Exposé de position: Objet: Les services parallèles de transport adapté assurés par les services de transport en commun dans les villes de Toronto, Hamilton, London et Windsor sont-ils des programmes spéciaux aux termes du Code des droits de la personne

Contexte

Les services de transport en commun dans les villes de l’Ontario jouent un rôle fondamental dans la capacité de nombreuses personnes à participer utilement à la vie de leur collectivité. De fait, les transports en commun offrent un moyen d’accès à l’emploi, à l’éducation, aux services publics et sociaux et aux activités communautaires.

Le droit des personnes handicapées à un traitement égal en matière de services est protégé par le Code des droits de la personne[1] de l’Ontario (le Code). Malheureusement, l’égalité d’accès aux services de transport en commun est loin d’être une réalité pour une vaste proportion de la population ontarienne et certains obstacles persistent malgré l’importance qu’ils revêtent dans nos vies quotidiennes.

Ces dernières années, la Commission ontarienne des droits de la personne a reçu de nombreuses plaintes à l’encontre de fournisseurs de services de transport en commun de l’Ontario, selon lesquelles certains aspects de leurs activités respectives, y compris le service parallèle de transport adapté, portent atteinte au droit à un traitement égal en matière de services pour les personnes handicapées. Bien souvent, les fournisseurs de services de transport en commun arguent alors du fait que le service parallèle de transport adapté desservant leur collectivité est un « programme spécial » en vertu de l’article 14 du Code.

En 2002, la Commission a statué sur une série de plaintes à l’encontre de la Commission de transport de Toronto (CTT) eu égard à son service parallèle de transport adapté Wheel-Trans et aux frais facturés aux usagers de Wheel-Trans[2]. En réponse à ces plaintes, la CTT a allégué que Wheel-Trans était un « programme spécial » au sens de l’article 14 du Code. Plus récemment, en décembre 2004, la Commission a statué sur une série de plaintes à l’encontre de la ville de Hamilton eu égard à son service parallèle de transport adapté DARTS (Disabled and Aged Regional Transit System)[3]. Comme la CTT, la ville de Hamilton a fait valoir que son programme de services de transport en commun accessibles, dans lequel s’inscrit le service DARTS, était un « programme spécial » au sens de l’article 14 du Code. Aucun de ces cas n’a tranché la question de savoir si les services parallèles de transport adapté concernés étaient ou non des « programmes spéciaux ».

Ces dernières années, la Commission a mis en œuvre diverses initiatives importantes pour favoriser le débat public et contribuer à l’amélioration des transports en commun accessibles. En février 2001, la Commission a publié le Document de travail sur les services accessibles de transport en commun en Ontario visant à favoriser le débat public sur l’accessibilité des réseaux de transport local de passagers en Ontario. Après sa publication, une période de consultation publique a été organisée auprès des parties intéressées, notamment de fournisseurs de services de transport, de groupes de consommateurs handicapés et de groupes de défense des droits, d’organismes de personnes âgées, de syndicats et de nombreux particuliers. Ces consultations ont abouti à l’élaboration du rapport de consultation de la Commission intitulé Les droits de la personne et les services de transport en commun en Ontario et publié en avril 2002, qui instaure le cadre théorique pour les travaux de la Commission dans le domaine des transports en commun accessibles.

Comme indiqué dans ce document, la Commission est d’avis que les services parallèles de transport adapté sont une forme d’adaptation qui peut être exigée pour satisfaire à l’obligation d’adaptation énoncée dans le Code :

Lorsque des personnes sont incapables d’avoir accès aux réseaux réguliers de transport en commun, que ce soit en raison de leurs limitations fonctionnelles ou du manque d’adaptation de nombreux réseaux de transport en commun relativement anciens, les fournisseurs de services de transport en commun ont le devoir de répondre à leurs besoins, à moins que cela n’entraîne un préjudice injustifié. Bien que certains fournisseurs de services de transport en commun soutiennent que les services parallèles de transport adapté constituent un programme spécial volontaire au sens de la législation relative aux droits de la personne, la Commission est d’avis que les services parallèles de transport adapté sont une forme d’adaptation qui peut être exigée pour satisfaire à l’obligation d’adaptation énoncée dans le Code[4].

Les consultations portant sur les transports en commun ont permis de mettre en évidence une divergence d’opinions entre la Commission et bon nombre de fournisseurs de services de transport en commun quant à l’interprétation et à l’application de l’obligation d’adaptation énoncée dans le Code et à la prestation des services parallèles de transport adapté. La Commission est convaincue qu’il est important de résoudre directement cette question, dans l’intérêt public.

En vertu de l’article 14 du Code, la Commission peut enquêter sur un programme de son propre chef et a tout pouvoir de déclarer, par ordonnance, si ce dernier satisfait ou non aux exigences du paragraphe 14(1) du Code qui a trait aux programmes spéciaux.

Par conséquent, la Commission a habilité les membres de son personnel à enquêter sur les « programmes » suivants :

  • le service parallèle de transport adapté Wheel-Trans de la ville de Toronto;
  • le service parallèle de transport adapté DARTS (Disabled and Aged Regional Transit System) de la ville de Hamilton;
  • le service parallèle de transport adapté Handi-Transit de la ville de Windsor;
  • le service parallèle de transport adapté fourni par la London Community Transportation Brokerage dans la ville de London.

Dans le cadre de cette enquête, le présent exposé de position est diffusé afin d’inviter les parties intéressées à présenter leurs observations, dans l’optique d’aider la Commission à déterminer si elle doit exercer son pouvoir déclaratoire aux termes de l’article 14 du Code eu égard aux programmes susmentionnés.

Article 14

L’article 14 du Code stipule ce qui suit :

14.(1) Ne constitue pas une atteinte à un droit reconnu dans la partie I la mise en œuvre d’un programme spécial destiné à alléger un préjudice ou un désavantage économique ou à aider des personnes ou des groupes défavorisés à jouir ou à essayer de jouir de chances égales, ou qui favorisera probablement l’élimination d’une atteinte à des droits reconnus dans la partie I.

(2) La Commission peut :

a) de sa propre initiative;
b) à la demande d’une personne qui cherche à mettre en œuvre un programme spécial en vertu de la protection prévue au paragraphe (1);
c) à la réception d’une plainte contre laquelle est invoquée la protection prévue au paragraphe (1),

faire enquête sur le programme spécial et, à sa discrétion, déclarer, au moyen d’une ordonnance :

d) soit que le programme spécial, tel qu’il est défini dans l’ordonnance, ne satisfait pas aux exigences du paragraphe (1);
e) soit que le programme spécial, tel qu’il est défini dans l’ordonnance, avec les modifications que la Commission juge opportunes, le cas échéant, satisfait aux exigences du paragraphe (1).

