13. Obligation d’accommodement

Aux termes du Code, les employeurs, syndicats, fournisseurs de services et fournisseurs de logements ont le devoir de tenir compte des besoins des personnes ayant des handicaps psychosociaux pour veiller à ce qu’elles aient les mêmes possibilités et avantages, et le même accès que le reste de la population. Il est essentiel d’assurer la conception inclusive ou l’accommodement des besoins des personnes ayant des handicaps psychosociaux, en matière d’emploi, de logement, de services et d’installations, de manière à permettre l’intégration et la pleine participation des personnes handicapées.

Les documents du CODP intitulés Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, Les droits de la personne au travail et Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif[164] offrent des indications détaillées sur l’accommodement des besoins des personnes handicapées et autres membres de groupes protégés aux termes du Code dans les secteurs de l’emploi, du logement et autres. La présente politique a pour but d’appliquer ces principes aux personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances.

L’obligation d’accommodement a deux composantes, soit une composante procédurale et une composante de fond. La procédure adoptée pour évaluer une mesure d’adaptation est aussi importante que la nature de la mesure d’adaptation[165]. Dans une affaire portant sur l’accommodement d’un trouble mental en milieu de travail, un tribunal judiciaire a statué que : « le fait de ne pas envisager ou prendre en compte la question de l’accommodement, y compris les mesures d’adaptation pouvant être prises, le cas échéant, constitue un manquement à l’obligation ‘procédurale’ d’accommodement[166] ».

L’obligation d’accommodement des troubles mentaux est toute aussi rigoureuse que l’obligation d’accommodement des handicaps physiques.

Exemple : Un tribunal a conclu qu’une organisation avait exercé de la discrimination pour n’avoir pas fourni de congé lié au stress à un employé aux prises avec de l’anxiété et une dépression, et l’avoir plutôt obligé à prendre sa retraite ou à accepter une mutation dans une autre province (malgré l’effet néfaste qu’aurait la mutation sur sa vie familiale et peut-être sur son état mental). Dans sa décision, le tribunal a mis en relief la nature généreuse de la politique de congé d’invalidité pour personnes ayant une invalidité physique comme le cancer, de l’organisation, comparativement au traitement différent qu’elle réserve aux congés liés au stress[167].

Selon la législation relative aux droits de la personne, on ne peut faire preuve de « deux poids, deux mesures » en réservant un traitement différent selon qu’il s’agit de troubles mentaux ou de handicaps physiques[168].

13.1 Principes de l’accommodement

L’obligation d’accommodement repose sur trois principes, dont le respect de la dignité, l’individualité, et l’intégration et la pleine participation.

13.1.1. Respect de la dignité

L’accommodement des personnes handicapées doit être effectué de la façon la plus respectueuse de la dignité de la personne, dans la mesure où cela ne cause pas de préjudice injustifié. La dignité humaine englobe le respect et l’estime de soi et de sa valeur inhérente en tant qu’être humain. Elle repose sur l’intégrité physique et psychologique, et l’autonomisation de la personne. On porte atteinte à la dignité lorsqu’on marginalise, stigmatise, ignore ou dévalue des personnes. Le respect des renseignements personnels, la confidentialité, le confort, l’individualité et l’estime de soi sont tous des facteurs importants.

L’autonomie constitue également un aspect important de la dignité. Elle fait référence au droit à l’autodétermination de la personne et exige de n’effectuer en tout temps qu’une ingérence minimale dans les choix de la personne. La manière dont les mesures d’adaptation sont fournies et la participation de la personne au processus sont aussi des considérations associées à la dignité.

Le respect de la dignité exige de tenir compte de l’ensemble des dimensions de la personne plutôt que de son seul handicap ou que de sa seule relation avec le système de soins psychiatriques. Cela exige aussi de respecter et de valoriser les points de vue des usagers/survivants et des personnes ayant des dépendances, particulièrement lorsqu’ils parlent de leur propre vécu.

Les fournisseurs de logements, fournisseurs de services et employeurs devraient envisager différentes façons de tenir compte de besoins des personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances selon un continuum allant des moyens les plus respectueux de la dignité et des autres valeurs inhérentes aux droits de la personne, aux moyens les moins respectueux de ces valeurs.

Exemple : Une employée demande qu’on assouplisse son horaire de travail du jeudi pour lui permettre de suivre une thérapie pour un problème de santé mentale. Plutôt que d’accepter sa demande de bonne foi et de collaborer avec elle en toute confidentialité pour déterminer comment assurer son succès au travail, l’employeur fait part de la demande de l’employée à ses collègues de travail et leur demande s’ils sont d’avis qu’elle a un problème de santé mentale. Cette approche n’est pas appropriée et ne respecte pas la dignité et la vie privée de l’employée.

13.1.2. Individualité

Il n’existe pas de formule établie pour tenir compte des besoins des personnes protégées par le Code. Chaque personne a des besoins uniques sur lesquels on doit jeter un regard neuf lorsque des mesures d’adaptation sont demandées. Une solution ayant fonctionné dans une situation ne fonctionnera pas nécessairement dans une autre. Elle pourrait répondre aux besoins de la première personne, mais non de la seconde.

