvaient être reconnus en vertu de la Loi portant réforme du droit de l’enfance : un couple de lesbiennes qui étaient les tuteurs de l’enfant et le père biologique de l’enfant.
[13] Moffatt c. Kinark Child and Family Services (No 4) (1998), 35 C.H.R.R. D/205, au para 12 (Commission d’enquête de l’Ontario), traitait de la discrimination à l’endroit d’un parent d’accueil gai. La discrimination contre les familles adoptives a été traitée dans McKenna c. Canada (Secrétaire d’état) (1993), 22 C.H.R.R. D/486 (TCDP) et Pringle c. Alberta (Affaires municipales) (2003), 48 C.H.R.R. C/111 (Alta. H.R.P.).
[14] York Condominium Corp. No. 216 c. Dudnik (No 2) (1990), 12 C.H.R.R. D/325, au para 165 (Commission d’enquête de l’Ontario), conf. (1991), 14 C.H.R.R. D/406 (Cour divisionnaire de l’Ontario).
[15] Canada (Procureur général) c. McKenna (1993), 22 C.H.R.R. D/486, au para 58 (T.C.D.P.).
[16] B. c. Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) [2002] 3 R.C.S. 403, au para 58.
[17] N. Zukewich, « Soins informels non rémunérés », Tendances sociales canadiennes (Automne 2003) 14; J.A. Frederick et J.E. Fast, « Le profil des personnes qui prodiguent des soins aux aînés », Tendances sociales canadiennes (Automne 1999) 26; D. Cheal, M. Luxton et F. Woolley, How Families Cope and Why Policy-Makers Need to Know (Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, 1998), p. 30.

IV. Rapports entre l’état familial et d’autres motifs prévus par le Code

L’expérience de discrimination au motif de l’état familial peut différer suivant d’autres aspects de l’identité de la personne. Chaque fois qu’il y a un problème en rapport avec l’état familial, il est important d’examiner s’il y a recoupement avec un effet fondé sur le sexe de la personne, son état matrimonial, son orientation sexuelle, sa race et son âge, et si la personne ou le membre de sa famille présente un handicap.

1. Sexe

Comme noté au point III.3.1 ci-dessus, comme la prestation de soins est au cœur du motif de l’état familial et que les rôles et responsabilités liés à la prestation des soins ont été dans le passé et demeurent en grande partie étroitement liés aux rôles et aux stéréotypes concernant les sexes, les problèmes liés à l’état familial ne peuvent pas être compris correctement sans une réflexion approfondie sur l’effet du sexe.

En conséquence, la discrimination systémique fondée sur l’état familial aura souvent également un effet négatif au motif du sexe. De même, le fait de se trouver dans une relation parent-enfant représentera généralement une expérience différente pour les hommes et pour les femmes à cause des attentes, des préjugés et des stéréotypes différents concernant le rôle de la mère et le rôle du père. C’est pourquoi, lorsqu’on examine des plaintes liées à l’état familial, il faut toujours prendre en compte les questions de sexe.

Exemple : Après la naissance de son premier enfant, un père dit à son superviseur qu’il envisage de demander une réduction de ses heures de travail par semaine. Lorsqu’il dit finalement à son superviseur qu’il abandonne sa demande, ce dernier lui dit « Excellent! Nous tolérons ce genre de chose de la part des femmes parce que nous ne pouvons pas faire autrement, mais nous ne nous y attendons pas de la part des hommes. Pour vous, cela représenterait un obstacle à votre carrière. » L’employé estime que son milieu de travail a été empoisonné par ce commentaire et qu’il lui est maintenant impossible de demander des accommodements liés à son état familial.

2. État matrimonial

L’expérience de la prestation des soins sera ressentie très différemment suivant que la personne est mariée ou célibataire, ou fait partie d’une famille en garde conjointe ou recomposée.

La situation des femmes chefs de famille mérite une attention particulière. Les familles monoparentales dirigées par une femme sont économiquement les plus vulnérables de toutes les familles[18], et elles sont également la cible de stéréotypes négatifs persistants, comme le préjugé qu’il s’agit de « familles ratées ». Ces stéréotypes sont souvent particulièrement virulents eu égard aux familles dirigées par une femme des collectivités racialisées ou autochtones. Ces familles doivent souvent faire face à de graves obstacles pratiques lorsqu’elles cherchent à accéder à un logement, un emploi ou des services.

Exemple : Une mère seule noire demande à rencontrer l’enseignant de son fils parce qu’il semble avoir des difficultés avec un certain aspect du programme d’études. Fort des stéréotypes concernant les femmes noires seules, l’enseignant part du principe que l’enfant ne reçoit pas l’appui et la supervision nécessaires à la maison et a peu de chances de réussir à l’école. L’enseignant dit à la mère de l’enfant que « tout bien considéré, il ne faut pas viser trop haut ».

Les familles qui sont le résultat de divorces, comme les familles en garde conjointe ou les familles recomposées, peuvent avoir besoin d’arrangements complexes pour la garde des enfants, le logement et les services, et il se peut que leurs besoins ne soient pas pris en considération par ceux qui conçoivent les logements, les emplois et les services.

Exemple : Un service d’autobus scolaire a pour mission d’offrir le transport à tous les enfants qui en ont besoin et qui vivent à l’intérieur d’un périmètre précis. Il suit une règle selon laquelle il ne prend et ne dépose les enfants qu’à un seul endroit. Une famille en garde conjointe demande une exemption. L’enfant en question passe chaque semaine de la maison de l’un de ses parents à l’autre, et ces maisons sont toutes deux dans le périmètre desservi par l’autobus. Le service d’autobus refuse, déclarant que les parents doivent choisir l’une ou l’autre maison comme l’unique point de ramassage et de dépôt. Les parents déposent une plainte pour discrimination fondée sur l’état familial.

3. Orientation sexuelle et identité sexuelle

Il arrive souvent que les familles constituées de personnes lesbiennes, gaies, bisexuelles et transgendéristes ne soient pas reconnues comme des familles valides et soient donc invisibles aux autres. De même, ces personnes peuvent être la cible de stéréotypes négatifs concernant leur capacité d’être de bons parents. À cause de la discrimination, de l’homophobie et de la transphobie, ces personnes peuvent avoir de la difficulté à discuter ouvertement de leur famille et à demander les services ou les accommodements appropriés. Les membres de ces familles peuvent se retrouver victimes de harcèlement, de mauvais traitements ou d’ostracisme.

Exemple : La fille de parents gais rentre en pleurs à la maison un soir parce que ses camarades de classe se moquent d’elle et la tiennent à l’écart à cause de ses parents. Après avoir essayé sans succès de demander à l’école de faire ce qu’il fallait pour régler le problème, les parents aident leur fille à déposer une plainte au motif des droits de la personne fondée sur l’état familial.

4. Handicap

Les personnes avec un handicap peuvent compter sur un réseau de pourvoyeurs de soins qui comprend non seulement le conjoint, les parents et les enfants, mais aussi la famille étendue et toute une gamme d’arrangements spéciaux tels que le partage du foyer, des réseaux de soutien aux prises de décisions et des formules familiales d’un type différent[19]. Le manque de soutiens sociaux adéquats pour les personnes avec un handicap fait de ces relations un élément essentiel. Ceux qui fournissent ce type de soutien à des personnes avec un handicap font face à des défis et à des obstacles plus marqués que ceux auxquels se heurtent les autres pourvoyeurs de soins, et requièrent des accommodements et un soutien afin d’accéder à l’emploi, au logement et aux services[20].

Exemple : On demande souvent à une mère seule avec un enfant handicapé de venir chercher son enfant à l’école à cause des comportements associés au handicap de son enfant. Éventuellement, son employeur demande à la rencontrer à cause de son « absentéisme persistant ». Lorsque l’employée explique sa situation, l’employeur examine les accommodements possibles et lui offre un horaire flexible qui répond à ses besoins.

De même, les personnes avec un handicap qui ont elles-mêmes des responsabilités en matière de prestation de soins peuvent se heurter à des stéréotypes concernant leur capacité d’être de bons parents ou faire face à des difficultés pour trouver des services qui leur soient accessibles.

5. Âge

Les parents jeunes, particulièrement les parents jeunes seuls, sont souvent la cible de préjugés et de stéréotypes négatifs selon lesquels ils sont jugés irresponsables ou n’ayant pas la capacité d’être de bons parents. Il peut leur être difficile d’avoir accès à un emploi, un logement ou des services. De même, les jeunes parents courent un risque disproportionné d’être pauvres : en 2001, 48 % de toutes les familles dont le principal soutien économique était âgé de moins de 25 ans avaient un revenu faible[21].

À l’autre extrême, les parents âgés d’enfants adultes avec un handicap font face à de nombreuses difficultés car ils ont eux-mêmes davantage de difficultés à prodiguer les soins intensifs dont leurs enfants ont besoin, mais ils ne sont souvent pas capables d’accéder aux soutiens communautaires nécessaires pour assurer le bien-être de ces derniers.

De même il y a un nombre croissant de grands-parents qui sont les premiers pourvoyeurs de soins de leurs petits-enfants. Beaucoup d’entre eux ont des limitations notables de santé et de mobilité, et leurs besoins sont souvent ignorés par ceux qui conçoivent et fournissent les services.

6. Motifs fondés sur la race et liés à la race

Le Code interdit la discrimination fondée sur la race, l’origine ethnique, le lieu d’origine, la couleur l’ascendance, la citoyenneté et la croyance (religion). Ces motifs recoupent le motif de l’état familial de façons complexes.

Il existe encore des stéréotypes négatifs, de nos jours, en ce qui concerne les pratiques et les capacités parentales de différentes collectivités racialisées, et ces préjugés peuvent avoir un effet marqué sur la façon dont les membres de ces collectivités accèdent au logement, ainsi qu’à des services importants comme l’éducation.

De même, les services, l’emploi et le logement sont souvent conçus à partir de définitions de la famille qui ne tiennent pas compte des différences culturelles. Par exemple, les familles immigrantes et de réfugiés qui arrivent de pays où les familles sont généralement plus nombreuses peuvent se heurter à d’extrêmes difficultés pour trouver un logement adéquat.

De même, la marginalisation continue des collectivités racialisées, y compris les niveaux disproportionnés de pauvreté et l’existence continue de discrimination et d’obstacles systémiques, place ces familles dans un état particulier de vulnérabilité aux effets de la discrimination fondée sur l’état familial.

Exemple : Dès son arrivée au Canada, une famille de réfugiés tente de trouver un logement locatif. Comme ces personnes sont nouvelles au Canada et viennent d’une collectivité racialisée, une propriétaire suppose qu’il y a moins de chances qu’elles paient leur loyer et plus de chances qu’elles causent des problèmes. La propriétaire insiste sur le fait qu’elle ne peut louer l’appartement que si la famille lui remet un dépôt de sécurité de trois mois de loyer payés à l’avance.


[18] En 1997, 56 % de toutes les familles monoparentales dirigées par une femme étaient pauvres, par comparaison avec 14 % pour toutes les familles. De même, ces familles couraient plus de risques de rester en permanence des ménages à revenu faible. L’Institut Vanier de la famille, Données sur la famille (2004), en ligne : L’Institut Vanier de la famille : www.vifamily.ca. R. Morisette, « Précarité : familles vulnérables sur le plan financier », Tendances sociales canadiennes (Hiver 2002).
[19] Le partage du logement se fait entre deux ou trois adultes, dont l’un au moins a un handicap, qui choisissent de vivre ensemble; l’un des adultes qui n’a pas de handicap reçoit une rémunération en retour du soutien personnel qu’il offre à l’adulte avec un handicap. Dans un réseau de soutien aux prises de décisions, une ou plusieurs personnes font partie d’un réseau personnel pour aider à prendre des décisions d’ordre personnel, financier et en matière de soins de santé. Dans une famille alternative, une personne avec un handicap vit avec une famille qui n’est pas sa famille de naissance, et les membres de la famille sont payés pour lui offrir un soutien, comme dans les familles d’accueil. (Voir la présentation d’ARCH à la Consultation sur la discrimination fondée sur l’état familial de la Commission ontarienne des droits de la personne, septembre 2005, disponible en ligne à : www.archlegalclinic.ca .
[20] Par exemple, une étude du Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes a trouvé que les travailleurs qui avaient des enfants avec un handicap avaient davantage tendance à refuser les heures supplémentaires, à réduire leurs heures de travail et à décliner les promotions : Moving Mountains: Work, Family and Children with Special Needs (Novembre 2002). Les enfants avec un handicap ont davantage tendance à vivre dans la pauvreté et leurs parents ont deux fois plus tendance à compter sur l’aide sociale comme leur première source de revenu, suivant un journal de l’Association canadienne pour l’intégration communautaire intitulé Developing a Family Supportive Policy Agenda to Advance the Citizenship and Inclusion of People with Disabilities (2006).
[21] L’Institut Vanier pour la famille, L'état actuel du budget de la famille canadienne – Rapport 2005, en ligne : L’Institut Vanier pour la famille www.vifamily.ca.

Code Grounds: 

V. Discrimination fondée sur l’état familial

1. Définitions de la discrimination

Le Code prévoit que chaque personne a le droit d’être traitée également sans discrimination fondée sur son état familial. L’objectif des lois anti-discrimination est d’empêcher que l’imposition de désavantages, de stéréotypes ou de préjugés politiques ou sociaux ne viole la dignité et la liberté humaines. Dans bien des cas, le traitement différentiel à cause de l’état familial est clairement discriminatoire. Cependant, dans d’autres cas, il faut parfois se demander si le traitement peut être considéré comme une « discrimination », c’est-à-dire s’il relève de la protection de la loi sur les droits de la personne. Toutes les distinctions ne peuvent pas être considérées discriminatoires.

Il y a plusieurs façons de définir et d’identifier les discriminations fondées sur l’état familial. La discrimination au motif de l’état familial comprend toute distinction, y compris l’exclusion, la restriction ou la préférence, au motif de l’état familial, qui se solde par un défaut de reconnaissance des droits de la personne et des libertés fondamentales.

D’après la décision de la Cour suprême du Canada dans Andrews cv. Law Society of British Columbia[22], la discrimination fondée sur l’état familial peut être décrite comme une distinction, une conduite ou une action, intentionnelle ou non, mais fondée sur l’état familial d’une personne, qui a pour effet soit d’imposer des fardeaux à un individu ou un groupe qui ne sont pas imposés à d’autres, soit d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d’autres membres de la société.

Dans le contexte des plaintes pour violation du droit à l’égalité en vertu de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés (la « Charte »), la Cour suprême du Canada a proposé que les trois enquêtes suivantes servent d’instrument pour déterminer s’il y avait discrimination[23] :

  1. Traitement différentiel
    Y a-t-il eu traitement effectivement différentiel soit à cause d’une distinction, d’une exclusion ou d’une préférence, soit à cause du défaut de tenir compte de la position déjà défavorisée de l’individu dans la société canadienne?
     
  2. Motif énuméré
    Le traitement différentiel était-il fondé sur un motif énuméré, dans ce cas, sur l’état familial?
     
  3. Discrimination au sens fondamental
    Finalement, le traitement différentiel était-il discriminatoire en ce qu’il imposait un fardeau à une personne ou restreignait son accès à des avantages? La discrimination pourrait être fondée sur une application stéréotypée de présumées caractéristiques personnelles ou de groupe, ou pourrait perpétuer ou promouvoir l’opinion qu’une personne est moins capable ou digne de reconnaissance ou de valeur que les autres en tant qu’être humain ou que membre de la société canadienne alors qu’elle mérite le même intérêt, le même respect et la même considération. Le traitement différentiel est-il devenu discriminatoire parce qu’il faisait des distinctions qui portaient offense à la dignité humaine?

2. Formes de discrimination fondée sur l’état familial

2.1 Attitudes négatives, stéréotypes et préjugés

La discrimination peut prendre bien des formes. Dans certains cas, la discrimination peut être directe et intentionnelle lorsqu’une personne ou un organisme traite délibérément une personne de façon inégale ou différente à cause de son état familial.

Exemple : Une propriétaire décide qu’elle ne veut pas louer ses appartements à des familles avec de jeunes enfants et désigne son bâtiment comme « réservé aux adultes ».

Ce type de discrimination délibérée est généralement le résultat d’attitudes négatives et de préjugés liés à l’état familial.