(3) La personne qui se sent lésée par une ordonnance rendue en vertu du paragraphe (2) peut demander à la Commission de réexaminer son ordonnance. Dans ce cas, l’article 37 s’applique avec les adaptations nécessaires.

(4) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à un programme spécial si une ordonnance est rendue en vertu de l’alinéa (2) d) ou si une ordonnance est rendue en vertu de l’alinéa (2) e) et que les modifications relatives au programme spécial ne sont pas mises en œuvre.

(5) Le paragraphe (2) ne s’applique pas à un programme spécial mis en œuvre par la Couronne ou par un de ses organismes.


[1] L.R.O. 1990, chapitre H. 19, avec ses modifications
[2] Odell et coll. c. Commission de transport de Toronto
[3] Neusch et Fox c. Ville de Hamilton et coll.
[4] Rapport de consultation de la CODP, « Les droits de la personne et les services de transport en commun en Ontario » (2002), p. 21

 

Code Grounds: 
Social Areas: 
Resource Type: 

Les programmes parallèles de transport adapté

D’après les statistiques compilées par l’Association canadienne du transport urbain (ACTU) pour l’année 2003, l’Ontario compte 74 programmes parallèles de transport adapté desservant près de dix millions de personnes[5]. La nature de ces programmes varie considérablement à travers la province. Ces services peuvent être assurés par différents types d’institution. Dans certaines collectivités, ils sont directement proposés par une municipalité ou une commission de transport municipale. Dans d’autres cas de figure, les services parallèles de transport adapté sont donnés en sous-traitance à des fournisseurs spécialisés. Les critères d’admissibilité varient d’un programme à l’autre, tout comme la structure tarifaire et les modalités de réservation.

De son propre chef, la Commission a habilité les membres de son personnel à enquêter, en vertu du paragraphe 14(2) du Code, sur les services parallèles de transport adapté fournis dans quatre collectivités de l’Ontario, à savoir Toronto, Hamilton, Windsor et London, afin de déterminer si elle exercera son pouvoir déclaratoire aux termes du paragraphe 14(2) eu égard au statut de « programme spécial » de ces services.

Il est important de tenir compte du contexte dans lequel chacun de ces services parallèles de transport adapté fonctionne, en particulier dans le contexte de l’accessibilité des services de transport en commun en général qui desservent chacune des collectivités en question. Une brève description des quatre services parallèles de transport adapté est présentée ci-après et s’accompagne d’une description de l’accessibilité des services « réguliers » de transport en commun dans chacune de ces collectivités.

Ville de Toronto

  • Fournisseur de services de transport en commun : Commission de transport de Toronto
  • Service parallèle de transport adapté : Wheel-Trans

Contexte

La Commission de transport de Toronto (CTT) fournit des services de transport en commun pour la ville de Toronto. La CTT a été créée le 1er janvier 1954 par la Loi sur la municipalité de la communauté urbaine de Toronto[6]. En 1997, les municipalités de la communauté urbaine de Toronto ont été fusionnées par le gouvernement provincial pour former la ville de Toronto. Aujourd’hui, la CTT est régie par la Loi de 1997 sur la cité de Toronto (n° 2)[7].

Service régulier de transport en commun

La CTT exploite un réseau de transport en commun par autobus, métros et tramways à itinéraire fixe, désigné sous le nom de « réseau régulier ». Le réseau régulier d’autobus de la CTT compte actuellement 138 itinéraires fixes, dont 39 désignés comme « accessibles » à ce jour, les autobus accessibles du parc de la CTT étant affectés à ces parcours. La CTT exploite un parc actif d’autobus d’environ 1 436 véhicules[8], parmi lesquels 237 sont équipés de dispositifs élévateurs et environ 101 disposent d’un plancher surbaissé. Selon la politique actuelle de la CTT, tous les achats à neuf porteront sur des autobus accessibles à plancher surbaissé, l’objectif étant d’avoir un parc d’autobus 100 % accessible à l’horizon 2012[9]. Le réseau de métro/de transport rapide régulier se compose de trois lignes de métro (Yonge/University, Bloor/Danforth et Sheppard) et d’une ligne de transport rapide (Scarborough RT). Sur les 69 stations que comptent ces lignes, seulement 20 étaient accessibles en 2003[10]. Environ 50 % des voitures de métro sont accessibles. Le parc actuel de la CTT compte 248 tramways desservant 11 itinéraires. Aucun des deux modèles exploités par la CTT n’est accessible au moyen d’un plancher surbaissé. La CTT a jugé qu’il n’est pas possible d’installer des dispositifs élévateurs sur les tramways composant son parc actuel et qu’il s’avère problématique de rendre le réseau de tramway accessible [11].

Service parallèle de transport adapté – Wheel-Trans

En 1973, un projet pilote a été lancé par la Commission de transport de Toronto, à la demande de la municipalité de la communauté urbaine de Toronto, afin de pourvoir aux besoins en matière de transport des personnes se trouvant dans l’incapacité d’emprunter le réseau de transport en commun régulier en raison d’une limitation fonctionnelle ou d’une mobilité réduite. Ce projet pilote de la première heure, financé conjointement par la province de l’Ontario et la municipalité de la communauté urbaine de Toronto, impliquait 48 passagers inscrits et sept minibus. Il fonctionnait aux heures de pointe durant les jours de semaine pour la prise en charge des déplacements « professionnels » uniquement. Ce service s’est étoffé au fil des ans pour inclure un plus grand nombre de demandeurs et proposer des horaires de fonctionnement étendus. En raison de son succès, ce projet pilote initial s’est vu octroyer en 1979 un financement permanent de la part de la province et de la municipalité de la communauté urbaine de Toronto, sur une base partagée. À l’époque, la CTT jouait uniquement le rôle d’organe de supervision au niveau administratif mais, suite à l’émergence de problèmes liés à la qualité du service assuré par les fournisseurs indépendants, la CTT s’est vue priée par divers groupes de défense et par le grand public de prendre le contrôle de tous les aspects du service parallèle de transport adapté Wheel-Trans, ce qu’elle a fait au 1er janvier 1989[12].

