Le mandat de la Commission est énoncé dans le Code des droits de la personne de l'Ontario (le Code), la loi ontarienne qui vise à empêcher la discrimination et le harcèlement dans des secteurs tels que l'emploi, le logement et les services. L'objet du Code,exposé dans son préambule, est essentiellement de bâtir une société qui assure les mêmes droits et les mêmes chances à tous ses membres et d'y instaurer un climat de compréhension et de respect mutuel de la dignité et de la valeur de toute personne. Ce type de société, poursuit le préambule, permet en conséquence à toute personne de se sentir partie intégrante de la collectivité et apte à contribuer pleinement à l'avancement et au bien-être de la province. On voit donc que s'inscrit dans le Code même l'importance de l'égalité pour accéder à la citoyenneté à part entière et réaliser le plein épanouissement de la personne. À l'inverse, l'inégalité comporte des coûts sociaux que nous ne pouvons nous permettre de passer sous silence.
On considère souvent la Commission comme un organisme chargé de recevoir les plaintes en matière de droits de la personne. C'est effectivement là une des dimensions principales du mandat de l'organisme, mais qui ne représente qu'un des moyens à sa disposition pour atteindre les objectifs du Code. La Commission doit aussi jouer un rôle critique de sensibilisation et d'éducation de la population à propos des questions liées aux droits de la personne, en vue d'éliminer les pratiques non compatibles avec l'objet du Code. Plus précisément, la Commission exerce les fonctions suivantes (article 29 du Code) :
C'est en vertu de ce mandat très général que la Commission a mis sur pied la présente enquête.
D'entrée de jeu, la Commission a déterminé la portée de l'enquête et ses limitations.
Portée de l'enquête :
Limitations :
Dans le cadre de cette initiative, la Commission a pour but de donner à ceux qui ont été victimes du profilage une tribune où ils peuvent témoigner des répercussions subies et d'analyser les retombées du profilage au-delà des communautés les plus susceptibles d'être ciblées. La Commission souhaite sensibiliser le public aux effets pernicieux de cette pratique et, ce faisant, en illustrer les coûts pour la société. Si nous comprenons tous de quelles façons le profilage ravage le tissu social, nous serons mieux préparés à prendre des mesures pour qu'aucun membre de la société ne puisse s'y livrer.
Notre rapport ne renferme donc pas de discussion poussée des divers types de profilage décrits par les participants, mais s'attache plutôt à mettre en lumière l'impact des incidents. Soulignons toutefois que, contrairement à la croyance générale, le profilage racial ne se manifeste pas uniquement lorsque la police arrête certains véhicules sur la route. Il s'agit d'un phénomène largement répandu dans notre société, qui a de nombreuses manifestations et que toute personne et toute institution sociale est susceptible de perpétuer. Ce n'est pas non plus un problème particulier à la ville de Toronto. Les témoignages reçus par la Commission proviennent de tous les coins de la province et de toutes les strates de la société.
Le rapport respecte le droit des participants à la confidentialité et ne définit pas toujours les origines des personnes citées. On a procédé ainsi parce que, même si certaines communautés subissent certaines formes spécifiques de profilage à des degrés divers, il demeure que le phénomène est universel dans ses grandes lignes. De plus, certaines personnes et communautés sont relativement plus en mesure de se manifester auprès de la Commission pour discuter de leurs expériences. On comprendra donc pourquoi, exception faite dans le cas de la communauté autochtone et pour les motifs exposés à la section correspondante, le rapport n'est pas structuré selon les communautés touchées. Il est par ailleurs intéressant de noter que le plus grand nombre de témoignages nous est parvenu de personnes s'étant déclarées afro-canadiennes.
Le rapport s'ouvre sur un bref exposé du profilage racial qui comprend sa définition. On y commente ensuite les coûts humains de cette pratique pour les personnes, les familles et les communautés qui en sont victimes. Suit l'examen détaillé des répercussions néfastes du profilage dans des secteurs institutionnels tels que le système d'éducation, les organismes chargés du maintien de l'ordre et les prestataires de services. Puis on formule des arguments qui militent contre le profilage racial sous l'angle de la pure rentabilité, c'est à dire qu'ils sont axés essentiellement sur les pertes économiques ainsi occasionnées.
Tout en sensibilisant la population au phénomène, la Commission souhaite jeter des ponts entre ceux qui nient l'existence du profilage racial d'une part, et, d'autre part, les communautés qui soutiennent depuis longtemps en être la cible. Il est grand temps d'écouter ceux qui ont exprimé leurs inquiétudes et d'amorcer un dialogue positif pour y répondre - peu importe qu'on estime que le profilage est une réalité ou seulement une perception.
Dans cette optique, le rapport souligne la nécessité de prêter attention aux propos de ceux qui croient que le profilage constitue un problème. On y explique pourquoi le profilage n'est pas une pratique légitime ni même utile. Enfin, on suggère des moyens possibles de contrôle pour déterminer si on a recours au profilage dans certains contextes ainsi que des stratégies pour prévenir cette pratique ou pour y mettre fin, selon le cas.
Le présent document constituera le fondement des travaux ultérieurs de la Commission, d'abord en vue de sensibiliser la population au profilage racial ainsi que dans le cadre de son vaste projet sur le sujet de la race, où la Commission se propose d'élaborer un énoncé de politique sur la discrimination raciale. Les énoncés de politique (ou « politiques ») publiés par la Commission précisent l'interprétation qu'elle donne à certaines dispositions du Code. Ces documents sont importants, car la population est en droit d'attendre de la Commission qu'elle entende les affaires qui lui sont soumises d'une manière qui concorde avec les politiques qu'elle diffuse. Ces énoncés fixent également des normes de conduite pour les particuliers, employeurs, prestataires de services et décideurs, dans le but d'assurer l'égalité de tous les Ontariens et Ontariennes.
Mais il ne suffit pas de faire oeuvre de sensibilisation et d'élaborer des politiques. La Commission n'a pas non plus à elle seule la capacité de résoudre le problème du profilage racial. Il est donc nécessaire qu'un certain nombre de particuliers et d'organismes ontariens, en particulier ceux qui ont de l'autorité et de l'influence, s'attaquent aux causes des graves préoccupations soulevées, en faisant ressortir les répercussions potentiellement nuisibles de certaines pratiques et en mettant en oeuvre des mesures concrètes pour y remédier. La Commission espère que ces personnes et groupes aborderont son rapport dans un esprit ouvert et envisageront sérieusement les recommandations qu'il formule. Le rapport pourra être utile à ces organismes dans leurs propres tentatives pour améliorer les relations interraciales.
Enfin, il est important pour chacun d'entre nous de prendre conscience de nos propres préjugés inconscients et des situations de stéréotypage qui ont pu en découler, car nous avons tous un rôle à jouer dans la lutte contre le profilage racial.