Les attitudes concernant la prestation des soins et les personnes qui en sont responsables sont profondément ancrées dans notre société, et les préjugés ou commentaires négatifs sur les pourvoyeurs de soins ne sont souvent pas perçus comme une violation grave des droits de la personne. C’est un principe des droits de la personne que les personnes doivent être jugées sur leurs compétences, leurs capacités et leurs attributs individuels plutôt que sur des stéréotypes et des a priori fondés sur le groupe auquel elles appartiennent. Les attitudes négatives et les stéréotypes peuvent tourner au harcèlement et à la discrimination, et gêner l’accès d’une personne à des services, à un emploi et à un logement. L’évaluation individuelle combat les effets des attitudes et des stéréotypes négatifs fondés sur des motifs jugés illicites par le Code, comme l’état familial.

Étant donné que la prestation de soins aux autres est généralement considérée comme un attribut positif, il peut sembler étrange que l’état familial puisse être la source d’attitudes et de stéréotypes négatifs. Cependant, il y a de nombreuses façons dont la discrimination au motif de l’état familial peut se manifester.

Les personnes qui prodiguent des soins aux autres ou celles qui sont perçues comme telles sont parfois supposées être moins compétentes, engagées, intelligentes et ambitieuses que d’autres. Ces attitudes sont souvent influencées par des stéréotypes liés au sexe. Par exemple, lorsque les employées de sexe féminin deviennent des parents ou assument d’autres responsabilités importantes en matière de soins, elles peuvent se retrouver sur la voie de garage réservée aux mères et ne pas être prises en compte pour les promotions, les possibilités d’apprentissage et la reconnaissance à cause de préjugés, conscients ou inconscients, concernant les attributs des mères[24]. Par ailleurs, les hommes qui assument des responsabilités importantes en matière de prestation de soins peuvent être considérés comme moins « virils » parce qu’ils ne se conforment pas aux rôles stéréotypés de leur sexe.

Il y a aussi des préjugés et des stéréotypes concernant qui devrait et qui ne devrait pas prodiguer des soins. Les stéréotypes concernant les personnes avec un handicap ou les personnes LGBT peuvent amener à penser que ces personnes ne sont pas capables d’être de bons parents et ne devraient pas avoir d’enfants. Ils peuvent également faire croire que les personnes LGBT n’ont pas de familles « réelles » et qu’elles n’ont donc pas de responsabilités en matière de prestation de soins alors qu’en fait, ce sont les idées stéréotypées sur la famille qui ont elles-mêmes pour effet de rendre « invisibles » ces familles et leurs besoins. Il y a aussi des préjugés sur les capacités parentales de membres de divers groupes racialisés ainsi que sur la responsabilité et les aptitudes des parents seuls et des parents jeunes.

Le traitement des personnes identifiées par leur état familial peut aussi être influencé par les attitudes concernant différentes formes de famille. Par exemple, la désapprobation des familles monoparentales, des familles d’accueil, des familles avec un grand nombre d’enfants ou des familles dirigées par une personne LGBT a été à l’origine de discrimination et de traitement négatif. Les familles formées par adoption peuvent être traitées comme si elles étaient moins « réelles » ou valides que les familles biologiques.

De même, l’accès aux services et au logement des personnes identifiées par l’état familial peut être entravé par les attitudes négatives à l’égard des enfants – par exemple, l’idée qu’ils font du bruit, qu’ils dérangent et qu’ils ont moins droit aux espaces publics et au logement que les adultes.

2.2 Discrimination subtile

Dans certains cas, la discrimination assume des formes plus subtiles et plus voilées. L’intention ou le motif de discrimination n’est pas un élément nécessaire pour qu’il y ait discrimination – il suffit que la conduite ait un effet discriminatoire.

La discrimination fondée sur un motif du Code a seulement besoin d’être l’une de plusieurs raisons de la décision ou du traitement[25].

Les formes subtiles de discrimination ne peuvent habituellement être reconnues qu’à l’issue de l’examen de toutes les circonstances. Des actes individuels peuvent paraître ambigus ou trouver une explication par eux-mêmes, mais, lorsqu’ils sont considérés dans le cadre d’un contexte plus vaste, ils peuvent conduire à la conclusion que la discrimination fondée sur l’état familial était un facteur dans le traitement imposé à une personne.

Exemple : Lorsqu’une femme retourne au travail après la naissance de son premier enfant, elle remarque que sa carrière, dont la progression avait été rapide, semble avoir tourné court. Les projets qu’on lui confie sont de moindre envergure et elle passe à côté de plusieurs occasions de formation. Lorsqu’elle se renseigne sur les possibilités d’avancement, son chef tente de la décourager en déclarant que le travail requiert un dévouement à toute épreuve et des heures impossibles.

Il peut être difficile de décider si la discrimination subtile est effectivement un facteur dans de telles situations. Il est donc parfois nécessaire de procéder à une enquête et à une analyse pour examiner le contexte, et avoir recours à des preuves comparatives pour vérifier comment les autres ont été traités, ou démontrer qu’un certain type de comportement existe effectivement dans le lieu de travail. Il n’est pas nécessaire que le langage utilisé ou les commentaires qui marquent les interactions entre les parties soient liés à l’état familial pour démontrer qu’il y a eu discrimination au motif de l’état familial. Cependant, lorsque de tels commentaires ont été faits, ils sont une preuve supplémentaire que l’état familial a été un facteur dans le traitement de la personne.

2.3 Harcèlement

Le paragraphe 5 (2) du Code prévoit que tout employé a le droit d’être à l’abri de tout harcèlement au travail imposé par son employeur ou le mandataire de celui ci, ou un autre employé pour des raisons fondées, entre autres, sur l’état familial. Ce droit d’être à l’abri du harcèlement comprend le lieu de travail mais également le « lieu de travail étendu », c’est-à-dire les activités qui se produisent à l’extérieur du lieu de travail matériel ou des heures régulières de travail, mais qui ont un effet dans le lieu de travail, comme les voyages d’affaires, les fêtes de l’entreprise ou d’autres événements qui lui sont rattachés.

Le paragraphe 2 (2) du Code prévoit que l’occupant d’un logement a le droit de vivre sans être harcelé par le propriétaire ou son mandataire ou un occupant du même immeuble pour des raisons fondées, entre autres, sur l’état familial.

Le Code n’a pas de dispositions précises qui traitent du harcèlement dans le secteur des services, des biens et des installations (article 1 du Code), des contrats (article 3 du Code) ou de l’adhésion à une association commerciale ou professionnelle (article 6 du Code). Cependant, la Commission est d’avis que le harcèlement au motif de l’état familial en de telles situations constituerait une violation des articles 1, 3 et 6 du Code qui prévoient un droit à un traitement égal sans discrimination en matière de services, de biens et d’installations, de contrats ou d’adhésion à une association commerciale ou professionnelle, respectivement.

Le harcèlement est défini au paragraphe 10 (1) du Code comme « le fait pour une personne de faire des remarques ou des gestes vexatoires lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns ». La référence à des remarques ou des gestes lorsque la personne « sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques et ces gestes sont importuns » établit un test à la fois subjectif et objectif pour le harcèlement.

La partie subjective du test considère la connaissance qu’a l’auteur du harcèlement de la façon dont son comportement est reçu. Cette connaissance peut prendre différentes formes. Dans certaines situations, il devrait être évident que le geste ou le commentaire sera offensant ou importun. Certains gestes ou commentaires en rapport avec l’état familial d’une personne peuvent ne pas paraître offensants au premier abord. Cependant, ils peuvent toujours être « importuns » du point de vue d’une personne en particulier. Si un comportement semblable se répète malgré les indications de la personne qu’il est importun, il peut y avoir violation du Code.

Exemple : Un certain nombre des employées de sexe féminin d’une entreprise se retrouvent enceintes au cours d’une période relativement courte. Le chef, de sexe masculin, commence à faire des plaisanteries en disant « qu’il doit y avoir quelque chose dans le rafraîchisseur d’eau ». Les autres employés ne trouvent pas la remarque offensante ni menaçante et il n’y a pas d’indication que les employées enceintes soient pénalisées; cependant, une employée craint que les commentaires n’indiquent que son chef est préoccupé par le nombre de grossesses et qu’il considère sa grossesse de façon négative. Elle lui fait part de ses préoccupations. S’il continue à faire de tels commentaires, l’employée pourrait avoir un motif pour déposer une plainte pour harcèlement fondé sur la grossesse ou l’état familial.

La composante objective du test examine, du point de vue d’un tiers « raisonnable », comment un tel comportement serait généralement reçu. La détermination du point de vue d’un tiers « raisonnable » doit tenir compte de la perspective de la personne qui est harcelée[26].

Il est important de noter qu’il n’est pas nécessaire que la personne ait fait objection au harcèlement au moment où il se produisait pour qu’il y ait violation du Code ou pour qu’une personne puisse déposer une plainte en vertu du Code. Une personne qui est la cible de harcèlement peut se trouver dans une situation vulnérable et avoir peur des conséquences si elle s’exprime ouvertement. Les employeurs, les locataires et les fournisseurs de services ont une obligation d’entretenir un environnement où l’on peut vivre sans discrimination ni harcèlement, quelles que soient les objections avancées pour les en détourner. Chaque situation doit être évaluée sur le fond.

Exemple : Lorsque deux parents et un jeune enfant emménagent dans un nouvel appartement, ils se font dire par l’une de leurs voisines qu’elle a élevé ses enfants et que maintenant « elle a droit au calme et à la paix ». Cette voisine n’arrête pas de leur dire que « les enfants ne devraient pas être élevés en appartement, qu’ils ont besoin d’un jardin pour jouer ». Bien qu’ils essaient de toutes les façons d’empêcher leur enfant de faire du bruit, cette voisine se plaint constamment d’eux au propriétaire. Le propriétaire donne à la voisine des renseignements sur les droits et les responsabilités en vertu du Code, et offre soit d’améliorer l’isolation acoustique, soit de reloger la voisine qui se plaint dans le premier appartement vacant disponible.

Du fait que les stéréotypes concernant l’état familial diffèrent en fonction de la race, du sexe, de l’état matrimonial, de l’âge, de l’orientation sexuelle ou d’un handicap, le harcèlement au motif de l’état familial peut prendre différentes formes suivant que la personne touchée est identifiée par d’autres motifs du Code. La Commission est d’avis que, lorsque plusieurs motifs se recoupent pour produire une expérience unique de discrimination ou de harcèlement, cela doit être reconnu si l’on veut définir comme il se doit l’impact de la discrimination ou du harcèlement sur la personne qui en a été victime.

Exemple : Une mère lesbienne mène son petit enfant à une classe de musique pour bébés dans son centre communautaire. Après que sa partenaire l’a rejointe pour l’une des sessions, l’enseignante de musique n’arrête pas de faire des commentaires sur le fait que l’enfant manque de modèle et n’a pas une « vraie famille ».

2.4 Atmosphère empoisonné

La définition que donne le Code du harcèlement prévoit que les commentaires ou les gestes doivent se produire plus d’une fois. Cependant, même un commentaire ou un incident unique, s’il est suffisamment sérieux ou substantiel, peut avoir un impact en créant une atmosphère empoisonnée[27]. Une atmosphère empoisonnée est le résultat des commentaires ou des gestes et de leur impact sur l’individu plutôt que du nombre de fois où le comportement se produit. Une conséquence de la création d’une atmosphère empoisonnée est que certaines personnes sont assujetties à des modalités et à des conditions d’emploi, de location, de services etc. qui sont nettement différentes de celles qui sont imposées aux personnes qui ne font pas l’objet de ces commentaires ou de ces gestes. Ces occurrences représentent un déni de l’égalité en vertu du Code.

Dans le contexte de l’emploi, les tribunaux ont jugé que l’atmosphère d’un lieu de travail est une condition d’emploi tout autant que les heures de travail ou le taux de paie. Les « conditions d’emploi » comprennent l’atmosphère émotionnelle et psychologique du lieu de travail[28]. Le personnel de gestion qui est conscient ou devrait être conscient que l’atmosphère est empoisonnée, mais qui la laisse se perpétuer, fait preuve de discrimination eu égard aux employés touchés, même si eux mêmes ne participent pas à la création de cette atmosphère[29].

Bien que la question de l’atmosphère empoisonnée se soit surtout posée dans le contexte de l’emploi, elle peut également s’appliquer, si elle se solde par une inégalité des conditions, au logement, à la prestation des services, aux contrats et à l’adhésion à une association professionnelle.

2.5 Discrimination systémique et dimensions sociétales

La discrimination fondée sur l’état familial peut souvent prendre des formes systémiques ou institutionnelles. On entend par discrimination systémique ou institutionnelle des formes de comportement, de politiques ou de pratiques qui font partie des structures sociales et administratives d’un organisme, et qui créent ou perpétuent une situation de désavantage relatif pour les personnes identifiées par l’état familial. Ces attitudes ou ces pratiques peuvent apparaître neutres en surface, mais avoir cependant un effet d’exclusion au motif de l’état familial. La discrimination systémique ou institutionnelle est un obstacle majeur pour les personnes identifiées par l’état familial.

La discrimination systémique fondée sur l’état familial peut être liée à des problèmes systémiques associés aux rôles et aux stéréotypes associés au sexe. De même, la discrimination systémique fondée sur l’état familial peut être ressentie différemment suivant qu’elle recoupe d’autres motifs de discrimination comme l’âge, un handicap, le statut matrimonial, la croyance, le fait d’être assisté social, la race et les motifs liés à la race. La discrimination systémique ou institutionnelle doit être examinée dans le contexte des effets interactifs de multiples motifs jugés illicites par le Code.

La discrimination systémique peut avoir ses racines dans des structures sociétales et des attitudes sociales plus vastes. La définition de la famille a eu tendance, au cours de l’histoire, à s’organiser autour d’un ensemble d’a priori concernant le sexe, le statut matrimonial et l’orientation sexuelle, la famille « idéale » étant fondée sur des relations maritales hétérosexuelles où les rôles sont définis en fonction de normes sexuelles strictes. Il y a toujours eu des parents seuls et des familles de même sexe ainsi que des familles où les femmes et les hommes ne se conforment pas aux normes sexuelles relatives à la prestation des soins; cependant ces familles n’ont souvent pas été reconnues en tant que familles et ont fait l’objet non seulement d’attitudes négatives mais aussi de discrimination et de marginalisation ouvertes.

La discrimination systémique ou institutionnelle est liée à des tendances sociétales plus vastes ou influencée par elles. En particulier, le manque de soutiens sociaux adéquats pour la garde des enfants, la prestation de soins aux aînés et aux personnes avec un handicap place les pourvoyeurs de soins dans une situation nettement défavorisée en matière d’accès à l’emploi, au logement et aux services. Par exemple, lorsqu’il est difficile d’avoir accès à des services de garde d’enfants le soir et en fin de semaine, les pourvoyeurs de soins peuvent se trouver notablement défavorisés lorsqu’ils cherchent à accéder à des emplois où le travail se fait par roulement, comme les soins infirmiers ou le commerce de détail. Les pourvoyeurs de soins à des personnes avec un handicap doivent passer un temps considérable pour défendre leur cause en plus de trouver et de conserver des services pour les personnes qu’ils aiment, et cela a un effet sur leur aptitude à trouver et à conserver eux-mêmes un emploi ou à poursuivre des études. Les personnes avec des responsabilités en matière de soins se trouvent parfois devant des décisions extrêmement difficiles à prendre afin de s’acquitter de leurs responsabilités vis-à-vis de ceux dont elles s’occupent. Par exemple, le manque de protection légale pour les personnes qui doivent prendre des congés pour s’occuper de parents âgés signifie qu’elles peuvent être obligées de choisir entre la perte de leur emploi ou l’incapacité de prodiguer des soins à ceux qu’elles aiment lorsqu’ils en ont le plus besoin. Le manque de soutiens sociaux pèse le plus lourdement sur ceux qui sont désavantagés et ne peuvent pas compenser, avec des fonds privés, les lacunes des soutiens sociaux. Ces personnes sont, en nombre disproportionné, des femmes, des jeunes, des personnes âgées, des parents seuls, des personnes avec un handicap et celles qui s’en occupent, et des personnes des collectivités racialisées.