Wheel-Trans assure un service de porte à porte aux personnes à mobilité réduite. Les passagers inscrits effectuent leur réservation au moyen d’une ligne téléphonique informatisée, d’un ATS ou auprès du personnel. En 2003, Wheel-Trans a réalisé plus de 1,5 million de déplacements au profit de 31 126 passagers inscrits[13]. Les critères d’admissibilité au service Wheel-Trans ne sont pas fondés sur une condition particulière de handicap, sur l’état de santé général ou sur le revenu, mais sur le niveau de mobilité de la personne chez elle, aux alentours immédiats de son domicile et au sein de la collectivité dans son ensemble, ainsi que sur la permanence de la limitation fonctionnelle[14]. Les demandeurs doivent assister à une entrevue directe et aucun certificat médical n’est requis[15]. Il est possible de faire appel de la décision prise par la CTT en cas de refus d’inscription au service Wheel-Trans. Les demandes peuvent porter sur une inscription temporaire ou permanente. Aucun frais d’inscription n’est facturé pour la demande d’accès au service Wheel-Trans[16].

Le réseau Wheel-Trans compte 145 autobus accessibles, ainsi que 73 taxis accessibles exploités sous contrat avec la CTT[17]. Douze autobus viendront étoffer le parc Wheel-Trans d’ici 2011[18].

Wheel-Trans dessert également quatre parcours d’autobus communautaires, exploités sur un itinéraire fixe, et fournit des services réguliers de transport en commun accessibles. L’utilisation de minibus permet d’accéder aux allées desservant des établissements comme les maisons de soins infirmiers et les résidences pour personnes âgées ou handicapées. Les passagers inscrits n’ont aucune réservation à faire pour utiliser ces autobus communautaires. Ce service est disponible sept jours sur sept. Wheel-Trans fonctionne de 6 h à 1 h les jours de semaine et de 7 h à 1 h les fins de semaine et les jours fériés.

Wheel-Trans est exploité dans l’enceinte de la ville de Toronto et dessert une zone égale à celle couverte par les services réguliers de transport en commun. En outre, Wheel-Trans assure des correspondances avec les services des municipalités adjacentes et l’aéroport[19], dans des conditions semblables à celles du service régulier.

Ville de Hamilton

  • Fournisseur de service de transport en commun : ville de Hamilton
  • Service parallèle de transport adapté : DARTS

Contexte

Depuis sa création en 1874, la Hamilton Street Railway Company (HSR) a d’abord exploité des tramways, puis les premiers véhicules hippomobiles, avant de passer aux véhicules électriques. Au milieu des années 1920, les autobus à moteur font leur apparition sur certains itinéraires et le dernier tramway sera retiré du service en 1951. En 1960, la ville de Hamilton achète la HSR et la Commission de transport de Hamilton est créée afin d’exploiter cette entreprise. En 1977, la gestion de la société est confiée à la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth, qui a depuis fusionné pour former la ville de Hamilton.

Service régulier de transport en commun

La ville de Hamilton fournit des services de transport en commun à itinéraire fixe par le biais de la Hamilton Street Railway Company (HSR). La planification et la prestation de ces services relèvent de la responsabilité de la Division du transport de la ville, qui dépend du Service des transports, des opérations et de l’environnement. La vile exploite 28 itinéraires fixes desservis par un parc de 198 autobus[20], dont 114 sont dotés d’un plancher surbaissé[21]. Ces autobus ne sont pas exploités sur l’ensemble des parcours. Pendant les jours de semaine et le samedi, les autobus à plancher surbaissé ne sont mis en circulation qu’à certaines heures de la journée sur divers parcours. Le dimanche, tous les itinéraires sont desservis par des autobus à plancher surbaissé[22].

Service parallèle de transport adapté – DARTS (Disabled and Aged Regional Transit System)

En 1991, le Service des transports de la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth de l’époque a lancé une étude des services de transport en commun pour les personnes handicapées de la région de Hamilton en vue d’élaborer un plan de prise en charge des besoins en la matière rencontrés par les personnes à mobilité réduite.

La ville de Hamilton fournit aujourd’hui des services de transport en commun accessibles pour les personnes handicapées par le biais d’un programme de transports accessibles ATS (Accessible Transportation Services) géré par la Division du transport de la ville. Ce programme prend en charge l’admissibilité, l’inscription, l’orientation, la gestion des bases de données, la distribution des coupons de taxi et la gestion de tous les programmes relevant des services de transport en commun pour les personnes handicapées de la ville.

Le service parallèle de transport adapté DARTS constitue l’un des volets de ce programme ATS. DARTS est une société privée sans but lucratif sous contrat avec la ville, qui assure un service de porte à porte par minibus adaptés aux fauteuils roulants. En décembre 1995, la ville de Hamilton (à l’époque, la municipalité régionale de Hamilton-Wentworth) a conclu un contrat en vertu duquel la région a accordé à DARTS le droit de fournir, d’entretenir et d’exploiter un service parallèle de transport adapté au sein de la ville (à l’époque, de la région) à l’intention des personnes handicapées. Le contrat initial portait sur une durée de cinq ans, mais celle-ci a été prolongée depuis lors.

DARTS propose ses services aux personnes handicapées se trouvant dans l’incapacité d’accéder au réseau régulier de transport en commun et utilisant un dispositif d’aide technique à la mobilité, tel qu’un fauteuil roulant, un scooter électrique ou un déambulateur, pour se déplacer[23]. Depuis le 1er juillet 2004, les nouvelles inscriptions pour bénéficier du service DARTS sont limitées aux : personnes handicapées qui se trouvent dans l’incapacité d’emprunter le réseau régulier de transport en commun en raison de la nature de leur handicap et qui se déplacent en fauteuil roulant, en scooter électrique ou à l’aide d’un déambulateur, qui requièrent une dialyse ou qui sont atteintes de la maladie d’Alzheimer[24].

En 2003, le programme ATS comptait 8 698 passagers inscrits[25]. La gestion du processus d’inscription est assurée par ce dernier, de même que l’évaluation des demandes et l’agrément des services de transport accessibles. Le médecin du demandeur doit signer la demande d’inscription. Une entrevue d’évaluation est également prévue. Au 1er juillet 2004, le droit annuel d’inscription au programme ATS s’élevant à 15 $ a été supprimé[26]. La ville reste responsable, par le biais du programme ATS, de l’inscription au service DARTS des personnes qui en font la demande. La ville fixe également les tarifs du service DARTS et s’occupe de l’achat des véhicules et de l’équipement requis par DARTS. Il incombe à DARTS de gérer les réservations et la répartition des véhicules et de payer toutes les dépenses liées à la prestation du service, ainsi qu’à l’exploitation et à l’entretien du réseau.

DARTS loue plus de 60 autobus accessibles à la ville de Hamilton[27]. Le service est assuré de la porte d’entrée d’un bâtiment accessible à la porte d’entrée d’un autre bâtiment accessible (« accessible » signifie qu’il n’y a pas plus d’une marche à franchir). Les réservations sont ouvertes sept jours à l’avance. En fonction de la disponibilité des véhicules, DARTS accepte également les réservations effectuées le jour même.

