5. Entrevues et décisions d’embauche

La présente section traite d’enjeux relatifs aux droits de la personne qui sont régulièrement soulevés à l’occasion d’entrevues, du genre de questions acceptables ou non et de la manière de prendre des décisions d’embauche conformes au Code. Les supérieurs immédiats, les superviseurs et le personnel des ressources humaines responsable des décisions d’embauche doivent être sensibilisés et formés à la perception et à l’élimination du harcèlement, de la discrimination et des obstacles à l’avancement des personnes de groupes désignés par le Code.

a) Agences de placement et cabinets de recrutement

Le paragraphe 23(4) du Code stipule qu’il est interdit à l’employeur de passer par une agence de placement pour embaucher des personnes sélectionnées suivant des critères liés à l’âge, à la race, au sexe, au handicap ou à d’autres motifs de discrimination interdits par le Code. Il est interdit aux agences de placement de sélectionner des candidats selon des critères discriminatoires. Il leur est interdit également de conserver des dossiers sur les « préférences » de cette nature de leurs clients. Lorsqu’il fait appel à une agence de placement ou à un cabinet de recrutement, l’employeur doit signaler qu’il souscrit au principe de l’égalité des chances en matière d’embauche et qu’il souhaite obtenir les demandes d’emploi d’une vaste représentation de candidats.

b) Processus d’embauche équitable

L’employeur doit chercher à établir un processus équitable d’embauche portant sur la capacité de chacun des candidat de s’acquitter des tâches essentielles à l’emploi. Tenir des entrevues formelles confiées à un comité de sélection composé de plusieurs personnes constitue une pratique exemplaire. Idéalement, les membres du comité seraient représentatifs de la diversité au sein de l’organisation. Ils devraient préparer des questions qui seraient adressées à tous les candidats. L’interrogatoire devrait porter sur les fonctions essentielles de l’emploi et être fondé sur des exigences légitimes. Avant d’enclencher le mécanisme d’interrogation des candidats, il faut rédiger un guide des réponses attendues et préparer une grille de notation. De la sorte, tous les membres du comité peuvent consigner les réponses des candidats et les noter.

Cette façon de procéder éloigne l’employeur de décisions arbitraires fondées, par exemple, sur la « confiance affichée » par les candidats ou leur « acceptabilité ». L’employeur qui fondrait son choix sur de telles perceptions subjectives est sujet à une plainte au motif de discrimination. En cas de plainte pour atteinte aux droits de la personne, et faute de critères objectifs, il pourra difficilement expliquer, en cas de plainte reliée aux droits de la personne, pourquoi certains candidats étaient ou non qualifiés pour un emploi.

Exemple : Une femme n’a pas accès à un emploi normalement réservé aux hommes. Même si elle a antérieurement fait ce travail, on estime qu’elle n’a pas les habiletés requises. L’employeur n’a ni élaboré ni appliqué de critères objectifs d’évaluation, de sorte qu’il lui a été impossible d’établir que sa décision n’était pas fondée sur des stéréotypes discriminatoires.

Des considérations du même ordre s’appliquent aux examens écrits que des candidats seraient appelés à passer dans le cadre d’un processus d’embauche. Les examens administrés à tous les candidats doivent être identiques et la note attribuée doit être établie par application d’une grille objective de correction préparée avant l’évaluation des copies. Tout examen écrit doit aussi porter sur les fonctions essentielles de l’emploi et être basé sur des exigences légitimes.

Peu importe qu’il s’agisse d’entrevues ou d’examens écrits, le processus appliqué doit être le même pour tous les candidats et il doit être établi d’avance, sinon pour les adaptations requises. Par exemple, un comité d’évaluation pourrait estimer possible d’aider tous les candidats dont les réponses à l’entrevue ne correspondent pas à la question. Ou encore, pour un examen écrit, l’employeur peut mentionner que les réponses seront évaluées uniquement à partir de l’information communiquée par les candidats. Lorsque c’est le cas, il faut aviser les candidats de répondre à toutes les parties de chacune des questions. L’employeur ne peut réserver des questions à certains candidats seulement.

Exemple : L’employeur demande à des candidates racialisées si elles peuvent composer avec des insultes d’ordre racial, ce qu’il ne demande pas à d’autres candidates. Cette attitude a été jugée discriminatoire. Plutôt, l’employeur aurait pu demander à toutes les candidates comment elles se comporteraient avec des clients difficiles ou provocateurs.

Le succès d’un candidat face au processus d’embauche ne doit pas dépendre d’une évaluation informelle réalisée par un seul évaluateur. Les décisions relatives à la dotation qui sont fondées sur des processus informels risquent beaucoup plus que les autres d’être influencées par des partis pris inconscients. Par exemple, le fait de bavarder avec un candidat pour déterminer le degré d’intérêts communs et pour voir si la personne « va intégrer » la culture organisationnelle peut constituer un obstacle pour les personnes qui ne correspondent pas à la norme dans les lieux de travail, ou paraissent ne pas le faire. Lorsque la décision de présenter des candidats aux décideurs principaux s’appuie sur une telle démarche, cette dernière constitue un obstacle majeur pour les personnes des groupes désignés par le Code.

Exemple : Le processus d’embauche d’étudiants se ramène à une rencontre entre un certain nombre d’associés et de partenaires, et tous les candidats vus un à un. Les évaluateurs n’ont pas une liste de questions ou des critères d’embauche établis. Plutôt, le CV de chacun des candidats est le point de départ d’une conversation à bâtons rompus portant sur des sujets qui intéressent les membres du comité, par exemple l’établissement scolaire et le club de golf fréquentés. À la fin de l’entrevue, les candidats sont classés selon leur « degré de correspondance » à l’image de l’entreprise. Au terme de ce classement, certains candidats obtiendront une rencontre avec les décideurs principaux. Les entreprises qui ont recours à des processus de cette nature sont fortement sujettes à des plaintes au motif de discrimination.

Le fait de ne pas se conformer au processus usuel d’embauche peut indiquer l’existence de discrimination même si une personne d’un groupe désigné n’est pas en mesure d’obtenir l’emploi en l’absence de toute discrimination.

