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Mémoire de la CODP concernant la consultation du MSG aux consommateurs sur le changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement de naissance d’une pers

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Mémoire de la Commission ontarienne des droits de la personne
concernant  la consultation du ministère des Services gouvernementaux
et des Services aux consommateurs sur le changement de la désignation du sexe
sur l’enregistrement de naissance d’une personne mineure

22 août 2014

Aperçu des droits de la personne

La Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) se réjouit de la consultation du ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs concernant le changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement de naissance d’une personne mineure. La CODP a présenté un mémoire[1] en 2012 à l’occasion de la première consultation du gouvernement faisant suite à la décision du Tribunal des droits de la personne dans l’affaire XY v. Ontario relative au changement de la désignation du sexe sur les enregistrements et les certificats de naissance[2].

En avril 2014, la CODP a publié une nouvelle Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle[3]. Cette politique reconnaît à chaque personne, y compris aux jeunes, le droit de définir elle-même son identité sexuelle. Ceci est conforme aux Principes de Jogjakarta sur l’application de la législation internationale des droits de la personne en matière d’identité sexuelle[4].

La politique stipule que les personnes trans peuvent demander le changement du nom ou de la désignation du sexe inscrits sur leurs documents d’identification et autres. Les critères de modification de ces renseignements et le processus à suivre ne devraient pas être inconvenants ou fondés sur des renseignements médicaux. Les organisations devraient avoir des motifs légitimes de recueillir et d’utiliser des renseignements personnels qui identifient le sexe d’une personne, et protéger le caractère confidentiel de ces renseignements.

Bon nombre de documents d’identification, comme le certificat de naissance, la carte Santé, le passeport, le permis de conduire et les dossiers scolaires et médicaux, indiquent le sexe de la personne. Dans le cas des personnes trans, ces documents peuvent ne pas être conformes à l’identité sexuelle vécue. Ce manque de correspondance peut créer pour les personnes trans, y compris les jeunes, des obstacles et désavantages de taille, et même des risques sur le plan de la santé et de la sécurité, en particulier lorsqu’elles essaient d’accéder à l’emploi, au logement et à des services (par exemple en matière d’éducation).

Il se peut que des écoles, des refuges, des hôpitaux, des employeurs éventuels ou même des agents de police posent des questions indiscrètes aux jeunes et aux adultes trans afin de chercher à savoir pourquoi l’expression de leur identité sexuelle ne « correspond » pas à la désignation du sexe sur un certificat de naissance ou un autre document officiel. Certaines de ces organisations peuvent refuser de reconnaître le sexe et le nom que ces personnes ont-elles-mêmes choisi. Il arrive que des personnes trans soient acheminées vers un milieu sexospécifique « non approprié », comme un dortoir, une chambre d’hôpital ou des toilettes, qui ne cadre pas avec leur identité sexuelle vécue. En conséquence, les personnes trans peuvent aussi faire l’objet de harcèlement et d’autres formes de discrimination.

Le gouvernement sait bien que les normes internationales en matière de droits de la personne[5] et la jurisprudence récente[6] confirment que les personnes trans ne peuvent être tenues de subir une opération de changement de sexe, ou toute autre intervention médicale, comme condition de changement de la désignation du sexe sur leurs documents d’identification.

Bien que le gouvernement n’ait pas encore modifié la Loi sur les statistiques de l’état civil suite à l’arrêt XY v. Ontario, l’opération de changement de sexe ne constitue plus, en pratique, une condition de changement de la désignation du sexe. Toutefois, la pratique gouvernementale actuelle interdit toute modification sur l’enregistrement ou le certificat de naissance des personnes âgées de moins de 18 ans. La Loi sur les statistiques de l’état civil ne formule aucune interdiction de ce type et ne traite pas autrement de ce sujet.

Changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement et le certificat de naissance d’une personne mineure

La CODP se préoccupe du fait que la pratique actuelle du gouvernement – qui interdit tout changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement et le certificat de naissance d’une personne âgée de moins de 18 ans – est discriminatoire en vertu des motifs de l’identité sexuelle et de l’expression de l’identité sexuelle. En effet, cela peut avoir un effet préjudiciable sur la vie des personnes trans pendant leur jeunesse et jusqu’à l’âge adulte.