Les passagers du service DARTS peuvent acheter un carnet de dix billets prépayés pour la somme de 21 $. (Par comparaison, l’achat de cinq billets permettant d’emprunter le réseau régulier revient à 8,50 $.) Le service

DARTS fonctionne de 7 h à 23 h les jours de semaine, de 8 h à 23 h les fins de semaine et de 9 h 30 à 23 h les jours fériés.

Le service DARTS dessert toutes les adresses au sein des limites de la ville fusionnée. Il couvre une zone plus étendue que les services de transport en commun fournis par la HSR.

Ville de Windsor

  • Fournisseur de services de transport en commun : Commission de transport (Transit Windsor)
  • Service parallèle de transport adapté : Handi-Transit

Contexte

En 1886, la compagnie de chemins de fer Sandwich Windsor and Amherstburg Railway a mis en service ses premiers tramways à Windsor. L’exploitation du premier trolleybus pour le transport collectif a eu lieu en 1922. En 1977, la responsabilité de la compagnie a été dévolue à la ville de Windsor, qui l’a rebaptisée Transit Windsor. Ce service est actuellement fourni par une commission de transport.

Service régulier de transport en commun

Transit Windsor fournit un service régulier de transport en commun au sein des limites municipales de la ville de Windsor. Seuls quelques itinéraires fixes du réseau régulier sont desservis par des autobus à plancher surbaissé. En 2003, six parcours d’autobus fixes sur 15 étaient accessibles[28]. Seuls des autobus à plancher surbaissé sont utilisés sur les itinéraires accessibles, aux heures qui sont communiquées sur le site Web[29]. En 2003, 23 autobus sur 96 étaient dotés d’un plancher surbaissé, soit environ 24 % du parc. Un plan décennal de renouvellement du parc a été mis en place pour atteindre l’objectif de 100 % d’autobus accessibles à plancher surbaissé[30].

Service parallèle de transport adapté – Handi-Transit

Handi-Transit est une société privée sans but lucratif sous contrat avec la ville de Windsor responsable de la prestation des services parallèles de transport adapté à Windsor. Handi-Transit est un service de trottoir à trottoir disponible sur réservation qui assure le transport des personnes ayant une limitation fonctionnelle et qui sont dans l’incapacité d’emprunter le réseau régulier d’autobus. Le service Handi-Transit est financé par les frais acquittés par les passagers et d’autres revenus d’exploitation, et bénéficie en outre d’une subvention de la ville de Windsor.

Un processus de demande a été instauré et requiert notamment la présentation d’un formulaire de demande signé par un médecin. L’inscription peut être temporaire (6 mois) ou permanente, en fonction de l’avis donné par le médecin de l’usager. L’inscription est gratuite.

Les personnes ayant une déficience autre qu’une limitation physique (p. ex. maladie d’Alzheimer ou syndrome de Down) peuvent également accéder au service Handi-Transit, l’inscription n’étant donc pas limitée aux personnes ayant une limitation fonctionnelle. Elles doivent toutefois faire signer le formulaire de demande par leur médecin.

En 2003, le service Handi-Transit comptait 2 190 passagers inscrits[31].

Le service Handi-Transit dispose de 12 à 15 minibus[32]. Les réservations sont ouvertes jusqu’à trois semaines à l’avance. Il est également possible d’effectuer une réservation le jour même. La disponibilité n’est toutefois pas garantie : la priorité des réservations est établie en fonction du motif du déplacement, dans l’ordre suivant : emploi, éducation, raisons médicales, affaires personnelles, loisirs. Le tarif unitaire des billets s’élève à 2,30 $ (sauf à destination de LaSalle, le tarif étant alors de 5,25 $).

Handi-Transit dessert la ville de Windsor et la ville voisine de LaSalle. Le réseau régulier de transport en commun couvre uniquement la ville de Windsor.

Ville de London

  • Fournisseur de services de transport en commun : Commission de transport de London (London Transit)
  • Service parallèle de transport adapté : London Community Transportation Brokerage

Contexte

À l’origine, la Commission de transport de London a été fondée en 1873 par l’Assemblée législative, sous le nom de London Street Railway Company. Le premier service de tramways a été mis en place en 1875. En 1931, la ville de London a acheté la London Street Railway Company et formé la Commission de transport de London. Le premier réseau d’autobus de la ville a été exploité en 1926. Le dernier tramway a été retiré du service en 1940.

Service régulier de transport en commun

Au total, 36 parcours d’autobus fixes sont exploités par London Transit. En septembre 2004, 18 de ces itinéraires étaient désignés comme étant accessibles[33]. Six des 10 itinéraires principaux du centre-ville sont desservis par des autobus accessibles à plancher surbaissé. L’ensemble des 10 itinéraires urbains/suburbains est accessible[34]. En 2003, 48 % du parc d’autobus était accessible[35]. D’ici décembre 2004, il est prévu que 104 des 178 autobus soient accessibles au moyen d’un plancher surbaissé[36].

Service parallèle de transport adapté

Le service parallèle de transport adapté a d’abord relevé de la responsabilité de la ville de London. À l’époque, il était assuré par des entrepreneurs privés pour le compte de la ville. En 1997, la responsabilité de cette prestation a été dévolue à la Commission de transport de London. Les services assurés par London Transit proposent un éventail de solutions conçues pour répondre à l’ensemble des besoins des habitants de London ayant un handicap qui les empêche régulièrement d’emprunter le réseau régulier de transport en commun à itinéraire fixe de London[37]. Ces services sont organisés par le biais de la London Community Transportation Brokerage et incluent un parcours d’autobus communautaire, des services de planification des déplacements visant à aider les personnes handicapées à trouver un parcours accessible sur le réseau à itinéraire fixe, un service de transport médical en navette et un service parallèle de transport adapté.

Le programme Para-Transit est un service de porte à porte par transport partagé. London Transit a conclu un contrat avec un agent de courtage pour la dotation en conducteurs et la mise à disposition de minibus accessibles. Toutes les autres fonctions du service parallèle de transport adapté comme l’inscription, la réservation et la répartition des véhicules sont prises en charge par London Transit.

Les demandeurs doivent se procurer un formulaire d’inscription directement auprès de la London Community Transportation Brokerage et le faire remplir en partie par un professionnel de la santé. Au 1er janvier 2004, les frais d’inscription de 30 $ permettant d’accéder à ce service spécialisé pendant trois ans ont été supprimés[38].