L’interaction entre ces réalités sociétales et les politiques et pratiques institutionnelles est complexe. Par exemple, la situation d’une mère de jeunes enfants qui perd son travail à cause de son incapacité à « équilibrer » son travail et ses responsabilités familiales peut être le résultat des effets composés des politiques rigides et inflexibles de son employeur en matière d’emploi du temps, du manque de soutiens sociaux adéquats pour la prestation des soins, et des normes couramment acceptées sur le rôle des femmes comme premiers fournisseurs de soins. Les employeurs, les fournisseurs de logements et les fournisseurs de services doivent tenir compte du contexte sociétal plus vaste pour déterminer si leurs programmes, leurs politiques et leurs services peuvent avoir un effet disproportionné sur les personnes identifiées par l’état familial. En ne tenant pas compte de ce contexte plus vaste, on risque de perpétuer le désavantage des personnes identifiées par l’état familial, ce qui peut aboutir à une violation du Code.

Une discrimination systémique peut apparaître lorsque les institutions omettent de tenir compte de la réalité des structures familiales contemporaines quand elles conçoivent leurs politiques, programmes et structures. Si les organismes ne conçoivent pas leurs politiques de façon à inclure les personnes avec des responsabilités en matière de soins, les personnes identifiées par l’état familial risquent de se retrouver défavorisées et exclues.

Comme elle le présente plus en détail dans son document intitulé Politique et Directives sur le racisme et la discrimination raciale, la Commission emploie les trois considérations suivantes pour identifier la discrimination systémique et y répondre :

i. Culture organisationnelle

On peut définir la culture organisationnelle comme un ensemble commun de schèmes de comportements sociaux informels qui témoignent de l’existence de valeurs, de préjugés et de normes de conduite profondément ancrés et peut-être inconscients.

ii. Données numériques

Les données numériques démontrant que les membres de certains groupes sont représentés de façon disproportionnée peuvent constituer un indicateur de discrimination systémique ou institutionnelle. Par exemple, la sous-représentation des femmes avec de jeunes enfants aux postes supérieurs dans un organisme, ainsi que leur surreprésentation dans les postes de débutants, peuvent être le signe de pratiques inégales dans les domaines de l’embauche, de la formation ou de la promotion, et de l’insuffisance des accommodements offerts aux personnes identifiées par le sexe et l’état familial. En elles-mêmes, les données numériques ne sont pas habituellement la preuve d’une discrimination systémique; cependant, elles peuvent constituer une forte preuve circonstancielle de pratiques inéquitables.

iii. Politiques, pratiques et processus de prise de décisions

Les politiques, les pratiques et les processus de prise de décisions qui ne tiennent pas compte des réalités des personnes identifiées par l’état familial peuvent aboutir à l’exclusion des personnes qui sont dans une relation parent-enfant et à une discrimination systémique.

Les politiques et les pratiques particulières qui risquent de créer des obstacles systémiques pour les personnes identifiées par l’état familial sont présentées dans les sections sur l’emploi, le logement et les services.

3. Programmes spéciaux et organismes d’intérêt particulier

L’article 14 du Code autorise l’adoption de programmes spéciaux dans tous les domaines sociaux. Cela permet d’offrir des programmes ou des traitements préférentiels axés uniquement sur les personnes identifiées par l’état familial si l’objet du programme est de soulager les difficultés ou les désavantages économiques, ou d’aider les personnes ou les groupes défavorisés à atteindre l’égalité des chances.

Exemple : Suite aux recherches qui indiquent que les femmes chefs de famille ont souvent de la difficulté à trouver et à garder un emploi à cause du manque de possibilités de garde d’enfants abordable, un centre communautaire élabore un programme de garde d’enfants axé particulièrement sur les familles à faible revenu dirigées par une femme.

Il est important que les programmes spéciaux soient conçus de telle façon que les restrictions prévues par le programme soient liées rationnellement à l’objectif qu’il vise. Si cela n’est pas fait, le programme risque d’être mis en cause et d’être trouvé discriminatoire[30].

Le document de la Commission intitulé Directives concernant les programmes spéciaux donne des renseignements détaillés sur la façon dont un programme spécial doit être planifié, mis en œuvre et suivi.

L’article 18 du Code autorise certains types d’organismes à limiter la participation ou l’appartenance si elle est fondée sur des motifs du Code, notamment l’état familial.

18. Ne constitue pas une atteinte aux droits, reconnus dans la Partie I, à un traitement égal en matière de services et d’installations, avec ou sans adaptation, le fait qu’un organisme ou un groupement religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination, n’accepte que des personnes ainsi identifiées comme membres ou participants.

Un organisme qui désire s’appuyer sur cette défense doit démontrer qu’il répond à toutes les exigences de l’article.


[22] Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S 143, p. 174.
[23] Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, au para 88 [ci-après « Law »]. Il n’a pas encore été décidé en jurisprudence s’il est approprié d’appliquer ce test à la législation sur les droits de la personne. Dans Vancouver Rape Relief Society c. Nixon, [2005] B.C.J. No 2647 (B.C.C.A.), la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a refusé d’appliquer le test « Law » pour déterminer s’il y avait eu discrimination, déclarant, au para 41, que : « Si [...] l’Assemblée législative a déclaré qu’un certain comportement est interdit et a établi les défenses disponibles [...] l’Assemblée législative, à titre de législateur, a concilié des droits opposés d’une façon que nous ne pouvons pas ignorer et qui est par présomption juste. » [Traduction libre]. Par ailleurs, dans une décision récente de la Cour d’appel de l’Alberta, Alberta (Ministre des Ressources humaines et de l’Emploi) c. Alberta (Commission des droits de la personne, des affaires civiques et du multiculturalisme), [2006] A.J. No 988, au para 67 (Alta. C.A.), la Cour s’est fondée sur l’analyse de « Law »  pour juger qu’il n’était pas discriminatoire de refuser des allocations de logement aux prestataires de l’aide sociale qui vivent avec leurs parents. La Cour divisionnaire de l’Ontario a récemment appliqué l’analyse de « Law »  dans Ontario Secondary School Teachers’ Federation c. Upper Canada District School Board, 78 O.R.(3d) 194, au para 28.
[24] Certaines études ont indiqué que l’on a tendance à percevoir les mères comme moins compétentes et engagées dans leur travail que, soit les pères, soit les personnes sans enfant de l’un et l’autre sexes, et que l’on est moins intéressé à recruter, promouvoir et éduquer des mères, par rapport aux pères ou aux employés sans enfant. Voir Kathleen Fuegen et al., « Mothers and Fathers in the Workplace: How Gender and Parental Status Influence Judgments of Job-Related Competence », Journal of Social Issues, volume 60, numéro 4, page 737, décembre 2004 et Cuddy et al., « When Professionals Become Mothers, Warmth Doesn’t Cut the Ice », Journal of Social Issues, volume 60, numéro 4, page 701, décembre 2004.
[25] Gray c. A&W Food Service of Canada Ltd. (1994), C.H.R.R. Doc 94-146 (Commission d’enquête de l’Ontario); Dominion Management c. Velenosi, [1977] O.J. No 1277, au para 1 (Cour d’appel de l’Ontario); Smith c. Mardana Ltd. (No 1) (2005), 52 C.H.R.R. D/89, au para 22 (Cour divisionnaire de l’Ontario).
[26] Dhanjal c. Air Canada (1996), 28 C.H.R.R. D/367, au para 210 (T.C.D.P.).
[27] Dhanjal c. Air Canada, ibid., au para 209.
[28] Dhillon c. F.W. Woolworth Co. (1982), 3 C.H.R.R. D/743, au para 6691 (Commission d’enquête de l’Ontario), Naraine c. Ford Motor Co. of Canada (No 4) (1996), 27 C.H.R.R. D/230, au para 50 (Commission d’enquête de l’Ontario).
[29] Ghosh c. Domglas Inc. (No 2) (1992), 17 C.H.R.R. D/216, au para 76 (Commission d’enquête de l’Ontario); Naraine c. Ford Motor Co. of Canada (No 4) ibid., au para 54.
[30] Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) et Roberts c. Ontario (Ministère de la Santé) (No 1) (1989), 10 C.H.R.R. D/6353 (Commission d’enquête de l’Ontario), conf. 14 C.H.R.R. D/1 (Cour divisionnaire de l’Ontario), révis. (1994), 21 C.H.R.R. D/259 (C.A.).

Discrimination Type: 

VI. L’obligation d’accommodement

La question de l’obligation d’accommodement ne se posera que si un cas prima facie de discrimination au motif de l’état familial a été démontré, comme expliqué ci dessus. Généralement, l’obligation d’accommodement ne posera un problème que dans les cas où les règles, les politiques, les pratiques ou les structures institutionnelles, les a priori ou la culture perpétuent ou encouragent le désavantage des personnes identifiées par un état familial particulier.

Dans le contexte de l’état familial, les accommodements sont habituellement associés aux besoins en matière de prestation des soins. Les accommodements sont essentiels pour surmonter les désavantages subis par les pourvoyeurs de soins, particulièrement dans les domaines de l’emploi et des services. La plupart d’entre nous serons à la fois des fournisseurs et des bénéficiaires de soins au cours de notre vie, si bien que les adaptations pour faciliter la prestation des soins nous profitent à tous.

Les besoins d’une personne en matière de prestation de soins varient au cours de la vie. La nature des besoins associés aux soins des enfants, par exemple, sera bien différente de la nature des besoins associés aux soins dispensés à un parent âgé. Certains besoins restent stables pendant de longues périodes de temps alors que d’autres sont créés par l’urgence.

La plupart du temps, l’adaptation aux besoins en matière de prestations de soins n’est ni gênante ni coûteuse; c’est plutôt une affaire de flexibilité. Une approche flexible et adaptée représente en dernière analyse un avantage notable pour les employeurs qui veulent attirer et conserver de bons employés, et pour les fournisseurs de services et les propriétaires qui veulent étendre leur marché potentiel.

Les sections suivantes décrivent le test légal de base que les personnes responsables des accommodements doivent observer, les principes de l’accommodement et les responsabilités partagées de toutes les parties à l’égard du processus d’adaptation.

1. Le test légal

L’article 11 du Code, combiné à l’article 9, a pour effet d’interdire la discrimination qui résulte d’exigences, de qualités requises ou de facteurs qui peuvent paraître neutres mais qui ont un effet négatif sur les personnes identifiées par l’état familial. L’article 11 autorise la personne responsable de l’accommodement à prouver que l’exigence, la qualité requise ou le facteur est raisonnable et de bonne foi en démontrant qu’elle ne peut pas tenir compte des besoins du groupe auquel le plaignant appartient sans subir elle-même un préjudice injustifié.

La Cour suprême du Canada utilise un cadre pour examiner si l’obligation d’accommodement a été observée . Si une discrimination prima facie est réputée exister, la personne responsable de l’accommodement doit établir, selon la prépondérance des probabilités que la norme, le facteur, l’exigence ou la règle :

  1. a été adopté dans un but ou objectif rationnellement lié aux fonctions exercées;
  2. a été adopté de bonne foi en croyant qu’il était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif;
  3. est raisonnablement nécessaire à la réalisation du but ou de l’objectif en ce sens que le défendeur ne peut pas tenir compte des besoins du plaignant sans que cela lui impose un préjudice injustifié.

En conséquence de ce test, il est préférable d’avoir une règle ou une norme qui s’adresse à tous et prévoie des accommodements aux différences individuelles jusqu’au point où ils constitueraient un préjudice injustifié, plutôt que de maintenir des normes discriminatoires et d’y ajouter des accommodements pour les personnes qui ne peuvent pas les observer. Cela permet de faire en sorte que chaque personne soit évaluée en fonction de ses propres compétences personnelles au lieu d’être jugée par rapport aux caractéristiques présumées d’un groupe[32].

Le problème ultime est de décider si la personne responsable de l’accommodement a démontré que l’accommodement avait été offert jusqu’au point où il constituerait un préjudice injustifié. Dans cette analyse, la procédure d’évaluation de l’accommodement est aussi importante que son contenu même[33].

Les facteurs suivants ne sont pas exhaustifs, mais doivent être pris en compte au cours de l’analyse[34] :

  • si la personne responsable de l’accommodement s’est renseignée sur des approches différentes qui n’ont pas d’effet discriminatoire;
  • les raisons pour lesquelles des solutions viables n’ont pas été mises en œuvre;
  • l’aptitude à adopter des normes différentes qui correspondent aux différences et aux capacités individuelles et de groupe;
  • si les personnes responsables de l’accommodement peuvent atteindre leurs objectifs légitimes d’une façon moins discriminatoire;
  • si la norme est conçue correctement pour assurer la qualité désirée sans imposer un fardeau excessif à ceux auxquels elle s’applique;
  • si les autres parties qui sont tenues d’aider à la recherche d’accommodements remplissent leurs rôles.

2. Conception inclusive

Beaucoup d’aspects de la société sont fondés sur des notions traditionnelles de la « famille idéale » et peuvent exclure les membres des familles qui ne se conforment pas à ces idées. Par exemple, les heures de travail normales et supplémentaires rappellent une époque où il était courant, pour les familles, d’avoir un de leurs membres à la maison pour dispenser des soins à plein temps aux enfants et aux aînés; les politiques relatives à l’enregistrement des naissances n’ont reconnu que très récemment les familles créées par les personnes gaies et lesbiennes; les politiques des conseils scolaires sur les autobus scolaires peuvent ne pas reconnaître les besoins des familles en garde conjointe; et le manque d’accès à des programmes d’université à temps partiel exclut les personnes qui ont des exigences importantes en matière de prestation de soins. Le fait de ne pas tenir compte, dans les conceptions, des besoins des personnes défavorisées par l’état familial peut leur créer des obstacles et en faire des victimes de discrimination.

La Cour suprême du Canada a énoncé clairement que la société doit être conçue de façon à inclure toutes les personnes indépendamment de leur appartenance à un groupe protégé par le Code[35]. Il n’est plus acceptable de structurer des systèmes d’une façon qui ignore les besoins liés à l’état familial; bien plutôt, les systèmes doivent être conçus de façon à ne pas créer d’obstacles physiques, systémiques ou au niveau des attitudes pour les personnes défavorisées par l’état familial.

Un corollaire de cette idée qu’il faut éviter les obstacles à l’étape de la conception en la rendant inclusive est que, là où des systèmes et des structures existent déjà, les organismes doivent être conscients de l’existence possible d’obstacles systémiques et chercher activement à les débusquer et à les éliminer. Lorsque les obstacles ont été identifiés, les organismes doivent les supprimer plutôt que de mettre en place des adaptations au coup par coup à moins que cela ne leur cause un préjudice injustifié.

La conception inclusive n’est pas seulement un principe des droits de la personne, c’est une question de bon sens. Les employeurs qui ne tiennent pas compte des besoins des personnes qui ont des responsabilités en matière de prestation des soins risquent de souffrir de niveaux plus élevés d’absentéisme, d’épuisement professionnel et de renouvellement parmi leurs employés. Des pratiques flexibles et inclusives peuvent être un atout considérable pour attirer et pour conserver des travailleurs hautement spécialisés et motivés[36]. De même, les fournisseurs de services qui ne tiennent pas compte des besoins des familles risquent de se couper d’un marché potentiel important.

3. Identification des besoins liés à l’état familial

Dans la plupart des cas, les besoins d’accommodement associés à l’état familial sont liés aux responsabilités en matière de prestation des soins. Les tribunaux des droits de la personne ont jugé que le motif de l’état familial doit être interprété de façon à inclure les besoins en matière de prestation de soins associés à la relation parent-enfant[37].

Toutes les circonstances liées à l’état familial et à la prestation des soins ne donnent pas lieu à une obligation d’accommodement. Comme noté ci dessus, l’obligation d’accommodement n’apparaît que lorsqu’un cas de discrimination prima facie a été démontré. Lorsque les règles, les exigences, les normes ou les facteurs ont pour effet de défavoriser des personnes qui ont des responsabilités importantes en matière de prestation de soins en rapport avec leur état familial, soit en leur imposant des fardeaux qui ne sont pas imposés aux autres, soit en leur refusant ou en limitant leur accès à des possibilités, des bénéfices ou des avantages offerts aux autres, une obligation d’accommodement aux besoins liés à la prestation des soins associés à l’état familial peut se présenter[38]. Dans la plupart des cas où il y a un conflit notable entre une responsabilité importante en matière de prestation de soins et une règle, une exigence, une norme ou un facteur institutionnel, une obligation d’accommodement s’impose[39].

