Document de travail : Les assurances et les droits de la personne

Sommaire

Introduction et aperçu

Conformément au mandat qui lui a été conféré aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario, c’est-à-dire favoriser la connaissance et la compréhension de ces droits, la Commission ontarienne des droits de la personne a mis sur pied un projet visant à examiner le dossier des droits de la personne dans l’industrie des assurances.

Le présent document vise un double objectif : promouvoir le dialogue sur la protection des droits de la personne dans l’industrie des assurances, et examiner des solutions de rechange aux pratiques actuelles, grâce aux contributions d’experts, d’organismes de réglementation et de consommateurs. L’accès à l’assurance dans notre société soulève des questions graves touchant la justice distributive et l’équité dans le domaine public, questions qui n’ont guère reçu l’attention qu’elles méritent, que ce soit au Canada ou en Ontario, puisque l’établissement des taux d’assurance est normalement considéré comme relevant du domaine privé.

En 1992, la Cour suprême du Canada, dans Bates c. Zurich Insurance, a encouragé l’industrie à examiner de plus près des solutions de rechange non discriminatoires pouvant servir à l’établissement des taux d’assurance-automobile. Elle a décidé que l’industrie des assurances pouvait continuer à utiliser des critères discriminatoires tels que l’âge et l’état matrimonial tant qu’il s’agissait d’évaluer le risque de bonne foi, mais pas de manière indéfinie.

Dans l’optique des commentaires de la Cour suprême du Canada sur cette question et vu la rareté relative des analyses des droits de la personne dans l’industrie des assurances de la province, la Commission estime que le moment est venu d’examiner la question des assurances et des droits de la personne.

Les assurances et les droits de la personne

Le document de travail passe en revue les questions de l’autorité législative relativement à l’assurance, des dispositions du Code des droits de la personne et de la discrimination dans le domaine des assurances. 

Tout comme dans les domaines touchant les services, les contrats et l’emploi, en matière d’assurance chaque personne a le droit d’être traitée sans discrimination qui soit fondée sur des motifs énumérés dans le Code. L’assurance relève normalement du domaine des services ou de l’emploi, selon le contexte de la plainte.

Les critères d’évaluation du risque et de souscription sont nécessairement fondés sur des hypothèses concernant certains groupes et le comportement de ceux-ci, lesquelles risquent d’entrer en conflit avec les principes des droits de la personne. Un grand nombre de pratiques d’assurance font couramment une distinction entre les personnes en fonction de plusieurs facteurs tels que le sexe, l’âge, l’état matrimonial ou un handicap. Ces distinctions sont souvent justifiées par des normes commerciales et actuarielles légitimes, mais elles suscitent parfois des inquiétudes. La question à poser, c’est de savoir s’il existe des solutions de rechange non discriminatoires aux pratiques actuelles, et si l’industrie des assurances a cherché à éviter des pratiques telles que l’établissement de primes fondées sur des informations personnelles faisant l’objet d’une protection en vertu de la législation sur les droits de la personne.

Les articles 22 et 25 du Code prévoient quatre exceptions ou « moyens de défense » en matière d’assurance. En effet, les distinctions fondées sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap doivent être basées sur des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi. Dans le cas d’un handicap, les assureurs peuvent permettre l’établissement de limites liées à des conditions préexistantes ou à des conditions qui augmentent considérablement le risque. L’évaluation du souscripteur ou de la souscriptrice qui affirme qu’une condition préexistante augmente considérablement le risque est souvent fondée sur des hypothèses générales concernant le comportement de certains groupes, et il ou elle a de fortes chances d’émettre une évaluation inexacte quant au risque présenté par l’assuré en tant que tel, car il ou elle se base sur des stéréotypes au lieu de circonstances réelles.

Un autre sujet d’inquiétude est lié au rythme rapide du changement dans la société et dans les lois et politiques touchant les droits de la personne. Or, ces bouleversements sont restés sans écho dans l’industrie des assurances. Depuis quelques années, on accorde de plus en plus d’importance à la protection de l’information personnelle. Des causes mettant en jeu les questions de l’égalité et des désavantages systémiques ont révolutionné le domaine des droits de la personne. Néanmoins, l’approche adoptée par l’industrie des assurances à l’égard de la souscription, de l’établissement des taux et de l’évaluation des risques, reste en pratique à l’épreuve de tout changement, du moins sous l’angle de ces questions-là. Voici donc une bonne occasion d’élaborer des critères innovateurs qui concordent avec les nouvelles réalités du marché et de la société.

Le document de travail soulève plusieurs questions touchant aux moyens de défense des assureurs et à la question des droits de la personne dans le domaine des assurances.

Assurance-automobile

En lisant le texte de l’arrêt Bates c. Zurich Insurance, on est en droit de se demander si les pratiques d’évaluation du risque actuelles restent tolérables de nos jours, sept ans après que la Cour a ordonné à l’industrie d’élaborer des méthodes de rechange. Les auteurs du document de travail s’interrogent sur l’existence de solutions de rechange qui ne sont pas fondées sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial ou l’état familial.

Assurance-vie et assurance-invalidité

Les conditions préexistantes font obstacle à ceux qui veulent souscrire une assurance. Toutefois, le caractère raisonnable des périodes d’exclusion, l’obligation de divulguer les faits importants et, ici encore, l’existence d’exclusions fondées sur des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi ainsi que de solutions de rechange aux pratiques actuelles, tout cela contribue à soulever des questions relatives aux droits de la personne qui n’ont pas encore fait l’objet d’une attention suffisante de la part des tribunaux ni des théoriciens. On pense en particulier à l’obligation de divulguer les faits importants à la lumière des nouvelles technologies, tels les tests génétiques.

Grâce à la jurisprudence, les distinctions entre un handicap physique et l’incapacité mentale s’estompent peu à peu depuis quelques années, mais force est de constater que les assureurs hésitent encore à inclure les troubles mentaux dans la protection offerte.  C’est en raison du nombre croissant de plaintes liées à des demandes de prestations d’invalidité causée par le stress au travail que les auteurs du document de travail ont décidé d'aborder cette question.

Pour terminer, aux termes de la Loi sur les normes d’emploi, les femmes sont partiellement exclues à l’égard des prestations d’invalidité lorsqu’elles sont en congé de maternité ou en congé parental, alors que les hommes en congé parental ne le sont pas.

Orientation sexuelle

Les tribunaux ont décrété à plusieurs reprises que le traitement inéquitable des gais et des lesbiennes était contraire à la Charte des droits et libertés. Le Code et la Loi sur les assurances contiennent tous deux des définitions du terme « conjoint » qui sont discriminatoires parce qu’elles entraînent l’exclusion des couples de même sexe.

Conclusion

L’industrie des assurances a le droit d’avoir recours à des pratiques solidement fondées et reconnues afin d’atteindre l’objectif commercial légitime d’imposer des primes proportionnelles au risque. Il existe cependant de nouvelles approches à l’égard de la preuve actuarielle et de l’analyse des coûts qui ont des chances de produire des barèmes de taux ou des classifications qui sont moins discriminatoires, voire non discriminatoires.

Pour terminer, les auteurs du document de travail proposent à la CODP et aux acteurs de l’industrie quelques démarches qui aideront à trouver un début de solution constructive aux problèmes des droits de la personne dans l’industrie des assurances. 

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L'industrie des assurances en Ontario

L’industrie des assurances en Ontario est réglementée par la Loi sur les assurances (L.R.O. 1990, chap. I.8). Le ministère des Finances régit les services d’assurance par l’intermédiaire de la Commission des services financiers de l’Ontario (la CSFO), résultat de la fusion opérée entre l’ancienne Commission des assurances de l’Ontario, la Commission des pensions et la Division des institutions de dépôt du ministère des Finances.

Dans son introduction au Study Paper on the Legal Aspects of Long-term Disability Insurance, l’auteur Marvin Baer fait cependant remarquer que plusieurs lois et principes de base qui régissent l’assurance sont fondés sur la common law et que la législation est adoptée au cas par cas[1].

Baer affirme également que l’industrie des assurances n’a aucune obligation légale directe vis-à-vis de l’évaluation du risque. La disposition relative aux « pratiques injustes » dans la Loi sur les assurances est la seule mesure de dissuasion juridique qui existe, et le surintendant des services financiers n’y a pas souvent recours.

Toutefois, la CSFO indique que des pratiques qui risquent de s’avérer injustes sont normalement éliminées par le biais d’ententes prises au terme de négociations menées par le personnel de plusieurs services de la CSFO. Par conséquent, il est rare d’avoir à tenir des audiences formelles.



[1] Baer, Marvin. “Study Paper on the Legal Aspects of Long-Term Disability Insurance” (1996) p.2, préparé pour la commission de réforme du droit de l'Ontario et soumis au procureur général de l'Ontario.

 

La Commission des services financiers de l'Ontario (CSFO)

En tant qu’organisme de réglementation, la CSFO n’est pas habilitée à apporter de modifications aux règlements ou aux lois, mais elle peut conseiller le gouvernement à ce sujet.

L’objectif global de la CSFO relativement à l’assurance consiste à renforcer la confiance du public envers cette industrie. Voici les démarches qu’elle entreprend à cet effet :

  • émettre des permis à des compagnies œuvrant dans divers domaines d’assurance afin de répondre aux besoins en Ontario;
  • surveiller l’industrie afin de préserver la solvabilité des compagnies d’assurance constituées en Ontario;
  • insister sur des normes élevées de conduite sur le marché, y compris l’adoption de pratiques exemplaires et la préservation d’un accès équitable pour les consommateurs;
  • prendre des mesures de discipline et d’application des lois et règlements au besoin;
  • distribuer des informations impartiales aux consommateurs.

La CSFO comprend un tribunal qui réalise des examens experts, prompts et efficaces des décisions en matière de réglementation. Un conseil consultatif lui offre des avis et des recommandations sur des questions telles que ses priorités, les droits à percevoir et la structure d’évaluation. Les membres du conseil consultatif sont des intervenants dans les industries de l’assurance, les caisses de retraite, les compagnies de prêts et de fiducie, les caisses populaires et credit unions, les coopératives et les cabinets de courtage hypothécaire, et ils comptent aussi des représentants des consommateurs.

Des mesures améliorées sont mises sur pied pour aider les consommateurs à obtenir un règlement plus rapide de leurs plaintes, notamment la nomination à la CSFO du premier ombudsman des assurances au Canada. De même, on a établi un protocole de traitement des plaintes à l’intention de toutes les compagnies d’assurance titulaires de permis d’exploitation en Ontario. En outre, chaque compagnie met sur pied un bureau de liaison avec l’ombudsman afin de surveiller le traitement des plaintes. La CSFO a également constitué un groupe d’étude technique, le comité de surveillance du marché (assurance IARD), chargé d’identifier les enjeux de l’industrie et les besoins des consommateurs, et elle coordonnera l’information relative aux consommateurs. Enfin, la CSFO a formé un groupe de règlement des différends qui organise régulièrement des tribunes de consultation avec les assureurs et les membres de la profession juridique. La CSFO est sur le point d’aborder un examen approfondi de la distribution des règlements d’assurance.

Groupe de règlement des différends

En juin 1998, l’hon. George W. Adams, c.r., publiait un rapport de vérification indépendante au sujet du groupe de règlement des différends de la CSFO. On lui avait demandé de passer en revue la performance générale de celui-ci, compte tenu des changements importants qui avaient été apportés à son mandat législatif au cours des huit années précédentes et de la fusion imminente avec la Commission des assurances de l’Ontario (CAO) pour former la nouvelle CSFO.

L’objectif de cette étude était d’examiner les forces et faiblesses du groupe de règlement des différends, de signaler les améliorations les plus évidentes qu’il lui fallait apporter pour atteindre ses objectifs et de cerner les domaines nécessitant un examen plus approfondi. Le rapport contenait des observations sur l’efficacité du fonctionnement, le service à la clientèle, l’intégrité du système, le respect de l’équité et la capacité à satisfaire à toutes les exigences de la loi et des règlements. Voici ce qu’en disait M. Adams :

« Le groupe de règlement des différends de la Commission des assurances de l’Ontario existe depuis 1990. Il s’agit d’un système intégré de médiation, d’arbitrage et de pourvoi en appel dont la compétence s’étend aux demandes d’indemnités pour blessures corporelles causées par un accident d’automobile, en fonction de trois barèmes de prestations d’accident statutaires. C’est le plus important et le plus complet des systèmes de règlement des différends qui existent dans tous les organismes, conseils ou commissions de l’Ontario. Ce groupe est reconnu comme un pionnier à la fine pointe des pratiques exemplaires dans son domaine. »

Dispositions liée à l’assurance dans le Code

Six articles du Code ont des répercussions sur l’industrie des assurances (voir annexe). L’article 3 interdit la discrimination dans tout contrat, notamment dans les contrats d’assurance.

L’article 5 interdit la discrimination dans l’emploi, y compris dans les régimes d’avantages sociaux qui ont trait à l’assurance.

L’article 10 définit le terme « assurance-groupe » comme une police d’assurance-vie ou d’assurance-vie et d’assurance-invalidité qui protège un certain nombre de personnes. Le contrat est souscrit entre un assureur et une association, un employeur ou une autre personne.

L’article 11 interdit la discrimination provenant de l’utilisation d’une règle ou condition générale qui, malgré son vaste champ d’application, peut avoir un impact négatif ou indirect sur des personnes identifiées pour un motif interdit.

Enfin, toute partie intimée dispose de quatre moyens de défense (ou exceptions) liés à l’assurance conformément aux articles 22 et 25 du code. Dans Thornton[2], la commission d’enquête a établi que le code prévoyait la hiérarchie suivante des moyens de défense, chaque échelon correspondant à un nombre croissant de conditions préalables :

  • L’article 25(2) prévoit que les régimes de retraite ou d’assurance-groupe pour les employés qui sont établis en fonction de l’âge, du sexe, de l’état matrimonial ou de l’état familial ne contreviennent pas au code s’ils sont conformes au règlement pris en application de la Loi sur les normes d’emploi.
  • L’article 22 prévoit que les régimes d’assurance-automobile, d’assurance-vie, d’assurance-accident, d’assurance-maladie, d’assurance-invalidité, d’assurance-groupe ou de rente viagère qui ne relèvent pas d’une situation d’emploi peuvent quand même faire des distinctions fondées sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap, mais seulement s’il existe à cela des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi.
  • L’article 25(3)(b) prévoit que les régimes d’assurance-groupe pour les groupes de moins de 25 employés peuvent faire des distinctions fondées sur un handicap, pourvu que la distinction soit établie de façon raisonnable et de bonne foi et pour un handicap préexistant.
  • L’article 25(3)(a) prévoit que tout autre régime d’assurance-vie ou d’assurance-invalidité offert aux employés peut faire des distinctions fondées sur un handicap, à condition que la distinction soit établie de façon raisonnable et de bonne foi et qu’elle soit fonction d’un handicap préexistant qui augmente considérablement le risque.


[2] Thornton v. North American Life Assurance Co. (No.5) (1992), 17 C.H.R.R. D481 (Ont. B.O.I)

 

Social Areas: 

Les assurances et les droits de la personne

BATES C. ZURICH

Jusqu’ici, l’une des décisions les plus influentes jamais rendues à propos de la qualité des assurances et du code a été la décision majoritaire de la Cour suprême du Canada dans Bates c. Zurich[3] relativement au test du motif « justifié de façon raisonnable et de bonne foi » aux termes de l’article 22 du Code (article 21 au moment du dépôt de la plainte). Cette décision est exécutoire par l’ensemble des cours et tribunaux d’instance inférieure, et les commissions d’enquête ont également eu recours au test de l’article 22 dans les causes liées à l’emploi, conformément à l’article 25 du code[4].

La défense prévue dans l’article 22 du Code permet aux compagnies d’assurance de faire des distinctions dans les polices d’assurance individuelles et les polices d’assurance-groupe non liées à l’emploi, en fonction de l’âge, du sexe, de l’état matrimonial, de l’état familial ou d’un handicap, mais uniquement si ces distinctions sont établies pour des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi.

La cour devait décider si Zurich Insurance avait rendu Michael Bates victime de discrimination en lui demandant de payer des primes plus élevées pour son assurance-automobile en raison de son âge, de son sexe et de son état matrimonial.

La décision majoritaire

La Cour a établi qu’une pratique était de bonne foi si elle était adoptée de façon honnête, dans les intérêts de pratiques commerciales solidement fondées et reconnues, et non dans le but de porter atteinte aux droits protégés par le Code. Il ne faisait aucun doute que Zurich avait agi de bonne foi au moment d’établir ses primes d’assurance.

Le jugement portait sur l’application du test des « motifs justifiés de façon raisonnable » aux faits en cause. La Cour était d’avis qu’une pratique discriminatoire était « raisonnable » si: 

  • elle suivait une pratique d’assurance solidement fondée et reconnue;
  • il n’existait aucune autre solution praticable.

En ce qui concerne le premier volet du test, une pratique d’assurance solidement fondée et reconnue était définie comme étant adoptée « pour atteindre l’objectif commercial légitime d'imposer des primes proportionnelles au risque ».