Il devrait être difficile pour le gouvernement de justifier sa restriction générale, étant donné que dans d’autres domaines législatifs et de la politique sociale, les parents ou les tuteurs sont autorisés à prendre des décisions au nom de leur enfant. En outre, certaines lois exigent que l’enfant donne son consentement éclairé, sous certaines conditions. Dans certains cas, un jeune peut être en mesure de prendre une décision seul, sans le consentement d’un parent ou d’un tuteur, si les circonstances s’y prêtent. À titre d’exemple :

  • Aux termes de la Loi sur le changement de nom, si l’auteur d’une demande de changement de nom est âgé de moins de 18 ans, le consentement de chaque personne en ayant la garde légitime est requis[7]. Si l’enfant est âgé de 12 ans ou plus, il doit également donner son consentement[8]. Un enfant âgé d’au moins 16 ans peut présenter lui-même la demande, mais il doit tout de même obtenir le consentement de son tuteur légal ou ses tuteurs légaux[9].
  • Aux termes de la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé (LCSS), il n’existe pas d’âge minimum auquel les personnes mineures peuvent donner leur consentement à des soins de santé de façon indépendante. Cela dépend de la capacité de la personne de comprendre les renseignements pertinents et d’évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision. La LCSS définit des éléments obligatoires en matière de consentement au traitement, en vertu desquels le consentement doit, entre autres, être éclairé et donné volontairement[10].
  • Aux termes de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille, une ordonnance portant sur l’adoption de tout enfant âgé d’au moins sept ans ne peut pas être rendue sans son consentement écrit[11]. À partir de 12 ans, un enfant peut recevoir des services de consultation avec seulement son consentement. Si l’enfant a moins de 16 ans, le fournisseur de services devra lui demander s’il souhaite faire participer son père ou sa mère[12].

La CODP recommande d’adopter des dispositions autorisant le changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement et le certificat de naissance d’une personne mineure, ou au moins de supprimer la restriction générale en la matière.

D’autres instances ont mis en place des mécanismes relatifs au changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement et le certificat de naissance d’une personne mineure. À titre d’exemple :

  • En 2014, la Colombie-Britannique a adopté une loi supprimant l’exigence de subir une opération de changement de sexe et l’a remplacée par l’obligation, pour l’auteur de la demande, de faire une déclaration et, si cette personne est mineure, d’obtenir le consentement de tous ses tuteurs, ainsi qu’une déclaration d’appui émise par un médecin ou un psychologue[13].
  • Aux termes de la Loi modifiant la Loi sur les statistiques de l’état civil du Manitoba (2014), si la personne qui présente une demande de changement de la désignation du sexe est mineure, elle doit fournir une lettre à l’appui émanant d’un professionnel de la santé dans laquelle celui-ci estime que ladite personne est capable de prendre des décisions en matière de soins de santé[14].
  • En Nouvelle-Zélande, un tuteur légal peut présenter la demande au nom d’une personne âgée de moins de 18 ans, et aucune restriction ne s’applique en matière d’âge minimum. Toute personne âgée de 16 ou 17 ans qui est ou qui a été mariée, en union civile ou dans une relation de fait est considérée comme adulte dans le cadre de ces dispositions[15].
  • En Allemagne, une personne trans âgée de moins de 18 ans peut présenter une demande auprès de la Cour constitutionnelle fédérale pour faire reconnaître juridiquement son sexe. À partir de 12 ans, une personne trans a le droit de faire entendre sa cause[16].
  • En Argentine, le sexe enregistré d’une personne âgée de moins de 18 ans peut être modifié pour correspondre à son identité sexuelle. Cette demande doit être présentée par le biais du tuteur légal de la personne. L’accord explicite de l’enfant ou du jeune est requis, et il faut tenir compte des intérêts supérieurs et de l’évolution des capacités de l’enfant. Si le tuteur légal refuse son consentement ou si celui-ci est impossible à obtenir, une procédure sommaire peut être engagée devant un juge[17].

Critères non liés à l’âge

La CODP appuie la plupart des autres critères du gouvernement non liés à l’âge portant sur le changement de la désignation du sexe. Ces critères devraient s’appliquer aussi bien aux adultes qu’aux personnes mineures :

Présentation d’une déclaration solennelle de l’auteur de la demande [et/ou de son tuteur légal ou ses tuteurs légaux] indiquant :

  • que la personne assume (ou a toujours assumé) l’identité sexuelle correspondant au changement de la désignation de son sexe;
  • que la personne assume cette identité sexuelle à temps plein et qu’elle entend la conserver.