Pour décider si une obligation d’accommodement s’impose, les considérations suivantes peuvent être utiles :

  1. La nature de la responsabilité en matière de prestation de soins et le conflit entre cette responsabilité et les règles, exigences, normes, processus et autres facteurs de l’organisme.
    Ce facteur doit être évalué au cas par cas. Plus l’obligation en matière de prestation de soins en cause est importante et plus l’interférence de cette règle, exigence ou facteur est grave, plus il y a de chances qu’une obligation d’accommodement s’impose. Par exemple, il y a plus de chances que l’obligation d’accommodement s’impose en cas de maladie grave d’un membre de la famille qu’en réponse au désir d’être présent à une activité de loisirs d’un enfant[40]. L’évaluation de la responsabilité en cause doit être fondée sur la réalité pratique et vécue des soins prodigués à des enfants, des aînés ou des personnes avec un handicap. Elle doit également tenir compte de toute la gamme des différents types de familles : par exemple, les a priori stéréotypés sur les LGBT peuvent rendre ces familles, et donc leurs besoins d’accommodement, invisibles pour les employeurs.
     
  2. Les obstacles systémiques auxquels font face les pourvoyeurs de soins, y compris les effets de recoupement avec les motifs du handicap, de l’âge, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la race et des motifs liés à la race, et de l’état matrimonial.
    Il est trop facile de considérer les besoins individuels en matière de prestation de soins comme des problèmes personnels isolés. Un employé qui cherche à réduire ses heures de travail ou à rendre son horaire flexible pour répondre aux besoins de ses enfants ou de ses parents vieillissants peut facilement être considéré comme exprimant simplement ses préférences personnelles pour trouver un équilibre entre ses différentes responsabilités. Considérés à la lumière plus vaste des désavantages auxquels font face les personnes qui dispensent des soins, particulièrement celles qui sont vulnérables du fait qu’elles sont racialisées, qu’elles ont un revenu faible, qu’elles sont nouvellement arrivées, que ce sont des femmes, qu’elles ont un handicap ou qu’elles sont seules en charge des enfants, ces « problèmes personnels isolés » peuvent être vus dans une lumière différente.

    En évaluant les demandes d’accommodement fondées sur l’état familial, les organismes devraient s’interroger sur les obstacles systémiques qui risquent d’exister dans leur propre établissement et se poser des questions sur la représentation qu’ils se font des personnes avec d’importantes responsabilités en matière de prestation de soins, sur leur culture organisationnelle et sur le caractère inclusif de leurs politiques, procédures et pratiques en matière de prise de décisions. Les obstacles systémiques particuliers auxquels doivent faire face les personnes qui prodiguent des soins dans les secteurs de l’emploi, du logement et des services sont discutés dans les sections correspondantes.
     
  3. La disponibilité et la pertinence des soutiens sociaux disponibles pour répondre aux besoins des pourvoyeurs de soins
    Pour déterminer si une règle, un facteur ou une exigence entrave notablement une responsabilité de prestation de soins, il est important de se demander s’il existe ou non des services et des soutiens sociaux qui pourraient aider la personne à répondre à ses besoins sans avoir recours à des accommodements. Par exemple, les employés qui travaillent par roulement et découvrent qu’il n’existe simplement pas de soutien en matière de garde d’enfants ou de soins aux personnes âgées le soir et en fin de semaine ont besoin de trouver un accommodement avec leur employeur. Il faut tenir compte à la fois de la pertinence et de la disponibilité des soutiens : les pourvoyeurs de soins ne devraient pas être obligés de placer les personnes qu’ils aiment dans des situations de risque notable, de préjudice physique, émotionnel ou psychologique afin de répondre aux besoins de leur employeur, de leur propriétaire ou de leur fournisseur de services.

4. Accommodement approprié

Lorsqu’un besoin d’accommodement lié à l’état familial a été identifié, l’organisme doit trouver et mettre en œuvre l’accommodement le plus approprié dont l’application ne lui cause pas un préjudice injustifié. La détermination de ce qui est et de ce qui n’est pas un accommodement approprié est une détermination séparée de l’analyse du préjudice injustifié.

Un accommodement sera considéré approprié s’il a pour effet de donner à la personne une chance égale de parvenir au même niveau de rendement et de profiter du même niveau d’avantages et de privilèges que les autres, ou s’il est proposé ou adopté dans le but d’exploiter une possibilité et qu’il répond aux besoins liés à l’état familial de la personne.

Exemple : Plutôt que d’exiger des employés qui ont des besoins en matière de prestation de soins d’utiliser leurs jours de vacances pour répondre à ces besoins, et donc de perdre des avantages sociaux par rapport aux autres employés, un employeur permet aux employés d’utiliser leurs journées de maladie à la fois pour leurs propres maladies et pour celles des personnes dont ils s’occupent.

Les organismes n’ont pas besoin d’offrir plus que ce que la personne requiert afin de répondre aux besoins réels identifiés liés à l’état familial. Par exemple, si le changement de l’emploi du temps permet à l’employé de s’acquitter d’une responsabilité importante en matière de prestation de soins, l’employeur n’a pas besoin de lui offrir un jour de congé payé.

L’accommodement le plus approprié sera l’accommodement qui facilite le plus l’inclusion et la participation complètes et qui répond de façon efficace aux problèmes systémiques.

Exemple : Plutôt que d’offrir une exemption unique à une étudiante avec des responsabilités substantielles en matière de prestation de soins pour lui permettre d’obtenir son diplôme en travaillant à mi temps, un établissement d’éducation réexamine si l’exigence que les élèves terminent leurs études à plein temps est une exigence de bonne foi. Lorsqu’il détermine que ce n’est pas le cas, il change la règle et autorise les études à temps partiel.

Il sera plus difficile pour un organisme qui n’a pas pris les mesures nécessaires pour examiner et mettre en place des politiques et des pratiques qui soutiennent et incluent les pourvoyeurs de soins de justifier son refus des demandes individuelles de flexibilité.

C’est un principe de la loi sur les droits de la personne qu’il n’y a pas de formule fixe pour l’accommodement : les besoins de chaque personne sont uniques et doivent être considérés à nouveau chaque fois qu’une demande d’accommodement est présentée. Les accommodements doivent tenir compte des situations et des exigences individuelles. Cependant, il est également vrai que beaucoup d’accommodements profitent à un grand nombre de personnes identifiées par le motif de l’état familial.

Si l’accommodement le plus approprié risque de causer un préjudice injustifié à l’organisme, celui-ci doit envisager d’avoir recours à l’accommodement le plus proche ou à un accommodement graduel ou intérimaire.

Les accommodements doivent tenir compte des réalités pratiques de la prestation de soins. Un accommodement qui n’est pas en accord avec de bonnes pratiques de prestation de soins ou qui risque d’imposer un fardeau indu à la famille ne sera pas jugé approprié.

Exemple : Le père d’un enfant avec un handicap a trouvé un centre qui peut offrir des programmes et des soins spécialisés à l’enfant après les heures d’école. Cependant, le centre ferme à 17 h. Une solution possible est de laisser l’enfant avec un adolescent du voisinage après l’école. Cependant, du fait de la nature des besoins médicaux complexes de l’enfant, le père est préoccupé par le fait que toute erreur ou tout manque d’attention de la part de l’adolescent place l’enfant dans une situation de risque. Bien que l’employeur du père préfère le second choix parce que ses heures normales vont de 9 h à 17 h 30, il reconnaît que cela ne serait pas une adaptation appropriée et autorise plutôt le père à travailler de 8 h à 16 h 30.

On trouvera des exemples de stratégies possibles d’accommodement dans le contexte de l’emploi à la section IX.3.

5. Rôles et responsabilités

L’accommodement est un processus qui fait intervenir plusieurs parties. Toutes les personnes qui participent au processus d’accommodement devraient travailler dans la coopération et le respect afin d’élaborer et d’appliquer des solutions appropriées.

La personne qui demande l’accommodement a la responsabilité d’informer la personne à qui elle adresse sa demande qu’elle a des besoins en matière de prestation de soins liés à une relation parent-enfant et qu’il y a un conflit entre ses besoins et les règles, exigences, normes, processus ou procédures de l’organisme.

Les personnes qui demandent un accommodement devraient faire des efforts raisonnables pour chercher à tirer parti des ressources de l’extérieur à leur portée avant de présenter une demande d’accommodement à un employeur, un propriétaire ou un fournisseur de services. Cependant, ces ressources devraient :

  • répondre de la façon la plus appropriée aux besoins d’accommodement de la personne,
  • être conformes aux bonnes pratiques de prestation de soins,
  • ne pas imposer un fardeau indu à la famille.

Ce sont les personnes qui ont besoin de l’accommodement qui sont les mieux placées pour identifier et évaluer les ressources de l’extérieur. Cependant, c’est une bonne pratique pour les employeurs et les fournisseurs de services d’aider leur personnel à se renseigner sur ces ressources, par exemple grâce au programme d’aide aux employés.

Les fournisseurs d’accommodement devraient accepter de bonne foi les demandes à moins qu’il y ait des raisons objectives de ne pas le faire. Si nécessaire, les organismes peuvent demander une preuve de la validité des besoins de la personne qui demande l’accommodement, par exemple une preuve médicale liée au handicap ou à la maladie d’un membre de la famille.

Exemple : Une employée a des antécédents d’absentéisme et a fait l’objet de mesures disciplinaires dans le passé pour ne pas avoir fourni de raisons valides à ses absences. Lorsque cette employée demande que ses heures de début et de fin de travail soient plus flexibles pour lui permettre de répondre à de nouvelles responsabilités envers une personne âgée, l’employeur demande des informations supplémentaires pour vérifier que le besoin existe.

Les organismes peuvent demander les renseignements raisonnables nécessaires pour clarifier la nature et la portée du besoin d’accommodement.

Exemple : Une employée demande un long congé pour s’occuper d’un enfant atteint d’une grave maladie. L’employée fournit à l’employeur les documents médicaux qui confirment la maladie de l’enfant et en prévoient la durée approximative.

L’organisme peut aussi demander des renseignements raisonnables au sujet de toute ressource de l’extérieur disponible sur laquelle la personne s’est renseignée.

Exemple : Le père d’un employé a fait une chute grave et n’est plus capable de s’acquitter des tâches ménagères par lui-même. L’employé demande une réduction temporaire de ses heures de travail hebdomadaire pour pouvoir s’occuper des besoins de son père. Il indique à son employeur qu’il s’est renseigné sur les services à domicile pour son père et qu’il y a une liste d’attente d’approximativement six mois. L’employeur lui accorde une semaine de travail réduite pendant six mois.

Cependant, les organismes ne devraient pas demander de détails sur les arrangements familiaux privés à moins qu’il y ait des raisons objectives de croire que la personne qui demande l’accommodement n’agit pas de bonne foi. Par exemple, un employeur n’a pas nécessairement le droit de savoir pourquoi un autre frère ou sœur ne joue pas un rôle plus important dans les soins apportés à un parent vieillissant. Les fournisseurs d’accommodement ne devraient pas poser de questions fondées sur des stéréotypes (comme « pourquoi est-ce que votre femme ne le fait pas? »).

Comme les renseignements liés aux besoins et aux arrangements familiaux peuvent être extrêmement personnels, les organismes devraient prendre des mesures pour veiller à ce que les renseignements demandés restent confidentiels et ne soient partagés qu’avec ceux qui en ont besoin.

Les organismes devraient agir en temps utile, jouer un rôle actif dans la recherche de solutions et assumer les coûts exigés par l’accommodement. Les demandeurs d’accommodement devraient collaborer au processus, fournir les renseignements pertinents et observer toute norme dont ils ont convenu une fois que l’accommodement a été fourni.

6. Préjudice injustifié

Les fournisseurs ne sont pas tenus d’offrir des accommodements qui leur causeraient un préjudice injustifié. Le test pour définir le préjudice injustifié est expliqué en détail dans le document de la Commission intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement. La même norme s’applique à tous les motifs du Code, y compris l’état familial.

Le Code prescrit trois considérations pour évaluer si un accommodement causerait un préjudice injustifié. Aucune autre considération, à part celles qui peuvent tomber dans ces trois catégories, ne peut être sérieusement considérée. Il s’agit de ce qui suit :

  • le coût,
  • les sources extérieures de financement, s’il en est,
  • les exigences en matière de santé et de sécurité, le cas échéant.

Le fardeau de la preuve qu’un accommodement causerait un préjudice injustifié repose sur le fournisseur de l’accommodement. Les preuves requises pour démontrer un préjudice injustifié doivent être réelles, directes, objectives et, s’il s’agit de coûts, chiffrables. Une simple allégation, sans preuve à l’appui, que le coût ou le risque est « trop élevé », fondée sur des impressions ou des stéréotypes, ne suffira pas.

Dans la plupart des cas, les accommodements qui permettent de répondre aux besoins liés à l’état familial n’exigent pas de dépenses notables. Ils entraînent plutôt une augmentation de la flexibilité des politiques, des règles et des exigences. Cela peut présenter certains inconvénients administratifs, mais les inconvénients par eux-mêmes ne constituent pas un facteur de définition d’un préjudice injustifié.

Les accommodements offerts aux personnes identifiées par l’état familial peuvent, dans certains cas, causer du ressentiment parmi les collègues de travail qui perçoivent ces personnes comme bénéficiant de privilèges et d’avantages injustifiés. Le recours à une approche inclusive de l’accommodement répondra à certaines de ces préoccupations puisque tout le monde peut tirer avantage des méthodes qui augmentent la flexibilité et le choix. Étant donné que chacun d’entre nous sera soit un bénéficiaire soit un fournisseur de soins à un moment ou un autre de sa vie, les accommodements offerts en réponse aux besoins liés à l’état familial finissent par profiter à tous. En tout cas, les employeurs devraient prendre des mesures positives pour sensibiliser leurs organismes au Code et veiller à ce que les demandeurs d’accommodement ne se retrouvent pas victimes d’une atmosphère empoisonnée.


[32] British Columbia (Superintendent of Motor Vehicles) c. British Columbia (Council of Human Rights), [1999] 3 R.C.S. 868 [ci-après Grismer], au para 20.
[33] Meiorin, note 31 supra, au para 66.
[34] Meiorin, note 31 supra, au para 65.
[35] Dans Meiorin, note 31 supra, la Cour suprême a déclaré ce qui suit au para 68 :

Les employeurs qui conçoivent des normes pour le milieu de travail doivent être conscients des différences entre les personnes et des différences qui caractérisent des groupes de personnes. Ils doivent intégrer des notions d’égalité dans les normes du milieu de travail. En adoptant des lois sur les droits de la personne et en prévoyant leur application au milieu de travail, les législatures ont décidé que les normes régissant l’exécution du travail devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire [p. 38].

[36] Il existe de nombreuses études sur la question des pratiques de travail flexibles et sur ce que le manque de flexibilité coûte aux employeurs. Voir, par exemple, Catalyst, Beyond a Reasonable Doubt: Building the Business Case for Flexibility, 2005; Aon Consulting, Canada@Work Study, 1999; Conference Board of Canada, Survey of Canadian Workers on Work/Life Balance, 1999; L. Duxbury et al., Examen du conflit entre le travail et la vie personnelle et des contraintes qu'il exerce sur le système de santé canadien (Ottawa : Agence de santé publique du Canda, juin 1999).
[37] Dans Brown c. Ministre du Revenu national, Douanes et Accise (1993), 19 C.H.R.R. D/39, leTribunal canadien des droits de la personne a déclaré ce qui suit au para 75 :

De l'avis du Tribunal, l'interprétation de l'article 2 de la LCDP en fonction de son objet consiste à reconnaître clairement, dans le contexte de la « situation de famille », le droit et l'obligation du parent de chercher à atteindre cet équilibre [entre les besoins de la famille et les exigences de l’emploi] ainsi que l'obligation manifeste pour l'employeur d'aider le parent à cet égard en fonction des critères énoncés dans l'arrêt Alberta Dairy Pool. [...] Une interprétation moins sérieuse des problèmes auxquels la famille moderne fait face dans le milieu de travail enlèverait tout son sens au concept de la « situation de famille » comme motif de discrimination.