La majorité des juges ont décidé que la décision de Zurich lors de l’établissement des primes était étayée sur les preuves actuarielles crédibles dont elle disposait au moment de la plainte. Il s’agissait d’une corrélation statistique entre l’âge, le sexe et l’état matrimonial d’une part, et les pertes d’assurance d’autre part, d’où il se dégageait que les jeunes conducteurs de sexe masculin avaient plus d’accidents que les autres conducteurs.

La Cour s’est alors demandée s’il existait une autre solution pouvant être mise en œuvre au moment de la plainte. Or, elle a décidé qu’en 1983, Zurich n’avait d’autre choix que de fixer les primes en fonction de l’âge, du sexe et de l’état matrimonial. La Cour estimait qu’il ne serait pas raisonnable d’exiger que Zurich établisse les primes au jugé au lieu de se fier à des données statistiques valides, mais discriminatoires.

La Cour a toutefois bien montré que l’industrie des assurances ne devait pas continuer indéfiniment à s’appuyer sur des critères discriminatoires pour déterminer ses taux. Elle a décidé, en fonction de la preuve présentée, que trois années seraient nécessaires pour recueillir des statistiques valables. La Cour a également déclaré que l’industrie « doit chercher à éviter de fixer des primes fondées sur des motifs interdits ».

Opinions dissidentes

Deux juges auraient voulu trancher en faveur de la Commission, et elles ont présenté plusieurs arguments compatibles avec une interprétation large, libérale et délibérée des lois sur les droits de la personne :

  • Les parties intimées ne doivent pas avoir le droit de justifier de pratiques discriminatoires en invoquant la tradition. Cinquante années de tarification discriminatoire n’excusent rien.
  • Une corrélation statistique ne suffit pas à justifier le caractère discriminatoire d’une pratique. Il doit y avoir une corrélation causale.
  • Il existait une solution de rechange raisonnable. Les primes des conducteurs de plus de 25 ans étaient calculées en fonction de la distance parcourue et des antécédents d’accidents. Pourquoi ne pas utiliser ces critères pour les conducteurs de moins de 25 ans?
  • L’absence de statistiques sur un autre genre de barème ne signifie pas qu’il n’existe aucune solution de rechange.

Répercussions

L’application par la Cour du test des motifs justifiés de façon raisonnable met en lumière le respect de la tradition établie dans l’industrie des assurances par la majorité des juges. Les compagnies d’assurance intimées n’auront aucun mal à se prévaloir de l’argument que leurs pratiques commerciales sont solidement fondées et reconnues dans l’industrie. Or, l’argument de la tradition n’est pas une défense acceptée dans d’autres types de plaintes relatives aux droits de la personne. On peut également dire que les attitudes et comportements discriminatoires ne changeraient jamais s’il suffisait que les parties intimées invoquent la tradition pour se justifier de leurs actes.

Cela dit, la Commission devra considérer la preuve statistique dont dispose l’industrie des assurances au moment d’une plainte. Comme l’ont fait remarquer néanmoins les juges dissidentes, ce n’est pas parce qu’une compagnie d’assurance ne dispose pas de ses propres statistiques qu’elle peut affirmer qu’il est impossible de trouver des statistiques à jour et non discriminatoires.

Les observations de la Cour relativement à une autre solution pratique et raisonnable signifient que l’industrie des assurances aurait pu élaborer pour l’assurance-automobile un nouveau système fondé sur des critères non discriminatoires. À ce jour, l’industrie n’a pas encore mis au point de nouveau système pour l’assurance-automobile. Une plainte similaire dans ce domaine connaîtrait peut-être maintenant un sort tout à fait différent. La Cour suprême a clairement affirmé que l’industrie des assurances devait œuvrer à l’élaboration de critères non discriminatoires pour évaluer le risque. Le système existant de classification discriminatoire n’est peut-être plus conforme au test d’une pratique solidement fondée et reconnue dans le domaine des assurances.

ASSURANCE-AUTOMOBILE

Le moyen de défense prévu par l’article 22 du Code comprend l’assurance-automobile, où il est possible de faire des distinctions fondées sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap, mais ces distinctions doivent être fondées sur des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi.

À l’heure actuelle en Ontario, l’évaluation du risque dans le domaine de l’assurance-automobile se fait partiellement en fonction de l’état familial, de l’état matrimonial, de l’âge et du sexe, et les plaintes touchant une discrimination fondée sur ces motifs risquent fort de se poursuivre.

Plusieurs scénarios tenant compte de l’état matrimonial ou de l’état familial peuvent sembler produire un traitement discriminatoire. À titre d’exemple, les enfants du conducteur principal d’une famille peuvent être cotés comme des conducteurs occasionnels. À un moment donné, les filles des titulaires de police étaient incluses sans frais, alors que ce n’était pas le cas des fils. À l’heure actuelle, les enfants de sexe féminin ne bénéficient plus de la gratuité. On perçoit des frais supplémentaires pour les conducteurs occasionnels, quel que soit leur sexe, mais le taux imposé aux hommes est parfois plus élevé que celui payé par les femmes.

Si le permis d’un membre d'un ménage a été suspendu, le partenaire ou la partenaire se verra sans doute imposer une prime plus élevée. En effet, la compagnie d’assurance peut décider qu’il existe un risque que le conducteur suspendu se mette tout de même au volant, et elle augmentera alors la prime de son partenaire en fonction de l’évaluation qu’elle fait du risque.

En vertu de la Loi sur les assurances, la CSFO passe en revue toutes les demandes et le surintendant les approuve si elles satisfont aux normes statutaires concernant la classification du risque et des taux. Les assureurs ont le droit de demander une audience si l’approbation n’est pas accordée, et le surintendant en ordonne une si cela relève de l’intérêt public.

L’audience de la CAO (la CSFO)

En 1997, l’ancienne Commission des assurances de l’Ontario (CAO) a reçu la demande d’un assureur qui proposait un nouveau système de classification du risque et un barème des taux fondé sur des critères qui n’étaient pas directement liés au dossier de conduite. Un document d’information préparé par le personnel de la CAO affirmait que plusieurs éléments du système de classification proposé n’étaient ni justes, ni raisonnables, et qu’ils ne faisaient pas clairement la distinction entre les risques en raison de leurs répercussions sur la politique sociale. Cette position ne reflète pas nécessairement la position passée ou présente de la CAO (remplacée depuis lors par la CSFO). La CAO a rejeté la demande, et selon l’exigence de la Loi sur les assurances, elle a organisé une audience à ce sujet.

L’assureur a fini par retirer sa demande avant même le début de l’audience. Toutefois, la Commission ontarienne des droits de la personne a soumis des observations à la CAO (voir annexe). La Commission y déclare que certains facteurs de classification du risque d’après le système proposé par l’assureur, soit la possession d’une carte de crédit, les faillites éventuelles, la situation professionnelle, la stabilité de l’emploi, de même que la situation et la stabilité résidentielles, risquent d’enfreindre la partie I du code, en raison de l’exigence liée à l’état matrimonial. Par ailleurs, la Commission craignait que de tels critères aient un effet négatif sur les femmes, les jeunes et des immigrés récents.

La Commission affirme également qu’il n’est pas sûr qu’une commission d’enquête ou un tribunal trouverait que le système de classification du risque proposé par l’assureur « est conforme à une pratique commerciale solidement fondée et reconnue dans le domaine des assurances », telle qu’elle est définie dans l’arrêt Zurich. Il est également douteux qu’on décide qu’il « n’existe aucune autre solution pratique » à la proposition de l’assureur.

D’autre part, la Commission déclare que d’après elle, l’arrêt Zurich signifie que l’industrie des assurances peut passer outre à certains motifs aux termes de la partie I du Code si elle est capable de montrer, conformément à l’article 22, qu’une telle pratique est adoptée aux fins de remplir « l’objectif commercial légitime d'imposer des primes proportionnelles au risque ». La Cour a toutefois clairement déclaré que l’industrie des assurances ne devait pas indéfiniment continuer à avoir recours à des critères discriminatoires pour établir ses barèmes de taux, puisqu’elle « doit chercher à éviter de fixer des primes fondées sur des motifs interdits ». Lorsqu’on rapproche ces deux volets de l’arrêt Zurich, on peut en tirer l’argument que tout nouveau système de classification proposé, même s’il s’agit en fin de compte d’un meilleur test d’évaluation du risque, doit au moins éviter d’enfreindre la partie I du Code davantage qu’aucun système de classification actuel. D’ailleurs, le nouveau système proposé devrait tâcher d’éviter de déterminer le risque en fonction des motifs interdits.

Sans tenir compte de la décision majoritaire dans Zurich et de l’exception prévue à l’article 22 conformément au Code, la CAO semble avancer une interprétation différente de ce qu’on peut appeler des tests de classification du risque fondés sur « des motifis justifiés de façon raisonnable » et « de bonne foi ». Le document d’information de la CAO contenait une opinion similaire à celle émise par les deux juges dissidentes dans Zurich. Ces juges ont décidé qu’une corrélation statistique ne suffisait pas à justifier le caractère raisonnable d’une pratique discriminatoire. Il doit en outre exister un lien de causalité.

Dans son Rapport final en réponse à la demande de l’assureur, la CAO a déclaré que toute nouvelle variable de classification du risque devait remplir l’ensemble des critères stipulés par la Loi sur les assurances (l’article 412.1 en particulier; voir annexe). Elle affirme également qu’en-dehors de la corrélation statistique, les critères de classification du risque doivent également faire une distinction équitable. Par ailleurs :

Un indicateur du caractère raisonnable d’un système de classification du risque est sa causalité, c.-à-d. que l’assuré devrait être capable de déduire de façon logique comment le taux qu’on lui impose a été calculé et de comprendre l’effet de ses antécédents de conduite sur celui-ci (Rapport final de la CAO, p.7).

La décision majoritaire dans Zurich ne repose pas sur un « lien de causalité », mais seulement sur une corrélation statistique qui est considérée comme suffisante pour justifier le caractère raisonnable d’une pratique commerciale discriminatoire. La position articulée dans le document de la CAO, soit qu’un automobiliste assuré devrait être capable de comprendre les répercussions de son dossier de conduite sur le taux de l’assurance, semble donc être un test plus strict du caractère raisonnable que celui qui se dégage de l’interprétation de l’article 22 du code dans l’arrêt Zurich.

Une plainte touchant l’assurance-automobile qui serait présentée de nos jours aurait peut-être une issue différente de celle de Zurich, car une commission d’enquête ou un tribunal ne considérerait pas seulement les solutions de rechange que l’industrie aurait à proposer aux critères discriminatoires traditionnels de la classification du risque, mais également la position articulée dans le document d’information de la CAO, à l’effet qu’il devrait exister un lien de causalité entre la classification du risque et le dossier de conduite.

Juridictions américaines

Il semble que dans certaines juridictions américaines, on n’utilise ni l’âge, ni le sexe, ni l’état matrimonial pour établir les taux de l’assurance-automobile. Le Massachusetts, par exemple, a recours à un régime d’assurance pour bons conducteurs, qui dépend du dossier de conduite et d’un système de points, et non de l’âge, du sexe ou de l’état matrimonial, sauf que les personnes de plus de 65 ans bénéficient d’une réduction.

INVALIDITÉ ET ASSURANCE

Le rapport de Baer intitulé Study Paper on the Legal Aspects of Long-Term Disability Insurance (supra) permet de jeter la lumière sur certaines notions et définitions dans le domaine de l’assurance-invalidité. Baer déclare qu’en Ontario, l’assurance-invalidité désigne un avenant souscrit dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie, alors que l’assurance-accident et l’assurance-maladie constituent des termes plus génériques utilisés dans les contrats autres que ceux d’assurance-vie. De même, l’assurance-invalidité tombe sous le coup de deux parties différentes de la Loi sur les assurances. Baer est d’avis que cet état de choses ne sert plus à rien, et il recommande donc que toute l’assurance-invalidité, souscrite ou non dans le cadre d’un contrat d’assurance-vie, soit régie par un ensemble de règles statutaires.

D’autre part, Baer utilise le terme d’« assurance-invalidité » pour désigner toute assurance conçue pour remplacer le revenu ou pour compenser les pertes d’exploitation, en la distinguant de l’assurance conçue pour couvrir les frais médicaux.

Baer fait remarquer que la Loi sur les assurances ne fait pas aucune distinction entre les invalidités de courte et de longue durée, contrairement à l’industrie et aux tribunaux canadiens. Les prestations de courte durée font souvent partie du régime de congés de maladie de l’employeur et ne sont pas comprises dans l’invalidité de longue durée. Toutefois, les polices d’assurance-invalidité de groupe combinent souvent des garanties professionnelles de courte durée et de longue durée. « Ainsi, pour recevoir les prestations de courte durée, les bénéficiaires doivent être atteints d’une invalidité qui les empêche de s’acquitter de leurs fonctions habituelles, mais pour recevoir des prestations de longue durée, c’est n’importe quel travail qu’ils doivent être dans l’incapacité d’effectuer. »

Baer affirme également que la Loi sur les assurances fait une distinction entre les contrats d’assurance-invalidité individuels et de groupe, et que les conditions statutaires ne s’appliquent pas aux polices d’assurance-invalidité de groupe. Et pourtant, l’assurance-invalidité relève le plus souvent de polices de groupe souscrites par des employeurs ou des organismes.

Il affirme également que dans la plupart des cas, « l’assurance-invalidité (surtout les polices de groupe) est vendue à un taux minime voire nul. Cela veut dire que tous les membres d’un organisme peuvent être acceptés dans un régime de groupe, le fait d’appartenir au groupe servant d'indice général de bonne santé. Une fenêtre limitée d’adhésion au régime sert aux assureurs à se préserver contre le risque de sélection adverse. Ce risque est aussi réduit par différentes exclusions figurant dans la police (en particulier, l'exclusion concernant une condition médicale préalable). »

Moyens de défense conformément à l’article 25(3)

L’article 25(3) prévoit deux moyens de défense pour les compagnies d’assurance et les employeurs qui refusent d’assurer un employé en raison d’un handicap préexistant :

  • L’article 25(3)(a) permet à d’autres régimes d’assurance-vie ou d’assurance-invalidité des employés de faire des distinctions entre invalidités, pourvu qu’elles soient justifiées de façon raisonnable et de bonne foi, qu’elles soient liées à un handicap préexistant et que le handicap augmente considérablement le risque.
  • Dans les polices d’assurance-groupe souscrites en vertu de article 25(3)(b) pour les entreprises comptant moins de 25 employés et dans les régimes entièrement financés par les employés, il est possible de faire des distinctions fondées sur l’invalidité, pourvu que ce soit de façon raisonnable et de bonne foi et que la distinction vise un handicap préexistant.

Pour monter une bonne défense conformément à l’article 25(3)(a), la partie intimée doit réussir à démontrer que :

  • la distinction vise un handicap préexistant;
  • le handicap exclu aurait entraîné une augmentation considérable du risque;
  • la distinction est fondée sur des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi.

L’article 25(3)(b) est plus facile à respecter, car la partie intimée n’est pas tenue de montrer que le handicap accroît considérablement le risque.

Lorsque l’employeur ou l’assureur fait, dans un contrat d’assurance-groupe pour des employés, des distinctions fondées sur un handicap qui ne figure pas dans l’article 25(3), il renonce au droit d’invoquer une exception conformément au Code.

Handicap préexistant

L’industrie des assurances a recours à des clauses d’exclusion dans les contrats d’invalidité de longue durée afin d’empêcher les gens de présenter des demandes pour des conditions qui existaient avant la date d’entrée en vigueur de la garantie. Ces clauses d’exclusion semblent être conçues pour protéger l’assureur contre les personnes qui se font embaucher par un employeur dans le seul et unique but d’obtenir une protection pour un problème de santé anticipé par l’employé mais ignoré de l’assureur et de l’employeur. L’industrie des assurances appelle cela une « sélection adverse ».

Les limites relatives aux conditions préexistantes peuvent varier, mais il s’agit toujours de restreindre la garantie pendant une certaine période de temps à l’égard n’importe quelle condition qui a été diagnostiquée ou traitée durant une période donnée avant la date d’entrée en vigueur de la garantie. La limite prévue dans une clause d’exclusion est généralement temporaire. L’employé bénéficiera sans doute d’une protection pour les autres conditions dès la date d’entrée en vigueur, ainsi que d’une garantie différée sur les conditions préexistantes.

Dans Thornton c. North American Life Insurance Company et al.[5], le plaignant alléguait une discrimination fondée sur un handicap en raison d’une clause d’exclusion dans un régime d’invalidité de longue durée offert par son employeur. Cette clause interdisait les prestations d’invalidité de longue durée si l’employé se faisait soigner ou traiter par un médecin dans la période de 90 jours précédant la date d’entrée en vigueur de l’assurance. Au cours des 90 premiers jours de son emploi, le plaignant avait consulté son médecin à deux reprises au sujet de problèmes liés au VIH. Onze mois après avoir été embauché, M. Thornton a demandé des prestation d’invalidité de longue durée en raison d’une maladie causée par le VIH.

La commission d’enquête rejeta la plainte. En effet, à son avis « il est raisonnable d’inclure des clauses d’exclusions dans les contrats d’assurance lorsque le groupe d’assurés ne comprend que 100 employés ou moins. Lorsque le nombre d’employés est plus élevé, de telles clauses ne sont pas nécessaires, car le risque est étalé sur un plus grand nombre de personnes » (voir annexe, sommaires des causes). Le tribunal a également décidé qu’il n’existait aucune autre solution pratique.

