VIII. Coopératives d’habitation

Les principes exposés dans ces pages s’appliquent aussi aux coopératives d’habitation, qui présentent des enjeux qui leur sont propres, dont certains sont abordés ci-dessous.

Les coopératives d’habitation, lorsqu’on peut y accéder, peuvent être une source intéressante de logements de qualité pour les Ontariens et Ontariennes qui n’ont pas les moyen de louer un logement qui leur convient sur le marché locatif privé ou qui souhaitent vivre dans un environnement axé sur la communauté, ou les deux. Comme c’est le cas pour les logements sociaux, les listes d’attente pour les logements des coopératives d’habitation sont extrêmement longues, et il se construit peu de coopératives d’habitation en Ontario.

Ce type d’habitation fonctionne efficacement, sur la base d’un système de règles et d’obligations qui lient tant les membres que la collectivité. En général, une coopérative d’habitation est gérée par un conseil d’administration élu. Il est important de noter cependant que le Code a préséance sur les politiques, procédures et règles des coopératives. Lorsqu’il y a disparité entre une règle d’une coopérative (même si elle a reçu l’aval des membres) et le Code, ce sont les prescriptions du Code qui priment.

Exemple. Le conseil d’administration d’une coopérative d’habitation voulait expulser une occupante qui ne fournissait pas les deux heures de bénévolat par mois requis par le règlement, malgré le fait qu’elle avait présenté une note de son médecin indiquant qu’elle n’était pas en mesure de faire le travail pour des raisons médicales. La Cour divisionnaire de l’Ontario a statué que la coopérative devait respecter les droits de ses membres en vertu du Code des droits de la personne de la province et répondre aux besoins des occupants ayant un handicap, sans préjudice injustifié[221].

Les autorités des coopératives d’habitation devraient être au fait du risque que l’application de règles « neutres », comme celles qui font partie de politiques relatives à l’occupation, puisse avoir un effet négatif sur des personnes désignées par le Code. Par exemple, une politique relative aux changements de logement basée sur la durée d’occupation antérieure peut être préjudiciable envers des personnes protégées par le Code qui peuvent avoir à changer de logement de toute urgence.

Exemple. Une femme âgée dont le conjoint est décédé récemment n’a plus les moyens de payer son logement de deux chambres. Si elle ne peut pas occuper rapidement un logement à une chambre, qui conviendrait pour ses moyens, elle pourrait se trouver à la rue.

Les autorités des coopératives d’habitation devraient évaluer au cas par cas la situation des membres lorsqu’elles instaurent et appliquent des règles. Lorsqu’un membre a des besoins liés à un motif prévu au Code, elles devraient modifier ou abolir la règle qui le touche pour l’accommoder si cela ne cause pas de préjudice injustifié.

Exemple. Il a été jugé discriminatoire de la part des coopératives d’habitation d’exiger que les membres bénéficiant de l'aide sociale utilisent toute l’« allocation de logement » faisant partie de leur prestation d’aide sociale pour payer leur loyer[222]. Les coopératives d’habitation doivent traiter tous leurs membres sur le même pied quant à leur revenu, que celui ci soit tiré d’une prestation d’aide sociale ou d’un emploi. Les membres qui reçoivent une allocation de logement doivent être traités de la même façon, sans égard à la provenance de l’allocation.


[220] Comme mentionné précédemment, dans la présente politique, la location à usage d’habitation est interprétée comme comprenant les conditions de logement locatif sans but lucratif.
[221] La Cour, s’appuyant sur le Code et sur le document de la Commission intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, supra, note 19, a décidé qu’il aurait été raisonnable et approprié que la coopérative obtienne des précisions auprès du médecin de la personne afin de savoir si elle pouvait s’acquitter d’autres tâches à titre bénévole malgré son état de santé. Le cas échéant, la coopérative aurait pu l’accommoder en lui assignant des tâches qu’elle pouvait remplir. Dans le cas contraire, il est improbable que le fait de soustraire cette personne à l’obligation de faire du bénévolat aurait causé un préjudice injustifié. La Cour a conclu qu’il serait injuste dans toutes les circonstances d’expulser cette personne. Voir Eagleson Co Operative Homes, Inc. c. Théberge, [2006] supra, note 19.
[222] Iness c. Caroline Co-operative Homes Inc. (No.5), 2006, supra, note 66. On a obligé Mme Iness à verser toute son allocation de logement à sa coopérative en paiement du loyer, au lieu de payer 25 % de son revenu en loyer comme elle le faisait auparavant. Ainsi, elle ne pouvait plus payer son compte d’électricité et sa prime d’assurance en puisant dans cette allocation, de sorte qu’elle devait pour ce faire utiliser le reste de son revenu. Le tribunal a conclu que Mme Iness avait été traitée différemment des autres locataires à faible revenu ne bénéficiant pas de l’aide sociale, qui paient un pourcentage de leur revenu en loyer.