Les passagers inscrits peuvent réserver leurs déplacements trois jours à l’avance. Les déplacements, hors trajets sous forme d’abonnement, sont assurés dans l’ordre de réception des demandes[39]. Ils ne sont toutefois pas garantis[40]. Les trajets effectués par le biais du réseau Para-Transit ou du réseau régulier coûtent le même prix (2,18 $ l’unité). Toute personne accompagnante doit acheter un billet au même tarif que le client. Le transport des paquets ne fait pas partie des attributions du conducteur. (Cependant, cette politique a fait l’objet de modifications en juillet 2004[41].) Le programme exploite 21 véhicules[42].

Les annulations extrêmement tardives ou les défections peuvent donner lieu à une suspension de l’inscription du client[43]. Une procédure d’appel est en vigueur depuis juillet 2004[44].

Le réseau Para-Transit fonctionne de 7 h à 23 h 30 les jours de semaine et de 8 h 30 à 23 h 30 les fins de semaine et les jours fériés. Le service Para-Transit est assuré dans les limites de la ville de London (telles que définies en 1998)[45].

En 2004, ce service de porte à porte par transport partagé comptait 1 850 passagers inscrits.

Le programme Para-Transit de London Transit dessert l’ensemble de la ville de London, ce qui inclut les banlieues périphériques annexées à celle-ci depuis 1997. Le réseau régulier de transport en commun ne couvre pas cette région périphérique.


[5] ACTU, « Répertoire statistique du transport adapté en Ontario » (2003)
[6] L.O. 1953, chapitre 73. L’article 106 de la Loi définit le mandat et les pouvoirs de la Commission :

Art. 106. À partir du 1er janvier 1954, la Commission :

regroupe et coordonne tous les modes de transport local de passagers dans la communauté urbaine, à l’exception des chemins de fer et des taxis, et planifie l’expansion future dudit réseau de transport au mieux des intérêts des habitants de la communauté urbaine;

possède et exerce, à l’égard de l’ensemble de la communauté urbaine, tous les pouvoirs, droits, compétences et privilèges en matière de construction, d’entretien, d’exploitation, d’extension, de modification, de réparation, de contrôle et de gestion du réseau de transport local de passagers que possédait l’ancienne commission [The Toronto Transportation Commission] à l’égard de toute partie de la communauté urbaine le 31 décembre 1953;

possède et exerce tous les pouvoirs, droits, compétences et privilèges en matière de construction, d’entretien, d’exploitation, d’extension, de modification, de réparation, de contrôle et de gestion des réseaux de transport local conférés par les présentes à ou susceptibles d’exercice par le conseil ou l’entreprise d’une quelconque municipalité de secteur, et lesdits pouvoirs, droits, compétences et privilèges ne doivent pas être exercés par une quelconque municipalité de secteur ou son conseil, ni par la municipalité métropolitaine ou le conseil de la communauté urbaine. [Traduction libre]

[7] L.O. 1997, chapitre 2. L’article 25 de la Loi prévoit le maintien de la CTT : Art. 25. Est maintenue la commission appelée Commission de transport de Toronto en français et Toronto Transit Commission en anglais.
[8] « TTC Accessible Transit Services Plan » (2003), p. 17
[9] « TTC Accessible Transit Services Plan » (rapport d’étape, septembre 2004)
[10] « TTC Accessible Transit Services Plan » (2003), p. 24
[11] « TTC Accessible Transit Services Plan » (2003), p. 29
[12] « A Brief History of Wheel-Trans Service » – Report of the TTC Task Force on Accessible Transit, Appendix 1.
[13] « TTC Operating Statistics » (2003)
[14] http://www.city.toronto.on.ca/ttc/pdf/wheeltrans_info_feb2004.pdf
[15] « TTC Accessible Transit Services Plan » (2003), p. 9
[16] Cf. Odell et coll. c. Commission de transport de Toronto (procès-verbal de transaction, mai 2002)
[17] « TTC Accessible Transit Services Plan » (2003), p. 9
[18] « TTC Accessible Transit Services Plan » (2003), p. E-2
[19] « TTC Annual Report » (2003)
[20] ACTU, « Ontario Urban Transit Fact Book » (données d’exploitation 2003)
[21] ACTU, « Ontario Urban Transit Fact Book » (données d’exploitation 2003)
[22] http://www.city.hamilton.on.ca/Living-Here/Transit/Accessible-Transportation/introducingalf.asp
[23] www.cityhamilton.on.ca/printver.asp
[24] http://www.city.hamilton.on.ca/Living-Here/Transit/Accessible-Transportation/DARTS/registration.asp
[25] ACTU, « Fact Book », précité, p. 25
[26] Neusch et Fox c. Ville de Hamilton et coll. (procès-verbal de transaction, décembre 2003)
[27] « The State of DARTS: The 2004 DARTS Para-Transit Service Annual Report » (2004) accessible en ligne à l’adresse : http://www.city.hamilton.on.ca/Living-Here/Transit/Accessible-Transportation/DARTS/docs/AnnualReport2004.pdf, p. 20
[28] ACTU, « Ontario Urban Transit Fact Book » (données d’exploitation 2003)
[29] « Accessible Transit Routes Using Low Floor Bus Technology ». Dernière consultation le 29 septembre 2004 [www.citywindsor.ca/transitwindsor/lowfloor.asp]
[30] ACTU, « Operating Data », p. 100
[31] ACTU, « Fact Book », précité, p. 71
[32] ACTU, « Fact Book », précité, p. 71
[33] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 4
[34] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 2
[35] ACTU, « Operating Data », p. 46
[36] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 2
[37]  www.londontransit.ca/paraFAQ.htm
[38] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 5
[39] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 3
[40] www.londontransit.ca/paraFAQ.htm
[41] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 6
[42] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 3
[43] www.londontransit.ca/paraFAQ.htm
[44] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 6
[45] London Transit, « Accessibility Plan - 2004 Update » (septembre 2004), p. 6

 

Les questions en litige

  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la CTT, dans le cadre de l’exploitation de Wheel-Trans, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code?
  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la ville de Hamilton, par le biais de la société DARTS, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code?
  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la Commission de transport de Windsor, par le biais de la société Handi-Transit, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code?
  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la Commission de transport de London, par le biais de la London Community Transportation Brokerage, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code?
  • La Commission doit-elle exercer son pouvoir déclaratoire aux termes du paragraphe 14(2) du Code eu égard à l’un quelconque ou à l’ensemble des services parallèles de transport adapté susmentionnés?

Cadre d’analyse

Principes généraux d’interprétation de la législation sur les droits de la personne

Dans l’optique de vérifier l’application du paragraphe 14(1) du Code eu égard aux services parallèles de transport adapté en question, il est important d’exposer les principes régissant l’interprétation de la législation sur les droits de la personne.