Exemple : Une personne se présente à une entrevue en fauteuil roulant. On l’informe qu’il est inutile de passer l’entrevue. Peu importe que cette personne ne soit pas en mesure d’accomplir les tâches essentielles à cet emploi, malgré l’adoption de mesures d’adaptation, et qu’elle soit moins qualifiée que le candidat choisi, le fait de ne pas l’évaluer dans le cadre des entrevues est discriminatoire.

c) Offre et mise en place de mesures d’adaptation en vue d’un examen ou d’une entrevue

En ce qui concerne les motifs prévus au Code, l’employeur est tenu de satisfaire aux besoins des candidats à tout moment du processus d’embauche ou des entrevues, à l’inclusion des examens. Il est tenu d’appliquer les mesures d’adaptation dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié. Pour plus de renseignements sur les principes en jeu, consulter aussi la section IV-8 – « Prise en compte des besoins d’adaptation des employés au travail ».

La Commission recommande aux employeurs de proposer à l’ensemble des candidats l’accès à des mesures d’adaptation pour tenir compte des besoins particuliers de certains, au moment de les convoquer à une entrevue ou à un examen. La personne qui demande des mesures d’adaptation afin de pouvoir participer aux entrevues doit faire connaître ses besoins en fournissant suffisamment de détails et doit coopérer avec la personne responsable des mesures pour qu’elle puisse intervenir avant la tenue des entrevues ou des examens. Il n’existe pas de formule établie. Les besoins de chacun sont uniques et il faut les considérer comme tels.

Exemple : Un organisme gouvernemental invite 30 candidats à un examen écrit en vue d’un emploi au ministère des Communications. Les candidats sont prévenus qu’ils auront une heure pour prendre connaissance de la documentation et pour rédiger deux courts documents semblables aux documents qu’ils auraient à rédiger s’ils obtenaient l’emploi, par exemple des communiqués de presse. On leur demande s’ils ont des besoins justifiant des mesures d’adaptation. L’un des candidats mentionne qu’il lui faut un ordinateur muni d’un logiciel de lecture d’écran, un autre demande de disposer de plus de temps pour exécuter les tâches demandées. L’employeur dispose d’assez de temps pour se renseigner davantage, au besoin, et pour planifier l’application des mesures requises afin que les candidats soient évalués équitablement selon leurs compétences.

Exemple : L’employeur convoque des candidats en entrevue. En prenant connaissance de l’heure du rendez-vous, l’une des personnes convoquées le prévient qu’elle n’est pas disponible à ce moment là parce qu’elle doit procurer des soins à quelqu’un, et elle demande que son rendez-vous soit déplacé. Le responsable de l’embauche répond à cette personne que si elle ne peut se présenter au rendez-vous qui lui a été donné, sa candidature n’est pas retenue du fait que de nombreux autres candidats sont intéressés à obtenir l’emploi. La candidate en question n’a pas demandé explicitement une mesure d’adaptation « au motif de son état familial », mais si elle présentait une plainte, un tribunal conclurait que l’employeur ne s’est pas acquitté de son obligation d’adaptation dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié.

Exemple : Une personne présente sa candidature par Internet. On l’invite à une entrevue téléphonique. La personne adresse à l’employeur une requête par courriel demandant que l’évaluateur entre en contact avec elle via téléimprimeur ou grâce au Service de relais de Bell Canada, à titre de mesure d’adaptation. L’employeur répond qu’elle ne se qualifie pas pour l’emploi parce qu’une partie du travail est de prendre contact avec les clients par téléphone. Un tribunal pourrait juger qu’il ne s’est pas acquitté de son obligation d’adaptation. En outre, la personne n’a pas eu l’occasion d’établir si elle pouvait s’acquitter des fonctions essentielles à l’emploi, ce qui est discriminatoire.

d) Conformité au Code des questions demandées en entrevue

Si le cas était soulevé, il serait possible de conclure que la décision de ne pas embaucher quelqu’un a été influencée par des questions non appropriées et en relation avec les motifs prévus au Code. L’employeur serait passible de discrimination même s’il n’en n’avait pas l’intention. Le fait de poser des questions illicites suffit à établir qu’il y a discrimination même si le candidat en cause obtenait l’emploi.

Exemple : Au commencement de l’entrevue, un supérieur immédiat responsable de l’embauche parle de manière informelle de sa famille et demande à la candidate si elle même a des enfants. Tout au long de l’entrevue, la candidate ne cesse de se demander si son état familial pèsera sur la décision d’embauche. L’évaluateur a peut-être enfreint le Code même si l’emploi est offert à la candidate et que la réponse à cette question n’a eu aucune incidence sur la décision d’embauche.

On doit veiller à ce que les entrevues servent uniquement à réunir les renseignements sur les compétences en fonction des exigences de l’emploi qui sont nécessaires à la décision d’embauche.

Le paragraphe 23(2) interdit à l’employeur d’adresser aux candidats des questions établissant des catégories, de manière directe ou non, ou indiquant des qualités requises fondées sur un motif illicite de discrimination. Cependant, le paragraphe 23(3) permet de poser des questions concernant des motifs illicites de discrimination lorsque c’est permis en vertu du Code. Cela signifie qu’à l’entrevue, l’employeur a plus de latitude pour poser des questions fondées sur des motifs illicites de discrimination pourvu qu’elles portent sur les exceptions et les interdictions du Code. Ces exceptions concernent les organisations de services spéciaux, les programmes spéciaux et les emplois dont les exigences sont en relation avec des motifs précis, prévus au Code.

i) Embauche fondée sur des motifs prévus au Code dans le cadre d’un programme spécial :

Lorsqu’un employeur répond aux critères d’un programme spécial, il peut cibler et embaucher des personnes en se fondant sur des motifs précis, prévus au Code. Pour plus de renseignements, consulter la section IV-1c) – « Planification et mise en oeuvre d’un programme spécial ».