[38] Dans Health Sciences Association of British Columbia c. Campbell River and North Island Transition Society, [2004] B.C.J. No 922 (B.C.C.A.) [ci-après « Health Sciences »], la Cour d’appel de la Colombie-Britannique a insisté sur le fait qu’avant que ne soit considérée la nécessité d’un accommodement au motif de l’état familial, une cause prima facie de discrimination doit être établie, et déclare ce qui suit au para 38 :

[Les paramètres du concept d’état familial] ne peuvent pas être illimités [...] car cela pourrait causer le désordre et beaucoup de mal dans le lieu de travail; dans la présente cause, le concept ne peut pas non plus être limité au « simple fait d’être un parent » comme avancé par l’arbitre [...], car cela ne répondrait pas aux conséquences gravement négatives que certaines décisions des employeurs pourraient avoir sur les obligations parentales et autres obligations familiales de tous les employés, de certains employés ou d’un seul des employés touchés par de telles décisions. [Traduction libre]

[39] [Une] cause prima facie de discrimination est établie lorsqu’un changement imposé par l’employeur à une modalité ou condition d’emploi a pour effet de causer une interférence grave avec une obligation ou un devoir parental ou familial substantiel de la personne employée. Health Sciences, ibid., au para 39.
[40] Dans une récente décision du Tribunal des droits de la personne de la Saskatchewan, Palik c. Lloydminster Public School Div. No. 99 (2006), C.H.R.R. Doc. 06-630, au para 124, le licenciement par un employeur d’une employée qui assistait au tournoi de hockey de son fils diabétique pendant un jour de travail, sans l’autorisation de l’employeur, a été jugé ne pas constituer une discrimination fondée sur l’état familial, au motif qu’il n’y avait pas d’interférence grave avec une obligation parentale substantielle.

Organizational responsibility: 

VII. Responsabilité organisationnelle

La responsabilité ultime eu égard à la création d’une atmosphère saine et inclusive repose sur les employeurs, les propriétaires, les syndicats, les associations professionnelles, les fournisseurs de services et les autres organismes et établissements couverts par le Code. Il y a une obligation de veiller à ce que l’environnement soit à l’abri de la discrimination et du harcèlement. Qu’une plainte ait été déposée ou non, il n’est pas acceptable, du point de vue des droits de la personne, de décider de ne pas tenir compte de l’existence possible de discrimination ou de harcèlement, d’ignorer ce qui se passe et de ne rien faire pour redresser les problèmes liés aux droits de la personne.

Un organisme viole le Code lorsqu’il empiète sur le Code directement ou indirectement, intentionnellement ou non intentionnellement, ou s’il n’empiète pas directement sur le Code, mais plutôt autorise, tolère, adopte ou ratifie un comportement qui est contraire au Code. Les organismes devraient veiller à ce que les règles, les politiques, les procédures, les processus de prise de décisions et la culture organisationnelle ne semblent pas discriminatoires et n’aient pas d’effets discriminatoires.

En outre, il y a un devoir, au nom des droits de la personne, de ne pas tolérer ou poursuivre une action discriminatoire qui s’est déjà produite, car cela aurait pour effet d’étendre ou de prolonger la durée de l’action discriminatoire initiale. L’obligation s’étend à ceux qui, bien que n’étant pas les principaux acteurs, se retrouvent pris dans la situation discriminatoire par le biais de relations contractuelles ou autrement[41]. Un organisme devrait également ne pas punir une personne à cause de la façon dont elle a réagi à la discrimination ou au harcèlement : on peut s’attendre à ce que les personnes qui croient raisonnablement qu’elles font l’objet de discrimination trouvent l’expérience troublante et réagissent avec colère et d’une façon verbalement agressive.

Il incombe aux syndicats et aux associations professionnelles de s’assurer qu’ils ne pratiquent ni ne tolèrent la discrimination et le harcèlement et qu’ils n’y contribuent pas. Ils peuvent être tenus responsables de politiques ou d’actions discriminatoires au même degré que l’employeur et ils partagent les mêmes obligations de prendre des mesures pour redresser un environnement harcelant ou empoisonné. Lorsqu’un syndicat ou une association professionnelle fait obstruction à un processus d’accommodement, il ou elle peut faire l’objet d’une plainte au motif des droits de la personne.

Les décisions rendues à l’issue des causes fondées sur les droits de la personne concluent fréquemment à la responsabilité de l’organisme et évaluent les dommages d’après le défaut de l’organisme de répondre de façon appropriée à la discrimination et au harcèlement. Un organisme peut répondre à des plaintes concernant des cas individuels de discrimination ou de harcèlement, mais sa réponse peut ne pas être jugée acceptable si le problème sous jacent n’est pas réglé. Au-delà de la sanction des auteurs du harcèlement, il peut exister un environnement empoisonné ou une culture organisationnelle qui exclut ou marginalise les personnes au motif de l’état familial. Dans ce cas, l’organisme devra prendre des mesures supplémentaires, comme la formation et l’éducation, afin de répondre au problème de façon plus appropriée.

L’examen des facteurs suivants a été suggéré pour déterminer si un organisme s’est acquitté de ses responsabilités en réponse à une plainte au motif des droits de la personne :

  • procédures en place à l’époque pour traiter de la discrimination et du harcèlement;
  • promptitude de la réponse de l’organisme à la plainte;
  • sérieux avec lequel la plainte a été traitée;
  • ressources rendues disponibles pour traiter la plainte;
  • si l’organisme offrait un environnement de travail sain à la personne qui s’est plainte;
  • jusqu’à quel point les mesures prises ont été communiquées à l’auteur de la plainte[42].

En vertu du paragraphe 46.3 du Code, une personne morale, un syndicat ou une association professionnelle, une association non dotée de la personnalité morale ou une organisation patronale sera tenue responsable, en matière de discrimination, des omissions et des actes commis par ses employés et/ou ses mandataires dans le cadre de leur emploi. C’est ce que l’on appelle la responsabilité du fait d’autrui. Cela s’applique non seulement aux violations des droits de la personne dans le lieu de travail, mais également dans le domaine du logement, des biens, des services ou des installations, des contrats, et de l’appartenance à des syndicats et à des associations professionnelles.

En termes simples, la position de la Commission est que la responsabilité du fait d’autrui attribue automatiquement la responsabilité de la discrimination à un organisme pour les actes de ses employés ou de ses mandataires accomplis pendant les heures normales de travail, que l’organisme en ait ou non connaissance, qu’il y participe ou non, ou qu’il ait ou non le contrôle de ces actes.

La responsabilité du fait d’autrui ne s’applique pas aux violations des articles du Code qui traitent du harcèlement bien que, puisque l’existence d’un environnement empoisonné est une forme de discrimination, lorsque le harcèlement aboutit à la création d’un environnement empoisonné, la responsabilité du fait d’autrui en vertu du paragraphe 46.3 du Code est restaurée. De plus, en de tels cas, la « théorie organique » de la responsabilité des sociétés peut s’appliquer. C’est-à-dire qu’un organisme peut être responsable des actes de harcèlement exécutés par ses employés s’il peut être démontré qu’il était au courant du harcèlement ou que l’auteur du harcèlement fait notoirement partie de la direction ou de « l’âme dirigeante » de l’organisme. En de tels cas, les décisions, actes ou omissions de l’employé engagent la responsabilité de l’organisme si :

  • l’employé qui fait partie de « l’âme dirigeante » s’adonne au harcèlement ou à un comportement incorrect qui est contraire au Code; ou
  • l’employé qui fait partie de « l’âme dirigeante » ne réagit pas comme il se doit au harcèlement ou au comportement incorrect alors qu’il en est au courant ou devrait raisonnablement en être au courant.

Généralement parlant, les cadres et les principaux décideurs d’un organisme constituent son « âme dirigeante ». Les employés qui n’ont qu’une autorité de supervision peuvent également faire partie de l’âme dirigeante s’ils fonctionnent ou paraissent fonctionner comme des représentants de l’organisme. Même des non-superviseurs peuvent être considérés faire partie de l’âme dirigeante s’ils ont en fait une autorité de supervision ou qu’ils ont une responsabilité notable dans l’encadrement des employés. Par exemple, un membre d’une unité de négociation qui est chef de section peut être considéré comme faisant partie de « l’âme dirigeante » d’un organisme.


[41] Payne c. Otsuka Pharmaceutical Co. (No 3) (2002), 44 C.H.R.R. D/203, au para 63 (Commission d’enquête de l’Ontario) : « La nature du moment où une tierce partie ou une personne collatérale se retrouverait prise dans une chaîne de discrimination dépend des faits. Cependant, il est possible d’établir des principes généraux. L’élément clé est le contrôle ou le pouvoir que l’intimé collatéral ou indirect avait sur le plaignant et l’intimé principal. Plus grand est le contrôle ou le pouvoir sur la situation et les parties, plus grande est l’obligation légale de ne pas tolérer ni encourager l’acte discriminatoire. Le pouvoir ou le contrôle est important parce qu’il suppose une capacité de redresser la situation ou de faire quelque chose pour améliorer les conditions. » [Traduction libre]
[42] Wall c. University of Waterloo (1995), 27 C.H.R.R. D/44, aux para 162-67 (Commission d’enquête de l’Ontario). Ces facteurs aident à évaluer le caractère raisonnable de la réponse d’un organisme au harcèlement. Une réponse raisonnable de la part de l’organisme n’aura pas d’effet sur sa responsabilité, mais sera prise en considération pour décider du remède approprié. En d’autres termes, un employeur qui a répondu de façon raisonnable au harcèlement n’est pas déchargé de sa responsabilité, mais il peut profiter d’une réduction des dommages qui découlent du harcèlement.

 

VIII. Comment prévenir la discrimination fondée sur l’état familial et y répondre

Les organismes et les lieux de travail peuvent prendre un certain nombre de mesures pour prévenir les plaintes au motif des droits de la personne et y répondre de façon appropriée. Les points suivants représentent des éléments importants de la stratégie d’un organisme pour traiter des questions des droits de la personne liés à l’état familial :

1. Politiques anti-harcèlement et anti-discrimination et procédures de traitement des plaintes

Les politiques anti-discrimination et anti-harcèlement sont des instruments utiles pour promouvoir l’équité et la diversité au sein d’un organisme. L’adoption, la mise en œuvre et la promotion de ces politiques peuvent contribuer à limiter un préjudice potentiel et à réduire la responsabilité de l’organisme en cas de plainte. Ces politiques devraient faire mention explicite de la discrimination fondée sur tous les motifs du Code, y compris l’état familial.

Ces éléments devraient être développés en collaboration avec les partenaires du lieu de travail et de l’organisme, le cas échéant, comme les syndicats. Les syndicats sont des partenaires importants dans la création d’un lieu de travail non discriminatoire. Dans le cadre d’initiatives de « meilleures pratiques », ils devraient travailler avec les employeurs à l’élaboration des politiques et des procédures internes.

On trouvera une description détaillée des meilleures pratiques pour élaborer et mettre en œuvre de telles politiques et procédures dans la publication de la Commission intitulée Guide des Droits de la Personne au Travail[43].

2. Programmes d’examen et d’élimination des obstacles

Les organismes devraient prendre des mesures proactives pour veiller à ce que les politiques, les programmes, les règles et les exigences n’aient pas d’effets négatifs en matière d’état familial. Les organismes devraient procéder à des examens réguliers et, selon ce qu’ils ont découvert, élaborer et mettre en œuvre des stratégies d’élimination des obstacles. On trouvera des exemples d’obstacles courants dans les sections sur l’emploi, le logement et les services.

De même, les organismes devraient veiller à ce que, lorsque de nouvelles politiques, procédures, règles et règlements sont élaborés, leur effet possible sur les personnes identifiées par l’état familial soit pris en compte et que les options les plus inclusives soient choisies, tant que cela ne constitue pas un préjudice injustifié.

3. Éducation et formation

L’éducation et la formation sont des composantes essentielles de la stratégie des droits de la personne de tout organisme. Les cadres comme le personnel devraient avoir une compréhension approfondie non seulement des exigences du Code et des propres politiques et procédures de l’organisme en matière de droits de la personne, mais aussi des obstacles et des stéréotypes courants auxquels se heurtent les personnes identifiées par les motifs du Code, y compris l’état familial.

L’éducation et la formation ne sont pas une panacée pour tous les problèmes de droits de la personne : elles donneront les meilleurs résultats lorsqu’elles seront accompagnées de politiques et de procédures vigoureuses et efficaces, et d’une stratégie proactive pour édifier un organisme inclusif.


[43] Human Resources Professionals Association of Ontario et la Commission ontarienne des droits de la personne, 2004, au chapitre V. Voir aussi la publication de la Commission, Developing Procedures to Resolve Human Rights Complaints within Your Organization (1996), disponible en ligne à : www.ohrc.on.ca.

IX. Emploi

Le lieu de travail repose encore dans une grande mesure sur le postulat que les familles sont composées de façon traditionnelle de deux parents hétérosexuels mariés, dont l’un s’occupe à plein temps des enfants, des parents âgés et d’autres membres de la famille si nécessaire. Les emplois du temps, les politiques et les avantages sociaux ne correspondent que trop souvent au postulat que les employés n’ont pas d’obligations substantielles en matière de prestation de soins. Le corollaire de ce postulat est la croyance que les travailleurs qui ont effectivement des obligations substantielles en matière de prestation de soins sont de quelque façon des employés inférieurs et indésirables.

En réalité, cependant, tous les employés devront, à un moment de leur carrière, s’efforcer de répondre aux exigences du travail et des soins à prodiguer à leur famille. La reconnaissance des responsabilités familiales des employés est un élément important du recrutement, de la conservation et de l’obtention du meilleur rendement possible des employés.

C’est également la loi. L’article 5 du Code exige des employeurs qu’ils dispensent à leurs employés un traitement égal sans discrimination fondée sur l’état familial. L’article 11 prévoit que les exigences qui ont un effet négatif sur les employés identifiés par leur état familial sont discriminatoires à moins que l’exigence soit raisonnable et de bonne foi et que l’employeur ait fait tout ce qu’il pouvait sans subir lui-même un préjudice injustifié. Dans Brown vc. Ministre du Revenu national, Douanes et Accise, le Tribunal canadien des droits de la personne a jugé que les employeurs avaient un devoir de répondre aux besoins liés à l’état familial, y compris les besoins des employés de trouver un « équilibre délicat entre les besoins de la famille et les exigences de l’emploi »[44]. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a jugé qu’il y aura une preuve prima facie de discrimination et l’obligation d’accommodement qui en résulte si un changement imposé aux modalités ou conditions d’emploi par un employeur a pour effet de causer une interférence grave avec une obligation ou un devoir parental ou familial substantiel de l’employé[45].

1. Attitudes négatives et a priori liés à l’état familial

Du fait des attitudes négatives et des stéréotypes associés au rôle de pourvoyeur de soins, les employeurs peuvent partir du principe que les personnes avec des responsabilités importantes en matière de prestation de soins ne voudront pas travailler de longues heures, faire de temps supplémentaire ni se charger de projets difficiles ou complexes, et peuvent consciemment ou inconsciemment parquer ces personnes dans des créneaux qui correspondent à ces suppositions. À cause des a priori sociétaux continus eu égard aux rôles des sexes, ces stéréotypes peuvent avoir un effet particulièrement grave sur les femmes dans la population active.

De même, le stigmate que certains continuent à associer au fait d’être un parent seul, un jeune parent ou un parent LGBT peut causer des désavantages notables dans le lieu de travail. Dans Moffat cv. Kinark Child and Family Services (No 4), une commission d’enquête sur les droits de la personne a jugé qu’un homme gai avait été victime de discrimination fondée sur l’état familial et l’orientation sexuelle lorsqu’il avait fait l’objet de rumeurs dans le lieu de travail, de harcèlement et de fausses accusations parce qu’il était le parent d’accueil d’un garçon adolescent[46].

Les décisions concernant le recrutement, la promotion, la formation ou le renvoi ne devraient pas être fondées, directement ou indirectement, sur des hypothèses liées à l’état familial. Il suffit que l’état familial soit l’une des raisons d’une décision ou d’un traitement pour que ce dernier puisse être considéré discriminatoire. Plutôt que de juger les personnes en fonction des caractéristiques présumées d’un groupe, les employeurs devraient veiller à les considérer et à les évaluer en fonction de ce qu’elles ont d’unique. Par exemple, plutôt que de présumer qu’une personne avec des responsabilités en matière de prestation de soins ne serait pas intéressée par une réinstallation ou une promotion, il faut lui offrir les mêmes possibilités, en termes d’offres et qualifications, qu’aux autres membres du personnel.

Exemple : Lorsqu’il interroge des candidats à une promotion, le chef d’entreprise demande à plusieurs reprises à une candidate qui est récemment revenue d’un congé de maternité si son engagement envers sa carrière est authentique, en insistant sur le fait que « cet emploi n’est pas pour ceux qui se contentent du neuf à cinq ». La candidate est finalement laissée de côté en faveur d’une employée qui n’a pas d’enfants.

