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Annexe 5 : Comprendre la discrimination dans un contexte social – « Construction sociale d’un désavantage »

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Plus souvent qu’autrement, le désavantage naît de la façon dont la société traite les individus plutôt que de toute caractéristique qui leur est inhérente[1].

Cette déclaration du juge J. LaForest de la Cour suprême du Canada illustre le principal élément de la nouvelle démarche adoptée en matière de jurisprudence et de politiques relatives aux droits de la personne pour mieux comprendre la dynamique de la discrimination. Il y a quelques années, la législation sur les droits de la personne a été modifiée de façon à reconnaître que, pour établir l’existence d’une discrimination, il était plus important d’examiner quel effet la discrimination avait sur une personne que de déterminer si la personne responsable de la discrimination avait agi de façon malveillante ou délibérée. De nombreux tribunaux ont alors commencé à examiner les mythes, les stéréotypes et les perceptions dans l’esprit et les attitudes des gens qui les amenaient à exclure d’autres personnes en raison de certaines caractéristiques comme la race, le handicap, le sexe, l’âge ou la religion.

Par exemple, la Cour suprême du Canada a jeté un regard neuf sur la démarche à adopter pour comprendre le handicap. Dans le cas Mercier[2] survenu au Québec (qui fait l’objet d’une étude de cas dans ce document), la Cour suprême a clairement établi que le handicap devait être interprété de façon à en inclure l’aspect subjectif, puisque la discrimination peut reposer autant sur les perceptions, les mythes et les stéréotypes d’autres personnes que sur l’existence de limitations fonctionnelles réelles chez un individu.

Dans l’arrêt Mercier, la plaignante s’était vu refuser un emploi lorsqu’on a découvert qu’elle souffrait de certains problèmes de santé, même si ceux-ci n’entraînaient aucune limitation fonctionnelle. L’employeur avait fait valoir que ces problèmes ne constituaient pas un « handicap » en vertu de la loi québécoise sur les droits de la personne, parce qu’ils n’empêchaient pas la plaignante d’exercer ses fonctions. La Cour suprême du Canada a rejeté cet argument.

Au lieu de se demander si la personne était réellement atteinte d’un handicap ou si le handicap l’empêchait réellement d’exercer son travail, la Cour suprême a plutôt examiné la situation d’un point de vue sociopolitique en mettant l’accent sur la dignité humaine, le respect et le droit à l’égalité. Un handicap peut être le résultat d’une limitation physique, d’une maladie, d’une limitation perçue ou d’une combinaison de ces facteurs. L’accent est toutefois mis sur les effets de la distinction, de la préférence ou de l’exclusion de la personne et non sur la preuve de limitations physiques ou de l’existence d’une maladie.

Un autre arrêt[3] de la Cour suprême du Canada a depuis confirmé que le « handicap social », c’est-à-dire la réaction de la société face à un handicap réel ou perçu, doit être le principal aspect à considérer pour déterminer s’il y a eu discrimination.

Nous devons exercer la plus grande prudence lorsque nous examinons les suppositions que nous faisons à l’égard d’une personne, que celle-ci soit à la recherche d’un emploi ou d’un logement ou souhaite se procurer un bien ou un service. Son « inadmissibilité » est-elle le résultat de limitations fonctionnelles réelles, de limitations artificielles que la société impose en raison de stéréotypes non fondés ou de l’ignorance, ou de différences réelles ou perçues que la société ne peut pas prévenir, éliminer ou accommoder? Un examen approfondi de la part des cours, des tribunaux des droits de la personne, des gouverne-ments et de la société civile en général et une plus grande sensibilisation à cet égard contribueront à clarifier cette notion.


[1] Egan c. Canada, [1995] 2 R.C.S. 513, à 551-2 (25 mai 1995), en ligne, Cour suprême du Canada, http://scc-csc.lexum.com/decisia-scc-csc/scc-csc/scc-csc/fr/item/1265/index.do.

[2] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), 2000 CSC 27 (3 mai 2000).

[3] Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 2000 CSC 28 (18 mai 2000).

 

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