À l’étape des entrevues, l’employeur peut adresser des questions en relation avec des motifs prévus au Code afin d’évaluer l’éligibilité des candidats au programme spécial en vertu de l’article 14 du Code. Si un programme spécial est mis en place, il est approprié de poser des questions pertinentes sur les formulaires de demande d’emploi ou pendant les entrevues afin de déterminer l’éligibilité des candidats. Par exemple, l’employeur peut s’enquérir de l’appartenance à un groupe désavantagé ou faisant l’objet de préjudice pour savoir si les candidats répondent aux critères du programme spécial. Lorsqu’on adresse ce genre de questions à une personne, on doit veiller à l’informer du programme spécial.

ii) Embauche fondée sur des motifs prévus au Code lorsqu’une exception relative à l’emploi s’applique :

En vertu d’une exception prévue à l’article 24, l’employeur peut embaucher des personnes en se fondant sur des motifs précis prévus au Code, tant et aussi longtemps que les raisons pour agir de la sorte sont raisonnables et qu’elles sont légitimes, compte tenu de la nature de l’emploi. Lorsque c’est le cas, il serait approprié de poser des questions pertinentes dans les formulaires de demande d’emploi ou au cours des entrevues.

Exemple : Une organisation qui procure des services sociaux aux personnes sourdes, sourdes tardives ou malentendantes préférerait peut-être embaucher un agent de liaison communautaire qui aurait lui même un problème d’audition.

Il est loisible à l’employeur de poser des questions en entrevue qui portent sur des motifs prévus au Code et de s’appuyer sur les réponses obtenues pour fonder sa décision d’embauche, pourvu que les questions répondent aux critères associés à l’une des exceptions suivantes :

Organisations d’intérêt spécial : L’alinéa 24(1)(a) permet à certaines organisations d’intérêt spécial d’accorder la préférence à l’embauche de personnes identifiées à certains groupes. On pense ici :

  • aux organisations religieuses qui adhèrent à un système et à une confession de foi comme une église ou un ordre religieux;
  • aux organisations philanthropiques à l’origine d’actions de bienfaisance, à l’inclusion de nombreux organismes de bienfaisance enregistrés en vertu de la Loi sur l’impôt du gouvernement fédéral;
  • aux établissements éducatifs tels que des écoles, des collèges ou d’autres institutions de formation et d’instruction de nature morale, religieuse, professionnelle, intellectuelle ou physique;
  • aux sociétés de secours mutuel sans but lucratif;
  • aux organisations sociales qui procurent des bénéfices sociaux ou culturels (par exemple qui sont au service d’un groupe ethnique en particulier).

Pour qu’elle réponde aux critères associés à une exception, une organisation doit remplir les conditions suivantes :

  • servir avant tout les intérêts de personnes identifiées par la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la croyance, le sexe, l’âge, l’état matrimonial ou un handicap;
  • employer seulement ou préférer des personnes identifiées par la race, l’ascendance, le lieu d’origine, la couleur, l’origine ethnique, la croyance, le sexe, l’âge, l’état matrimonial ou un handicap;
  • la qualité requise doit être exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi.

Si ces conditions sont respectées, il peut être permissible d’embaucher des personnes identifiées à des motifs prévus au Code ou préférées pour ces motifs.

Exemple : Une école confessionnelle embauche des enseignants et des concierges. Il serait permis de formuler des questions sur l’appartenance religieuse si l’emploi comportait un volet d’enseignement de valeurs religieuses aux étudiants. De telles questions seraient légitimes dans le cas des enseignants, pas dans celui des concierges.

Lien raisonnable et de bonne foi avec des motifs prévus au Code, comme l’âge ou le sexe : L’alinéa 24(1)(b) admet la discrimination en matière d’emploi si l’âge, le sexe, le casier judiciaire ou l’état matrimonial du candidat constitue une qualité requise qui est exigée de façon raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi.

Exemple : Un centre d’hébergement de femmes offre des postes de conseillères auprès des femmes victimes de violence en précisant que seules les candidatures de femmes seront retenues. Dans pareille situation, la nature du travail est telle que le critère du sexe est raisonnable et appliqué de bonne foi.

Embauche de personnes pour dispenser des soins à soi-même, à un enfant ou au conjoint âgé, infirme ou malade : L’alinéa 24(1)(c) permet d’employer une personne pour des raisons fondées sur un motif illicite de discrimination précisé à l’article 5 si les principales fonctions reliées à l’emploi consistent à dispenser des soins médicaux ou personnels au particulier ou à un de ses enfants malade ou à son conjoint ou autre parent âgé, infirme ou malade.

Exemple : Un homme embauche un soignant à domicile pour son père qui souffre de graves handicaps. Le père préférerait recevoir des soins d’un homme. Bien qu’il ait reçu des demandes d’emploi émanant de plusieurs femmes qualifiées, l’homme tient compte de la préférence de son père pour l’embauche. Cette action est permissible.

Politiques relatives à l’autorisation ou à l’interdiction du népotisme : L’alinéa 24(1)(d) permet à l’employeur d’accorder ou de refuser un emploi ou une promotion à une personne qui est son conjoint, son enfant ou son père ou sa mère ou à une personne qui est le conjoint, l’enfant ou le père ou la mère d’un employé.

iii) Questions sur l’aptitude d’un candidat à s’acquitter des tâches jugées essentielles à l’emploi :

Dans le cadre d’une entrevue, l’employeur peut élargir le champ de ses questions jusqu’à la détermination des compétences ou de l’aptitude du candidat à accomplir les tâches essentielles à l’emploi. Au cours de l’entrevue, si le candidat demande que l’employeur offre des mesures d’adaptation professionnelle pour satisfaire à des besoins, au motif de la religion ou de la grossesse par exemple, il est possible d’en discuter à ce moment là. En effet, si une personne soulève cette question en entrevue, il est possible de discuter des besoins liés à son handicap et des mesures d’adaptation en fonction des exigences essentielles à l’emploi. Sauf à la demande d’un candidat, ne jamais discuter d’adaptations professionnelles avant d’avoir présenté une offre d’embauche conditionnelle.

e) Prise de décisions d’embauche non discriminatoires

Le processus de décision doit être uniforme, cohérent, transparent, équitable, impartial, complet et objectif. Les réponses obtenues à un examen écrit ou lors d’une entrevue doivent être notées par comparaison à des critères établis antérieurement et portant sur les exigences essentielles à l’emploi. Au moment de prendre une décision d’embauche, l’organisation doit être en mesure de présenter des raisons non discriminatoires pour embaucher ou non chacun des candidats.