Exemple : En contexte d’emploi, toute politique qui impose une date de retour au travail aux personnes handicapées peut s’avérer discriminatoire si on ne tient pas compte des circonstances particulières de la personne qui fait une demande d’accommodement[169].

Il peut être nécessaire de passer en revue à une date ultérieure les mesures d’adaptation consenties à une personne pour s’assurer qu’elles continuent de répondre adéquatement aux besoins de la personne. 

13.1.3. Intégration et pleine participation

La conception et la mise en œuvre des mesures d’adaptation devraient assurer l’intégration maximale et la pleine participation. Pour atteindre cet objectif, il faut assurer une conception sans obstacle et inclusive, et l’élimination des obstacles existants. On doit également fournir les mesures d’adaptations requises là où il est impossible d’éliminer des obstacles existants, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

Il a été clairement établi dans les lois relatives aux droits de la personne que l’égalité passe parfois par l’application d’un traitement différent, si cela ne porte pas atteinte à la dignité de la personne. Dans certains cas, le meilleur moyen d’assurer l’égalité des personnes handicapées est de leur offrir des services distincts ou spécialisés. Il est cependant essentiel d’assurer la conception inclusive ou l’adaptation des domaines de l’emploi, du logement, des services et des installations de façon à permettre l’intégration et la pleine participation des personnes handicapées[170].

Exemple : Un fournisseur de logements coopératifs s’assure que plusieurs logements à une chambre à coucher situés dans différents endroits de l’ensemble coopératif sont mis à la disposition de personnes qui, en raison d’un trouble mental, ont besoin de vivre seules, dans des endroits privés et calmes.

En matière de services, d’emploi ou de logement, la ségrégation est moins respectueuse de la dignité des personnes handicapées et s’avère inacceptable, à moins qu’on puisse démontrer que l’intégration entraînerait un préjudice injustifié ou que la ségrégation est le seul moyen d’atteindre l’égalité[171].

13.2 Conception inclusive 

L’intégration et la pleine participation de tous les membres de la collectivité dépendent de la conception inclusive de la société et de ses structures. La conception inclusive ou « universelle » met l’accent sur la création de milieux sans obstacle et sur la participation égale des personnes qui ont des handicaps psychosociaux et affichent des degrés variés de capacité. Cette approche est préférable à l’élimination des obstacles ou à la mise en œuvre de mesures d’adaptation ponctuelles, deux approches qui reposent sur l’idée que les structures existantes auraient peut-être uniquement besoin de légères modifications pour les rendre acceptables.

La conception inclusive efficace réduit le besoin de demander des mesures d’adaptation individuelles. Comme l’a indiqué la Commission du droit de l’Ontario :

La notion de conception universelle, selon laquelle les personnes qui élaborent ou promulguent des lois, des politiques, des programmes ou des services doivent tenir compte, dès le départ, de la diversité, est liée au principe de l’autonomie et de l’indépendance. En effet, lorsqu’elle est adéquatement mise en application, la conception universelle lève le fardeau qui pèse sur les personnes handicapées de s’engager dans de pénibles processus d'adaptation et de négocier les mesures d'adaptation et le soutien dont elles ont besoin pour mener une vie autonome et indépendante. De cette façon, le principe de l’autonomie et de l’indépendance est étroitement lié à celui de la participation et de l’inclusion[172].

La Cour suprême a relevé le besoin de « régler finement » la société afin d’éviter que ses structures et idées préconçues n’empêchent les personnes handicapées d’y jouer un rôle[173]. Selon elle, les normes en place devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire[174]. Les fournisseurs de logements, fournisseurs de services et employeurs, entre autres, doivent rester conscients des différences entre les personnes et les groupes, et intégrer des notions d’égalité à leurs normes et exigences[175]. Cette approche dynamique est plus efficace parce qu’elle met l’accent sur l’accessibilité et l’inclusion dès le départ.

Les gouvernements et autres organisations devraient s’appuyer sur les principes de conception inclusive au moment d’élaborer et de créer des politiques, programmes, procédures, normes, exigences et installations. Il ne faut jamais créer de nouveaux obstacles au moment de construire ou de rénover des installations. Il faut plutôt intégrer les normes d’accessibilité en vigueur, comme les principes de la conception universelle, aux plans de conception[176]. Ce type de planification réduit la nécessité de supprimer des obstacles et d’offrir des mesures d’adaptation plus tard.

Exemple : Une municipalité adopte un règlement exigeant que 10 p. 100 des logements qu’offrent les nouveaux ensembles de logements locatifs soient abordables. La municipalité prend cette décision en reconnaissance du fait que beaucoup de groupes protégés aux termes du Code, y compris les personnes ayant des handicaps psychosociaux, ont besoin de logements abordables.