Présentation d’une lettre de corroboration d’un médecin, d’un psychologue ou d’un associé en psychologie [ou d’une autre catégorie de personnes] indiquant :

  • qu’il confirme que l’identité sexuelle de l’auteur de la demande ne correspond pas à la désignation de son sexe sur son enregistrement de naissance;
  • qu’à son avis, le changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement de naissance est approprié.

Présentation d’autres documents délivrés par d’autres instances[18].

Bien qu’une opération de changement de sexe, ou une autre intervention médicale, ne puisse pas constituer une condition de changement de la désignation du sexe sur les documents d’identification, le fait que certaines personnes trans aient fait l’objet de telles procédures constitue l’un des nombreux indicateurs appuyant une demande en la matière, et ce, quel que soit l’âge de la personne.

Dans le même ordre d’idées, un diagnostic médical ne peut pas constituer une exigence ou un critère pour signer une lettre de corroboration. Le gouvernement doit indiquer clairement que le rôle de la personne qui signe la lettre de soutien est de confirmer que la personne trans, quel que soit son âge, assume l’identité sexuelle correspondant au changement de la désignation de son sexe sur l’enregistrement et le certificat de naissance.

Les critères d’admissibilité du gouvernement au changement de la désignation du sexe ne devraient pas inclure de délai préalable pour assumer le sexe choisi ou pour être pris en charge par un professionnel. Ceci dépendra des circonstances spécifiques de la transition pour chaque personne concernée.

Dans son mémoire de 2012[19], la CODP recommande au gouvernement d’élargir la liste des catégories de personnes habilitées à signer une lettre de corroboration, au-delà des médecins, des psychologues et des associés en psychologie, en y incluant par exemple les travailleurs sociaux, les infirmières et infirmiers, les responsables scolaires, collégiaux ou universitaires, les thérapeutes, les employeurs ou bien les membres de la famille ou d’un groupe confessionnel.

En outre, le fait de changer plusieurs fois la désignation du sexe sur un enregistrement ou un certificat de naissance ne devrait faire l’objet d’aucune restriction, dans la mesure où cela aurait un impact négatif sur les personnes dont l’identité sexuelle est non binaire, diverse ou fluide.

Il faudrait ajouter une troisième catégorie de désignation du sexe, comme « transgenre » ou « x », voire supprimer la désignation du sexe, sur les enregistrements et/ou les certificats de naissance et les autres documents officiels. À titre d’exemple :

  • En Nouvelle-Zélande, chaque citoyen peut choisir s’il souhaite que la mention « M », « F » ou « X » apparaisse sur son passeport. C’est également le cas pour les permis de conduire, même si la désignation du sexe est consignée dans une base de données et n’apparaît pas sur le document lui-même[20].

Ces deux dernières recommandations sont conformes à la politique de la CODP, qui donne une définition très large de l’identité sexuelle[21]. La déclaration solennelle selon laquelle la personne assume l’identité sexuelle correspondant au changement de la désignation de son sexe s’appliquerait de la même façon à une personne dont l’identité sexuelle est non binaire, diverse ou fluide.

Le gouvernement devrait s’assurer que les critères et le processus de collecte, d’utilisation et de divulgation des renseignements relatifs à l’identité sexuelle d’une personne protègent et promeuvent la protection de la vie privée et la confidentialité. À titre d’exemple :

  • Sur les conseils de la CODP, la Loi sur le changement de nom a été modifiée en 2006 pour donner à une personne trans la possibilité de s’opposer à la publication d’un avis du changement de nom dans la Gazette de l’Ontario[22].

Le gouvernement devrait modifier et clarifier non seulement ses guides, ses directives et ses formulaires en ligne et imprimés, mais aussi le contenu de la formation du personnel mettant en avant ces recommandations. Ceci contribuera à promouvoir et à protéger les droits des personnes trans et à faire en sorte que le processus de changement de la désignation du sexe sur les enregistrements et les certificats de naissance, ainsi que les exigences connexes, soient plus conformes au Code des droits de la personne de l’Ontario et à la politique de la CODP.

Enfin, nous invitons le gouvernement à consulter la Conférence pour l’harmonisation des lois au Canada et le British Columbia Law Institute au sujet de leur projet de promotion de la modernisation de la législation sur les statistiques de l’état civil au Canada. Le projet reconnaît la nécessité de modifier les lois actuelles relatives au changement de la désignation du sexe, que les tribunaux judiciaires et les tribunaux des droits de la personne jugent de plus en plus souvent discriminatoires. En outre, le projet reconnaît que les procédures adoptées par les bureaux de l’état civil pour approuver les demandes sont datées et continuent de poser des problèmes éthiques[23].