Il est recommandé de conserver pendant au moins six mois des documents écrits sur les entrevues comme sur l’ensemble du processus d’embauche si aucune plainte n’a été formulée, plus longtemps en cas de plainte pour atteinte aux droits de la personne (jusqu’à la décision de la Commission ou d’autres tribunaux). Sauf s’il avait des raisons précises pour détruire les dossiers constitués tout au long du processus, l’employeur a tout intérêt à les conserver car il peut s’en servir en cas de plainte pour atteinte aux droits de la personne. Les employés jugent souvent qu’il est préférable de « ne pas faire de vagues » en présentant une plainte avant d’avoir trouvé un autre emploi ou avant que se soit produite l’étape ultime de la discrimination, par exemple le congédiement.

Exemple : Un employé handicapé de race noire cherche à obtenir une promotion en 2002, en 2005 et en 2006. À son retour d’un congé d’invalidité en 2007, il est congédié. La raison évoquée est qu’il n’a pas le potentiel de gestionnaire et qu’avec la réorganisation de l’entreprise, il ne peut pas continuer d’occuper son poste. Il présente une plainte pour atteinte aux droits de la personne alléguant la discrimination les trois fois qu’il a présenté sa candidature à un emploi et au moment de son congédiement. Dans la mesure où sa demande est déposée dans les délais prescrits, toutes les allégations seraient examinées.

Lorsqu’il prend une décision d’embauche, l’employeur doit veiller à tenir compte uniquement des compétences des candidats et des exigences de l’emploi. Dans le cadre du processus d’embauche, les responsables de la décision ne doivent pas tenir compte des renseignements qu’un candidat aurait pu communiquer librement au sujet des motifs prévus au Code. Lorsque cette situation se présente, l’employeur doit bien faire attention d’évaluer les candidats au regard de facteurs légitimes seulement. C’est seulement lorsque les exceptions inscrites au Code entrent en jeu qu’il peut tenir compte de renseignements concernant les motifs prévus au Code.

Lorsqu’il décide d’offrir ou pas un poste à un candidat, l’employeur ne doit pas tenir compte du fait qu’à cause d’une absence pour cause de maternité, de handicap ou de soins parentaux, celui ci n’est pas en mesure de se présenter au travail à la date prévue d’entrée en fonction. Lorsque le candidat le plus qualifié ne peut occuper immédiatement un emploi, il faut appliquer des mesures de rechange pour la dotation provisoire du poste. Comme c’est le cas avec les autres formes d’adaptation, l’employeur n’a pas à subir un préjudice injustifié.

Exemple : Un poste permanent de directeur adjoint d’école se libère à compter de septembre. Le meilleur candidat est en congé parental jusqu’au mois de janvier suivant. Sauf s’il est établi qu’il y aurait préjudice injustifié, la décision de ne pas offrir ce poste permanent à ce candidat et pour cette raison, serait discriminatoire.

Que ce soit de façon déclarée ou non, les processus décisionnels ne doivent pas avoir pour effet d’exclure des personnes des groupes désignés par le Code.

Exemple : Un employeur rejette la candidature à un emploi d’une femme de race noire après l’avoir rencontrée. Visiblement outré, il rejette carrément sa candidature de la postulante sans même s’informer de ses titres de compétences. Interrogé sur les raisons du rejet, il mentionne vaguement le maintien de l’image de l’entreprise.

Exemple : Un employeur réduit une liste initiale de candidats de dix personnes à trois personnes détenant de l’expérience canadienne. L’une de ces personnes obtient l’emploi. Chacun des sept candidats dont la candidature a été écartée pour défaut d’expérience canadienne pourrait déposer une plainte pour discrimination fondée sur la race et sur des motifs connexes.

Les compétence requises peuvent être légitimement modifiées de temps à autre, mais il faut faire en sorte que les changements touchant aux critères de décision n’aient pas de conséquences discriminatoires à l’endroit des candidats.

Exemple : Normalement, les candidats aux postes de titulaire dans une université sont évalués selon leurs publications, les fonds de recherche qu’ils obtiennent et leur évaluation à titre de professeurs. Au moment d’étudier des candidatures, le comité de sélection choisit de ne pas appliquer ces critères et opte plutôt pour une évaluation subjective du potentiel des candidats. Ultimement, la candidature d’un diplômé récent de race blanche est préférée à celle d’un candidat racialisé qui a acquis une réputation internationale pour son travail à l’université. Il est possible de conclure à de la discrimination.

Toute organisation doit être en mesure de fournir une explication non discriminatoire au fait de ne pas embaucher une personne. Il est conseillé à l’employeur de ne pas avoir recours à des faux fuyants afin de ménager un candidat car il pourrait être amené à penser que la discrimination est derrière le refus de l’embaucher. L’auteur de la plainte peut ne pas être le candidat le mieux qualifié, un verdict de discrimination peut tout de même être prononcé s’il a une raison de penser que la décision de l’employeur est entachée de discrimination.

Exemple : Au terme d’un processus équitable de sélection, un candidat se classe au 19e rang sur 20; des postes sont accordés aux 14 premiers. L’employeur dit au candidat « qu’il ne convenait pas pour ce poste » plutôt que de lui dire qu’il a terminé avant dernier. Le candidat est induit à croire qu’il s’est bien classé, mais que sa candidature a été écartée pour des raisons subjectives comme l’âge ou la race. Même si les documents et d’autres preuves corroborent sa version, l’employeur aura peut être à consacrer du temps et des ressources pour se défendre contre cette plainte.

i) Discrimination à l’embauche :

En général, il y a discrimination à l’embauche lorsqu’une personne qualifiée se voit refuser un emploi ultérieurement confié à une autre personne qui, elle, n’est pas d’un groupe désigné par le Code. Par ailleurs, il peut y avoir discrimination même lorsqu’une personne d’un groupe désigné n’aurait pas été la candidate retenue, sans égard à la discrimination. Par exemple, dans l’éventualité où, de deux personnes également compétentes, la personne non racialisée serait choisie, l’organisation aurait à expliquer son choix en établissant qu’elle n’a pas commis de discrimination, si une plainte pour atteinte aux droits de la personne était présentée. Il peut également s’agir de discrimination si la candidature d’une personne compétente est écartée après examen et que la recherche se poursuit pour trouver un candidat n’appartenant pas à un groupe désigné par le Code.