Les stéréotypes peuvent fonctionner pendant le processus de recrutement ainsi que dans le cadre de l’emploi. Les employeurs devraient donc faire attention, lors du recrutement, de ne pas demander de renseignements qui risquent de révéler l’état familial des candidats. Par exemple les employeurs ne devraient pas demander ce qui suit :

  • si une personne a ou a l’intention d’avoir des enfants;
  • si une personne a des responsabilités familiales;
  • si les responsabilités familiales d’une personne risquent de limiter sa disponibilité.

Les questions concernant les heures irrégulières ou l’aptitude à effectuer des déplacements peuvent révéler l’état familial des candidats et avoir pour effet d’éliminer ces personnes. Les questions sur l’aptitude d’un candidat à travailler de façon irrégulière ou à se déplacer peuvent seulement être posées lorsque les heures irrégulières ou les déplacements réguliers sont une exigence authentique de l’emploi. Pour qu’une règle d’un lieu de travail soit de bonne foi, elle doit passer le test décrit à la section VI.1; dans le cadre de ce test, l’employeur doit démontrer qu’il lui serait impossible de s’adapter sans préjudice injustifié.

Le Code fait une exception pour les politiques concernant le népotisme et l’anti népotisme. L’alinéa 24 (1) d) du Code autorise précisément les employeurs à accorder ou à retirer un emploi ou un avancement à une personne qui est le conjoint, l’enfant, ou le père ou la mère de l’employé. Par exemple, un employeur peut avoir une politique selon laquelle les conjoints, les pères et mères ou les enfants ne peuvent pas occuper de postes où l’un relèverait de l’autorité de l’autre. Un employeur peut également avoir une politique prévoyant un traitement préférentiel pour les enfants des employés actuels concernant les emplois d’été. Lorsque de telles politiques sont en place, un employeur peut poser des questions pendant le processus de recrutement pour savoir si un candidat est l’enfant ou le père ou la mère d’un employé actuel.

Les renseignements sur l’état familial d’un employé peuvent être pertinents pour la prestation des avantages sociaux. Lorsque c’est le cas, les questions sur le sujet doivent seulement être posées une fois que la personne a été recrutée. Les renseignements qui risquent de divulguer l’état familial d’un employé doivent rester confidentiels. Tous les renseignements doivent être conservés exclusivement par le personnel désigné (comme le personnel des ressources humaines) dans un système de classement dont la sécurité est assurée.

Les collègues de travail tout autant que les cadres et les superviseurs peuvent avoir des attitudes négatives et stéréotypées à l’égard de l’état familial, et ces attitudes peuvent être une cause de harcèlement ou de création d’un milieu de travail empoisonné. Les employeurs doivent prendre des mesures positives pour veiller à ce que leurs lieux de travail soient exempts d’attitudes discriminatoires et de stéréotypes, et qu’ils accueillent les personnes identifiées par l’état familial.

2. Politiques, pratiques et culture dans le lieu de travail

On trouvera ci-dessous une description de certaines politiques et pratiques en vigueur dans les lieux de travail qui constituent couramment un obstacle pour les personnes identifiées par l’état familial. Les employeurs devraient examiner de près leurs politiques sur ces questions pour déterminer si elles risquent de constituer un obstacle fondé sur les motifs du Code et, dans l’affirmative, s’il s’agit d’exigences de bonne foi.

2.1 Politiques sur l’absentéisme et les congés d’absence

Il est courant, pour les personnes avec des responsabilités familiales, de trouver que leurs obligations à l’égard des membres de leur famille les obligent à s’absenter du travail. Ces absences peuvent être très courtes ou beaucoup plus longues. Elles peuvent être planifiées ou survenir comme des urgences.

C’est un objectif légitime, pour les employeurs, de veiller à ce que leurs employés soient capables de s’acquitter de leurs tâches de façon sûre et efficace. Les employeurs ont le droit de gérer l’absentéisme. Cependant, les programmes de gestion de la présence au travail qui sont trop rigides et les politiques sur l’absentéisme qui ne tiennent pas compte des besoins des personnes avec des responsabilités en matière de prestation de soins risquent de devenir discriminatoires au motif de l’état familial.

Exemple : La politique relative à la présence au travail d’un employeur établit que toute absence d’un employé pendant une période probatoire de trois mois est une cause de cessation de fonctions. La mère d’un nouvel employé a fait une chute grave. Il prend deux jours de congé pour s’occuper d’elle à l’hôpital et pour organiser des soutiens lors de son retour à la maison. Lorsqu’il revient au travail, il est renvoyé à cause de sa violation de la politique sur la présence au travail.

De même, les employeurs risquent de ne pas tenir compte des besoins des personnes identifiés par l’état familial lorsqu’ils conçoivent leurs programmes et leurs politiques. Par exemple, il n’est pas rare, pour les employeurs, d’autoriser les employés à prendre des jours de congé lorsqu’ils sont malades, mais de ne rien prévoir pour les maladies des membres de leur famille, ou d’exiger des employés que, dans ce cas, ils utilisent leurs jours de vacances. Les employés ne devraient pas se trouver défavorisés par rapport aux autres dans la prestation des avantages sociaux à cause de leurs besoins liés à l’état familial. Lorsque les employeurs prévoient des congés payés pour les employés qui ont des besoins liés à un handicap, à une croyance, à une grossesse ou pour d’autres raisons, ils devraient prévoir un traitement comparable pour les employés avec des besoins liés à l’état familial[47].

La Loi sur les normes d’emploi[48] de l’Ontario prévoit certains droits minimums à l’intention des prestataires de soins :

  • Les employeurs qui emploient plus de 50 employés doivent prévoir jusqu’à 10 jours de congé non payé pour permettre aux employés de s’occuper d’affaires familiales urgentes, notamment un décès, une maladie grave, une blessure ou une urgence médicale. La « famille » dans ce contexte comprend les conjoints (y compris les conjoints de même sexe), les enfants (y compris les enfants par alliance et les enfants placés en famille d’accueil), les grands-parents, les frères et sœurs, les conjoints des enfants et tout autre parent de l’employé qui dépend de ses soins ou de son aide[49].
  • Les employés ont droit à un congé non payé pouvant aller jusqu’à huit semaines pour dispenser des soins ou un soutien à des membres de leur famille qui présentent un sérieux risque de décès au cours des six mois à venir[50].
  • Les employées enceintes ont droit à un congé de maternité sous réserve de certaines conditions, et leur sécurité d’emploi, leur ancienneté et leurs avantages sociaux sont protégés pendant ce congé[51].
  • Des congés parentaux sont offerts aux employés qui répondent aux exigences prévues. La sécurité d’emploi, l’ancienneté et les avantages sociaux sont protégés pendant ces congés[52].

Pour plus de détails sur ces droits, il faut consulter la Loi sur les normes d’emploi et le ministère du Travail. Il faut insister sur le fait qu’il s’agit là de normes minimales seulement et qu’elles doivent être interprétées et mises en œuvre à la lumière du Code. L’obligation prévue dans le Code d’offrir des accommodements l’emporte sur les exigences de la Loi sur les normes d’emploi, et les employeurs peuvent être obligés par le Code d’aller au-delà de ces exigences minimales.

2.2 Heures de travail et heures supplémentaires

Les heures de travail inflexibles, excessives et imprévisibles peuvent constituer des obstacles pour les personnes qui ont des responsabilités en matière de prestation de soins. Les tribunaux et les cours ont jugé dans leurs décisions que les employeurs pouvaient être obligés d’envisager de modifier les heures de travail et les emplois du temps afin de répondre aux besoins liés à l’état familial[53].

Les règles inflexibles concernant les heures de travail et les pauses peuvent constituer des obstacles pour les employés qui cherchent à s’acquitter de leurs responsabilités à la fois envers leur employeur et envers ceux qu’ils aiment. Par exemple, étant donné que peu de garderies fonctionnent avant 8 h le matin ou après 18 h, même l’employé le plus consciencieux qui a des enfants peut trouver difficile de se plier à un emploi du temps qui exige de commencer à travailler précisément à 8 h. Il est évident qu’il y a certaines circonstances où la nature du travail exige des heures précises pour le début et la fin du travail, et pour les pauses. Lorsque ces emplois du temps ne sont pas une exigence de bonne foi, les employeurs doivent envisager d’offrir des horaires plus flexibles et prévoir au minimum des ajustements pour répondre aux besoins liés au Code.

Certaines professions ou certains lieux de travail ont une « culture des heures » selon laquelle la valeur et la conscience professionnelle des employés sont jugées par le nombre d’heures qu’ils passent visiblement au travail, indépendamment de leur productivité ou de la qualité de leur travail. Ces cultures du lieu de travail risquent d’exclure ou de sous-évaluer les personnes qui ont des responsabilités notables en matière de prestation de soins, indépendamment de leurs compétences et de leurs accomplissements.

Les personnes qui ont des responsabilités multiples ou très lourdes en matière de prestation de soins peuvent trouver impossible de travailler de longues heures de façon régulière. Lorsque ces heures ne sont pas une exigence de bonne foi, les employeurs devraient envisager d’offrir des réductions temporaires ou permanentes des heures de travail ou des arrangements de travail différents.

De même, les employés avec des responsabilités notables en matière de prestation de soins peuvent être incapables d’être toujours disponibles en réponse aux demandes de dernière minute de rester tard et de faire des heures supplémentaires.

Lorsque des soutiens sociaux pour la garde des enfants et les soins aux aînés ou aux personnes avec un handicap sont limités, les employés qui ont des responsabilités notables en la matière peuvent demander des adaptations aux emplois du temps par roulement.

Exemple : Une employée travaillait par roulement nuit et jour. Son mari, un agent de police, était tenu de faire la même chose. Après la naissance de leur premier enfant, ils ont cherché des gardes d’enfants pendant la nuit mais n’ont pas réussi à en trouver dans leur collectivité. L’employée a demandé à son employeur de la limiter à l’équipe de jour. L’employeur a refusé. Un tribunal des droits de la personne a jugé que l’employeur était tenu d’engager un processus d’accommodement avec l’employée et qu’il avait violé les droits de la personne de l’employée[54].

2.3 Exigences de déplacement

Lorsque les employés ont des responsabilités importantes en matière de prestation de soins, leur aptitude à se déplacer de façon régulière ou pour de longues périodes peut être limitée. Ce n’est évidemment pas le cas de tous les employés avec des responsabilités familiales : les employeurs ne devraient pas partir du principe que, par exemple, une personne avec de jeunes enfants ou d’autres responsabilités notables en matière de soins ne sera pas intéressée par un travail qui demande des déplacements. Les déplacements réguliers comptent au nombre des tâches essentielles de certains emplois. Mais, lorsqu’il ne s’agit pas d’une exigence de bonne foi, les employés ne doivent pas se voir refuser certaines possibilités parce que leurs responsabilités en matière de soins les empêchent d’entreprendre des déplacements réguliers ou de longue durée.

Même si le déplacement est une tâche essentielle de l’emploi, les employeurs peuvent l’adapter aux besoins des employés liés à l’état familial en reconnaissant, par exemple, les dépenses encourues pour le soin des personnes à charge ou en offrant les soutiens appropriés.

2.4 Accès aux avantages sociaux

Les pratiques en matière de régime d’avantages sociaux ou d’emploi qui causent des désavantages à cause de l’état familial constituent une discrimination en vertu du Code.

Les personnes qui ont des responsabilités en matière de soins courent infiniment plus de risques de se retrouver dans des emplois à temps partiel, occasionnels ou aléatoires[55]. Cela est particulièrement vrai des femmes. Les personnes qui occupent des emplois aléatoires n’ont généralement pas accès aux pensions de retraite et aux régimes d’assurance santé[56]. Cela a des conséquences à long terme pour la sécurité économique des pourvoyeurs de soins et a pour effet de défavoriser les personnes identifiées par l’état familial, particulièrement lorsque ce motif est recoupé par le motif du sexe[57]. Lorsque les différences de traitement des travailleurs à plein temps et à temps partiel ont un effet négatif sur les personnes identifiées par l’état familial, cela peut constituer un motif de plainte en vertu du Code.

2.5 Culture du lieu de travail

La culture organisationnelle peut contribuer à la marginalisation des personnes avec des responsabilités en matière de soins, soit qu’elle n’inclut pas ce type de personnes, soit qu’elle soutienne des attitudes négatives envers les personnes défavorisées par leur état familial.

Exemple : Un employeur qui désire développer le travail d’équipe et la camaraderie entre ses employés organise régulièrement des soirées informelles après les heures de travail à l’intention de son personnel au cours desquelles les collègues partagent souvent des renseignements sur les possibilités de formation et de promotion, et les activités qui ont lieu dans le lieu de travail. Les employés avec des responsabilités en matière de soins qui ne sont pas en mesure de participer régulièrement à ces activités se retrouvent « hors du coup » et défavorisés quant à l’accès aux possibilités offertes par le lieu de travail.

Exemple : Une mère de jeunes enfants trouve que, bien qu’elle fasse son travail de façon efficace et que son chef apprécie son rendement, ses collègues partent du principe qu’elle ne fait pas sa part parce qu’elle ne reste pas régulièrement tard au bureau, et elle se retrouve la cible de potins et de commentaires malveillants.

2.6 Représailles

Il arrive souvent que les employés qui ont besoin d’accommodements liés à leurs obligations en matière de prestation de soins craignent que leurs demandes d’accommodements ou l’utilisation de ces accommodements ne se fassent au détriment de leur situation au travail. Les employés qui cherchent des accommodements liés à leur état familial ne devraient pas être traités comme moins valables ou moins professionnels. Les employeurs doivent assurer un milieu de travail où les pourvoyeurs de soins n’aient pas peur de demander et d’utiliser des stratégies qui s’adaptent à leurs besoins.

Exemple : Une enseignante cherche et obtient un travail à temps partiel afin d’équilibrer ses responsabilités en matière de prestation de soins et son travail. Cependant, elle trouve que son employeur n’approuve plus ses demandes de formation parce qu’il considère qu’elle s’est réfugiée sur la voie de garage réservée aux parents.

3. Adaptation du lieu de travail aux besoins des pourvoyeurs de soins

Les employeurs devraient prendre des mesures pour veiller à ce que le lieu de travail soit favorable à la famille et qu’il y règne une culture de vie et de travail positive. Les mesures pour appliquer une telle culture comprennent ce qui suit :

  • un énoncé visible exprimé au niveau des cadres supérieurs assurant le soutien continu à un milieu de travail inclusif et bienveillant envers la famille;
  • des programmes d’éducation et de formation pour les cadres et le personnel sur les exigences du Code eu égard à l’état familial;
  • l’élaboration et la mise en œuvre d’une stratégie organisationnelle pour assurer la création d’un lieu de travail inclusif.

Les programmes et les politiques devraient reconnaître la gamme et la diversité des familles canadiennes contemporaines, et les soutenir. Leur limitation à une conception étroite des familles non seulement n’est pas en harmonie avec le Code, mais peut créer une réaction négative à l’égard des politiques et des programmes de l’organisme, avec des conséquences adverses imprévues. De même, les politiques et les programmes devraient tenir compte de l’effet du sexe, de l’orientation sexuelle, de l’âge, du handicap et des motifs liés à la race sur l’expérience de l’état familial.

Dans de nombreux cas, la meilleure façon de procéder pour s’adapter aux besoins liés à la prestation de soins est d’accroître la flexibilité et les options offertes à tous les travailleurs. Cette méthode est en harmonie avec le principe de conception inclusive, contribue à la satisfaction, à la productivité et à la conservation des employés, facilite le recrutement du personnel et réduit la nécessité de devoir faire face à des requêtes individuelles multiples. La liste suivante n’est pas exhaustive, mais elle décrit des politiques et programmes qui répondent aux besoins liés à l’état familial.

Programmes d’heures flexibles : Avec un programme d’heures flexibles, l’employeur fixe les heures de travail essentielles (par exemple de 10 h à 15 h) pendant lesquelles tous les employés doivent être au travail, ainsi que la longueur d’une journée de travail normal. Les employés peuvent alors choisir de travailler de 7 h à 15 h, par exemple, ou de 10 h à 18 h.

Semaines de travail comprimées : Selon le programme de semaine de travail comprimée, les employés travaillent un nombre donné d’heures mais en moins de jours – par exemple, en travaillant 10 heures quatre jours par semaine plutôt que huit heures cinq jours par semaine. Il existe de nombreuses variations possibles à ce concept.

Heures de travail réduites : Les employeurs peuvent offrir un accès soit permanent soit temporaire à des heures de travail réduites. Les employés qui ont des heures de travail réduites ne devraient pas être défavorisés en ce qui concerne l’accès à la formation, les avantages calculés au prorata ou la qualité du travail.