Il y a problème lorsqu’une personne consulte son médecin pendant la période d’exclusion avant la date d’entrée en vigueur de la garantie pour un malaise mineur qui n’a pas encore été diagnostiqué comme un handicap préexistant. Ainsi, la maladie qui commence à se manifester avant la date d’entrée en vigueur n’est considérée comme un symptôme de conditions préexistantes qu’après cette date. Si l’intention des clauses d’exclusion des handicaps préexistants est de protéger l’assureur contre la sélection adverse, le refus des prestations ne se justifie que si la condition était connue ou diagnostiquée pendant la période d’exclusion.

Autre problème connexe : l’assuré est tenu de divulguer les faits importants tels que les conditions préexistantes. Baer explique que les contrats d’assurance sont considérés comme des contrats de bonne foi absolue, obligeant l’assuré à divulguer à l’assureur tous les faits importants le concernant, c’est-à-dire « n’importe quel fait apte à inciter l’assureur raisonnable à rejeter le risque ou à imposer une prime plus élevée ». Toutefois, Baer fait remarquer que « l’obligation en common law de faire preuve de bonne foi absolue est presque unanimement reconnue comme trop lourde et injuste ».

Baer estime que la Loi sur les assurances a adopté des modifications à l’exigence de la bonne foi absolue, même si la deuxième notion s’y trouve intégrée par inférence :

  • Lorsqu'un contrat a été en vigueur pendant deux années de la vie de la personne sur la tête de qui repose l'assurance, l'omission de divulguer un fait ou une déclaration inexacte portant sur ce fait ne rend pas, sauf en cas de fraude, le contrat annulable.
  • L’obligation de divulguer est limitée à l’information exigée dans le formulaire de demande ou à l’occasion d’un examen médical requis.

Baer recommande également que la Loi sur les assurances limite explicitement l’obligation de divulgation au fait de répondre à toutes les questions du mieux de ses capacités et de son information.

Augmentation considérable du risque

L’article 25(3)(a) présente une norme plus élevée à respecter par les employeurs et les assureurs, car un handicap préexistant doit augmenter considérablement le risque. La commission d’enquête dans Thornton a défini le risque de manière à inclure les chances qu’une demande soit déposée à l’égard de la prestation d’assurance visée par l’exclusion.

Dans une assurance-invalidité de groupe, l’assureur n’essaye pas d’évaluer le degré de risque lié aux employés individuels. Il accepte que certains membres du groupe risquent de déposer une demande.

Pour atteindre une répartition normale du risque dans un groupe, celui-ci doit être assez grand pour permettre l’élaboration de statistiques fiables. Les groupes d’employés très nombreux ont de fortes chances de présenter une répartition normale du risque. D’après l’industrie des assurances, les groupes de moins de 100 employés ne présentent généralement pas une répartition normale du risque.

Une compagnie d’assurance ne se demandera pas toujours si une condition augmente considérablement le risque de demandes d’indemnité. Toutefois, pour respecter les dispositions de l’article 25(3)(a), une compagnie d’assurance devrait veiller à n’appliquer une distinction en fonction du handicap préexistant qu’aux handicaps présentant un degré de risque élevé. Respecter cette obligation du Code, pourtant, pose des problèmes.

L’exclusion de personnes qui ont un « handicap préexistant qui augmente considérablement le risque » produit un traitement inégal dans l’emploi en raison d’un handicap. Le refus d’accorder une protection contre l’invalidité de longue durée constitue un obstacle pour les personnes ayant un handicap qui n’ont encore jamais détenu un emploi, et pour les personnes qui ont un emploi qu’elles ne peuvent quitter sous peine de perdre la protection dont elles jouissent auprès de leur employeur actuel.

Les personnes séropositives ou atteintes du sida sont particulièrement vulnérables à l’heure actuelle. Les représentants des compagnies d’assurance utilisent une image (« il est impossible d’assurer une maison qui brûle ») pour montrer à quel point il est difficile d’assurer une personne séropositive ou atteinte du sida. Certains organismes de lutte contre le sida n’ont pas pu obtenir de régimes d’assurance-groupe pour leurs employés car l’industrie des assurances estime que le groupe tout entier des employés présente un risque trop élevé.

Le cabinet d’experts-conseil en ressources humaines Foster Higgins a publié les résultats d’une enquête visant à prévoir les coûts liés au VIH dans les régimes d’assurance-groupe[6]. D’après ces experts, les coûts liés aux demandeurs d’invalidité de longue durée qui sont atteints du sida ou de troubles connexes n’étaient pas aussi élevés qu’on l’avait cru au départ. L’article mentionne plusieurs explications à ce phénomène. L’une, c’est que la majorité des demandes d’invalidité de longue durée sont réduites du montant des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada. D’autre part, les séjours à l’hôpital sont de courte durée et pas toujours facturés au régime de la compagnie, et il existe des programmes de subventions pour les coûts des médicaments administrés hors de l’hôpital. En conclusion, les auteurs de l’article affirment qu’« une demande type peut coûter au régime d’avantages sociaux un total de 100 000 $, sans compter les prestations de décès; or, bien des demandes de prestations d’invalidité de longue durée coûtent plus cher à l’assureur ». Pour terminer, l’article suggère que les employeurs réfléchissent à différentes mesures permettant de contrôler les coûts des programmes d’assurance-vie et d’invalidité de longue durée.

Par conséquent, pour déterminer si un handicap préexistant augmente considérablement le risque, un assureur devra peut-être utiliser un modèle analytique tel que la comparaison des coûts mentionnée ci-dessus, avant de se prévaloir d’une exception en vertu de l’article 25(3)(a) du Code.

De façon raisonnable et de bonne foi

L’exclusion, la distinction ou la préférence établie dans une police d’assurance doit être fondée « de façon raisonnable et de bonne foi ». Ce test, proposé par la majorité des juges de la Cour suprême dans Bates c. Zurich Insurance, peut également s’appliquer à l’article 25(3). Comme dans les arrêts Zurich et Thornton, on ne mettra probablement jamais en question la bonne foi des parties intimées.

En ce qui concerne le motif justifié « de façon raisonnable », une commission d’enquête doit se demander si l’exclusion, la distinction ou la préférence :

  • est conforme à une pratique d’assurance solidement fondée et reconnue;
  • ne peut être remplacée par une autre solution pratique.

Autrement dit, une commission d’enquête doit évaluer s’il existe suffisamment de preuves statistiques et actuarielles pour soutenir la pratique consistant à refuser des prestations d’assurance à certains employés. Dans Thornton, à titre d’exemple, la compagnie intimée affirmait que l’objectif de la clause d’exclusion était d’empêcher la sélection adverse. Or, la commission d’enquête a décidé que l’intimée n’avait pas présenté un argument statistique suffisant pour justifier la nécessité d’une telle clause. Néanmoins, la commission a décidé que la clause d’exclusion était justifiée pour d’autres motifs.

Non seulement une exclusion, distinction ou préférence doit s’avérer statistiquement défendable, mais il ne doit également exister aucune autre solution pratique. Dans Thornton, la commission n’a pas accepté les solutions de rechange proposées par le plaignant. L’Association canadienne des compagnies d’assurances de personnes estime qu’il existe des solutions de rechange pour les régimes d’assurance-groupe lorsque le bassin de risque est réduit : par exemple, prévoir une période d’attente pour tous les membres du régime et toutes les conditions ou limiter les critères permettant de souscrire l’assurance-groupe.

Défense en vertu de l’article 22

Le moyen de défense prévu par l’article 22 du Code comprend l’assurance individuelle ou l’assurance-groupe contre les accidents, la maladie ou l’invalidité qui ne s’insère pas dans le cadre d’un emploi si des distinctions sont fondées sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap, mais ces distinctions doivent être fondées sur des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi.

Critères de souscription

Dans Study Paper on Disability Insurance (supra), Baer explique que :

La souscription n’est pas une science exacte. Les souscripteurs et souscriptrices ont recours aussi bien à la preuve actuarielle qu’à l’expérience. Ils fondent la probabilité de perte sur le risque physique autant que moral. Dans le domaine de l’assurance-vie et de l’assurance médicale, le risque physique comprend tous les facteurs médicaux et professionnels dont le souscripteur ou la souscriptrice décide qu’ils influencent le risque. Le risque moral comprend les facteurs liés à la personnalité de l’assuré, et dont le souscripteur ou la souscriptrice décide qu’ils influencent peut-être ou certainement le risque.

Il suggère que les opinions fondées sur une expérience de la souscription professionnelle ou spécialisée « sont difficiles à différencier des partis pris de la société, qui sont basés sur des stéréotypes et des préjugés. » Il fait également remarquer qu’il arrive rarement qu’un tribunal canadien se demande si « les critères de souscription sont déraisonnables parce qu’ils sont incompatibles avec les notions modernes de droits de la personne. »

Baer fait remarquer que la Loi sur les assurances de l’Ontario ne prévoit aucune mesure de contrôle sur les critères de souscription pouvant être utilisés dans l’assurance-invalidité.

Comme il a été mentionné plus haut dans la discussion sur l’assurance-automobile, la Loi contient une interdiction générale à l’endroit des « pratiques injustes », conformément à la Partie XVIII. L’article 438 de la Loi sur les assurances établit que l’expression « pratiques injustes » s’entend « de toute discrimination injuste dans l'application d'un taux ou d'un tableau des taux entre des risques objectifs essentiellement identiques en Ontario dans la même classification territoriale ». Baer affirme également ceci :

À ce jour, le surintendant (des assurances) a exercé son autorité de façon modérée. Cette modération s’insère dans le cadre d’une longue tradition au Canada, celle qui consiste à traiter l’établissement des taux comme une question relevant surtout du domaine privé, et ne pouvant être assujettie au regard du public. Cette tradition est contraire à celle de la majorité des juridictions américaines, où l’on estime que la détermination des taux met en jeu des questions importantes sur le plan public, comme celles de la justice distributive et de l’équité entre les assurés.

Cette absence de contrôle public s’étend aux lois sur les droits de la personne dans la plupart des provinces…

En ce qui concerne l’Ontario, ce dernier point signifie que le Code des droits de la personne prévoit des exceptions ou moyens de défense des pratiques discriminatoires dans l’industrie des assurances, mécanismes dont on peut affirmer qu’ils n’ont pas été interprétés de façon aussi étroite que ne l’exigerait la jurisprudence des droits de la personne.

Même si Baer estime qu’on peut continuer à autoriser une souscription individuelle de personnes assurées par des régimes collectifs d’invalidité, il se demande s’il devrait y avoir un contrôle public sur les critères de souscription utilisés :

  • Les critères obligent-ils les assureurs à se rendre coupables d’intrusion?
  • Les critères s’appuient-ils sur des données scientifiques ou actuarielles?
  • Les critères renforcent-ils un désavantage systémique dans la société?
  • Est-il approprié d’utiliser des critères qui échappent au contrôle des gens?
  • À l’égard des régimes d’assurance-groupe sous le contrôle des employeurs, les critères sont-ils contraires aux objectifs de l’équité en matière d’emploi?

Baer estime que plusieurs facteurs justifient l’intervention publique dans l’établissement des critères:

  • La coopération, nécessaire à l’établissement efficace des taux d’assurance, risque de décourager l’introduction de critères innovateurs.
  • La connaissance scientifique est si peu avancée que les assureurs doivent se débrouiller seuls avec des indices ou des traits de caractère qui inspirent des inquiétudes quant à la fiabilité et au respect de la vie privée. Mentionnons comme exemple la tentative d’identifier les groupes qui risquent le plus de contracter le sida.
  • La pression compétitive dans l’industrie des assurances risque de renforcer le désavantage systémique.

Baer estime qu’on n’a que très peu utilisé les deux mécanismes existants pour remettre en question les critères de souscription : les lois sur les droits de la personne et la Charte d’une part, et l’autorité du surintendant des assurances à interdire les taux discriminatoires, d’autre part.

Pour Baer, c’est surtout au commissaire ou au surintendant des assurances (maintenant surintendant des services financiers) qu’il incombe d’empêcher les critères de souscription de produire une discrimination, en raison des compétences associées à ces fonctions. Il recommande ceci :

  • Que l’autorité du surintendant ou du commissaire d’interdire les critères discriminatoires soit renforcée grâce à l’établissement des facteurs devant être utilisés ou écartés et en permettant au public de se faire entendre.
  • Qu’un nombre accru de représentants du public soient nommés pour aider le commissaire à prendre sa décision

Enfin, pour éviter tout effet négatif du dépistage médical sur l’emploi, Baer émet la recommandation suivante :

  • Le dépistage médical aux fins de la souscription d’assurance-invalidité collective doit lui aussi être assujetti aux normes des droits de la personne visant l’accès aux renseignements médicaux à l’égard des restrictions de travail causées par une invalidité, sauf s’il existe une raison sérieuse de vouloir en savoir plus.

Incapacité mentale

Lorsque l’industrie des assurances a signalé que le stress au travail était l’un des plus grands risques qui existent, les compagnies ont commencé à limiter les prestations d’invalidité de longue durée, souvent à seulement 24 mois, sauf hospitalisation de l’employé, dans les cas d’invalidités causées par des conditions nerveuses et mentales. Les employeurs et les compagnies d’assurance n’invoquent aucune défense spéciale pour justifier cette pratique.

Il est possible d’affirmer que la différence de traitement produit une discrimination fondée sur un handicap mental. Cela signifie que les personnes ayant des troubles mentaux sont traitées de manière différente des personnes qui ont une invalidité physique. En réponse, les compagnies d’assurance font souvent une interprétation étroite des observations des juges dans Andrews[7]. Les compagnies d’assurance intimées avancent l’argument que le concept du droit à l’égalité nécessite une approche comparative. Or, l’approche correcte consisterait à comparer le traitement des personnes invalides à celui réservé aux personnes non invalides. Étant donné que les employés non invalides n’ont pas droit aux prestations d’invalidité, il n’existe aucun traitement discriminatoire de la part de l’employeur dans ses prestations d’invalidité.

Cet argument a également été invoqué par un employeur intimé dans l’arrêt Gibbs devant la Cour d’appel de la Saskatchewan[8]. Dans cette affaire, une employée atteinte d’une maladie mentale a vu ses prestations prendre fin après 24 mois. Si elle avait été internée, elle aurait eu droit aux prestations. Les personnes atteintes d’invalidité physique avaient droit au versement de prestations jusqu’à l’âge de 65 ans ou jusqu’au départ à la retraite avec pension. 

Le raisonnement invoqué par les intimées dans de telles circonstances est erroné parce qu’il n’est pas compatible avec l’approche d’égalité substantive développée dans l’arrêt Andrews. Après avoir reconnu que les droits à l’égalité nécessitent la comparaison avec la situation d’autrui, la Cour suprême dans l’arrêt Andrews a fait remarquer que « le principal facteur à considérer doit être l’effet de la loi sur le particulier ou le groupe concerné ».

Dans l’arrêt Gibbs, la Cour d’appel de la Saskatchewan a rejeté l’argument de l’intimée selon lequel il est approprié de comparer les personnes atteintes d’invalidité aux personnes non invalides. La Cour a émis l’avis que pour déterminer la comparaison appropriée, on doit commencer l’analyse par la personne qui allègue la discrimination et définir le groupe dont elle fait partie.

Enfin, la Cour suprême a rejeté un pourvoi en appel de la cause Gibbs[9] et a décidé qu’« il n’est pas erroné de conclure à l’existence de discrimination fondée sur un motif illicite quand les personnes qui présentent la caractéristique pertinente n’ont pas toutes été victimes de discrimination. La discrimination envers une partie du groupe donné, en l’occurrence les personnes atteintes d’une incapacité mentale, peut être considérée comme de la discrimination envers le groupe en général ».

L’Association canadienne des assurances de personnes (ACAP) affirme que les distinctions entre les conditions physiques et mentales, ou entre certaines conditions mentales et d’autres, « sont liées à la difficulté extrême qu’on éprouve à évaluer le degré d’invalidité produit par certaines conditions, même avec les conseils les plus hautement professionnels, et donc, à la difficulté à déterminer si l’invalidité existe dans la mesure anticipée par la définition figurant au contrat, et à quel moment ce degré d’invalidité cesse d’exister. »

L’ACAP poursuit en disant que le recours à de telles distinctions entre les conditions physiques et mentales s’est amoindri au fil des ans. Toutefois, l’ACAP a tempéré son opinion sur ce progrès en émettant le commentaire suivant : « ces progrès sont quelque peu contrebalancés par une augmentation notable des conditions liées au stress, et pour certains groupes il est considéré nécessaire d’avoir recours à une telle distinction pour que le risque global reste confiné à des limites acceptables, permettant d’offrir une protection pour d’autres conditions ».

Il se dégage clairement de ces observations que l’industrie des assurances préfère assurer une personne atteinte d’une condition physique qu’une personne souffrant d’un trouble mental. Il est intéressant de noter que les intimées n’ont pas invoqué le fait que le risque associé aux conditions mentales était trop élevé. Il serait possible d’affirmer que ce traitement différent repose sur des préjugés et des stéréotypes entourant la maladie mentale. La décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Gibbs démontre qu’un tel traitement différent ne sera pas toléré.