Un code des droits de la personne n’est pas un texte législatif ordinaire. Il s’agit d’une loi fondamentale qui énonce des dispositions d’ordre public[46]. De ce fait, les règles d’interprétation des lois qui prônent une approche grammaticale stricte ne constituent pas une démarche appropriée pour l’interprétation de ces dispositions; limiter la portée du texte au sens le plus étroit que peuvent avoir les termes qui y sont employés reviendrait à ignorer le but premier de la législation sur les droits de la personne[47].  Un code des droits de la personne est censé être réparateur et doit s’interpréter de la façon la plus propre à assurer la réalisation de ses objets[48].

Égalité en matière de prestation de services

Le Code stipule que « toute personne a droit à un traitement égal en matière de services, de biens ou d’installations, sans discrimination fondée sur la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la citoyenneté, la croyance, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial ou un handicap »[49]. Pour établir un cas apparemment fondé de discrimination, le plaignant ou la plaignante doit démontrer qu’il ou elle a fait l’objet d’une différence de traitement en matière de services, de biens ou d’installations fondée au moins en partie sur l’un des motifs illicites cités. Dans le contexte du handicap, la différence de traitement peut naître en cas d’inégalité d’accès à un service, un bien ou une installation.

L’obligation d’adaptation

L’adaptation (ou l’accommodement) fait partie intégrante du droit à un traitement égal garanti par le Code. Par mesure d’accommodement, on entend ce qui, dans les circonstances, est nécessaire pour éviter toute discrimination et atteindre l’égalité[50]. Il n’y a pas de formule ou de norme établie pour l’adaptation à l’intention des personnes handicapées, mais certains principes directeurs doivent orienter le processus d’adaptation.

Premièrement, l’obligation d’adaptation à l’intention des personnes handicapées signifie que ladite adaptation doit être effectuée de la façon la plus respectueuse de la dignité de la personne, si elle ne cause pas de préjudice injustifié. Deuxièmement, l’adaptation à l’intention des personnes handicapées consiste essentiellement en une individualisation. Il n’existe donc aucune formule préétablie. Troisièmement, le but de l’adaptation consiste à parvenir à l’intégration et à la pleine participation des personnes handicapées au sein de nos collectivités. Pour atteindre ces objectifs, les personnes régies par une loi concernant les droits de la personne (fournisseurs de services) doivent tenir compte, dans leurs normes, des caractéristiques des groupes touchés[51] et les obstacles existants doivent être éliminés. Enfin, il faut envisager des différences de traitement ou des services spécialisés afin d’offrir un accès égal lorsque l’adoption d’un design inclusif et l’élimination des obstacles actuels n’aboutissent pas à la pleine participation[52].

Lorsqu’un cas apparemment fondé de discrimination a été établi, le fournisseur de services peut arguer que le fait de tenir compte des besoins des personnes handicapées lui fait subir un préjudice injustifié, en vertu des dispositions des articles 11 et 17 du Code. En 1988, le Code a fait l’objet d’une modification visant à intégrer ce concept d’obligation d’adaptation sans s’imposer de contrainte excessive. Avant cette date, une personne intimée pouvait échapper à toute responsabilité si la présumée obligation répondait au seul motif d’un manque d’accès ou d’un « manque de commodités » à l’intention des personnes handicapées[53]. Les dispositions législatives actuelles ont imposé l’obligation d’adaptation à tous les fournisseurs de services de l’Ontario depuis avril 1988. La nature de l’obligation d’adaptation a été décrite comme suit par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Central Okanagan School District No. 23. c. Renaud[54] :

[...] Il faut plus que de simples efforts négligeables pour remplir l’obligation d’accommodement. L’utilisation de l’adjectif « excessive » suppose qu’une certaine contrainte est acceptable; seule la contrainte « excessive » répond à ce critère. Les mesures que l’auteur de la discrimination doit prendre pour s’entendre avec le plaignant sont limitées par les expressions « raisonnables » et « sans s’imposer de contrainte excessive ». Il s’agit là non pas de critères indépendants, mais de différentes façons d’exprimer le même concept. Ce qui constitue des mesures raisonnables est une question de fait qui variera selon les circonstances de l’affaire.

La Cour suprême renchérit sur le concept dans les arrêts Grismer[55] et Meiorin[56]. Dans l’arrêt Grismer, la Cour confirme que « ceux qui fournissent des services visés par le Human Rights Code doivent adopter des normes qui tiennent compte de la situation des personnes atteintes de déficiences lorsque cela peut être fait sans sacrifier leurs objectifs légitimes et sans qu’il en résulte pour eux une contrainte excessive »[57].

La première obligation consiste à concevoir des réseaux qui soient aussi inclusifs que possible, selon les principes du design universel. Aucun nouvel obstacle ne doit être créé et tout obstacle actuel doit être supprimé progressivement. Toutefois, certains obstacles s’avèrent plus complexes que d’autres. Par conséquent, les obstacles les plus faciles à éliminer doivent être levés en premier et les solutions d’élimination des obstacles les plus complexes ou les plus onéreuses peuvent être mises en œuvre par étapes. Bien qu’il ne soit pas forcément possible d’obtenir un jour un réseau pleinement inclusif, il incombe de poursuivre cet objectif dans la mesure maximale possible. Tout besoin restant insatisfait doit être pris en compte sauf s’il en résulte une contrainte excessive.

Programme spécial

L’article 14 du Code permet la mise en œuvre d’un programme spécial qui aurait été considéré en d’autres circonstances comme discriminatoire pour l’application du Code. Le paragraphe 14(1) définit un programme spécial comme un programme :

  • destiné à alléger un préjudice ou un désavantage économique; ou
  • destiné à aider des personnes ou des groupes défavorisés à jouir ou à essayer de jouir de chances égales; ou
  • qui favorisera probablement l’élimination d’une atteinte à des droits reconnus dans le Code.

La mise en œuvre d’un programme spécial peut venir en aide à des groupes de personnes qui font historiquement l’objet d’une discrimination, d’un préjudice ou d’un désavantage économique en instaurant des mesures qui tiennent compte de leurs besoins particuliers aux fins de favoriser l’élimination de la discrimination. Ces « programmes » sont protégés par l’article 14.