Les préjugés ou les stéréotypes peuvent conduire à l’élimination de candidats fondée sur des motifs prévus au Code. Voici des exemples de décisions d’embauche peut-être entachées de discrimination :

  • Écarter la candidature de personnes parce qu’elles ne correspondent pas à « l’image de l’entreprise » ou n’ont pas le profil correspondant à la « culture de l’entreprise » : Cela pourrait jouer en défaveur des personnes identifiées par la race ou par des motifs associés à la race, des personnes âgées, des personnes handicapées ou d’autres personnes n’appartenant clairement pas au groupe dominant.
  • Refuser d’embaucher une personne à cause de la perception qu’on a d’un « manque de potentiel professionnel » : Cette exigence porte davantage préjudice aux candidats plus âgés, surtout au niveau d’entrée.
  • Refuser d’embaucher un candidat « trop expérimenté » ou « surcompétent » : Le fait de tourner le dos à des employés « surcompétents » peut parfois nuire aux candidats âgés, aux personnes qui cherchent à réintégrer le marché du travail après s’en être éloignées longtemps (penser aux personnes atteintes d’un handicap ou qui ont dû s’occuper d’autres personnes), ainsi qu’aux nouveaux venus au Canada.
  • Supposer qu’une personne ne convient pas pour l’emploi avant d’avoir étudié complètement ses compétences : Parfois, les personnes handicapées sont frappées d’un « handicap social » parce qu’on les croit incapables d’accomplir le travail même si leur handicap n’est aucunement en cause. Cette attitude peut nuire aux candidats âgés, aux femmes et aux personnes racialisées.
  • Éliminer des candidats à cause de lacunes dans leur CV : On pense surtout aux femmes plus âgées qui retournent sur le marché du travail après avoir élevé des enfants et obtenu une nouvelle formation. Cela peut aussi constituer un obstacle pour des personnes handicapées qui ont été longtemps tenues à l’écart du marché du travail pour des raisons médicales.
  • Juger qu’une personne ne convient pas pour l’emploi parce qu’il faut des mesures d’adaptation dans le cadre du processus d’embauche : Dans ses décisions d’embauche, l’employeur ne doit pas tenir compte du fait qu’une personne a demandé des mesures d’adaptation au cours du processus d’embauche.
  • Penser qu’un candidat sera une source de problèmes ou de dérangement parce qu’il a protesté contre une conduite ou des remarques discriminatoires au cours de l’entrevue : De pénaliser un candidat compétent pour avoir protesté en entrevue contre une conduite ou des remarques discriminatoires, relatives à un motif prévu au Code, constitue une forme de représailles. Ainsi, l’employeur demande à la candidate si elle est célibataire. Elle rétorque que cette question est déplacée et demande que l’entrevue porte sur ses compétences. L’employeur en déduit qu’elle n’entretient pas « de bonnes relations sociales » et met sa candidature de côté.
  • Tenir compte de préférences discriminatoires de la clientèle : L’employeur peut penser que ses clients s’objecteraient à l’embauche d’une personne à cause de son appartenance à un groupe désigné, mais il est interdit d’en tenir compte dans la décision d’embauche. Par exemple, ce serait discriminatoire si le directeur d’un petit bureau d’affaires au service d’une clientèle principalement blanche écartait la candidature d’une personne de race noire parce qu’il croit que les clients seraient mal à l’aise s’ils étaient accueillis par une réceptionniste racialisée.

L’employeur doit voir à ce que les responsables de l’évaluation ou de la notation des candidats à des emplois aient obtenu de la formation afin de reconnaître les préjugés sur l’âge, la classe sociale, l’expérience de vie et d’autres facteurs personnels qui sont susceptibles d’altérer leur perception et éventuellement leur évaluation des candidats.

Exemple : Dans son processus d’embauche, une société aérienne note tous les candidats en fonction de critères tels que « l’affirmation de soi », « le travail en équipe » et « la capacité de se détendre ». Ces critères neutres en apparence quant à l’âge des candidats font place à un préjugé associé à la perception subjective qu’ont les évaluateurs, nombreux à avoir moins de 35 ans. Ceux ci ont tendance à choisir des candidats du même âge, du même rang social et du même passé qu’eux. Bref, les candidats de plus de 35 ans sont désavantagés au regard des plus jeunes.

L’employeur doit aussi veiller à ce que les compétences de tous les candidats soient examinées et évaluées de façon égale. Lorsque le processus d’embauche est écourté, il faut s’assurer qu’il n’existe aucun lien avec les motifs prévus au Code, et que ce changement n’aura pas d’effets plus importants pour les personnes de groupes désignés.

Exemple : La candidature de certaines personnes est peu appréciée en raison des perceptions relatives à la race, à l’origine ethnique, au handicap, à l’orientation sexuelle, à l’état familial ou à d’autres motifs prévus au Code. L’employeur n’examine pas les compétences de ces personnes de manière aussi détaillée que d’autres. Il décide également d’abolir l’étape normale de la vérification des références. S’ils étaient prouvés, ces changements apportés au processus normal donneraient lieu à un verdict de discrimination, même si la candidature de ces personnes était écartée au terme d’une évaluation équitable de leurs compétences.

f) Préoccupations spécifiques aux motifs prévus au Code

i) Âge :

En vertu de l’alinéa 24(1)(a) du Code, l’employeur peut poser des questions sur l’âge s’il s’agit d’une organisation d’intérêt spécial au service de personnes d’un certain groupe d’âge. Ce sont des organisations religieuses ou philanthropiques, des établissements éducatifs, des sociétés de secours mutuel et des organisations sociales procurant principalement des services aux personnes de certains groupes d’âge. L’employeur peut embaucher des personnes en tenant compte de leur âge si c’est une exigence essentielle et légitime de l’emploi.