VIH / SIDA

Dans la Politique concernant la discrimination liée au VIH et au SIDA, la Commission déclare que les personnes qui, même si elles ne présentent aucun symptôme de maladie, ont le sida ou qui sont présumées l'avoir et les personnes atteintes, présentement ou par le passé, d'une affection liée au VIH, ou qui sont présumées l'être ou l'avoir été, ont droit à la protection du Code.

Au début des années 1990, la Commission a reçu deux plaintes émanant de la même personne à l’endroit de deux intimées différentes à propos de questions liées à la discrimination d’assurance fondée sur le VIH et le sida. Les plaintes n’ont pas été renvoyées à une commission d’enquête, mais une discussion des deux cas peut aider à faire la lumière sur les questions de discrimination en raison d’un handicap « perçu » ou éventuel.

L’une des plaintes touchait le refus d’une assurance-vie individuelle, et l’autre, celui d’une assurance hypothécaire collective. Dans les deux cas, le plaignant s’est vu refuser l’assurance parce qu’on l’a classé dans un groupe à risque élevé impossible à assurer du fait qu’il est marié à une femme séropositive.

L’ACAP explique l’assurance hypothécaire collective dans les termes suivants. Étant donné que ce type de police met en jeu des montants importants et qu’elle est normalement facultative, contrairement à l’assurance-groupe liée à l’emploi, il est important d’évaluer le risque présenté par chaque demandeur. Les procédures pour l’assurance hypothécaire de groupe ressemblent donc à celles mises en œuvre pour l’assurance individuelle. Le système administratif rationalisé ne peut tenir compte de risques non standard et fortement supérieurs à la norme, contrairement à l’assurance individuelle.

Si nous présumons que la description ci-dessus est correcte, l’analyse de la plainte devrait alors porter sur l’évaluation du risque attribué au plaignant en fonction du fait qu’il est marié à une femme séropositive. Les intimées, deux compagnies d’assurance ontariennes, estiment qu’une personne dont le conjoint est séropositif présente un risque trop important. Les deux cas mettent en jeu l’analyse des motifs justifiés « de façon raisonnable et de bonne foi » de cette évaluation du risque.

Il n’existe aucune raison de nier que les intimées agissaient de bonne foi. Cela signifie qu’ils ont adopté cette pratique de manière honnête, afin de mettre en œuvre une pratique solidement fondée et reconnue, et non dans le but de porter atteinte aux droits protégés conformément au Code. Il s’agit surtout de savoir si les intimées dans les deux cas satisfont au test du caractère raisonnable. Autrement dit, l’évaluation obéit-elle à une pratique solidement fondée et reconnue dans le domaine des assurances? Y avait-il une autre solution pratique?

Si les plaintes avaient été référées à une commission d’enquête, la Commission aurait été tenue de présenter une preuve médicale experte pour prouver que l’évaluation de risque par les intimées n’était pas conforme à des données actuarielles crédibles. Les intimées présument que deux personnes qui vivent ensemble comme mari et femme auront des rapports sexuels. Ils suggèrent qu’il existe des raisons de croire que le plaignant risque d’être infecté à présent ou avant l’expiration du contrat d’assurance.

À l’instar de la majorité des évaluations de risque dans l’industrie des assurances, cette estimation repose sur de vagues généralisations et non sur les circonstances particulières de chaque cas. Les intimées ont placé le plaignant dans un groupe à risque élevé pour la simple raison qu’il vit avec sa femme.

Dans les deux cas, les analyses décrivent en détail les problèmes posés par l’évaluation du risque effectuée par les intimées à l’endroit du plaignant. L’enquête menée par l’agent a mis au jour la preuve que les chances que le plaignant soit infecté par sa femme sont « pratiquement nulles ». Cette conclusion repose sur deux grandes raisons : premièrement, le taux de transmission d’une femme à un homme est très faible; deuxièmement, le plaignant et sa femme n’ont plus de rapports sexuels depuis janvier 1991. Pour résumer, l’agent déclare : « Le fait d’être marié avec une femme séropositive et d’avoir avec elle une relation conjugale ne peut être pris comme indicateur d’un risque élevé. Il faut faire la part entre un "comportement à risque" et une "relation à risque". »

On pourrait affirmer, à juste titre mais à condition de détenir la preuve experte nécessaire, que l’évaluation du risque par les intimées n’était pas fondée sur une pratique solidement fondée et reconnue, adoptée afin de satisfaire à l’objectif commercial légitime d’imposer des primes proportionnelles au risque.

En ce qui concerne le deuxième volet du test de motifs justifiés « de façon raisonnable », l’agent a suggéré qu’il existait une autre solution pratique au moment du refus de l’assurance. Il admet qu’il n’existe aucun système de classification perfectionné pour les risques liés au VIH, contrairement à ce qui se passe dans l’industrie de l’assurance-automobile mise en question à l’occasion de Bates c. Zurich. Mais l’autre solution consistait à évaluer le risque du plaignant en fonction de son comportement, et non de son appartenance à un groupe.

Diabète

Deux autres plaintes présentées à la Commission faisaient intervenir un couple marié qui avait demandé une assurance hypothécaire de groupe. La femme a été refusée parce qu’elle avait le diabète. La demande de son mari a été acceptée, mais l’assurance-groupe refusée. La femme allègue une discrimination fondée sur un handicap. Le mari estime qu’on lui a refusé la prestation d’un service en raison de son lien avec sa femme.

La question à poser ici encore, c’est de savoir si les données utilisées pour évaluer le risque étaient exactes. Autrement dit, la pratique de classer les diabétiques dans un groupe à risque élevé est-elle solidement fondée et reconnue, adoptée afin de satisfaire à l’objectif commercial légitime d’imposer des primes proportionnelles au risque? Une preuve médicale devra être présentée pour évaluer si tous les diabétiques présentent un risque élevé, ou si les antécédents et le comportement individuels constituent des facteurs importants dans l’évaluation du risque.

La Cour d’appel de Nouvelle-Écosse a rejeté un pourvoi en appel interjeté par la Commission des droits de la personne de cette province et par M. Scott Slipp, car le diabète dont ce dernier est atteint serait un facteur entièrement pertinent à l’évaluation du risque qu’il présente, et parce que l’assurance hypothécaire collective fournie par la banque n’est pas normalement disponible au public[10]. Même si les intimées se fondent sur cette décision, elle n’est pas d’une grande utilité en ce qui concerne le Code des droits de la personne de l’Ontario, car dans les lois de la Nouvelle-Écosse, la notion de service est limitée aux services « couramment offerts au public » et il n’existe aucune exception pour des motifs justifiés « de façon raisonnable et de bonne foi ».

ÉVALUATION DU RISQUE

Les compagnies d’assurance utilisent l’analyse des données actuarielles pour établir les primes et refuser de protéger les personnes considérées comme présentant un risque excessif. Même si une personne est couverte, elle n’a pas forcément droit aux prestations. L’auteur d’un article intitulé « The Industry of the Living Dead » a étudié les causes judiciaires mettant en jeu l’assurance-invalidité. D’après lui, ces affaires « font penser que l’industrie cherche résolument à rejeter des demandes qui finiront par être confirmées par les tribunaux[11]».

Bien entendu, les personnes qui présentent un risque plus élevé sont celles-là mêmes qui nécessitent une couverture d’assurance. Il n’existe aucune obligation légale qui soit directement liée à l’évaluation du risque. Comme il a été noté plus haut, la disposition relative aux « pratiques injustes » dans la PARTIE XVIII de la Loi sur les assurances (voir annexe) constitue la seule mesure de dissuasion, et le surintendant des assurances n’invoque que rarement cette disposition.

Les compagnies d’assurance tendent à utiliser des renseignements médicaux de nature générale pour une condition particulière, sans tenir compte des circonstances de la personne. L’Association canadienne des assurances des personnes (ACAP) a déclaré que la recherche médicale était le principal aspect des procédures d’évaluation du risque.

Les assureurs négligent souvent aussi bien les comportements individuels que les programmes sociaux qui offrent un soutien financier et autre aux personnes atteintes d’invalidité. On peut dire que si les assureurs considéraient ces facteurs, leur évaluation du risque ne serait sans doute pas aussi élevée. Cette idée trouve sa confirmation dans l’étude de Foster Higgins[12].

On peut également affirmer que l’approche de l’industrie à l’égard de l’évaluation du risque ne satisfait pas au test établi par la Cour suprême pour une pratique d’assurance solidement fondée et reconnue. Cela signifie que la pratique des grandes généralisations pour évaluer le degré de risque d’une personne ne répond pas à l’objectif commercial légitime d’imposer des primes qui sont proportionnelles au risque.

Tests génétiques

Les tests génétiques risquent de devenir une méthode de dépistage des maladies héréditaires chez les candidats à l’assurance. À titre d’exemple, les scientifiques canadiens viennent de découvrir deux gènes qui produisent une tendance au diabète de type [13]. Des tests de dépistage génétique du cancer du sein sont également en cours de développement. James Watson, lauréat du prix Nobel de chimie, a suggéré d’interdire aux compagnies d’assurance d’appliquer des tests génétiques aux futurs titulaires de polices. Il fait observer qu’il n’existe actuellement aucune loi interdisant le recours à de tels tests par les compagnies d’assurance[14].

Les ramifications des tests génétiques risquent d’être énormes pour les personnes qui sont prédisposées à la maladie. L’ACAP affirme qu’il est très peu probable que l’industrie des assurances utilise des tests génétiques pour le dépistage. Toutefois, si un demandeur avait subi de tels examens, il serait tenu de le divulguer. Les assureurs pourraient alors considérer que les résultats du test font partie de leur évaluation du risque. Ils pourraient décider de ne pas assumer le risque dans de tels cas, surtout si l’on tient compte du risque accru de sélection adverse.

L’ACAP estime que d’une façon ou d’une autre, l’industrie des assurances utilise d’ores et déjà une sorte de « test génétique », puisqu’elle consigne aux dossiers des demandeurs leurs antécédents familiaux. À titre d’exemple, une personne ayant des antécédents de maladie de Huntington pourra se voir refuser la couverture. Elle pourrait alors se faire inviter à être testée pour voir si elle est porteuse du gène.

COUPLES DU MÊME SEXE

Comme il a été indiqué ci-dessus, l’article 25(2) du Code permet de faire des distinctions fondées sur l’état matrimonial dans les régimes d’assurance-groupe, pourvu que ces régimes soient conformes à la Loi sur les normes d’emploi. Les règlements pris en application de la Loi sur les normes d’emploi permettent également aux employeurs et aux compagnies d’assurance de faire une discrimination fondée sur l’état matrimonial dans les régimes de retraite et les contrats d’assurance-groupe.

En combinant cette défense et la définition de l’état matrimonial dans le Code, on obtient un traitement différent à l’égard des avantages sociaux pour les employés gais et lesbiennes. Les partenaires de ces employés n’ont pas droit aux mêmes prestations que les conjoints de sexe opposé.

Dans Leshner c. Ontario[15], le gouvernement de l’Ontario avait refusé l’accès à un régimede retraite à des conjoints du même sexe en invoquant la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada. La commission d’enquête dans Leshner a ordonné au gouvernement de donner une lecture plus large de la définition de état matrimonial dans le Code afin de se débarrasser de la restriction aux personnes de sexe opposé. Le conseil a également affirmé que l’article 25(2) n’avait aucune validité ni aucun effet, dans la mesure où il contredit les dispositions de la Charte. Le conseil a ordonné au gouvernement provincial d’offrir immédiatement des prestations de survivant équivalentes à ses employés gais et lesbiennes par l’intermédiaire d’une convention de retraite.

D’autre part, la commission d’enquête a donné trois ans au gouvernement ontarien pour présenter des pétitions au gouvernement fédéral afin de le persuader de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu afin de permettre l’enregistrement de régimes de retraite offrant des prestations aux conjoints du même sexe. Elle a également ordonné à la Commission de surveiller les démarches entreprises par la province. En mars 1997, le commissaire principal a envoyé une lettre au ministre du Revenu national pour lui demander d’éliminer l’obstacle créé par la Loi de l’impôt sur le revenu.

Depuis lors, la Cour d’appel de l’Ontario vient d’entendre l’affaire Rosenberg et SCFP c. Revenu Canada, où l’on affirme que la définition du conjoint dans la Loi de l’impôt sur le revenu (une personne de sexe opposé) est contraire aux garanties de traitement égal présentées dans la Charte[16]. La Cour a autorisé l’appel et exigé que les mots « et de même sexe » soient intégrés à l’interprétation de la Loi.

Dans une affaire qui a eu un grand retentissement en 1995, la Cour suprême du Canada a accueilli le pourvoi en appel de Egan c. Canada[17]. sur la définition de la notion de conjoint. Dans ce cas, on avait refusé une prestation conjugale au conjoint de même sexe d’un retraité parce qu’il ne correspondait pas à la définition du mot « conjoint » dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse. La Cour a décidé que cette façon différente de traiter les personnes de même sexe vivant ensemble par rapport aux personnes de sexe opposé constituait une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.

En septembre 1996, la commission d’enquête de l’Ontario a publié une décision d’importance capitale au sujet de deux plaintes portant sur l’orientation sexuelle. Dans Dwyer et Simms c. Municipalité métropolitaine de Toronto et Procureur général de l’Ontario, les deux plaignants, un gai et une lesbienne, ont contesté leur exclusion des dispositions relatives aux prestations du conjoint dans leur régimes respectifs de retraite, de santé assuré et d'avantages sociaux non assurés[18]. Les questions juridiques soulevées à cette occasion étaient fondées sur la décision émise par la Cour suprême du Canada dans Egan c. Canada, et sur une contestation de la nature constitutionnelle de certaines dispositions du Code.

Dans Dwyer et Simms, la commission d’enquête a constaté que les intimées avaient fait preuve de discrimination à l’endroit des plaignants en raison de leur orientation sexuelle. Le conseil a également décidé que le Code devait être lu comme un tout, et qu’il fallait tenir compte des définitions de « conjoint » et d' « état matrimonial » qui mentionnent des personnes de sexe opposé. Le conseil a appliqué une analyse de la Charte à ces définitions, en concluant qu’elles étaient contraires aux droits égaux garantis par l’article 15 de la Charte et qu’elles ne constituaient pas des limites raisonnables ou démocratiques d’après l’article 1 de celle-ci. La décision du conseil impose aux municipalités l’obligation d’offrir les prestations de santé assurées et non assurées aux conjoints du même sexe des employés.

Il faut noter qu’un appel a été interjeté dans Dwyer et Simms. D’autre part, dans Bell et Cooper[19], la Cour suprême du Canada a récemment statué que des organismes tels que la Commission canadienne des droits de la personne, de même que les tribunaux constitués sous l’autorité de celle-ci, ne sont pas habilités à décider qu’une disposition de leur loi constitutive est inconstitutionnelle.

Dans une affaire plus récente sur la question des prestations de conjoint et de la discrimination contre les couples du même sexe, la Division générale de la Cour de l’Ontario, dans Kane c. Assurance Axa, a décidé en octobre 1997 (voir annexe) que le refus de la compagnie de verser une prestation de conjoint après le décès accidentel de la partenaire lesbienne de Kane constituait une atteinte à ses droits conformément à la Charte[20]. La Cour a décidé que la Loi sur les assurances de l’Ontario était discriminatoire et a ordonné sa modification de manière à inclure les membres de couples du même sexe dans la définition de « conjoint ». Un appel a été interjeté.

Dans une autre affaire, la Division générale de la Cour de l’Ontario, dans sa décision de décembre 1998 dans Caisse de retraite du SEEFPO c. Ontario, a ordonné au gouvernement de l’Ontario de modifier la définition de « conjoint » dans la Loi sur les prestations de retraite afin d’inclure les couples du même sexe[21].La Cour a statué que la définition actuellement contenue dans la loi (un rapport entre un homme et une femme) était inconstitutionnelle. La loi en cause établit les normes minimales à respecter par tous les régimes de retraite de la province.

Plus récemment encore, la Cour suprême du Canada a rendu sa décision dans Procureur général de l’Ontario c. M. et. H., où elle déclare que la définition de « conjoint » comme étant une personne de sexe opposé dans la partie III de la Loi sur le droit de la famille de l’Ontario est inconstitutionnelle[22]. Bien que cette affaire n’ait rien à voir avec les prestations d’emploi et les assurances, elle constitue tout de même une autre confirmation, de la part de cours d’instance supérieure, que les définitions de « conjoint » et d’ « état matrimonial » qui interdisent aux couples du même sexe de bénéficier des mêmes droits et obligations que les autres couples sont discriminatoires.

Enfin, en juin 1997 et en juillet 1999, le commissaire en chef a écrit au procureur général de l’Ontario pour lui exprimer son inquiétude relative aux définitions exclusionnistes de « conjoint » et d’« état matrimonial » dans les lois de l’Ontario et pour déplorer leur effet discriminatoire sur les couples du même sexe.

GROSSESSE

La Politique concernant la discrimination liée à la grossesse de la Commission établit que, si les conditions de bonne foi sont respectées, le refus ou la limitation de congés de maladie à une femme en congé de maternité peut constituer une atteinte au Code.

L’article 25(2) offre aux employeurs et aux compagnies d’assurance intimés un moyen de défense contre une accusation de discrimination en fonction du sexe, de l’état matrimonial, de l’âge ou de l’état familial. Les distinctions dans les régimes de retraite ou les régimes d’assurance-groupe des employés en fonction de l’âge, du sexe, de l’état matrimonial ou de l’état familial n’enfreignent pas le Code si elles sont conformes au règlement pris en application de la Loi sur les normes d’emploi.