[1] Voir le mémoire de 2012 de la CODP adressé au ministère des Services gouvernementaux et des Services aux consommateurs sur http://www.ohrc.on.ca/fr/objet-document-de-consultation-%E2%80%93-critères-révisés-pour-la-modification-de-la-mention-du-sexe-sur-un.

[2] XY v. Ontario (Government and Consumer Services), 2012 HRTO 726 (CanLII).

[3] Voir la Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle de la CODP sur http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-la-prévention-de-la-discrimination-fondée-sur-l%E2%80%99identité-sexuelle-et-l%E2%80%99expression-de-l.

[4] Voir : Les Principes de Jogjakarta, Principe 3 : Le droit à la reconnaissance devant la loi, sur http://www.yogyakartaprinciples.org/principles_fr.pdf.

[5] Ibid.

[6] Dans l’affaire XY v. Ontario (Government and Consumer Services), le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario a conclu que le fait d’exiger qu’une personne trans subisse une opération de changement de sexe afin de pouvoir modifier la désignation de son sexe sur le certificat de naissance (aux termes de la Loi sur les statistiques de l’état civil) était discriminatoire et ne constituait pas une exigence raisonnable et de bonne foi. Voir la note 2 ci-dessus, aux par. 14-17 et 238.

[7] Voir le par. 4 (3) de la Loi sur le changement de nom sur http://www.e-laws.gov.on.ca/html/statutes/french/elaws_statutes_90c07_f.htm.

[8] Ibid., par. 5 (2).

[9] Ibid., par. 4 (1).

[10] Voir la Loi de 1996 sur le consentement aux soins de santé sur http://www.e-laws.gov.on.ca/html/statutes/french/elaws_statutes_96h02_f.htm.

[11] Voir le par. 137 (6) de la Loi sur les services à l’enfance et à la famille sur http://www.e-laws.gov.on.ca/html/statutes/french/elaws_statutes_90c11_f.htm.

[12] Ibid., art. 28.

[13] Voir l’art. 115 du projet de loi 17 (« Bill 17 »), intitulé Miscellaneous Statutes Amendment Act, 2014, sur https://www.leg.bc.ca/40th2nd/3rd_read/gov17-3.htm.

[14] Voir la Loi modifiant la Loi sur les statistiques de l’état civil du Manitoba (2014) sur https://web2.gov.mb.ca/bills/40-3/b056f.php.

[15] Voir le document intitulé « License To Be Yourself », Open Society Foundations, mai 2014, p. 20-21, sur http://www.opensocietyfoundations.org/sites/default/files/license-to-be-yourself-20140501.pdf.

[16] Ibid.

[17] Ibid.

[18] Voir le formulaire de Demande de changement de la désignation du sexe sur l’enregistrement de naissance de ServiceOntario sur http://www.forms.ssb.gov.on.ca/mbs/ssb/forms/ssbforms.nsf/GetFileAttach/007-11325F~1/$File/11325F.pdf.

[19] Voir le mémoire de la CODP, à la note 1 ci-dessus.

[20] Voir la note 3 ci-dessus. Voir également l’annexe C de la politique de la CODP qui dresse une liste de vérification des pratiques exemplaires pour recueillir des données sur le sexe et l’identité sexuelle.

[21] Voir la section 3 de la politique de la CODP, à la note 3 ci-dessus : « La notion d’identité sexuelle fait référence à l’expérience intime et personnelle de son genre, telle que vécue par chacun. Elle a trait au fait de se sentir femme, homme, les deux, aucun ou autrement, selon où l’on se positionne sur le continuum de l’identité sexuelle. L’identité sexuelle d’une personne peut correspondre ou non au sexe qui lui a été assigné à la naissance. »

[22] Le projet de loi 152, Loi de 2006 du ministère des Services gouvernementaux sur la modernisation des services et de la protection du consommateur, a modifié l’alinéa 8 (1) (a) et l’art. 13 de la Loi sur le changement de nom, L.R.O. 1990, chap. C.7, ainsi que l’art. 6 du Règlement 68 (R.R.O. 1990).

[23] Voir l’Uniform Vital Statistics Act Project sur http://www.bcli.org/project/uniform-vital-statistics-act-project.