Exemple : Un club de jeunes compte embaucher un coordonnateur des activités sociales, et l’organisation aimerait que cette personne ait moins de 25 ans. C’est possible si le club établit qu’il s’agit d’une exigence légitime .

L’employeur peut ne pas être une organisation de service spécial et néanmoins opérer des distinctions selon l’âge si ce critère correspond à une exigence raisonnable et légitime par la nature de l’emploi. Le cas échéant, l’exception de l’alinéa 24(1)(b) du Code s’applique peut être. Aucune autre question ni aucune déclaration en relation avec l’âge ne peut être permise.

Toute remarque concernant l’apparence ou la santé d’un candidat, ou toute remarque à l’effet que le candidat s’inscrit peut-être mal dans une culture d’entreprise jeune, peut signaler l’existence de discrimination fondée sur l’âge. Il faut toujours éviter de s’engager sur ce terrain. Les commentaires suivants pourraient raisonnablement passer pour autant d’euphémismes, c’est-à-dire des façons indirectes de formuler des commentaires sur l’âge des candidats :

  • « Pensez-vous être en mesure de vous acquitter de ce travail? »
  • « Il nous faut quelqu’un qui déborde d’énergie et d’entrain. »
  • « Nous cherchons un candidat en mesure de rajeunir notre équipe. »

ii) Citoyenneté :

L’employeur peut demander si une personne a légalement le droit de travailler au Canada. il ne faut toutefois pas demander de renseignements sur la nationalité, le lieu de naissance ou l’origine ethnique, même lorsqu’ils sont requis par l’organisation de réglementation professionnelle. Sauf les trois exceptions suivantes, l’employeur ne peut prendre de renseignements relatifs à la citoyenneté.

  • Exigences relatives à la citoyenneté autorisées ou imposées par la loi 
    Le paragraphe16(1) du Code signifie qu’il est permis de questionner des personnes sur leur citoyenneté lorsque l’exigence de citoyenneté canadienne est imposée ou autorisée par la loi pour un emploi donné. S’il existe une exigence légale à l’effet de détenir la citoyenneté canadienne ou d’autres compétences acquises ou réglementées au Canada, la loi invoquée doit être raisonnable et non discriminatoire. L’employeur doit garder en tête que la conformité à des lois relevant d’autres instances ne lui permet pas d’évoquer le paragraphe 16(1). Consulter aussi i) – « Citoyenneté » à la section III-3 – « Motifs de discrimination illicites : définitions et portée des dispositions relatives à la protection conférée par le Code ».

Exemple : L’employeur canadien exige de tous ses employés qu’ils détiennent uniquement la citoyenneté canadienne ou la citoyenneté américaine et il pose la question en entrevue. Cette exigence étant d’origine américaine, ce type de question serait jugé contraire au Code.

  • Promotion de la participation de citoyens canadiens et de résidents permanents
    Le paragraphe16(2) du Code signifie que dans certains cas il est permis de questionner des personnes sur leur citoyenneté ou sur leur résidence permanente. Par exemple, telle exigence a pu être imposée afin de promouvoir la participation à des activités culturelles, éducatives, syndicales ou athlétiques auprès d’autres citoyens ou des résidents permanents.
     
  • Cadres supérieurs
    L’employeur peut aussi questionner les candidats à des postes d’administrateurs en chef ou de cadres supérieurs sur leur citoyenneté ou sur leur statut de résident. Le paragraphe16(3) du Code permet de questionner ces personnes si l’organisation impose comme préférence pour l’accession à un poste de chef de direction ou de cadre supérieur la citoyenneté canadienne ou le statut de résident permanent au Canada avec l’intention de l’obtenir.

iii) Race et motifs connexes :

Les questions sur « l’expérience canadienne » sont parfois à l’origine de problèmes particuliers pour les immigrants récents et peuvent nuire aux candidats au motif du lieu d’origine, de l’origine ethnique ou de la race. L’employeur doit orienter ses questions de manière à déterminer si les candidats ont des compétences techniques ou professionnelles sans mentionner l’expérience canadienne et sans insister sur cette expérience.

Dans le cadre des entrevues, l’employeur doit éviter les questions ou les commentaires relatifs :

  • à l’obtention ou non d’une expérience canadienne;
  • au statut d’immigrant ayant reçu le droit d’établissement, de résident permanent, de sujet naturalisé ou de réfugié;
  • au lieu de naissance;
  • à l’appartenance à une « communauté » particulière ou à l’origine du candidat;
  • à l’appartenance à des organisations telles que des associations culturelles ou ethniques;
  • au nom ou encore à l’apparence du candidat;
  • au nom ou à l’emplacement des établissements scolaires fréquentés.

Les organisations de service spécial à caractère religieux, philanthropique, éducatif, de secours mutuel ou social peuvent employer des personnes provenant uniquement de certains groupes racialisés si l’organisation procure des services principalement à ce groupe. Lorsque c’est le cas, l’employeur peut embaucher des personnes selon des critères de race, de lieu d’origine ou d’origine ethnique. Cette exception ne s’applique cependant pas à la citoyenneté et elle n’est permise que si l’appartenance au groupe désigné par le Code est exigée de façon raisonnable et de bonne foi, compte tenu de la nature de l’emploi.

Exemple : Les recruteurs pour le compte d’une organisation sociale principalement au service des collectivités autochtones et qui souhaite embaucher un conseiller de travail, peuvent préférer trouver un candidat d’ascendance autochtone. L’organisation pourrait agir de la sorte si elle pouvait établir que cette exigence est légitime.

Lors des entrevues, l’employeur peut soulever des questions concernant la capacité linguistique même s’il peut exister un lien indirect entre une telle exigence et le contexte racial d’une personne, pourvu que la capacité linguistique soit une exigence légitime .