L’article 33(2) de la Loi sur les normes d’emploi interdit aux employeurs de constituer des régimes d’avantages sociaux qui contiennent une distinction, une préférence ou une exclusion fondée sur l’âge, le sexe ou l’état matrimonial des employés sauf disposition contraire dans les règlements. Le Règlement 321 permet de faire une distinction entre les employés en fonction de l’âge, du sexe et de l’état matrimonial dans les prestations de retraite, d’assurance-vie, d’assurance-invalidité et d’assurance-maladie (voir annexe).

L’alinéa 8(c) du Règlement 321 permet l’exclusion des femmes à l’égard des prestations de courte ou de longue durée pendant la période d’absence qu’elle a le droit de prendre d’après la Partie XI de la Loi sur les normes d’emploi. La Partie XI de la Loi accorde aux femmes le droit de prendre un congé de maternité, et aux hommes et aux femmes le droit de prendre un congé parental. Le résultat de l’alinéa 8(c), c’est que les femmes peuvent être exclues des prestations découlant d’un régime d’invalidité pendant un congé parental, mais les hommes, non.

Le Règlement 321(8)(c) est encore en vigueur, même s’il risque d’être éventuellement décrété inconstitutionnel au regard de la décision de la Cour suprême du Canada dans Brooks c. Canada Safeway[23]. La Cour a décidé que la grossesse constituait une raison de santé parfaitement légitime de ne pas travailler, et que les femmes devaient donc avoir droit au versement de prestations de maladie ou d’invalidité pendant la partie du congé de maternité où elles ne sont pas capables de travailler pour des raisons de santé valables.

Dans l’arrêt Alberta Hospital Association c. Parcels, une cour de l’Alberta a repris le principe émis dans Brooks selon lequel l’absence d’une employée enceinte justifiée par une raison de santé ne doit pas être traitée de façon différente de toute autre absence pour raison de santé[24]. Cela s’applique généralement lorsqu’une femme est enceinte et que la condition médicale nécessitant un congé est liée à la grossesse.

Plus récemment, en mars 1998, la Cour divisionnaire de l’Ontario a tranché un appel interjeté contre une décision d’une commission d’enquête dans Crook c. Ontario Cancer Treatment and Research Foundation et Ottawa Regional Cancer Centre[25]. Crook alléguait que la partie intimée lui avait refusé des prestations de congé de maladie pendant la période suivant la naissance de son enfant.

L’appel de l’employeur reposait sur deux arguments : d’abord, il n’existe aucune discrimination dans l’article 5 du Code qui empêche les femmes en congé sans solde de recevoir les prestations du régime de congés de maladie après l’accouchement; ensuite, pris ensemble, l’article 25(2) du Code, la Loi sur les normes d’emploi et les règlements concernant les régimes d’avantages sociaux ont pour effet d’interdire toute discrimination.

La Cour a décidé que la partie intimée ne pouvait se prévaloir du moyen de défense prévu à l’article 25(2) du Code, parce que les congés pour vacances ne sont pas une forme de congé compatible avec la Loi sur les normes d’emploi si les femmes sont exclues du versement de prestations en vertu d’un régime d’invalidité. D’autre part, le régime de prestations de maladie était auto-financé et ne constituait pas un contrat d’assurance-groupe comme le stipule l’article 25(2) du code. La Cour s’est inspirée de la décision Brooks pour juger que la commission d’enquête dans Crook avait raison de dire que l’application par l’employeur de la politique sur les congés de maladie constituait une discrimination directe fondée sur la grossesse et le sexe, car elle refusait des prestations à la plaignante et à d’autres femmes dans son cas qui demandaient des prestations pour une période de convalescence après l’accouchement.

En Ontario, les décisions prises dans Brooks et Parcels n’ont pas été entièrement intégrées aux protections légales qui sont offertes aux femmes absentes pour des raisons de santé liées à la grossesse.

En pratique, cela signifie que le droit à recevoir des prestations en vertu d’un régime d’invalidité s’éteint lorsqu’une femme décide de prendre un congé conformément à la Partie XI de la Loi sur les normes d’emploi (congé de maternité ou congé parental). Mais si un employeur offre des prestations d’invalidité à d’autres employés qui s’absentent pour des congés de formation ou des congés sabbatiques, par exemple, la Loi sur les normes d’emploi prévoit que les prestations devraient également être versées aux femmes en congé de maternité et parental.

Enfin, une femme peut souffrir de problèmes de santé liés à la grossesse qui l’obligent à s’absenter du travail avant ou après le congé de maternité ou le congé parental. Elle peut alors avoir droit aux prestations d’un régime d’assurance-maladie ou d’assurance-invalidité de son employeur.

Que le régime de congés de maladie soit ou non régi par un contrat d’assurance-groupe, les femmes en congé de maternité continuent à avoir droit à d’autres prestations offertes par des régimes d’avantages sociaux, y compris celles des régimes de retraite, d’assurance-vie, d’assurance en cas de décès par accident, d’assurance-maladie complémentaire et d’assurance-soins dentaires[26]. Les employeurs sont également tenus de continuer à contribuer à de tels régimes[27].


[3] Zurich Insurance Co. c. Ontario (Comm. des droits de la personne) (1992), 16 C.H.R.R. D/255 (S.C.C.)
[4] À titre d’exemple, Thornton c. North American Life Insurance Company et al.
[5] Supra, note 2.
[6] Foster Higgins Bulletin, "The Impact of AIDS on Benefit Programs" (Toronto: Foster Higgins, 1994)
[7] Andrews v. Law Society of British Columbia (1989), 10 C.H.R.R. D/5719 (S.C.C.)
[8] Battlefords and District Co-operative Ltd. v. Gibbs and Saskatchewan Human Rights Commission (unreported decision, June 14, 1994, Saskatchewan Court of Appeal).
[9] Gibbs v. Battlefords and Dist. Co-operative Ltd. (1996), 27 C.H.R.R. D/87 (S.C.C.)
[10] Nova Scotia (Human Rights Comm.) v. Canada Life Assurance Co. (1992), 88 D.L.R. (4th) 100 (N.S.C.A.).
[11] David Schulze, "The Industry of the Living Dead: A Critical Look at Disability Insurance" (1993) 9 Journal of Law and Social Policy 192
[12] Supra, Note 6
[13] Barbara Wickens, "On the Leading Edge: Canadians are at the Forefront of Diabetes Research" (1994) 107(4) Macleans 58.
[14] Stephen Strauss, "Bar Genetic Tests on Policyholders, Nobel Laureate Says" Nov. 4, 1994 Globe and Mail 7.
[15] Leshner v. Ontario (No. 2) (1992), 16 C.H.R.R. D/184 (Ont. Bd.Inq.)
[16] Rosenberg v. Canada (Attorney General) (1998), 38 O.R. (3d) 577 (Ont. Court of Appeal).
[17] Egan v. Canada (1995), 124 D.L.R. (4th) 609 (S.C.C.).
[18] Dwyer v Toronto (Metro) (No.3) (1996), 27 C.H.R.R. D/108.
[19] Copper v. Canada (Human Rights Comm.) (1997), 27 C.H.R.R. D/173 (S.C.C.)
[20] Kane v. Ontario (Attorney General) (1997), 152 D.L.R. (4th) 738.
[21] Ontario Public Service Employees Union Pension Plan Trust Fund (Trustees of) v. Ontario (Management Board of Cabinet) (1998) 20 C.C.P.B. 38
[22] Attorney General of Ontario v. M. and. H, Unreported decision of the Supreme Court of Canada released on May 20, 1999.
[23] Brooks v. Canada Safeway Ltd. (1989), 10 C.H.R.R. D/6183 (S.C.C.)
[24] Alberta Hospital Association v. Parcels (1992), 17 C.H.R.R. D/167 (Alta. Q.B.).
[25] Ontario Cancer Treatment & Research Foundation v. Ontario (Human Rights Commission) (1998), 34 C.C.E.L. (2d) 56, 108 O.A.C. 289 (Ont. Div. Ct.); upholding Crook v. Ontario Cancer Treatment & Research Foundation (No.3) (1996), 30 C.H.R.R. D/104 (Ont. Bd. of Inquiry).
[26] Subsections 42(1) and (2) of the Employment Standards Act.
[27] Subsection 42(3) of the Employment Standards Act.

 

Conséquences pour la Commission ontarienne des droits de la personnne

La Commission propose d’entreprendre les actions et stratégies suivantes pour mieux promouvoir la protection des droits de la personne dans les assurances :

  • Citer les principes et décisions de la jurisprudence (voir annexe) qui prévoient, dans le domaine des assurances, une protection contre la discrimination fondée sur les motifs interdits dans le Code.
  • Examiner les plaintes actuelles et nouvelles à la lumière de l’arrêt Zurich, dans lequel la Cour suprême du Canada a clairement statué que l’industrie des assurances ne devait pas continuer indéfiniment à s’inspirer de critères discriminatoires pour établir les taux, mais qu’elle devait « chercher à éviter de fixer des primes fondées sur des motifs interdits ».
  • Promouvoir le principe que tout nouveau système de classification du risque proposé, même si c’est une meilleure méthode d’évaluation du risque, devrait au moins ne pas enfreindre les droits prévus dans la partie I du Code davantage que les systèmes actuels de classification. En fait, tout nouveau système proposé devrait chercher à éviter de déterminer le risque en fonction des motifs interdits.
  • Envisager la présentation ponctuelle de plaintes où il n’existe qu’une « corrélation » mais aucun « lien de causalité » apparent entre le facteur de risque discriminatoire allégué et la raison d’être de l’assurance.
  • Continuer à surveiller la jurisprudence relative aux lois régissant les assurances et les droits de la personne afin d’en suivre les conséquences sur l’élaboration de politiques et la présentation de plaintes à la Commission ontarienne des droits de la personne.
  • Encourager le surintendant des services financiers à promouvoir la protection des droits de la personne dans le domaine des assurances.
  • Écrire au ministère du Travail pour demander la modification du Règlement 321 de la Loi sur les normes d’emploi. L’alinéa (8)(c) du Règlement permet l’exclusion des femmes, mais non des hommes, des prestations de maladie et d’invalidité prévues par les régimes d’assurance pendant un congé de maternité et parental.
  • Écrire au procureur général de l’Ontario pour soutenir le Study Paper on the Legal Aspects of Long-term Disability Insurance préparé en 1996 pour la Commission de réforme du droit de l’Ontario, où l’on recommande un contrôle public accru sur les critères de souscription utilisés dans le domaine des assurances.
  • Envoyer des exemplaires du présent document de travail aux représentants de l’industrie, aux groupes de consommateurs et au gouvernement, y compris la Commission des services financiers de l’Ontario et le ministère des Finances, afin de recevoir leurs observations, et en inclure une version électronique dans le site Web de la Commission afin de le rendre accessible au grand public.
  • Encourager l’établissement d’un mécanisme conjoint de l’industrie, des consommateurs et du gouvernement afin de susciter le dialogue sur des questions liées aux droits de la personne dans le domaine des assurances, et ce, de façon continuelle.

Annexes

LOIS PERTINENTES

CODE DES DROITS DE LA PERSONNE

SERVICES
1. Toute personne a droit à un traitement égal en matière de services, de biens ou d'installations, sans discrimination fondée sur la race, l'ascendance, le lieu d'origine, la couleur, l'origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, l'état matrimonial, l'état familial ou un handicap. L.R.O. 1990, chap. H.19, art. 1.

CONTRAT
3. Toute personne jouissant de la capacité juridique a le droit de conclure des contrats à conditions égales, sans discrimination fondée sur la race, l'ascendance, le lieu d'origine, la couleur, l'origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, l'état matrimonial, l'état familial ou un handicap. L.R.O. 1990, chap. H.19, art. 3.

EMPLOI
5. --(1) Toute personne a droit à un traitement égal en matière d'emploi, sans discrimination fondée sur la race, l'ascendance, le lieu d'origine, la couleur, l'origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l'orientation sexuelle, l'âge, l'existence d'un casier judiciaire, l'état matrimonial, l'état familial ou un handicap.

DISCRIMINATION POSITIVE
11.--(1) Constitue une atteinte à un droit d'une personne reconnu dans la partie I l'existence d'une exigence, d'une qualité requise ou d'un critère qui ne constitue pas une discrimination fondée sur un motif illicite, mais qui entraîne l'exclusion ou la préférence d'un groupe de personnes identifié par un motif illicite de discrimination et dont la personne est membre, ou l'imposition d'une restriction à ce groupe, sauf dans l'un des cas suivants :

  1. l'exigence, la qualité requise ou le critère est établi de façon raisonnable et de bonne foi dans les circonstances;
  2. il est prévu dans la présente loi, à l'exclusion de l'article 17, que la discrimination fondée sur un tel motif ne constitue pas une atteinte à un droit. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 11 (1).

CONTRATS D’ASSURANCE, ETC.
22. Ne constitue pas une atteinte au droit, reconnu aux articles 1 et 3, à un traitement égal en matière de services et de contrats à conditions égales sans discrimination fondée sur l'âge, le sexe, l'état matrimonial, l'état familial ou un handicap le fait qu'un contrat d'assurance-automobile, d'assurance-vie, d'assurance-accident, d'assurance-maladie ou d'assurance-invalidité, qu'un contrat d'assurance-groupe entre un assureur et une association ou une personne autre qu'un employeur, ou qu'une rente viagère, établisse des distinctions entre des personnes, les exclut ou leur accorde la préférence pour des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi et fondés sur l'âge, le sexe, l'état matrimonial, l'état familial ou un handicap. L.R.O. 1990, chap. H.19, art. 22.

EMPLOI SOUMIS À L'ADHÉSION À UN RÉGIME DE RETRAITE
25.--(1) Constitue une atteinte au droit, reconnu à l'article 5, à un traitement égal en matière d'emploi le fait de refuser un emploi ou de le rendre conditionnel parce qu'une condition d'emploi exige la participation de l'employé à un régime d'avantages sociaux, une caisse ou un régime de retraite, ou à un contrat d'assurance-groupe entre un assureur et un employeur, qui établit une distinction entre des personnes, les exclut ou leur accorde la préférence pour des raisons fondées sur un motif illicite de discrimination.

RÉGIME DE RETRAITE, ETC.
(2) Ne constitue pas une atteinte au droit, reconnu à l'article 5, à un traitement égal en matière d'emploi sans discrimination fondée sur l'âge, le sexe, l'état matrimonial ou l'état familial un régime ou une caisse de retraite à l'intention d'employés ou un contrat d'assurance-groupe entre un assureur et un employeur qui est conforme à la Loi sur les normes d'emploi et aux règlements pris en application de cette loi.

RÉGIME D'ASSURANCE-INVALIDITÉ, ETC. EN CAS DE HANDICAP PRÉEXISTANT
(3) Ne constitue pas une atteinte au droit, reconnu à l'article 5, à un traitement égal en matière d'emploi sans discrimination à cause d'un handicap le fait :

  1. qu'une distinction, une exclusion ou une préférence établie de façon raisonnable et de bonne foi est pratiquée dans un régime d'assurance-invalidité ou d'assurance-vie à l'intention d'employés ou dans une prestation consentie aux termes de ces régimes parce qu'un handicap préexistant augmente considérablement le risque;
  2. qu'une distinction, une exclusion ou une préférence établie de façon raisonnable et de bonne foi est pratiquée à cause d'un handicap préexistant en ce qui concerne une prestation consentie dans le cadre d'un programme o l'employé ou le participant paie toutes les cotisations d'un régime d'avantages sociaux, d'un régime ou d'une caisse de retraite, ou d'un contrat d'assurance-groupe entre un assureur et un employeur, ou en ce qui concerne un régime, une caisse ou une police qu'un employeur offre à ses employés lorsque leur nombre est inférieur à vingt-cinq.

INDEMNITÉ COMPENSATRICE
(4) L'employeur verse à un employé exclu d'un régime d'avantages sociaux, d'un régime ou d'une caisse de retraite, ou d'un contrat d'assurance-groupe entre un assureur et l'employeur à cause d'un handicap une indemnité compensatrice équivalente à l'apport de l'employeur à ce régime, à cette caisse ou à ce contrat pour un employé qui n'est pas atteint d'un handicap. L.R.O. 1990, chap. H.19, art. 25..

LOI SUR LES ASSURANCES

Nota: la Loi de 1998 sur la Commission des services financiers modifie la Loi sur les assurances et remplace le terme « commissaire des assurances » par le terme « surintendant des services financiers ».

PARTIE VI ASSURANCE-AUTOMOBILE

DÉFINITIONS
224.(1) Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.
...
«conjoint» L'un ou l'autre de l'homme et la femme qui, selon le cas

  1. sont mariés,
  2. ont contracté un mariage de bonne foi, ou

Nota : Le jour proclamé par le lieutenant-gouverneur la clause (b) de la définition de « conjoint » sera abrogé et remplacé par ce qui suit :
(b) ont contracté, de bonne foi selon la personne qui fait valoir un droit en vertu de la présente loi, un mariage nul de nullité relative ou absolue, ou
Voir : 1996, chap. 21, par. 15 (3), 52.