Partage de l’emploi : Il s’agit là d’une forme innovatrice de la réduction des heures de travail selon laquelle deux employés réduisent chacun leurs heures et partagent un poste et un ensemble de tâches uniques.

Congés autorisés : Au-delà des congés prévus par la loi pour des raisons concernant la maternité, les congés parentaux et les soins médicaux à la famille, les employeurs peuvent offrir des congés étendus ou supplémentaires, à court terme ou à long terme, aux employés qui ont des responsabilités en matière de prestation de soins. Cela peut inclure des congés financés par l’employeur, des congés subventionnés par l’employeur, des congés non payés ou des congés autofinancés (où l’employé paie une portion de son salaire pendant une certaine période de temps pour financer le congé et l’employeur administre les fonds pour qu’un salaire puisse continuer à être payé pendant le congé).

Services de garde d’enfants et de soins aux personnes âgées : Cela peut comprendre des services de renseignements et de renvoi, l’offre de subventions ou de bons, l’accès à des services d’urgence pour les soins aux personnes à charge ou la prestation de soins sur place. Par exemple, certaines grandes compagnies qui requièrent régulièrement que les employés soient disponibles pendant la nuit ont pris des arrangements pour offrir au personnel une garde d’enfants pendant la nuit.

Programmes d’aide aux employés : Les programmes d’aide aux employés peuvent offrir une vaste gamme de services, notamment des renseignements et un renvoi à tout un éventail de programmes, de services de counseling et d’autres soutiens.

Télétravail : Selon ces arrangements, les employés peuvent travailler au moins une partie de leurs heures régulières à la maison.


[44] (1993), 19 C.H.R.R. D/39, au para 74 (T.C.D.P.).
[45] Health Sciences, note 38 supra, au para 40 (B.C.C.A.).
[46] 1998), 35 C.H.R.R. D/205, au para 232 (Commission d’enquête de l’Ontario).
[47] Dans Alberta Hospital Association c. Parcels (1992), 17 C.H.R.R. D/167, au para 23 (Alta. Q.B.), la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a jugé que, si un employeur offrait des avantages aux employés pour leurs absences liées à des problèmes de santé ou à un handicap, il était discriminatoire de sa part de ne pas offrir des avantages similaires aux employées qui étaient absentes pour des raisons liées à la grossesse.
[48] Loi de 2000 sur les normes d’emploi, chap. 41.
[49] Ibid., art. 50.
[50] Ibid., para 49.1. En vertu de la Loi sur l’assurance-emploi, S.C. 1996, chap. 23, art. 12 et 23, les employés qui prennent un congé pour des raisons de prestation de soins ou de grossesse, ou des raisons parentales peuvent avoir droit à des prestations d’assurance-emploi.
[51] Ibid., art. 46-47.
[52] bid., art. 48-49.
[53] Voir Brown c. Ministre du Revenu national, Douanes et Accise, note 37supra, au para 75, et Health Sciences, note 38 supra.
[54] Brown c. Ministre du Revenu national, Douanes et Accise, ibid., au para 78.
[55] Les chiffres de Statistique Canada pour 2004 indiquent que 27,5 % de tous les travailleurs à temps partiel âgés de 25 à 44 ans ont choisi le travail à temps partiel pour s’occuper des enfants (tableaux de CANSIM 282-0014 et 282-0001). Cela ne tient pas compte de la prestation de soins aux membres de la famille avec un handicap ou vieillissants. Au cours des 30 dernières années, les femmes ont régulièrement représenté 70 % de la main-d’œuvre à temps partiel.
[56] Derrick Comfort et al., Travail à temps partiel et pratiques favorables à la famille dans les entreprises canadiennes (Ottawa : Statistique Canada et Développement des ressources humaines Canada, 2003).
[57] Dans des territoires de compétence autres que le Canada, les différences entre le traitement des travailleurs à temps plein et à temps partiel ont fait l’objet de plaintes au motif des droits de la personne qui ont été acceptées. Par exemple, dans une cause jugée par la Cour de justice européenne, le traitement différentiel du personnel de nettoyage à temps partiel, de sexe en majorité féminin, eu égard au calcul de la longueur du service et de la possibilité de nomination à titre de personnel permanent, a été jugé une discrimination au motif du sexe : Nikoloudi c. Organismos Tilepikinonion Ellados AE, OJ C-106, 30.04.2005, p.1.

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X. Logement

L’article 2 du Code interdit la discrimination en matière d’occupation d’un logement fondée sur l’état familial. Cette interdiction s’applique à la location, à l’expulsion, à l’élaboration des règles et règlements, aux réparations, au harcèlement et à l’utilisation des services et des installations.

On ne connaît que trop l’histoire de ces familles avec des enfants auxquels on a refusé un logement à cause des perceptions négatives associées à l’état familial. Ces perceptions négatives sont aggravées pour les familles jeunes, les familles monoparentales, les familles des collectivités racialisées et autochtones, et celles qui reçoivent l’aide sociale. Les tendances des plaintes dont la Commission est saisie ainsi que les preuves fournies par les sciences sociales indiquent qu’il s’agit là d’un problème endémique persistant sur le marché des logements locatifs. La prévalence continue des logements « réservés aux adultes », malgré l’interdiction claire du Code, en est un exemple significatif.

De même, les familles font face à une gamme d’obstacles systémiques à l’accès au logement. Les familles avec de jeunes enfants, les familles monoparentales, les familles avec un handicap ou les parents d’enfants avec un handicap, les familles en provenance de collectivités racialisées, les familles autochtones et nouvellement arrivées courent infiniment plus de risques de n’avoir qu’un faible revenu. Les allocations de logement dispensées aux familles bénéficiaires de l’aide sociale sont très inférieures aux taux du marché. Cela, lié au fait que les logements locatifs sont rares dans bien des régions de la province, place les familles dans une position notablement défavorisée lorsqu’elles cherchent à se loger.

Les familles identifiées par de multiples motifs du Code font face à un double désavantage lorsqu’elles cherchent un logement – par exemple une famille dont un membre a un handicap doit trouver un logement qui soit à la fois accessible et qui accepte les enfants.

1. Refus de louer à des familles avec des enfants

Comme indiqué ci-dessus, les familles qui cherchent un logement font face à une gamme d’attitudes et de stéréotypes négatifs et discriminatoires. Certains propriétaires préfèrent ne pas louer à des familles avec des enfants parce qu’ils pensent que les enfants font du bruit, se conduisent mal et risquent d’endommager les lieux. Certains stéréotypes négatifs visent particulièrement les adolescents, particulièrement s’il s’agit de garçons ou de jeunes en provenance de collectivités autochtones ou racialisées. Les familles monoparentales dirigées par une femme font face à une toute une gamme d’attitudes négatives, particulièrement celles qui sont autochtones, racialisées, jeunes ou assistées sociales, et elles sont la cible de préjugés selon lesquels elles sont moins responsables, moins fiables et plus susceptibles de ne pas payer leur loyer . Les familles d’accueil font également face à des difficultés supplémentaires dans l’accès au logement à cause des attitudes négatives envers les enfants et les familles d’accueil.

Le Code autorise effectivement des restrictions liées à l’âge dans le domaine du logement dans certaines circonstances.

  • L’article 15 du Code autorise le traitement préférentiel des personnes de 65 ans et plus et autorise donc que des logements soient limités à des personnes de plus de 64 ans.
  • L’article 14 du Code autorise la mise en place de programmes spéciaux pour alléger les difficultés et les désavantages, comme des ensembles d’habitation sans obstacles particulièrement conçus pour les personnes plus âgées avec un handicap.
  • L’article 18 offre une défense aux organismes ou aux groupements religieux, philanthropiques, éducatifs, de secours mutuel ou social dont le principal objectif est de servir les intérêts des personnes plus âgées et qui offrent un logement dans le cadre de leurs services.

Cependant, il n’existe pas de défense qui autorise à réserver des logements aux adultes et prévoit en conséquence l’exclusion des enfants ou des personnes au dessous d’un certain âge[59].

Dans certains cas, les propriétaires refusent directement les demandes à cause de la présence d’enfants. Parfois, ils utilisent un certain nombre d’euphémismes pour décourager ou refuser les demandes des familles avec des enfants. Des déclarations selon lesquelles le bâtiment est :

  • un bâtiment « tranquille »;
  • un bâtiment « pour adultes »;
  • un bâtiment « non isolé »;
  • un bâtiment « axé sur les jeunes professionnels »;

peuvent, lorsqu’elles s’ajoutent à un refus de louer à une famille avec des enfants, indiquer qu’une attitude discriminatoire liée à l’état familial a joué un rôle dans le refus. L’article 13 du Code interdit la publication ou l’exposition publique de tout avis, écriteau, symbole, emblème ou autre représentation qui indique une intention discriminatoire. L’utilisation de ces expressions dans l’offre de logement peut être considérée comme l’annonce d’une intention discriminatoire.

Les propriétaires ne devraient pas exiger des candidats à un logement qu’ils donnent des renseignements révélateurs de leur état familial. Par exemple, les formules de demande ne devraient pas contenir de question sur l’âge des co-occupants[60]. Si les propriétaires ont une exigence de bonne foi pour demander de tels renseignements aux locataires, ils peuvent poser la question une fois que la demande de logement a été acceptée.

2. Critères de location

Il y a un certain nombre de critères couramment utilisés par les propriétaires pour évaluer leurs locataires éventuels qui peuvent créer des obstacles systémiques pour les familles avec des enfants. Le Code, au paragraphe 21 (3), offre des conseils précis aux fournisseurs de logement eu égard à l’utilisation de certains critères pour évaluer et choisir les locataires. Les propriétaires sont autorisés à utiliser les renseignements sur le revenu, les vérifications du crédit et les références en la matière, les antécédents de logement ainsi que les garanties pour évaluer et choisir les locataires. Cependant, le Règlement 290/98 restreint la façon dont ces pratiques commerciales peuvent être utilisées et réaffirme précisément que les propriétaires ne peuvent pas rejeter des locataires éventuels pour des raisons fondées sur les motifs du Code. Aucun de ces instruments d’évaluation ne peut être utilisé de façon arbitraire pour éliminer des locataires éventuels à partir des motifs du Code. Les critères doivent être utilisés de bonne foi et de façon non discriminatoire. Lorsque les renseignements sur le revenu, les vérifications du crédit et les références en la matière, les antécédents de logement ou les garanties sont appliqués de façon à créer des obstacles systémiques pour les personnes identifiées par un motif du Code, le propriétaire devra démontrer qu’il s’agit d’une exigence de bonne foi – c’est-à-dire que les critères ne pourraient pas être appliqués d’une façon qui soit plus accommodante sans créer un préjudice injustifié pour le propriétaire.

2.1 Utilisation des renseignements sur le revenu

Le paragraphe 21 (3) et le Règlement 290/98 autorisent les propriétaires à demander aux locataires éventuels des renseignements sur leur revenu et à en tenir compte. « Les renseignements sur le revenu » comprennent « des renseignements sur le montant, la source et la stabilité du revenu d’un locataire[61] ». Les interdictions du Code concernant la discrimination fondée sur l’état d’assisté social signifient que les propriétaires ne peuvent pas faire preuve de discrimination à l’endroit de locataires éventuels au motif que la source de leur revenu provient de l’aide sociale. Les propriétaires ne peuvent pas non plus refuser de tenir compte de revenus comme les allocations qui sont dispensées aux familles d’accueil.

Le propriétaire ne peut demander de renseignements sur le revenu et en tenir compte que s’il demande également des références en matière de crédit et des renseignements sur les antécédents de logement du locataire éventuel. C’est seulement si le locataire éventuel ne donne pas de renseignements sur ses références de crédit ou ses antécédents de logement lorsque cela lui est demandé que le propriétaire peut tenir compte des renseignements sur le revenu pris isolément. L’évaluation doit être faite de bonne foi, significative et non discriminatoire.

Une pratique courante des propriétaires, dans le passé, consistait à évaluer les locataires éventuels à partir de certains pourcentages (p. ex., le montant du loyer ne devrait pas représenter plus de 30 % du revenu d’un locataire) ou à appliquer des exigences de revenu minimal. Cette pratique a été évaluée dans Shelter Corp. cv. Ontario[62] et jugée avoir un effet systémique sur une gamme de groupes protégés par le Code, y compris les personnes identifiées par l’état familial[63]. La commission d’enquête a jugé que ces pratiques n’étaient pas des exigences de bonne foi car elles ne permettaient d’aucune façon de prédire si un locataire ne paierait pas le loyer. L’ajout subséquent du paragraphe 21 (3) du Code et l’adoption du Règlement 290/98 n’autorisent pas les propriétaires à utiliser des exigences de revenu minimal ou à appliquer des pourcentages de revenu comme cela a été clarifié dans une décision subséquente du tribunal[64].

Le Règlement 290/98 fait une exception particulière pour les logements dont le loyer est proportionné au revenu. Lorsqu’ils évaluent les candidats à ce type logement, les propriétaires peuvent demander des renseignements sur le revenu et en tenir compte isolément.

2.2 Antécédents en matière de logement

Le Règlement 290/98 autorise les propriétaires à demander des renseignements sur les antécédents en matière de logement et à en tenir compte, soit isolément soit en combinaison avec d’autres facteurs, pour évaluer un locataire éventuel.

Les locataires éventuels peuvent ne pas avoir d’antécédents en matière de logement pour des raisons liées à des motifs du Code : par exemple, les immigrants et les réfugiés récents peuvent ne pas avoir d’antécédents de logement au Canada. Les femmes qui tentent de se réinstaller suite à la rupture d’un mariage peuvent se retrouver dans une situation similaire.

Les propriétaires ne devraient pas interpréter le manque d’antécédents en matière de logement comme des antécédents négatifs[65]. Lorsqu’un locataire éventuel n’a pas d’antécédents de logement pour des raisons liées à un motif du Code, les propriétaires devraient chercher d’autres renseignements disponibles au sujet du locataire éventuel pour effectuer une évaluation de bonne foi.

2.3 Antécédents de crédit

Le Règlement 290/98 autorise les propriétaires à demander des références en matière de crédit et à procéder à des vérifications de crédit (avec l’autorisation du locataire éventuel) et à tenir compte de cette information pour accepter ou refuser un locataire.

Les femmes qui se joignent de nouveau à la population active après de longues périodes de prestation de soins, les jeunes familles et les familles de nouveaux venus peuvent ne pas avoir d’antécédents de crédit ou n’en avoir que peu. Les tribunaux des droits de la personne ont jugé que la pratique qui consiste à refuser des candidats qui n’ont que peu ou pas du tout d’antécédents en matière de crédit peut avoir un effet disparate en vertu des motifs du Code. Les propriétaires ne doivent pas rejeter les demandes de location sur la base d’un manque d’antécédents de crédit[66].

De toutes façons, les antécédents en matière de crédit doivent seulement être pris en considération s’il s’agit d’une tentative de bonne foi de procéder à une évaluation valide des locataires éventuels.

2.4 Antécédents en matière d’emploi

Certains propriétaires exigent que les locataires éventuels aient un emploi « stable » à long terme. Cette exigence peut poser problème aux pourvoyeurs de soins qui se joignent de nouveau à la population active après de longues périodes consacrées uniquement à dispenser des soins. L’exigence que les candidats aient un emploi permanent ou satisfassent à un critère de durée minimum d’emploi auprès d’un employeur a été jugée discriminatoire en vertu des motifs du Code[67].

2.5 Garants et dépôts de garantie

Le Règlement 290/98 autorise les propriétaires à demander des garanties pour le loyer ou le versement d’un dépôt de garantie conformément à la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation (anciennement la Loi de 1997 sur la protection des locataires). Bien que le recours à des co-signataires ou à des dépôts de garantie puissent être approprié lorsqu’un locataire n’a pas de bonnes références ou a des antécédents de non-paiement de loyer, il n’est pas permis d’exiger des garants ou des dépôts de garantie parce que le locataire éventuel est un membre d’un groupe protégé par le Code, comme un parent seul ou un assisté social.

Lorsque les propriétaires exigent un co-signataire ou un garant, ils ne peuvent pas exiger que cette personne se conforme à des conditions en matière de revenu minimal ou de pourcentage entre le loyer et le revenu qu’il ne serait pas permis d’exiger du locataire éventuel lui-même.