Exemple : Un établissement financier doit combler un poste de service à la clientèle dans l’une de ses succursales située dans un secteur ethniquement diversifié de la ville. Pour occuper ce poste, il faut pouvoir s’exprimer dans au moins une des langues en usage dans ce secteur. Il serait acceptable de demander quelles langues parle le candidat s’il s’agissait d’une exigence légitime .

En entrevue, l’une des formes les plus courantes de discrimination à l’endroit des personnes racialisées est de se faire demander d’où elles proviennent ou quelle est l’origine de leur nom. On peut penser que ces questions, qui ont pour effet de classer les candidats selon la race, le lieu d’origine ou l’origine ethnique, ne seraient pas adressées à un candidat d’origine caucasienne. Par conséquent, elles sont discriminatoires. Le responsable de l’entrevue peut très bien agir sans arrière pensée ou même chercher à établir un climat de cordialité, il demeure qu’il faudrait toujours éviter ces questions. Les candidats racialisés et les tribunaux estiment couramment que ces questions sont discriminatoires. Lorsque la connaissance d’un pays en particulier ou de la langue qui y est parlée constitue une compétence professionnelle justifiée, les questions qui s’y rattachent doivent clairement porter sur cette compétence.

Exemple : Au lieu de demander « d’où vient » un candidat, l’employeur pourrait s’appuyer sur la description de poste et déclarer : « Nous sommes une ONG ontarienne qui recrute des travailleurs pour fournir des services en Zambie. Pour les coopérants, la connaissance et l’expérience de la géographie, de la politique et des langues locales sont essentielles à cause de la courte durée du contrat. Voulez-vous nous dire quelles connaissances et quelle expérience vous aideraient à accomplir les fonctions liées à ce poste? »

iv) Croyance/religion :

Lors d’une entrevue, si un candidat formule une demande de mise en place de mesures d’adaptation professionnelle pour un motif religieux, il est possible d’en discuter. Sinon, l’employeur devrait soulever cette question après avoir formulé une offre d’emploi conditionnelle.

Exemple : Une musulmane pratiquante qui postulerait un emploi exigeant le port de l’uniforme peut formuler une demande d’adaptation pour tenir compte des préceptes religieux lui demandant de porter le hijab (la tête couverte).

Les organisations de service spécial à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale peuvent préférer l’embauche de personnes d’une religion particulière si elles procurent des services principalement aux personnes de ce groupe. Lorsque l’exception de l’alinéa 24(1)(a) s’applique, une telle organisation peut questionner les candidats sur leur croyance ou leur religion.

À noter qu’en vertu de l’article 19 du Code, les dispositions du Code n’ont pas pour effet de porter atteinte aux protections et droits constitutionnels dont jouissent les écoles catholiques romaines.

v) Handicap :

Lorsque le handicap d’un candidat devient le sujet de discussion lors d’une entrevue, l’employeur doit examiner à fond le besoin de mesures d’adaptation. Faute d’agir de la sorte, et si cette candidature est écartée, la personne pourrait déposer une plainte pour atteinte aux droits de la personne fondée sur le handicap.

Lorsqu’une personne aborde la question de son handicap lors d’une entrevue, l’employeur peut s’enquérir de ses besoins en matière d’adaptation et de sa capacité de s’acquitter des tâches essentielles du poste si les mesures requises étaient adoptées. Il faut faire preuve de la plus grande circonspection et de la plus grande vigilance avec toute question qui dépasserait ce cadre précis car cela pourrait donner lieu à une plainte fondée sur le handicap au cas où la personne ne serait pas embauchée. On doit éviter les questions illégitimes comme « Comment vous êtes-vous retrouvé en fauteuil roulant » ou « Êtes-vous aveugle de naissance? »

Les organisations de service spécial à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale qui procurent des services principalement aux personnes handicapées peuvent adresser des questions portant sur le handicap. L’exception prévue à l’alinéa 24(1)(a) du Code s’applique à la condition qu’un handicap précis constitue une exigence raisonnable et légitime par la nature de l’emploi.

S’il existe un lien avec l’emploi, l’employeur doit demander le numéro du permis de conduire ou une copie de ce document seulement après avoir formulé une offre d’emploi conditionnelle. Les autres aspects entourant le handicap doivent être soulevés seulement après avoir formulé l’offre d’emploi conditionnelle. Toute autre question concernant le handicap d’un candidat est interdite.

vi) État familial :

L’employé qui a d’importantes responsabilités de soignant n’est peut-être pas en mesure de voyager régulièrement. On ne doit pas supposer qu’un employé ou qu’un candidat ayant des enfants ne serait pas intéressé par un travail où il serait appelé à se déplacer.

Si les déplacements ne constituent pas une exigence légitime , il ne faudrait pas priver des employés de belles perspectives d’avenir parce que leurs responsabilités de soignants les empêchent de se déplacer régulièrement ou pendant longtemps. Et si les déplacements constituent une exigence légitime , il ne faut pas éliminer d’office la candidature d’une personne mentionnant qu’elle ne peut pas se déplacer souvent à cause de ses responsabilités familiales. Si elle est par ailleurs compétente et qu’elle répond aux attentes pour cet emploi, on pourrait s’attendre de l’employeur à ce qu’il adapte le travail aux besoins du candidat, dans la mesure où cela ne lui cause aucun préjudice injustifié (par exemple, en acceptant comme dépenses des frais associés aux responsabilités familiales ou en prenant des mesures de soutien appropriées).

Un employeur peut accorder ou refuser un emploi ou une promotion à une personne qui est l’enfant ou le parent de l’employeur ou d’un employé. Lorsque l’employeur s’est doté d’une politique à cet égard, les questions visant à déterminer si le candidat a un lien de parenté filiale avec un employé en place, seraient permises. Cependant, cette politique doit être appliquée de manière cohérente et sans égard au profil du candidat interrogé.

vii) État matrimonial :

Il est permis d’adresser des questions fondées sur l’état matrimonial lorsque l’organisation procure des services à un groupe particulier de personnes identifiées par leur état matrimonial. Les organisations de service spécial à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale qui procurent des services principalement à des personnes identifiables à leur état matrimonial, tels que des célibataires ou des personnes divorcées, peuvent adresser des questions portant sur l’état matrimonial. Le Code permet que la préférence soit accordée à des personnes en fonction de leur état matrimonial dans la mesure où cet état constitue une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi.