  1. ne sont pas mariés mais qui ont cohabité de façon ininterrompue durant au moins trois ans ou qui ont cohabité dans une relation d'une certaine permanence, s'ils sont les parents naturels ou adoptifs d'un enfant; (« spouse »)

PARTIE XV SYSTÈME DE CLASSEMENT DES RISQUES ET DES TAUX

Demande concernant le système de classement des risques et les taux

410. (1) Les assureurs présentent une demande au surintendant pour l'approbation (a)

  1. d'une part, du système de classement des risques qu'ils ont l'intention d'utiliser pour fixer les taux de chaque couverture et catégorie d'assurance-automobile;
  2. d'autre part, des taux qu'ils ont l'intention d'utiliser pour chaque couverture et catégorie d'assurance-automobile.

Audience
412. (9) Si le commissaire avise l'auteur d'une demande qu'il n'a pas approuvé celle-ci, il tient une audience.

Audience, intérêt public
(10) Le commissaire ne doit pas approuver la demande si les règlements exigent la tenue d'une audience ou s'il estime qu'il est dans l'intérêt public que le Tribunal en tienne une sur cette demande. L.R.O. 1990, chap. I.8, s. 412 (4-10).

Aucune approbation
412.1 412.1 (1) Le surintendant refuse d'approuver une demande présentée aux termes de l'article 410 s'il estime que le système de classement des risques propos ou les taux proposés ne sont pas équitables et raisonnables dans les circonstances.

Idem
(2) Le commissaire refuse d'approuver une demande présentée aux termes de l'article 410 s'il estime que, selon le cas,

  1. le système de classement des risques proposé ne permet pas de prévoir les risques de façon raisonnable; ou
  2. le système de classement des risques proposé ne permet pas de distinguer les risques de façon équitable.

Idem
(3) Le commissaire refuse d'approuver une demande présentée aux termes de l'article 410 s'il estime que les taux proposés porteraient atteinte à la solvabilité de l'auteur de la demande ou sont excessifs compte tenu de la situation financière de l'assureur.

Renseignements pertinents
(4) Lorsqu'il prend une décision relativement à une demande présentée aux termes de l'article 410, le commissionnaire peut tenir compte de renseignements d'ordre financier ou autre ainsi que d'autres questions qui touchent directement ou indirectement les taux proposés par l'auteur de la demande ou sa capacité de faire souscrire de l'assurance en utilisant le système de classement des risques proposé..

PARTIE XVIII ACTES OU PRATIQUES MALHONNÊTES OU MENSONGERS

DÉFINITIONS
438. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.
. . .
« actes ou pratiques malhonnêtes ou mensongers » S'entend notamment,

  1. de la commission de tout acte interdit par la présente loi ou les règlements,
  2. de toute discrimination injuste entre des particuliers de la même catégorie et ayant la même espérance de vie, en ce qui concerne soit le montant, soit le paiement, soit le remboursement de primes ou les cotisations perçues par l'assureur en vertu de contrats d'assurance-vie ou de rentes, soit la participation aux bénéfices ou à d'autres prestations servis en vertu de ces contrats, soit les conditions de ces contrats,
  3. de toute discrimination injuste dans l'application d'un taux ou d'un tableau des taux entre des risques objectifs essentiellement identiques en Ontario dans la même classification territoriale,

Interdiction
439. Nul ne doit se livrer à des actes ou à des pratiques malhonnêtes ou mensongers.. L.R.O. 1990, chap. I.8, s. 439.

Pouvoir d'enquête du surintendant
440. Le surintendant peut effectuer un examen ou une enquête relativement aux activités d'une personne faisant des opérations d'assurance en Ontario, afin de déterminer si elle se livre ou s'est livrée à des actes ou à des pratiques malhonnêtes ou mensongers. L.R.O. 1990, chap. I.8, s. 440.

LOI SUR LES NORMES D’EMPLOI

PARTIE X RÉGIMES D’AVANTAGES SOCIAUX

Interdiction d'établir des distinctions pour cause d'âge, etc.

33.(2) Sauf dispositions contraires des règlements, aucun employeur ni aucune personne agissant directement en son nom ne crée une caisse, ne prévoit un régime, ne prend un arrangement ni n'offre des prestations qui établissent une distinction entre les employés, une ou des catégories des employés, leurs bénéficiaires, leurs survivants ou les personnes à leur charge, qui excluent une de ces personnes ou catégories, ou qui accordent une préférence à l'une d'entre elles en raison de l'âge, du sexe ou de l'état civil des employés.

Pouvoirs du directeur 33.

(4) Si, de l'avis du directeur, un employeur, une association d'employeurs ou d'employés ou une personne agissant directement au nom d'un employeur ou d'une telle association peut avoir contrevenu au paragraphe (2) , le directeur peut exercer les pouvoirs que lui confère le paragraphe 69 (1) . L'article 69 s'applique avec les adaptations nécessaires.

Règlements 33.

(5) Outre les pouvoirs que lui confère l'article 84, le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement, traiter de toute question ou de tout point jugé utile ou nécessaire pour réaliser efficacement l'intention et les buts de la présente partie;

Règ.321(8)

(TRADUCTION)

L’interdiction prévue au paragraphe 33 (2) de la Loi ne s’applique pas :

(c) à l’exclusion des prestations aux termes d’un régime d’assurance-invalidité de courte durée ou de longue durée couvrant une employée pendant la durée du congé sans solde auquel elle a droit conformément à la Partie XI de la Loi, ou toute période plus longue de congé sans solde qu’elle a demandé en vertu d’un contrat d’emploi verbal ou écrit, explicite ou implicite, qui prévaut sur la Partie XI de la Loi. R.R.O. 1990, Règ. 321, s. 8.

PARTIE XI CONGÉ DE MATERNITÉ ET CONGÉ PARENTAL

Droits pendant le congé

42.(1) Pendant un congé de maternité ou un congé parental, l'employé continue de participer à chaque genre de régime d'avantages sociaux vis au paragraphe (2) qui se rapporte à son emploi à moins qu'il ne choisisse par écrit de ne pas le faire

(2)Pour l'application du paragraphe (1) , les genres de régimes visés sont les régimes de retraite, les régimes d'assurance-vie, les régimes d'assurance en cas de décès accidentel, les régimes d'assurance-santé complémentaire, les régimes d'assurance dentaire et les autres genres de régimes d'avantages sociaux qui sont prescrits.

(3)Pendant le congé de maternité ou le congé parental d'un employé, l'employeur continue de verser les cotisations de l'employeur à l'égard de tout régime vis au paragraphe (2) à moins que l'employé ne l'avise par écrit de son intention de ne pas payer les cotisations de l'employé, le cas échéant.

(4)La période d'un congé de maternité ou d'un congé parental d'un employé est incluse dans le calcul de la durée de son emploi. 1990, chap. 26, s. 2, partie.

Ordonnance de l’agent des normes d’emploi

45. Si un employeur ne se conforme pas aux dispositions de la présente partie, un agent des normes d'emploi peut, par ordonnance, déterminer ce que l'employeur doit faire ou ce qu'il doit s'abstenir de faire afin de se conformer à la présente partie et il peut fixer l'indemnité que l'employeur doit verser au directeur en fiducie pour le compte de l'employée. L.R.O. 1980, chap. 137, s. 39

Lettre de la Commission à l'ancienne Commission des assurances de l'Ontario

Le 28 novembre 1997

Adjoint aux audiences
Commission des assurances de l’Ontario
5160, rue Yonge, C.P. 85
North York ON M2N 6L9

Conformément à l’article 36 de la Partie IV des Règles de pratique et de procédure pour les audiences des commissaires, du surintendant et du conseil consultatif de la Commission des assurances de l’Ontario (CAO), la Commission ontarienne des droits de la personne (la Commission) a l’honneur de vous faire parvenir la présente lettre de commentaires concernant l’audience publique qui sera tenue au sujet d’une demande présentée par (l’assureur) relativement à un système de classification et à des taux d’assurance-automobile.

La Commission a passé en revue la demande présentée par (l’assureur) ainsi que le Rapport final sur cette question qui a été préparé par la CAO. Les observations suivantes concernent tous les éléments du système de classification du risque proposé qui semblent avoir des répercussions sur les politiques sociales.

Certains facteurs de classification du risque d’après le système proposé par (l’assureur), soit la possession d’une carte de crédit, les antécédents de faillites, la situation professionnelle, la stabilité de l’emploi, de même que la situation et la stabilité résidentielles, risquent d’enfreindre la partie I du Code des droits de la personne de l'Ontario.

En lisant le manuel des courtiers préparé par (l’assureur), on peut voir qu’un particulier assuré, qui est célibataire (sans conjoint) et qui ne répond à aucun ou seulement à quelques-uns des critères de risque mentionnés ci-dessus, pourrait faire l’objet d’une discrimination fondée sur l’état matrimonial. Ce serait le cas si l’on comparait cet assuré à une personne mariée qui ne répond pas non plus à ces critères de risque, à condition que ce conjoint soit lui aussi exempt de risque.

Par contre, une personne mariée risque de subir des conséquences négatives si son conjoint est classé dans l’une des catégories de risque, par exemple s’il a déjà fait faillite

Il serait également possible d’affirmer que le fait d’exclure des marchés « privilégiés » à taux réduit certaines personnes qui ne satisfont pas à l’ensemble ou la plupart des critères de risque « produit l’exclusion, la restriction ou la préférence d’un groupe de personnes qui sont identifiées par un motif de discrimination interdit », portant ainsi atteinte à l’article 11 du Code. À titre d’exemple, on peut montrer de façon statistique que les femmes dans leur ensemble ont moins de chances que les hommes d’être propriétaires de maison, d’avoir des cartes de crédit ou d’occuper un emploi. Un statut de résidence de deux ans peut constituer une discrimination à l’endroit des immigrés récents. Le statut de non étudiant risque d’être discriminatoire contre les jeunes.

Selon l’un ou plusieurs des scénarios ci-dessus, il est concevable qu’un assuré nommé dépose une plainte en discrimination auprès de la Commission, dans le domaine des services ou des contrats, pour des motifs prévus dans le Code, comme l’état matrimonial, le sexe ou le lieu d’origine. Si l’on conclut que le système de classification du risque proposé est discriminatoire aux termes du Code, il faudra alors décider si cette discrimination est considérée « raisonnable » et « de bonne foi » selon les motifs énumérés à l’article 22.

L’article 22 du Code prévoit que les polices d’assurance individuelles et collectives qui ne sont pas offertes par un employeur à un employé peuvent faire des distinctions fondées sur l’âge, le sexe, l’état matrimonial et familial ou un handicap, mais que ces distinctions doivent être fondées sur des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi.

Selon la Cour suprême du Canada, statuant dans l’arrêt Zurich Insurance Co. c. Ontario (Comm. des droits de la personne) (1992), 16 C.H.R.R. D/255 (C.S.C.), une pratique est de bonne foi si elle a été adoptée de manière honnête, dans les intérêts d’une pratique commerciale solidement fondée et reconnue et non afin de porter atteinte aux droits protégés conformément au Code. La Cour estime qu’une pratique discriminatoire est « raisonnable » si :

  • elle est fondée sur une pratique d’assurance solidement fondée et reconnue;
  • il n’existe aucune autre solution pratique.

Une pratique d’assurance solidement fondée et reconnue est définie comme une pratique adoptée « afin de satisfaire l’objectif commercial légitime d'imposer des primes proportionnelles au risque ».

Il n’est pas évident qu’une commission d’enquête ou un tribunal déciderait que le système de classification du risque proposé par l’assureur « est fondé sur une pratique d’assurance solidement fondée et reconnue », comme le prévoit l’arrêt Zurich. La CAO, à titre d’organisme responsable de l’application de la Loi sur les assurances, devrait offrir son opinion experte sur la question de savoir si la proposition de l’assureur, y compris l’analyse actuarielle, est conforme à une pratique commerciale de bonne foi. Dans son Rapport final, la CAO admet que « (l’assureur) a présenté la preuve d’une corrélation statistique entre ces facteurs (de classification du risque) et les pertes ».

On peut également se demander s’il aurait décidé qu’« il n’existe aucune autre solution pratique » pour remplacer la proposition de (l’assureur). La Cour suprême a clairement établi que l’industrie des assurances devrait travailler de façon active à l’élaboration de critères non discriminatoires pour évaluer le risque. À ce jour, l’industrie n’a pas encore mis au point de nouveau système pour l’assurance-automobile. Une plainte similaire dans ce domaine connaîtrait peut-être maintenant un sort tout à fait différent.

L’arrêt Zurich signifie d’abord que l’industrie des assurances peut enfreindre certains motifs en vertu de la partie I du Code si elle peut montrer, conformément à l’article 22, qu’une telle pratique est adoptée « afin de satisfaire l’objectif commercial légitime d'imposer des primes proportionnelles au risque ». D’autre part, la Cour a clairement déclaré que l’industrie des assurances ne devait pas indéfiniment continuer à user de critères discriminatoires pour établir ses taux, puisqu’elle estime que l’industrie « doit chercher à éviter de fixer des primes fondées sur des motifs interdits ». Lorsqu’on combine ces deux aspects de la décision Zurich, on peut affirmer que tout nouveau système de classification proposé, même s’il s’agit d’une meilleure méthode d’évaluation du risque, devrait au moins ne pas enfreindre la partie I du Code davantage qu’aucun système actuel de classification. En fait, un tel nouveau système proposé devrait chercher à éviter de déterminer le risque en fonction des motifs interdits.

Sans tenir compte de la décision majoritaire dans l’arrêt Zurich et de l’exception prévue à l’article 22 conformément au Code, la CAO semble avancer une interprétation différente de ce qu’on peut appeler les tests de classification du risque fondés sur des motifs justifiés « de façon raisonnable » et « de bonne foi ».

Le document d’information de la CAO contenait une réplique similaire à l’opinion émise par les deux juges dissidentes dans l’arrêt Zurich. Ces juges ont décidé qu’une corrélation statistique ne suffisait pas à justifier le caractère raisonnable d’une pratique discriminatoire. Un lien de causalité doit exister.

Dans son Rapport final en réponse à la demande de l’assureur (p. 5-6), la CAO a déclaré que toute nouvelle variable de classification du risque doit remplir tous les critères stipulés dans la Loi sur les assurances (l’article 412.1 en particulier : voir annexe). Elle affirme également qu’en-dehors d’un rapport statistique, les critères de classification du risque doivent également faire une distinction équitable. Par ailleurs :

Un indicateur du caractère raisonnable d’un système de classification du risque est sa causalité, c.-à-d. que l’assuré devrait être capable de déduire de façon logique comment le taux qu’on lui demande de payer a été calculé et de comprendre l’effet de ses antécédents de conduite sur celui-ci (Rapport final de la CAO, p.7).

La décision majoritaire dans Zurich ne repose pas sur un « lien de causalité », mais seulement sur une corrélation statistique suffisante pour justifier le caractère raisonnable d’une pratique discriminatoire. La position articulée dans le document de la CAO, soit qu’un automobiliste assuré devrait être capable de comprendre les répercussions de son dossier de conduite sur le taux de l’assurance, semble donc être un test plus strict de « caractère raisonnable » que celui qui se dégage de l’interprétation de l’article 22 du Code dans l’arrêt Zurich. D’après la Loi sur les assurances, le commissaire des assurances a l’autorité de prescrire par règlement les éléments et conditions d’un système de classification du risque.

De nos jours, une plainte relative à l’assurance-automobile similaire à celle présentée dans Zurich connaîtrait peut-être une issue différente, car la commission d’enquête ou le tribunal pourrait tenir compte de la position de la CAO selon laquelle il devrait exister un lien de causalité entre la classification du risque et le dossier de conduite, et que la Loi sur les assurances confère au commissaire des assurances la possibilité d’imposer une telle condition.

Enfin, la mention que l’on trouve dans le manuel des courtiers préparé par (l’assureur) au fait qu’une condamnation pour fraude à l’assurance-automobile constitue un risque inacceptable devrait être modifiée par l’énoncé suivante : « si un pardon n’a pas été accordé », conformément à l’article 10(1) du Code.

Veuillez noter que les observations ci-dessus ne représentent que l’opinion de la Commission, et que rien n’empêche celle-ci de poser des questions sur tout autre sujet pouvant l’intéresser et lié au Code.

La Commission peut rencontrer la CAO pour discuter plus amplement de cette question. Vous pouvez communiquer avec moi au (416) 314-4522.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

La directrice,
LA COPIE ORIGINALE SIGNÉE PAR

 

F. Pearl Eliadis

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Sommaires des causes

(extraits du CHRR)

Taux discriminatoires en assurance-automobile autorisés pour des raisons de bonne foi

Zurich Insurance Co. c. Ontario (Comm. des droits de la personne)
16 C.H.R.R.. D/255 (C.S.C.) [ENG./FR. 46 PP.]

La majorité de la Cour suprême du Canada trouve que Zurich Insurance n’a pas fait à l’endroit de Michael Bates de discrimination qui porterait atteinte au Code des droits de la personne de l’Ontario en lui demandant des primes plus élevées pour l’assurance-automobile en raison de son âge, de son sexe et de son état matrimonial.