Dans l’optique de savoir si des programmes peuvent être soustraits au contrôle judiciaire en vertu du Code, il convient de garder à l’esprit le double objectif du paragraphe 14(1), à savoir la protection des programmes de promotion sociale et la promotion de l’égalité réelle[58] :

Protection des programmes de promotion sociale

Le paragraphe 14(1) est explicitement lié à la notion de protection visant à soustraire au contrôle judiciaire, pour l’application des dispositions relatives au traitement égal stipulées dans la partie I du Code, les programmes de promotion sociale faisant l’objet de contestations fondées sur les principes de l’égalité formelle. Le journal des débats confirme cette fin visée par l’Assemblée législative :

Est adoptée une disposition visant à exempter les plans ou programmes de promotion sociale légitimement conçus dans l’intérêt de classes particulières de personnes. Cette disposition vient en réponse au point de vue exprimé par nombre de groupes d’intérêt selon lequel il convient de permettre aux programmes spéciaux aidant leurs membres à jouir de chances égales de fonctionner avec un niveau minimum de difficulté[59]. [Traduction libre]

Par conséquent, les membres des groupes favorisés ne peuvent pas invoquer le Code pour faire annuler des programmes spéciaux dont ils sont exclus.

Promotion de l’égalité réelle

Le second objectif du paragraphe 14(1) du Code consiste à favoriser l’égalité réelle[60]. En effet, le paragraphe 14(1) ne vise pas simplement à exempter ou à protéger les programmes de promotion sociale en cas de contestation. Il sert également d’aide à l’interprétation en clarifiant le sens plein de l’égalité des droits en faveur de l’égalité réelle. Par conséquent, le paragraphe 14(1) ne doit pas être interprété et mis en application d’une façon qui, aux fins de soustraite un programme au contrôle judiciaire, permettrait de nuire à l’égalité réelle.

Les programmes spéciaux doivent être conçus et doivent fonctionner « de façon que les restrictions contenues dans le programme aient un lien rationnel avec le programme. Autrement, le prestataire du programme encouragera cette même inégalité et injustice qu’il cherche à atténuer »[61]. Les restrictions du programme ne peuvent pas être arbitraires et doivent, de fait, pouvoir se justifier en vertu de l’objectif du programme. En d’autres termes, les programmes spéciaux ne doivent pas imposer de restrictions en matière d’admissibilité ayant pour effet de limiter au-delà du raisonnable les personnes susceptibles d’en bénéficier.


[46] Insurance Corp. of B.C. c. Heerspink [1982] 2 R.C.S. 145, p. 158
[47] O’Malley c. Simpsons-Sears Ltd. [1985] 2 R.C.S. 536, p. 547
[48] CN c. Commission canadienne des droits de la personne (« Action Travail des Femmes ») [1987] 1 R.C.S. 1114, p. 1134
[49] Code, art. 1
[50] Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights) [1999] 3 R.C.S. 868, paragraphe 22 (« Grismer »)
[51] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. B.C.G.S.E.U. [1999] 3 R.C.S. 3, paragraphe 68 (« Meiorin »)
[52] CODP, « Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement » (2000)
[53] Voir discussion dans Turnbull c. Famous Players Inc. (n° 1) (2001), 40 C.H.R.R. D/333 [Commission d’enquête de l’Ontario], paragraphe 201
[54] Central Okanagan School District c. Renaud [1992] 2 R.C.S. 970, paragraphe 19
[55] Grismer, précité.
[56] Meiorin, précité.
[57] Grismer, précité, paragraphe 44
[58] Commission ontarienne des droits de la personne c. Ontario (1994), 117 D.L.R. (4th) 297, p. 333 (« Roberts »). Cette démarche a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans une cause fondée sur la charte, Lovelace c. Ontario [2000] 1 R.C.S. 950
[59] Débats de l’Assemblée législative de l’Ontario, vol. 5, p. 5 098 (9 décembre 1980).
[60] Roberts, précité, p. 332
[61] Roberts, précité, p. 339

 

Application dans le contexte des transports en commun

En application des principes énoncés ci-avant dans le contexte des services de transport en commun actuellement fournis dans les quatre collectivités identifiées, les membres du personnel de la Commission sont d’avis que les services parallèles de transport adapté de ces collectivités ne sont pas des programmes spéciaux au sens du paragraphe 14(1) du Code, mais qu’ils représentent plutôt des mesures mises en œuvre en vertu de l’obligation d’adaptation énoncée dans le Code. De l’avis des membres du personnel de la Commission, un programme spécial est un programme « facultatif » ou supplémentaire par rapport aux exigences découlant de l’obligation d’adaptation. Cette conclusion se fonde sur l’analyse suivante :

La plupart (voire l’ensemble) des mesures prises au titre de l’obligation d’adaptation ont pour effet d’alléger un préjudice ou un désavantage économique, d’aider des groupes défavorisés ou de favoriser l’élimination de la discrimination. Le paragraphe 14(1) du Code autorise la discrimination en ce qui a trait à la prestation de services si un programme est mis en œuvre dans un ou plusieurs de ces objectifs. En l’occurrence, il est possible de dire que les services parallèles de transport adapté de Toronto, London, Windsor et Hamilton satisfont à l’une, voire à l’ensemble, de ces fins. Toutefois, le programme spécial et l’obligation d’adaptation s’accompagnent chacun d’implications différentes pour les fournisseurs de services. Un fournisseur de services doit garantir que son service est assuré sans discrimination et a une obligation d’adaptation, à moins que cela n’entraîne un préjudice injustifié. Les programmes spéciaux, en revanche, sont volontaristes et non obligatoires, pour l’application de l’article 14.

Si un programme semble correspondre à la description d’un programme spécial, comme c’est le cas des quatre services parallèles de transport adapté à l’étude, il est indispensable de déterminer si le programme représente bien un moyen de satisfaire à l’obligation d’adaptation. Si le programme est fourni à titre de mesure d’adaptation, il ne peut pas s’agir également d’un programme spécial volontariste soustrait au contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 14(1). Dans le contexte de chacune des quatre collectivités où la pleine accessibilité des services de transport en commun n’est pas une réalité, tout avis contraire reviendrait à éluder l’objet du

Code et à affaiblir l’impact voulu en diluant la norme d’obligation d’adaptation.

Même si un programme a été lancé sous forme d’action de promotion sociale, l’inscription dans la législation de l’obligation d’adaptation en 1988 est susceptible d’avoir modifié la qualification juridique du programme. On se trouverait dans ce cas de figure si un fournisseur de services avait instauré, avant 1988, un service « parallèle » pour les personnes handicapées, sans obligation légale explicite de le faire.