Il se peut que l’état matrimonial constitue une exigence raisonnable et justifiée pour certains emplois offerts par d’autres employeurs. Le cas échéant, il est possible de soulever au stade de l’entrevue des questions au sujet de la compétence précise en cause. Aucune autre question sur l’état matrimonial n’est admise.

L’employeur peut accorder ou refuser un emploi ou une promotion à une personne qui est le conjoint de l’employeur ou d’un employé. Lorsque l’employeur s’est doté d’une politique à cet égard, les questions visant à déterminer si le candidat est le conjoint d’un employé en place ou de l’employeur, seraient permises. Cependant, cette politique doit être appliquée de manière cohérente et sans égard au profil du candidat interrogé.

Exemple : Un homme présente sa candidature à un poste dans l’entreprise où travaille son épouse. Après l’examen de son formulaire de demande d’emploi, de son CV et d’un examen écrit, sa candidature est retenue. Il est convoqué en entrevue. Au cours de l’entrevue, il signale un besoin de mesures d’adaptation afin de pouvoir accomplir les tâches essentielles liées à son emploi. Le responsable de l’entrevue lui demande alors de confirmer qu’il est bien le conjoint d’une employée (un renseignement connu dès l’étape de la sélection préalable). Lorsqu’il confirme ce lien, on l’informe que sa candidature n’est pas retenue en vertu d’une politique non écrite de népotisme. Ce scénario ouvre la porte à la conclusion à l’effet d’un traitement discriminatoire fondé sur le chevauchement des motifs de handicap et de l’état matrimonial.

Aucune autre question sur l’état matrimonial n’est admise.

viii) Existence d’un casier judiciaire :

L’employeur peut se renseigner sur les condamnations qui n’ont pas bénéficié de réhabilitation en vertu du Code criminel, et en tenir compte dans sa décision d’embauche. Il est toutefois discriminatoire de prendre en considération des renseignements relatifs à des offenses en vertu du Code criminel et à des offenses en vertu de lois provinciales qui ont fait l’objet d’une réhabilitation, sauf si une exception s’applique.

Lorsque l’employeur est en mesure d’établir qu’il s’agit d’une exigence raisonnable et de bonne foi compte tenu de la nature de l’emploi, l’exception prévue à l’alinéa 24(1)(b) s’applique et l’employeur peut ou non embaucher un candidat en fonction de son casier judiciaire.

Exemple : Un conseil scolaire embauche comme conducteurs d’autobus uniquement des personnes qui n’ont pas été condamnés pour conduite négligente. Cette exigence est raisonnable et légitime.

Les questions visant à déterminer si un candidat est cautionnable sont aussi permises s’il s’agit d’une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi. Toute autre question est prohibée.

ix) Sexe (et grossesse) :

Dans certains cas, à cause de la nature de l’emploi, le fait d’être un homme ou une femme constitue une condition raisonnable et légitime. L’employeur peut discuter de cette question avec le candidat à l’étape de l’entrevue. Pour toute décision d’embauche fondée sur le sexe du candidat, l’employeur doit être en mesure d’établir que l’exigence à l’origine de cette décision est raisonnable et légitime, et que des mesures d’adaptation seraient à l’origine d’un préjudice injustifié.

Exemple : L’employeur embauche uniquement des préposés masculins pour les postes de nuit d’un établissement de soins aux personnes âgées qui souffrent de handicaps les rendant agressives. Cette attitude est jugée discriminatoire parce qu’elle est fondée sur un stéréotype à l’effet que les femmes sont moins en mesure que les hommes de composer avec des comportements agressifs. Il existe des solutions moins discriminatoires comme de former adéquatement des préposées.

Les organisations à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale peuvent préférer l’embauche d’hommes ou de femmes seulement si elles procurent des services principalement à l’un de ces groupes et si le fait d’être un homme ou une femme est une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi.

À cause du droit à un traitement égal dans l’emploi, sans discrimination fondée sur le sexe, il est interdit d’adresser des questions concernant la grossesse au cours d’une entrevue pour un emploi. Ainsi, il est interdit à l’employeur de demander à une candidate si elle est enceinte ou si elle a ou si elle compte avoir des enfants, à moins que les questions ne présentent un lien avec une exigence raisonnable et justifiée par la nature de l’emploi. Si la candidate soulève la question de mesures d’adaptation à des besoins relatifs à la grossesse, il est possible de discuter de ces besoins à l’étape de l’entrevue. À ce stade, il est possible d’élargir le champ des questions relatives à l’emploi de manière à déterminer les compétences de la candidate ou sa capacité de s’acquitter des tâches essentielles de l’emploi avec des mesures d’adaptation. Cependant il peut suffire d’indiquer que le processus de mise en place de mesures d’adaptation est discuté à l’étape d’une offre d’emploi conditionnelle.

L’employeur peut refuser d’embaucher une candidate en se fondant sur la grossesse à la condition qu’il puisse établir que sa décision est raisonnable, qu’elle est prise de bonne foi et qu’elle est justifiée par la nature de l’emploi. Mais pour bénéficier de cette exception, il doit aussi établir que les exigences ou que les compétences essentielles ne peuvent être changées et que des mesures d’adaptation ne sont pas applicables sans causer de préjudice injustifié, notamment à l’égard de coûts exagérés et de considérations relatives à la santé et à la sécurité. Consulter aussi la section IV-2a) – « Voir à ce que les exigences professionnelles soient raisonnables et légitimes ».

x) Orientation sexuelle :

Les questions sur l’orientation sexuelle sont interdites au cours des entrevues, et ce même si l’employeur est une organisation à vocation religieuse, philanthropique, éducative, de secours mutuel ou sociale. La raison à cela est que l’orientation sexuelle n’est pas un motif inscrit à l’alinéa 24(1)(a). Il est possible d’adresser des questions relatives à l’orientation sexuelle afin de déterminer l’éligibilité à un programme spécial. Dans aucun autre cas des questions de cette nature sont elles permises.