En 1983, Michael Bates alléguait qu’il était victime de discrimination parce que Zurich Insurance lui demandait, pour son assurance-automobile, des primes plus élevées que celles imposées aux jeunes conductrices célibataires ayant le même dossier de conduite ou aux conducteurs de plus de 25 ans. Il alléguait que le barème des taux constituait une discrimination car il regroupait les conducteurs par catégorie d’âge, de sexe et d’état matrimonial et déterminait leur primes en fonction de ces facteurs.

La majorité de la Cour suprême du Canada estime que le fait d’imposer des primes d’assurance-automobile plus élevées aux jeunes conducteurs célibataires constitue une discrimination prima facie qui porte atteinte au Code des droits de la personne de l’Ontario. Toutefois, dans cet appel il s’agit de savoir si la discrimination est autorisée par l’article 21 du code, selon lequel les prohibitions contre la discrimination ne sont pas enfreintes si un contrat d’assurance-automobile contient des distinctions fondées sur des motifs justifiés de manière raisonnable et de bonne foi, soit l’âge, le sexe, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap.

La commission d’enquête qui avait entendu la plainte de Michael Bates a conclu que M. Bates avait fait été victime de discrimination parce que l’assureur ne pouvait pas prouver que la non-utilisation de taux établis en fonction de critères discriminatoires ébranlerait les fondations mêmes de son entreprise.

La Cour divisionnaire de l’Ontario a renversé cette décision en appel. Elle a conclu que la commission d’enquête avait appliqué un critère erroné et que les mots « de façon raisonnable et de bonne foi » que l’on trouve à l’article 21 devraient recevoir leur sens le plus large. Elle a décidé qu’à l’époque, il n’existait aucune autre donnée statistique sur laquelle fonder la classification du risque présenté par les conducteurs et qu’il y avait donc des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi pour se fier aux statistiques disponibles.

Cette décision a été confirmée par la Cour d’appel de l’Ontario.

La majorité de la Cour suprême du Canada, dans un arrêt rédigé par le juge Sopinka, estime que le critère établi par l’article 21 est respecté si (a) une pratique discriminatoire est fondée sur des pratiques d’assurance solidement fondées et reconnues et (b) il n’existe aucune autre solution pratique.

La majorité trouve que les primes étaient basées sur des pratiques d’assurance solidement fondées et reconnues. La preuve statistique montre que les jeunes conducteurs subissent proportionnellement plus d'accidents et des accidents plus graves que les autres conducteurs.

Toutefois, le fait qu’il existe une corrélation statistique entre l’âge, le sexe et l’état matrimonial d’une part, et les pertes d’assurance d’autre part, ne satisfait pas pleinement au critère du caractère raisonnable exigé par l'art. 21. Les droits de la personne ne peuvent être écartés pour des raisons uniquement commerciales. Autoriser une pratique discriminatoire simplement sur la foi de moyennes statistiques ne ferait que perpétuer les stéréotypes traditionnels avec tous leurs préjugés insidieux. Il faut se demander s'il existait une solution de rechange pratique dans les circonstances.

La majorité trouve qu’il n’y avait aucune autre solution pratique. Il n’existait à l’époque aucune solution de rechange à la classification statistique du risque. Le surintendant des assurances exige qu’on lui rende des comptes selon certains critères, mais au moment de la plainte les données statistiques n’étaient pas disponibles pour soutenir la classification en fonction d’autres critères pertinents et non discriminatoires.

Le pourvoi est rejeté.

Dans un jugement dissident, la juge L'Heureux-Dubé exprime son désaccord avec la majorité au sujet du test approprié à utiliser en vertu de l’article 21. Elle conclut que le critère approprié des motifs justifiés de façon raisonnable et de bonne foi pour fonder une distinction des primes basée sur l’âge, le sexe et l’état matrimonial devrait être similaire au critère établi dans Brossard. Selon Brossard, la distinction doit :

  • être imposée honnêtement et avec la conviction sincère qu’elle traduit exactement le coût du risque assuré;
  • avoir un lien rationnel, c’est-à-dire un lien de causalité, avec le risque assuré ;
  • constituer un moyen raisonnable d’identifier et de classifier des risques similaires.

La juge L'Heureux-Dubé estime que le mécanisme de classification discriminatoire a été imposé de bonne foi. Toutefois, elle est d’avis qu’il n’existe aucun lien de causalité établi entre le fait d’être jeune, célibataire et de sexe masculin et le fait de présenter un risque plus élevé à l’égard de la sécurité. Une simple corrélation statistique ne suffit pas, car cela revient à accepter le genre même de stéréotype que la législation des droits de la personne considère inacceptable.

L’âge, le sexe et l’état matrimonial n’ont jamais été contrôlés ou isolés dans les statistiques utilisées par les assureurs pour déterminer s’il existe un lien de causalité. L’industrie des assurances a essayé de combler cet écart dans son savoir en se fiant aux mythes et aux stéréotypes. Cela ne suffit pas pour se décharger du fardeau de la preuve.

En outre, L'Heureux-Dubé estime qu’il existait une autre solution pratique à la disposition de l’assureur. Celui-ci établit les taux imposés aux conducteurs de plus 25 ans en fonction de leur dossier d’accidents et de la distance parcourue. Il n’existe aucun moyen de prouver que ces mêmes critères ne pourraient pas servir à classifier les conducteurs de 25 ans et moins.

Pour ces motifs, L'Heureux-Dubé estime que Zurich Insurance ne s’est pas acquittée des exigences de l’article 21 du Code des droits de la personne de l’Ontario. Elle accueillerait le pourvoi en appel.

Dans son jugement dissident, la juge McLachlin exprime son accord avec la majorité relativement au critère à appliquer, mais elle est du même avis que L'Heureux-Dubé au sujet du résultat.

D’après elle, Zurich Insurance n’a pas prouvé qu’il n’existait aucune solution de rechange pratique à l’utilisation de critères discriminatoires pour fonder la classification des taux. Le fait que Zurich Insurance ne soit pas en mesure de prouver qu’il n’existe aucune autre solution pratique ne signifie pas qu’il n’en existe aucune. Elle ne peut pas prouver qu’il n’existe aucune autre solution pratique parce qu’elle ne dispose pas des données statistiques nécessaires pour le faire. Il ne faut pas confondre l’absence de preuve d’une autre solution avec l’absence d’une autre solution. L’assureur est tenu de démontrer qu’il n’existe aucune autre solution raisonnable, et il ne s’est pas déchargé de ce fardeau en omettant de recueillir les données nécessaires. Le fait de ne pas savoir s’il existe une autre solution pratique ne constitue pas une défense.

La juge McLachlin estime que Zurich Insurance ne s’est pas déchargée du fardeau de la preuve. Elle accueillerait le pourvoi en appel.

Thornton c. North American Life Insurance Co.
(No.5) (1992), 17 C.H.R.R. D/481 (Comm. d’enquête Ont.)

Dans cette affaire, le plaignant alléguait la discrimination fondée sur un handicap en invoquant une clause d’exclusion dans un régime d’invalidité de longue durée offert par l’employeur. La clause d’exclusion dans ce régime interdisait aux employés de recevoir les prestations d’invalidité de longue durée s’ils avaient reçu les soins ou le traitement d’un médecin dans les 90 jours avant la date d’entrée en vigueur de l’assurance. Le plaignant avait consulté son médecin au sujet du VIH à deux reprises dans les 90 premiers jours de son emploi. Onze mois après avoir été embauché, M. Thornton a demandé des prestations d’invalidité de longue durée en raison d’une maladie liée au VIH.

La commission d’enquête a rejeté la plainte.

Ontario (Human Rights Comm.) v. North American Life Assurance Co.
(1995), 23 C.H.R.R. D/1

En mars 1995, la Cour divisionnaire de l’Ontario a rejeté le pourvoi en appel de la Commission ontarienne des droits de la personne et de Gary Thornton à l’égard d’une décision prise en 1992 par une commission d’enquête. La Cour divisionnaire n’a décelé aucune erreur dans l’interprétation par la commission d’enquête de l’article 25(3)(a) et a décidé que la séropositivité de M. Thornton aurait considérablement accru le risque couru au titre du régime et que le rejet de sa demande ne portait pas atteinte au Code (sommaire C.H.R.R.).

Limitation discriminatoire des prestations aux personnes atteintes d’incapacité mentale

Gibbs v. Battlefords and Dist. Co-operative Ltd.
(1996), 27 C.H.R.R. D/87 (S.C.C.)

La Cour suprême du Canada rejette un appel interjeté par Battlefords and District Co-operative Limited à l’égard d’une décision de la Cour d’appel de la Saskatchewan. Cette dernière avait confirmé la décision d’une commission d’enquête selon laquelle la coopérative avait exercé à l’endroit de Betty-Lu Clara Gibbs une discrimination fondée sur l’incapacité mentale en raison des modalités d’un régime d’assurance lié à l’emploi.

Madame Gibbs est employée par la Battlefords and District Co-operative Limited. Elle est devenue invalide en 1987 à la suite d’un trouble mental et n’a pu continuer à travailler. Elle a épuisé ses congés de maladie et a touché des prestations d’assurance que la coopérative offrait à ses employés à titre d’avantage social.

La police stipulait que tout employé devenu incapable de travailler toucherait une indemnité régulière de remplacement de son revenu tant que l’invalidité l’empêche de travailler ou jusqu’à l’âge de 65 ans. Toutefois, le versement de l’indemnité aux personnes atteintes d’une incapacité mentale ne se poursuivrait au-delà de la période de deux ans que si l’intéressé demeurait interné dans un établissement psychiatrique. En raison de cette disposition, les prestations de madame Gibbs ont pris fin en mars 1990. Si elle avait souffert d’une incapacité physique, elle aurait continué de toucher ces prestations jusqu’à l’âge de 65 ans, peu importe qu’elle ait ou non été internée.

L’enjeu de l’appel est le suivant : le régime d’assurance-invalidité de la coopérative, qui limite les prestations en cas d’incapacité mentale mais non pour les autres types d’invalidité, fait-il une discrimination fondée sur une incapacité en violation des dispositions de l’article 16(1) du Code des droits de la personne de la Saskatchewan?

La coopérative soutient qu’il n’y avait pas de discrimination fondée sur l’incapacité mentale puisque la condition ou modalité de travail pertinente était le droit à des prestations d’assurance en vertu de la police, que tous les employés touchaient également. Étant donné la nature aléatoire de l’assurance, quand le contrat a été conclu, chaque employé assuré jouissait exactement de la même protection contre le préjudice résultant d’une incapacité éventuelle.

Le juge Sopinka, au nom de la Cour, rejette cet argument. D’après lui, avant la matérialisation d’un risque, tous les employés tiraient sûrement de l’assurance un avantage égal sous forme de « tranquillité d’esprit », mais après la matérialisation du risque d’incapacité, le régime d’assurance offrait aussi certainement aux employés un avantage important sous la forme d’une indemnité de remplacement du revenu qui n’était pas distribuée également ceux qui étaient atteints d’une incapacité mentale recevaient moins que ceux atteints d’une incapacité physique. Il serait contraire aux objets des lois en matière de droits de la personne de soustraire une pratique à l’examen prévu par ces lois simplement parce que ses effets discriminatoires dépendent d’événements incertains. Dans le cas de madame Gibbs, la discrimination a été différée jusqu’au moment précis où elle est devenue vulnérable et où elle avait le plus besoin de la protection d’une loi en matière de droits de la personne.

La coopérative soutient, en outre, que le régime d’assurance ne devrait pas être considéré comme discriminatoire étant donné que la comparaison qu’il convient de faire n’est pas entre les personnes atteintes d’une incapacité mentale et celles atteintes d’une incapacité physique, mais bien entre les personnes handicapées en général et les personnes physiquement aptes. Le Code a pour objet d’empêcher la discrimination envers les personnes handicapées comparativement aux personnes physiquement aptes, et non comparativement à d’autres personnes handicapées..

La Cour rejette également cet argument. Une comparaison entre l’incapacité mentale et l’incapacité physique est adéquate. D’abord, pour conclure à l’existence de discrimination fondée sur l’incapacité, il n’est pas nécessaire que toutes les personnes handicapées soient maltraitées également. Il n’est pas erroné de conclure à l’existence de discrimination fondée sur un motif illicite quand les personnes qui présentent la caractéristique pertinente n’ont pas toutes été victimes de discrimination. La discrimination envers une partie du groupe donné, en l’occurrence les personnes atteintes d’une incapacité mentale, peut être considérée comme de la discrimination envers le groupe donné en général.

En outre, si le groupe qui sert d’élément de comparaison comprend toutes les personnes non atteintes d’une incapacité, une plainte de discrimination fondée sur des prestations d’assurance-invalidité insuffisantes sera rarement couronnée de succès. Pareil résultat semble contraire à l’objet fondamental des lois en matière de droits de la personne, étant donné surtout le désavantage particulier dont les handicapés mentaux ont de tout temps été victimes.

En l’espèce, il appert que le régime était destiné à assurer les employés contre les conséquences sur leur revenu de leur incapacité de travailler pour cause d’invalidité. L’assurance-invalidité mentale et l’assurance-invalidité physique visent le même objet: assurer contre les conséquences sur le revenu d’une incapacité de travailler pour cause d’invalidité. Par conséquent, il est défendable de comparer les prestations versées aux personnes atteintes d’incapacité mentale à celles payées aux personnes ayant une invalidité physique. La nature véritable, ou la raison d’être sous-jacente, du régime de prestations est le désir d’indemniser les personnes incapables de travailler pour des motifs d’invalidité, et par conséquent, il sera discriminatoire de limiter les prestations en raison d’une incapacité mentale.

La Cour estime également que le contexte de l’assurance qui était pertinent dans Zurich Insurance Co. c. Ontario (Comm. des droits de la personne) n’a aucune incidence en l’espèce. Dans Zurich, la compagnie avait une preuve montrant l’existence d’une justification pour la discrimination dans son régime d’assurance-automobile car il aurait été irréaliste de fonder le calcul du risque d’accidents sur des données différentes de celles liées au sexe et à l’âge. En l’espèce, la limite imposée aux prestations offertes aux employés atteints d’une incapacité mentale, sauf s’ils sont placés dans un établissement, semble fondée sur une supposition stéréotypée concernant le comportement des handicapés mentaux.

Le pourvoi est rejeté.

Dans un jugement séparé, la juge McLachlin se dit d’accord avec la conclusion à laquelle arrive le juge Sopinka, tout en exprimant ses préoccupations relatives à la formulation du critère de l’objet visé qu’il propose.

Selon le critère proposé, l’existence de discrimination est déterminée en examinant l’objet véritable du régime d’assurance. Il y aura discrimination si des indemnités touchées pour le même objet varient en fonction d’une caractéristique non pertinente relativement à l’objet du régime d’assurance. En l’espèce, l’objet défini du régime est d’assurer les employés contre les conséquences sur leur revenu de leur incapacité de travailler pour cause d’invalidité. Si on formule l’objet de cette façon, la nature de l’incapacité devient une caractéristique non pertinente. Par conséquent, distinguer des indemnités en fonction de l’incapacité constitue de la discrimination.

S’il est loisible à l’employeur et à l’employé de donner à l’objet des indemnités une définition stricte fondée sur un groupe cible, comme les alcooliques, comme le juge Sopinka le suggère, il pourra en résulter une tolérance de l’exclusion de nombreuses réclamations valides et de l’existence d’une discrimination de fait contre d’autres personnes atteintes d’une incapacité semblable due à une autre cause. McLachlin conclut que la définition de l’objet des régimes devrait viser non des incapacités spécifiques ou des groupes cibles particuliers, mais des objectifs généraux. Sous réserve de ces préoccupations, elle est d’accord avec le juge Sopinka.

Restrictions discriminatoires sur les prestations en raison de l’orientation sexuelle

Dwyer v. Toronto (Metro)
(NO. 3) (1996), 27 C.H.R.R. D/108 (ONT. BD.INQ.) [ENG. 32 PP.]

William Dwyer et Mary-Woo Sims allèguent que la Municipalité métropolitaine de Toronto fait preuve de discrimination à l’endroit des employés gais et lesbiennes qui ont des partenaires du même sexe à l’égard de trois catégories d’avantages sociaux : les prestations non assurées (comme le congé pour soigner des personnes à charge qui sont malades), les prestations assurées (comme l’assurance-maladie complémentaire) et l’admissibilité aux prestations de survivant. Ils affirment que cette discrimination à l’égard des prestations est contraire au Code des droits de la personne de l’Ontario et à la Charte canadienne des droits et libertés.

La municipalité déclare qu’en pratique, les prestations non assurées, comme le congé funéraire et le congé pour soigner des personnes à charge malades, sont accordées de façon discrétionnaire aux employés gais et lesbiennes pour prendre soin de leurs proches ou pour enterrer un membre de leur entourage, mais la convention collective signée avec la section locale 79 du SCFP et les politiques de personnel de la municipalité ne reconnaissent pas les liens familiaux forgés par les employés dans des relations avec des partenaires du même sexe, et les gestionnaires n’ont reçu aucune directive écrite formelle à l’effet que ces relations sont reconnues.

CUMBA est l’assureur et l’administrateur des différents régimes d’assurance-maladie de la municipalité. Les principales prestations assurées sont les soins complets (médicaments, lunettes, chaussures orthopédiques, chiropractie, soins dentaires de base et orthodontiques). L’assurance-vie de groupe et l’assurance-invalidité de longue durée sont également offertes, mais ces régimes sont administrés par un autre assureur. Ces prestations sont normalement considérées comme faisant partie de la rémunération globale des employés.