2.6 Préoccupations en matière de santé et de sécurité

Les propriétaires ne peuvent pas refuser de louer un appartement dans un immeuble de grande hauteur à des familles avec de jeunes enfants pour des raisons de santé et de sécurité. Les propriétaires sont tenus par la Loi de 2006 sur la location à usage d’habitation de respecter des normes en matière de santé et de sécurité et de veiller à ce que les appartements soient en bon état. Par ailleurs, le besoin lié à l’obligation d’accommodement concernant l’état familial s’applique aux propriétaires : si des modifications sont nécessaires dans un logement pour répondre à des besoins liés à l’état familial, le propriétaire doit apporter les accommodements nécessaires tant qu’ils ne constituent pas pour lui un préjudice injustifié.

Exemple : Une famille avec de jeunes enfants demande à louer un appartement au 10e étage d’un immeuble d’habitation. Le propriétaire s’inquiète pour la sécurité des enfants parce que l’appartement a un balcon. Plutôt que de refuser l’appartement à la famille, le propriétaire veille à ce que le balcon soit conforme à toutes les normes de sécurité appropriées.

3. Occupation du logement

3.1 Politiques concernant l’occupation du logement

Les politiques concernant l’occupation du logement doivent être fondées sur des exigences de bonne foi. Les propriétaires ne sont pas tenus d’autoriser le surpeuplement de leurs unités de logement. Cependant, des règles arbitraires concernant le nombre d’occupants par pièce ou par chambre peut avoir un effet négatif sur les familles avec des enfants. Un tribunal des droits de la personne a jugé qu’il y avait violation du Code lorsqu’un propriétaire a refusé un appartement de trois chambres à une mère chef de famille avec trois enfants parce que la « norme canadienne » était que ces appartements devraient être loués à des couples avec deux enfants[68]. De même, les propriétaires ne devraient pas refuser des appartements aux familles à cause de règles arbitraires concernant le partage des chambres par des enfants de sexe opposé.

3.2 Transfert de logement

À mesure que des enfants s’ajoutent à une famille, ses besoins en matière de logement évoluent et il lui faut davantage d’espace. Dans ces circonstances, les familles peuvent demander des transferts entre des unités de logement du même bâtiment. Une commission d’enquête de l’Ontario a jugé que les règles qui interdisent les transferts entre les unités de logement sont discriminatoires au motif de l’état familial[69].

3.3 Accès aux installations de loisirs et aux parties communes

Les restrictions fondées sur l’âge à l’accès aux installations de loisirs et aux parties communes peuvent s’avérer discriminatoires au motif de l’état familial. Par exemple, les règles qui interdisent l’utilisation de certains endroits ou de certaines installations aux enfants, ou qui restreignent leur usage par rapport aux autres occupants ont un effet négatif sur les familles[70].

Exemple : Un condominium restreint l’utilisation de sa piscine et de ses installations de loisirs par les personnes de moins de 18 ans à une période limitée entre 15 h et 17 h. Pour les familles qui n’ont pas d’adultes à la maison pendant les heures de travail, cela signifie essentiellement qu’elles ne peuvent pas utiliser la piscine ni les installations de loisirs avec leurs enfants. Cela peut constituer un motif de plainte pour violation des droits de la personne.

Certaines préoccupations en matière de santé et de sécurité concernant l’usage de certaines installations par les enfants peuvent être légitimes. Lorsqu’une règle restreint ou interdit l’accès à des installations ou à certains endroits d’une façon qui gêne l’utilisation par les familles, il incombe au propriétaire de démontrer que la règle est une exigence de bonne foi et qu’une règle plus inclusive ne pourrait pas être appliquée sans préjudice injustifié.

4. Bruit causé par les enfants

Les personnes qui vivent dans des logements multi-résidentiels sont proches les unes des autres et les enfants, de par leur nature même, peuvent être bruyants. Il est naturel que les enfants pleurent, courent et jouent. Le bruit causé par les enfants est fréquemment une source de conflits dans les immeubles d’appartements. Il a été utilisé comme motif pour refuser un logement, a été à l’origine d’expulsions et a été une cause de harcèlement et d’atmosphère empoisonnée pour les familles avec des enfants.

Le bruit normal associé aux enfants ne devrait pas être un motif de refus de logement, d’expulsion ou de harcèlement des familles. Les parents sont tenus de prendre des mesures en accord avec les bonnes pratiques d’éducation pour gérer le bruit fait par leurs enfants et se conduire en bons voisins. Cependant, il faut reconnaître que les enfants font naturellement du bruit.

Les propriétaires devraient prendre des mesures pour veiller à ce que les familles avec des enfants ne soient pas harcelées par leurs voisins à cause du bruit normal associé aux enfants juste comme ils devraient éviter le harcèlement fondé sur tout autre motif du Code. Si nécessaire, les propriétaires peuvent examiner les options possibles, comme le déplacement du locataire qui se plaint ou l’installation d’un système d’isolation, s’il est possible de le faire sans préjudice injustifié.


[59] York Condominium Corp. No. 216 c. Dudnik (No 2) (1990), 12 C.H.R.R. D/325, aux para 165-66, conf. (1991), 14 C.H.R.R. D/406, au para 23 (Cour divisionnaire de l’Ontario).
[60] St. Hill c. VRM Investments Ltd. (2004), C.H.R.R. Doc. 04-023, au para 32 (T.D.P.O.).
[61] Vander Schaaf c. M & R Property Management Ltd. (2000), 38 C.H.R.R. D/251, au para 105 (Commission d’enquête de l’Ontario).
[62] (1998), 34 C.H.R.R. D/1, conf. (2001), 39 C.H.R.R. D/111 (Cour supérieure de l’Ontario).
[63] Ibid., au para 137.
[64] Vander Schaaf c. M & R Property Management Ltd., note 61 supra, au para 110.
[65] Ahmed c. 177061 Canada Ltd. (2002), 43 C.H.R.R. D/379 (Commission d’enquête de l’Ontario).
[66] Ahmed c. 177061 Canada Ltd., ibid., au para 85.
[67] Sinclair c. Morris A. Hunter Investments Ltd. (2001), 41 C.H.R.R. D/98, aux para 36-37 (Commission d’enquête de l’Ontario). Cette décision a jugé qu’il y avait eu discrimination au motif de l’âge puisque les jeunes personnes ont moins tendance à avoir un emploi permanent ou de longue durée. Cependant, des questions similaires se posent au motif de l’état familial, particulièrement dans la situation des pourvoyeurs de soins.
[68] Cunanan c. Boolean Developments Ltd. (2003), 47 C.H.R.R. D/236, aux para 65-66 (T.D.P.O.).
[69] Ward c. Godina (1994), C.H.R.R. Doc. 94-130, au para 50 (Commission d’enquête de l’Ontario).
[70] Dans Leonis c. Metropolitan Toronto Condominium Corp. No. 741 (1998), 33 C.H.R.R. D/479, au para 62 (Commission d’enquête de l’Ontario) : les règles interdisant aux personnes de moins de 16 ans d’accéder à certaines installations et restreignant sérieusement l’utilisation de certaines autre ont été jugées discriminatoires au motif de l’état familial.

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XI. Services

L’article 1 du Code interdit la discrimination fondée sur l’état familial en matière de services, de biens et d’installations. Cela comprend, sans toutefois s’y limiter, les établissements d’enseignement, les hôpitaux, les services de transport public, les services sociaux, les lieux publics comme les centres d’achat et les parcs, et les magasins et les restaurants.

1. Attitudes négatives et stéréotypes

La discrimination au motif de l’état familial dans le secteur des services est souvent le résultat de perceptions négatives concernant les enfants ou des types particuliers de famille. Par exemple, les familles monoparentales dirigées par une femme sont fortement stigmatisées, particulièrement lorsqu’elles sont racialisées ou autochtones, ou lorsqu’elles sont assistées sociales. Les familles sont parfois surveillées de très près, et se voient refuser des services ou font l’objet de harcèlement lorsqu’elles cherchent des services.

Exemple : Un fournisseur de services sociaux dit à une mère seule autochtone qu’elle n’a des enfants que pour tirer de l’argent du système et la soumet à une vérification supplémentaire pour s’assurer qu’elle se conforme aux règles du programme.

De même, certaines familles ont du mal à faire reconnaître par des fournisseurs de services qu’elles sont des « vraies » familles. Cela est particulièrement vrai des familles d’accueil et des familles LGBT. Elles peuvent se voir refuser les services habituellement offerts aux familles ou avoir de la difficulté à y avoir accès.

Exemple : Un homme gai s’occupe depuis des années de sa mère avec son partenaire. Lorsque la mère se trouve aux dernières étapes de sa maladie, elle est admise à l’hôpital. Du fait des règles de l’hôpital, le partenaire de son fils ne peut la visiter qu’en prétendant qu’il est un autre de ses fils.

2. Conception inclusive et obligation d’accommodement

C’est essentiellement parce que les services ne sont pas conçus de façon à les inclure que certaines familles sont la cible de discrimination.

Exemple : La mère d’une étudiante en droit est diagnostiquée comme souffrant du cancer. L’école de droit accepte d’offrir à l’étudiante un congé à court terme. Cependant, la mère étant toujours malade une fois le congé terminé, l’étudiante est forcée d’abandonner l’école de droit parce qu’il n’existe pas la possibilité d’études à temps partiel.

Les fournisseurs de services peuvent prendre des mesures pour faire en sorte que leurs services soient plus inclusifs pour les familles. Les établissements publics devraient installer des tables à langer dans les toilettes des hommes comme des femmes pour que les parents ne se sentent pas mal à l’aise lorsqu’ils sortent avec leur bébé. Les fournisseurs d’éducation peuvent offrir des programmes de jour ou de soir, des possibilités de prendre des congés, et de suivre des cours de qualité à distance. Les établissements de loisirs peuvent prévoir des vestiaires pour les familles.

La conception inclusive devrait tenir compte des familles qui comptent des personnes avec un handicap, qui sont LGBT ou qui viennent de différentes communautés culturelles.

Exemple : Une mère avec un handicap compte sur les services de transport public spécialisés pour se déplacer. Pour se rendre chez un fournisseur de soins de santé, elle s’arrange pour laisser son enfant dans une garderie. Cependant, comme le fournisseur de services de transport spécialisés ne lui permet pas de voyager avec son enfant, elle se retrouve dans l’impossibilité d’avoir accès ni aux services de garde d’enfants ni à son fournisseur de soins.

Les familles avec de jeunes enfants, comme les personnes avec un handicap et les personnes plus âgées, se heurtent à des obstacles physiques pour accéder à certains bâtiments et seraient aidées par l’élimination des obstacles et une conception inclusive. Les familles avec de jeunes enfants dans une poussette, par exemple, ont du mal à accéder à des bâtiments avec beaucoup de marches et de lourdes portes. Les règles qui interdisent ou qui restreignent l’accès aux poussettes posent des obstacles aux familles, particulièrement aux parents qui ont un handicap et ne peuvent pas porter leur enfant. Lorsque, pour cause d’inaccessibilité ou d’interdiction de poussettes, des personnes avec de petits enfants ne peuvent pas accéder à un service, cela peut représenter une violation du Code.

Comme les employeurs, les fournisseurs de services devraient prendre des mesures pour offrir des accommodements aux bénéficiaires de services qui ont des besoins en matière de prestation de soins.

Exemple : Lorsque l’enfant d’un étudiant tombe gravement malade juste avant un examen final, le fournisseur des services d’éducation accepte de remettre l’examen jusqu’à ce que l’enfant soit guéri.

Les gouvernements ont un rôle notable à jouer pour assurer l’accessibilité de leurs services, indépendamment de l’état familial. La Cour suprême du Canada a déclaré que, lorsque les gouvernements offrent des avantages au grand public, ils ont une obligation de prendre des mesures positives pour veiller à ce que les membres des groupes défavorisés profitent également de ces services, à condition bien entendu que cela ne leur cause pas un préjudice injustifié[71].

Exemple : Un programme d’aide sociale du gouvernement requiert des bénéficiaires qu’ils travaillent, qu’ils étudient ou qu’ils fassent du travail bénévole. Beaucoup de bénéficiaires sont des parents seuls et ont d’importantes responsabilités en matière de prestation de soins. Les fournisseurs du programme sont tenus de veiller à ce que les soutiens appropriés en matière de garde d’enfants soient disponibles ou que les exigences en matière de travail, d’études ou de bénévolat soient compatibles avec les besoins des bénéficiaires en matière de prestation de soins.

3. Restrictions fondées sur l’âge et espaces « interdits aux enfants »

Le Code n’interdit les discriminations en matière de services au motif de l’âge qu’aux personnes de 18 ans ou plus. En d’autres termes, les fournisseurs de services ont le droit, en vertu du Code, de restreindre les services qu’ils dispensent aux mineurs. Cependant, une récente décision d’un tribunal a indiqué que cette disposition du Code peut être une restriction injustifiée des droits à l’égalité des enfants en vertu de la Charte des droits et libertés[72].

De toute façon, les restrictions imposées aux services aux enfants qui ont pour effet de restreindre l’accès de leurs parents aux services peuvent constituer une discrimination au motif de l’état familial. Par exemple, dans une cause de la Colombie-Britannique, un restaurant qui avait refusé à des clients avec des enfants d’utiliser ses services, parce que les autres clients n’aimaient pas être dérangés lorsque les enfants faisaient du bruit, a été jugé coupable de discrimination au motif de l’état familial[73]. Les attitudes négatives ou l’intolérance envers les enfants peuvent entraîner la discrimination envers les familles. La position de la Commission est que les services qui interdisent l’accès aux familles avec des enfants au dessous d’un certain âge peuvent représenter une violation du Code.

Il y a, bien sûr, de valides raisons pour ne pas traiter les mineurs de la même façon que les adultes dans certaines circonstances. Il est légitime de prendre des mesures pour veiller à ce que les enfants n’aient pas accès à des services ou à des installations qui compromettraient leur sécurité ou leur bien-être. Si la santé, la sécurité ou le bien-être des enfants risquent d’être mis en cause, il est vraisemblable qu’un fournisseur de services aura une raison de bonne foi pour refuser l’accès aux enfants. Cependant, les restrictions arbitraires fondées sur l’âge ne doivent pas être utilisées pour imposer de simples préférences pour des espaces sans enfants.

Dans certains cas, un comportement habituellement associé aux enfants peut être incompatible avec la nature d’un service particulier. Par exemple, des pleurs bruyants et persistants pendant une représentation théâtrale peuvent représenter une gêne considérable pour les autres clients qui cherchent à suivre la représentation. Les enfants, comme les adultes, varient dans leur comportement et il n’est pas possible de juger a priori de la conduite des enfants. Plutôt que d’utiliser des restrictions fondées sur l’âge, il pourrait être plus approprié de préciser les exigences essentielles pour accéder aux services en question, et les personnes qui ne peuvent pas répondre à ces exigences essentielles seraient exclues, indépendamment de leur âge.

Exemple : Une piscine communautaire, plutôt que de réserver des heures aux adultes et des heures à la natation en famille, désigne des heures pour la natation en ligne et des heures pour la natation libre. Les enfants qui sont de bons nageurs et les adultes qui sont turbulents auront chacun accès aux services appropriés.

Le Code précise certains cas d’exceptions où des services peuvent être refusés au motif de l’état familial. Le paragraphe 20 (3) autorise les installations de loisirs à limiter l’accès à leurs services ou à le soumettre à certaines conditions, ou à accorder une préférence en ce qui concerne les cotisations des membres ou autres droits pour des raisons fondées sur l’état matrimonial ou l’état familial. Cette défense protégerait un club de célibataires, par exemple. De même, l’article 18 autorise les organismes ou groupements religieux, philanthropiques, éducatifs, de secours mutuels ou sociaux dont le principal objectif est de servir les intérêts de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination, à n’accepter que des personnes ainsi identifiées comme membres ou participants.


[71] Eldridge c. British Columbia (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624, au para 79.
[72] Arzem c. Ontario (Ministère des Services sociaux et communautaires) (No 6) (2006), 56 C.H.R.R. D/426, au para 157 (T.D.P.O.).
[73] Micallef c. Glacier Park Lodge Ltd. (1998), 33 C.H.R.R. D/249, au para 37 (B.C.H.R.T.).

Pour de plus amples informations

Pour de plus amples informations sur la Commission ontarienne des droits de la personne ou le présent énoncé de politique, prière de composer le 1-800-387- 9080 (sans frais) ou, à Toronto, le 416-326-9511(ATS : 416 – 314 - 6526 (local) et le 1- 800-308-5561 (sans frais)), pendant les heures normales de travail du lundi au vendredi. On peut également visiter notre site Web à www.ohrc.on.ca