Dans cette optique, il apparaît qu’un programme spécial au sens du Code ne vient pas en remplacement de l’obligation d’adaptation. L’obligation d’adaptation n’est pas volontariste ou temporaire, mais permanente et pérenne aux termes des articles 1, 11 et 17 du Code. Cette obligation s’applique à tous les fournisseurs de services de l’Ontario. Par conséquent, la première question que l’on doit se poser lors de l’évaluation d’un prétendu programme spécial consiste à savoir si le fournisseur du programme est tenu par une obligation d’adaptation existante en vertu du Code. Si tel est le cas, l’enquête se penche sur la question de savoir si le fournisseur de services subit un préjudice injustifié découlant de cette adaptation. Ce n’est qu’à l’issue de l’enquête portant sur l’obligation d’adaptation que commence l’analyse visant à déterminer s’il s’agit d’un programme spécial.

Cette interprétation garantit la cohérence interne du Code, dans la mesure où elle prescrit une application robuste de l’obligation d’adaptation avant que l’argument du programme spécial puisse être invoqué à titre de défense. Elle démontre également qu’un programme spécial ne peut pas être mis en œuvre lorsqu’il existe une obligation juridique de prendre les mesures qu’un éventuel programme spécial mettrait en œuvre. Lorsqu’un programme va au-delà des prescriptions inhérentes à l’obligation juridique d’adaptation, il s’avère alors probable que cette partie « supplémentaire » puisse être désignée comme un programme spécial ayant un caractère facultatif, et non obligatoire, pour l’application du Code.

La CTT, London Transit, Transit Windsor et la ville de Hamilton ont le pouvoir de fournir des services de transport en commun dans leur collectivité respective. Elles l’exercent en proposant un réseau de transport en commun au moyen d’autobus à itinéraire fixe, et dans le cas de la CTT, au moyen de métros et de tramways à itinéraire fixe (également appelé « réseaux réguliers de transport en commun »). Les réseaux réguliers de transport en commun de chacune des quatre collectivités n’ont pas été conçus à l’origine pour être accessibles aux personnes ayant divers handicaps, et plus particulièrement aux personnes à mobilité réduite qui doivent se déplacer en fauteuil roulant, en scooter électrique et à l’aide d’un déambulateur ou qui ont besoin d’autres dispositifs d’aide technique à la mobilité. À ce titre, les personnes handicapées ne peuvent pas accéder facilement aux services de transport en commun fournis dans ces collectivités, en comparaison des personnes physiquement aptes. Les transports en commun étant un « service » pour l’application du Code, ces fournisseurs de services de transport en commun sont tenus par les dispositions du Code de s’assurer que leurs services sont fournis dans le respect de l’égalité des droits, notamment sans discrimination fondée sur le handicap. En vertu de cette obligation, il incombe aux fournisseurs de services de transport en commun de tenir compte des besoins des personnes handicapées en matière d’accès à leur réseau, à moins que cela n’entraîne un préjudice injustifié.

Les mesures d’adaptation dans le contexte des transports en commun incluraient un plan d’action proactif prévoyant des mesures d’accessibilité et un design inclusif, ainsi que l’élimination des obstacles existants au sein du réseau régulier de transport en commun. Chacun des quatre fournisseurs de services de transport en commun œuvre à l’amélioration de l’accessibilité de son service, mais il n’en reste pas moins que la pleine accessibilité n’a été atteinte par aucun d’entre eux. Les besoins des personnes handicapées qui ne sont pas satisfaits par le niveau actuel d’accessibilité des réseaux réguliers de transport en commun de Toronto, London, Windsor et Hamilton sont satisfaits d’une certaine manière par la prestation du service parallèle de transport adapté de ces collectivités. Un fournisseur de services de transport en commun qui progresse vers la pleine accessibilité de son service doit mettre en œuvre une panoplie de mesures d’adaptation. Si, à un réseau régulier dont l’accessibilité est accrue, viennent s’ajouter des taxis accessibles, un service d’autobus communautaire et un service parallèle de transport adapté, on obtient l’ensemble des mesures d’adaptation nécessaires pour satisfaire à l’obligation d’adaptation prévue par la législation. Dans ce contexte, un service parallèle de transport adapté est une solution de remplacement ou la deuxième meilleure forme d’adaptation aux besoins des personnes se trouvant dans l’incapacité d’emprunter les composantes du réseau régulier de transport en commun qui ne sont pas encore, ou qui ne seront peut-être jamais, pleinement accessibles.

À Windsor, London et Hamilton, les services parallèles de transport adapté de ces collectivités desservent une zone plus étendue que le réseau régulier de transport en commun. À Windsor, Handi-Transit dessert la ville voisine de LaSalle, alors que Transit Windsor ne dessert pas cette collectivité. À London, depuis la fusion des collectivités voisines plus petites pour former la ville de London en 1997, le service parallèle de transport adapté permet de se rendre dans ces banlieues périphériques, contrairement au réseau régulier de London Transit. À Hamilton, DARTS dessert une zone considérablement plus étendue que le réseau régulier de transport en commun. Dans ces cas, ce volet « supplémentaire » des services parallèles de transport adapté en question est susceptible d’être désigné comme programme spécial, hors du champ d’application de l’obligation d’adaptation. Il est toutefois possible d’invoquer un argument solide selon lequel ce volet des services concernés s’inscrit également dans le cadre de l’obligation d’adaptation. De fait, les personnes handicapées n’ont pas forcément la possibilité, comme l’aurait une personne physiquement apte, de marcher, de conduire ou d’accéder aisément d’une autre manière, aux points de service isolés du réseau régulier de transport en commun. En outre, il convient de reconnaître que la couverture assurée par les services parallèles de transport adapté de Hamilton, London et Windsor en dehors de la zone desservie par les réseaux réguliers de transport en commun résulte de la nature même de ce service de porte à porte. Par conséquent, ce volet « supplémentaire » ne devrait pas se transformer en « programme spécial ».

Conclusion

À la lumière de l’analyse ci-dessus, les réponses suivantes peuvent être apportées aux questions soulevées à la partie 4 de ce document :

  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la CTT, dans le cadre de l’exploitation de Wheel-Trans, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code? Non.
  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la ville de Hamilton, par le biais de la société DARTS, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code? Non.
  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la Commission de transport de Windsor, par le biais de la société Handi-Transit, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code? Non.
  • La prestation d’un service parallèle de transport adapté par la Commission de transport de London, par le biais de la London Community Transportation Brokerage, satisfait-elle aux exigences d’un « programme spécial » au sens du paragraphe 14(1) du Code? Non.
  • La Commission doit-elle exercer son pouvoir déclaratoire aux termes du paragraphe 14(2) du Code eu égard à l’un quelconque ou à l’ensemble des services parallèles de transport adapté susmentionnés? Oui, eu égard à chacun des services parallèles de transport adapté susmentionnés.