Depuis 1992, la municipalité fournit des prestations assurées à l’égard des relations entre personnes du même sexe. Toutefois, elle le fait de manière provisoire, car la définition du mot « conjoint » dans la loi municipale n’autorise pas les prestations d’assurance-maladie complémentaires aux partenaires du même sexe. En 1992, le conseil municipal a demandé au gouvernement provincial de modifier la définition du terme « conjoint » dans la loi afin de lui conférer l’autorité requise, mais cela n’a pas été fait.

D’autre part, les employés municipaux reçoivent des prestations de retraite par l’intermédiaire du Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (OMERS). Il s’agit de l’un des régimes de retraite les plus importants au pays, avec plus de 1 100 municipalités qui offrent des prestations à environ 200 000 employés et 60 000 retraités. Les partenaires de même sexe d’employés municipaux n’ont pas droit aux prestations de survivant conformément à ce régime. Pour être admissibles, les conjoints doivent être de sexe opposé, qu’ils soient mariés ou en union libre.

Les pensions sont normalement reconnues comme une forme de rémunération des employés, une sorte de salaire reporté. Il existe différents types de régimes de retraite, mais la Loi de l’impôt sur le revenu fédérale (LIR) décrit le cadre de l’enregistrement de ceux-ci. Elle prévoit des avantages fiscaux importants lorsque les régimes sont enregistrés. Les cotisations des employés (à concurrence de la limite prescrite) se font en franchise d’impôt; le revenu d’investissement du régime reste à l’abri jusqu’à son versement; les contributions de l’employeur ne constituent pas un avantage social imposable pour l’employé au moment de leur versement. Toutefois, la LIR définit le « conjoint » comme étant une personne de sexe opposé à l’égard des régimes de retraite (mais les conjoints mariés et en union libre sont inclus), et elle ne permet pas le versement de prestations de survivant à un partenaire du même sexe. Un régime de retraite prévoyant de telles prestations ne pourrait plus être enregistré aux termes de la LIR, entraînant la perte d’avantages fiscaux significatifs. La Loi sur les prestations de retraite de l’Ontario (LPR), qui exige que les régimes de pension en Ontario soient conformes à ses exigences et enregistrés auprès de la Commission des régimes de retraite, a également défini le terme « conjoint » de façon à n’inclure que les partenaires de sexe opposé. Depuis 1988, la LPR exige que les régimes de retraite offrent des prestations aux conjoints survivants sous la forme d’un montant unique ou d’une rente au survivant.

En raison de ces diverses dispositions législatives à l’égard des pensions, à l’heure actuelle un conjoint de même sexe n’a pas de statut comparable à celui d’un conjoint de sexe opposé et n’a pas droit à une rente de survivant. Un partenaire de même sexe peut être admissible à un montant unique de prestation de décès s’il est nommé comme bénéficiaire dans le régime. Mais en tant que bénéficiaire qui n’est pas le « conjoint », ce partenaire devra payer l’impôt immédiatement sur ce montant, car les abris fiscaux prévus par la LIR ne sont offerts qu’aux « conjoints » reconnus. Ces derniers peuvent transférer les fonds de manière à les mettre à l’abri jusqu’à leur versement.

Étant donné la gravité des conséquences du désenregistrement d’un régime qui comprendrait des rentes pour les conjoints de même sexe, des dispositions secondaires ont été prises par certains employeurs afin d’offrir des prestations de survivant aux partenaires de même sexe. Une convention de retraite (CR) est un régime secondaire qui est financé séparément du régime normal de retraite. Il fonctionne comme un régime enregistré, mais sans les avantages fiscaux importants qui sont offerts à l’employé et à l’employeur. D’autre part, les taux d’imposition pertinents produisent l’effet de réduire l’investissement de moitié. Par conséquent, il faut cotiser beaucoup plus pour recevoir des prestations comparables.

La commission d’enquête conclut qu’elle a l’autorité d’examiner le caractère constitutionnel de sa loi constitutive, le Code des droits de la personne de l’Ontario. Elle peut également considérer la constitutionnalité des autres textes législatifs qui sont directement liés à cette plainte, notamment la LPR, la Loi sur les municipalités et la Loi sur la municipalité régionale de Toronto. Un tribunal administratif pourra traiter de la question de la Charte si elle a compétence sur l’affaire qui lui est présentée, c’est-à-dire les parties, le sujet et les recours, mais il ne peut traiter une disposition législative qu’aux fins de la cause qui lui est présentée et sans émettre de déclaration formelle d’invalidité.

Il s’agit de savoir si la pratique de refuser l’égalité dans les prestations aux partenaires de même sexe des employés municipaux est contraire à l’article 15 de la Charte qui, d’après la Cour suprême du Canada, interdit la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Le Code des droits de la personne de l’Ontario interdit également la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle mais il contient tout de même une définition de « conjoint » et d’ « état matrimonial » qui stipule des partenaires de sexe opposé. L’article 10 du code définit l’état matrimonial comme suit : « Fait d'être marié, célibataire, veuf, divorcé ou séparé. Est également compris le fait de vivre avec une personne du sexe opposé dans une union conjugale hors du mariage ». L’autre loi mise en cause ici contient des définitions similaires. La commission d’enquête est confrontée à ces questions : (1) Les définitions de « conjoint » et d’ « état matrimonial » qui stipulent des partenaires de sexe opposé sont-elles contraires à l’article 15 de la Charte lorsqu’on les utilisent pour justifier le refus de prestations liées à l’emploi pour de tels partenaires d’employés municipaux? (2) Cette discrimination peut-elle être justifiée comme une limite raisonnable conformément à l’article 1 de la Charte?

Étant donné que les intimées admettent que les régimes d’avantages sociaux font preuve de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle, la commission d’enquête passe directement à la question de savoir si la discrimination est justifiée comme une limite raisonnable conformément à l’article 1.

Les intimées affirment que la restriction des prestations assurées et des prestations de retraite à des partenaires de sexe opposé reflète une approche graduelle à l’élargissement de la protection contre la discrimination, le souci d’éviter des coûts accrus et des charges administratives alourdies, le soutien envers les couples qui ont la capacité de procréer et qui élèvent généralement leurs enfants au sein de la société, ainsi que la conformité législative avec les autres lois provinciales et avec la LIR. La commission d’enquête estime que la preuve est douteuse en ce qui concerne les objectifs de la législation au-delà du désir d’offrir des prestations aux conjoints de sexe féminin dans les unités familiales traditionnelles où l’homme travaille à l’extérieur et la femme s’occupe des enfants en restant à la charge de son mari. La commission d’enquête accepte que c’est un objectif législatif valable.

Toutefois, la commission d’enquête estime que les moyens choisis pour réaliser l’objectif législatifs consistent à permettre la discrimination avec impunité à l’endroit des conjoints du même sexe des employés. Il n’existe aucun lien rationnel entre le désir d’étendre les avantages sociaux aux femmes mariées ou aux femmes en général et la définition du mot « conjoint » comme étant un partenaire de sexe opposé. La langue de la loi est neutre, et les prestations s’appliquent aussi bien aux maris qu’aux femmes des employés. La disposition n’est pas liée à un besoin financier ou à une dépendance économique; elles sont offertes même si le mari et la femme sont tous deux employés et/ou jouissent d’une sécurité financière. En même temps, les partenaires de même sexe se voient refuser toute prestation, même si leur relation est marquée par la dépendance économique et le besoin financier, qui sont visés par la loi. Enfin, il n’existe aucune proportionnalité entre les effets des mesures (le refus de prestations aux conjoints du même sexe) et l’objectif de remédier à la pauvreté chez les femmes.

La commission d’enquête considère la décision de la Cour suprême du Canada dans Egan c. Canada, selon laquelle si le refus de prestations aux partenaires de même sexe aux termes du Régime de pensions du Canada est discriminatoire, cette discrimination constituait une limite raisonnable et justifiable conformément à l’article 1. Toutefois, elle distingue cette décision de l’affaire présente, car la Cour suprême du Canada envisageait des prestations sociales, et non des prestations liées à l’emploi. La commission d’enquête estime qu’une application plus strictes des critères de l’article 1 est nécessaire lorsqu’il s’agit du revenu d’un particulier et que la discrimination produit le traitement inégal d’un employé sur la base du sexe de son conjoint.

La commission d’enquête conclut que les garanties d’égalité de l’article 15 de la Charte sont enfreintes par la mention de personnes du sexe opposé dans les définitions de « conjoint » et d’ « état matrimonial » dans le code et les lois afférentes concernant les prestations d’emploi en question dans ces plaintes. Les définitions fondées sur le sexe opposé dans la loi constituent une discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Les dispositions en cause ne sont pas contrebalancées par l’article 1 prévoyant des limites justifiables dans une société libre et démocratique.

En ce qui concerne les recours, la commission d’enquête conclut qu’à l’égard des prestations de pension, l’obstacle à l’égalité pour les conjoints du même sexe est la définition dans la LIR qui parle de sexe opposé. Cela dépasse la compétence de la commission d’enquête, car la LIR est une loi fédérale. La commission d’enquête n’est pas convaincue qu’il soit toujours approprié d’exiger l’établissement de conventions de retraite pour les prestations de retraite. Toutefois, si la LIR permet aux prestations d’être élargies sans désenregistrement du régime, elles devraient être offertes aux partenaires de même sexe.

La commission d’enquête ordonne que :

1.Les définitions de « conjoint » et d’« état matrimonial » dans l’article 10 du code soient interprétées de façon libérale de façon à éliminer l’effet discriminatoire des mots « du sexe opposé ». 2.Les définitions fondées sur le sexe opposé de « conjoint » dans la Loi sur les municipalités et dans la Loi sur la municipalité du Toronto métropolitain doivent être interprétées de façon libérale en ce qui concerne l’autorité des municipalités à signer des contrats afin d’offrir des prestations assurées (y compris des régimes d’assurance-maladie) aux employés, à leurs conjoints et à leurs enfants. 3.La province doit interpréter et appliquer la définition de « conjoint » dans la Loi sur les municipalités comme si elle comprenait des conjoints du même sexe relativement aux prestations assurées et non assurées, et étendre cette interprétation aux prestations de retraite lorsque la définition du terme « conjoint » aura été modifiée dans la LIR. La province doit aviser toutes les municipalités de cette interprétation avant l’expiration d’un délai raisonnable. 4.La municipalité doit continuer à offrir des prestations assurées aux conjoints du même sexe selon les mêmes critères qu’aux conjoints de sexe opposé. 5.Les définitions fondées sur la notion de sexe opposé dans la LPR (et les dispositions connexes de la loi sur l’OMERS et la LIR provinciale) doivent être interprétées de façon libérale afin d’éviter d’exclure les conjoints du même sexe lorsque la LIR fédérale permettra le versement des prestations de pensions à ceux-ci sans désenregistrement du régime de retraite. 6.La municipalité doit offrir des prestations non assurées sans discrimination fondée sur le sexe des conjoints de ses employés, et prendre les mesures nécessaires pour informer ses dirigeants et employés de leur admissibilité à ces prestations. La municipalité et la section locale 79 du SCFP doivent signer une lettre d’entente qui sert à clarifier l’admissibilité des conjoints du même sexe aux prestations non assurées aux termes de la convention collective. 7. La municipalité doit verser à M. Dwyer le montant de 10 000 $ à titre de dommages-intérêts généraux et 1 200 $ pour les frais engagés à cause de la discrimination. La municipalité doit également verser à Mme Sims 4 000 $ à titre de dommages-intérêts généraux.

La grossesse comprise parmi les motifs de discrimination

Brooks v. Canada Safeway Ltd.
(1989), 10 C.H.R.R. D/6183 (S.C.C.) [ENG./FR. 23 PP.]

La Cour suprême, dans une décision unanime, a décidé que le régime d’assurance-invalidité pour les employés de Safeway faisait preuve de discrimination à l’endroit des employées enceintes, et que cela constituait une discrimination fondée sur le sexe aux termes de l’article 6(1) de la Loi de 1974 sur les droits de la personne du Manitoba.

Il s’agit d’un pourvoi en appel d’une décision de la Cour d’appel du Manitoba selon laquelle le régime d’invalidité de Safeway n’était pas discriminatoire à l’endroit des employées enceintes et que la discrimination pour cause de grossesse n’était pas une discrimination en raison du sexe.

Le régime d’invalidité de Safeway, mis en cause dans les plaintes de Susan Brooks, Patricia Allen et Patricia Dixon, prévoyait 26 semaines de prestations d’invalidité à tout employé ayant travaillé pour Safeway pendant trois mois et qui devait s’absenter du travail pour des raisons de santé. Toutefois, le régime refusait des prestations aux employées enceintes au cours d’une période de 17 semaines débutant 10 semaines avant la semaine de l’accouchement et se terminant six semaines après. Pendant cette période, les employées enceintes qui ne pouvaient pas travailler, soit en raison de complications liées à la grossesse, soit à cause d’une maladie non liée à la grossesse, n’étaient pas admissibles aux prestations. Les prestations de maternité de l’assurance-chômage ne constituaient qu’une solution de rechange imparfaite aux prestations d’invalidité, car elles exigeaient une période de travail plus longue et offraient moins d’argent pour moins de temps.

D’après la Cour, la grossesse constitue une une raison de santé parfaitement légitime de ne pas travailler, et en tant que telle, elle devrait être incluse dans le régime Safeway. Le fait de ne pas rémunérer les employées enceintes pour des absences légitimes liées à la santé est contraire au but des lois sur les droits de la personne, qui est d’éliminer les désavantages soufferts par certains groupes. Même si la société en général tire un bénéfice de la procréation, le régime Safeway fait tomber le plus gros des coûts liés à la procréation sur un seul groupe – les femmes enceintes – en leur imposant des désavantages injustes.

Ayant décidé que le régime constituait une discrimination à l’endroit des employées enceintes, la Cour a considéré le deuxième objet du pourvoi en appel, à savoir si la discrimination en raison de la grossesse constitue une discrimination en raison du sexe. La Cour d’appel du Manitoba s’est fondée sur l’arrêt de 1979 de la Cour suprême du Canada dans Bliss c. Canada (procureur général) à l’appui de sa conclusion que la discrimination en raison de grossesse n’est pas une discrimination en raison du sexe puisque toutes les femmes ne deviennent pas enceintes.

La Cour suprême réfute Bliss, affirmant que cette affaire avait fait l’objet d’une décision erronée et que, quoi qu’il en soit, l’issue ne serait pas la même de nos jours. Le raisonnement de Bliss et la décision de la Cour d’appel du Manitoba en l’espèce sont rejetés. Le fait que seules certaines femmes sont touchées par la discrimination fondée sur la grossesse ne signifie pas que ce n’est pas de la discrimination basée sur le sexe. Seules les femmes en souffrent et sont victimes de discrimination en raison de leur sexe.

La Cour conclut que le régime d’assurance-invalidité de Safeway faisait preuve de discrimination à l’endroit des employées enceintes en raison de leur sexe.

La Cour écarte la décision de la Cour d’appel du Manitoba avec les dépens de la procédure devant les cours du Manitoba et la Cour suprême, et elle renvoie les plaintes au conseil d’adjudication qui se chargera de déterminer les recours appropriés.

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** Inédit **

Indexé comme :

Kane c. Ontario (procureur général)

Entre

Kelly Kane, et
le procureur général de l’Ontario et Sa Majesté la Reine
du chef de l’Ontario, représentée par le ministre des Finances
et Axa Assurance Co.

[1997] O.J. No. 3979
DRS 97-14399
No. RE 6451/96

Cour de l’Ontario (Division générale)
Coo J.
Entendu : le 23 septembre 1997.
Jugement : le 1er octobre 1997.
(6 pp.)

 

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Droits civils -- Discrimination -- Orientation sexuelle --
Homosexuels – Égalité et protection de la loi -- Cas
particuliers – Lois sur les assurances -- Charte des droits
et libertés du Canada – Déni de droits – Recours, déclaration
d’invalidité d’une loi.

Pétition pour une déclaration que la définition de « conjoint » dans la Loi sur les assurances de l’Ontario était inconstitutionnelle. Kane vivait une relation durable avec une partenaire de même sexe qui a trouvé la mort dans un accident de la route. La demande de Kane en vue de recevoir des prestations du régime pertinent a été refusée parce qu’il s’agissait d’une relation avec un partenaire du même sexe. Dans l’article 224(1) de la Loi le « conjoint » est défini comme « un homme ou une femme » dans certains rapports désignés. Kane affirmait que cette définition, qui portait atteinte à son droit de réclamer une prestation de décès selon le barème des prestations d’assurance sans égard à la faute, était inconstitutionnelle.

DÉCISION : La pétition est accueillie. L’article 224(1) était discriminatoire en violation de l’article 15 de la Charte des droits et libertés du Canada, sans que l’article 1 puisse constituer une défense. Le refus de prestations égales dans la loi était délibérément en fonction de l’orientation sexuelle et contraire à la préservation de

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la dignité et du respect humains pour un groupe de la société. L’article était inconstitutionnel car il contenait une disposition limitant la définition de « conjoint », qui devrait être modifiée de façon à dire « l’une de deux personnes ». Kane a reçu une prestation de décès de 25 000 $.

Nota :   Décision non publiée, citée dans Quicklaw