La Loi sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario[177] (LAPHO) prévoit un mécanisme pour élaborer, mettre en œuvre et faire exécuter des normes d’accessibilité, afin d’assurer la création d’une province pleinement accessible d’ici 2025. Des normes ont déjà été adoptées sous forme de règlement pour le service à la clientèle, l’emploi, l’information et les communications, les transports et les espaces publics. Des changements ont aussi été apportés aux dispositions du règlement sur le code du bâtiment relatives à l’accessibilité. Aux termes de la LAPHO, les gouvernements, employeurs des secteurs privé et public, fournisseurs de services et locateurs sont tenus de respecter les normes d’accessibilité à des degrés différents au fil du temps, selon la taille et le secteur d’activités de l’organisation. Si les normes d’accessibilité adoptées aux termes de la Loi de 2005 sur l’accessibilité pour les personnes handicapées de l’Ontario s’avèrent moins rigoureuses que les exigences du Code, les exigences du Code ont primauté.

En plus de prévenir les obstacles dès la conception initiale au moyen de méthodes inclusives, les organismes devraient envisager la possibilité que des obstacles systémiques existent au sein de leur structure organisationnelle et systèmes existants et s’efforcer, le cas échéant, de les cerner et de les éliminer.

Exemple : Une organisation conçoit une procédure de gestion du rendement. En prévoyant l’accommodement des besoins jusqu’au point de préjudice injustifié, elle intègre des processus flexibles pour veiller à ce qu’elle tienne compte des personnes qui pourraient peiner à exécuter les tâches de leur emploi en raison de facteurs liés à un motif prévu par le Code, y compris un problème de santé mentale ou de dépendance. Son approche de l’évaluation et de l’accommodement des employés qui ont des difficultés à effectuer leur travail s’articule autour des comportements de l’employé au travail et repose sur la question suivante : « que puis-je faire pour m’assurer que vous ayez du succès au travail? » L’organisation cerne aussi les mesures d’adaptation disponibles, au besoin. Cette approche permet aux employés de mettre l’accent sur leurs besoins et de décider s’ils veulent faire part de leur handicap ou autres circonstances en lien avec le Code (p. ex. obligations liées à l’état familial) ayant des répercussions sur leur travail, et leur permet d’entamer une conversation sur l’accommodement, au besoin[178].

Les organisations trouveront probablement que la conception inclusive et l’élimination des obstacles, tout comme l’accommodement des besoins individuels, bénéficieront à un grand nombre de personnes. 

13.3 Accommodement approprié

En plus de procéder à la conception inclusive et à l’élimination des obstacles, les organisations doivent donner suite aux demandes d’accommodement individuelles. Dans certaines situations mettant en scène des personnes ayant des handicaps psychosociaux, les organisations pourraient également devoir intervenir si elles perçoivent qu’une personne a besoin d’accommodement, et ce, même si cette personne n’en a pas fait la demande[179]

L’obligation d’accommodement exige de déterminer quelle est la mesure d’adaptation la plus appropriée et de la fournir, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié. Une mesure d’adaptation est jugée appropriée si elle permet à la personne qui la requiert d’obtenir les mêmes avantages et privilèges que les autres personnes, ou si elle satisfait aux besoins particuliers de la personne en matière de handicap et qu’on l’adopte ou la propose dans le but d’atteindre l’égalité des chances. La mesure d’adaptation la plus appropriée est celle qui :

  • respecte la dignité (y compris l’autonomie, le confort et la confidentialité) 
  • comble les besoins particuliers de la personne
  • permet l’intégration et la pleine participation.

L’accommodement est un processus présentant toute une gamme de nuances, et non une proposition basée sur la notion de tout ou rien, et qui peut être qualifié de continuum. Il est nécessaire d’atteindre le point le plus élevé du continuum, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié[180]. À l’extrémité de ce continuum figure la mesure d’adaptation complète qui respecte le mieux la dignité et le caractère confidentiel de la situation. Des mesures d’adaptation de rechange (moins avantageuses) peuvent être envisagées lorsqu’il est impossible d’instaurer la mesure d’adaptation la plus appropriée. Il est également possible de mettre temporairement en œuvre une mesure d’adaptation de rechange en attendant la mise en place graduelle de la solution la plus appropriée ou son implantation ultérieure, lorsque des ressources pourront y être consacrées.

La détermination de la mesure d’adaptation  « la plus appropriée » fait l’objet d’une analyse distincte de la détermination du préjudice injustifié qu’elle pourrait entraîner. Si une mesure d’adaptation particulière causait un préjudice injustifié, on doit alors envisager la meilleure solution de rechange.

Si on a le choix entre deux mesures d’adaptation qui répondent aussi bien l’une que l’autre aux besoins de la personne tout en respectant sa dignité, le fournisseur de la mesure d’adaptation peut choisir la solution la moins coûteuse ou celle qui entraîne le moins de perturbation pour l’organisme.

13.4 Critère juridique

L’article 11 du Code interdit la discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de facteurs qui peuvent sembler neutres, mais portent atteinte aux droits des personnes désignées par des motifs du Code. En même temps, il permet aux organisations de démontrer qu’une exigence, qu’une qualité requise ou qu’un critère entraînant de la discrimination est néanmoins « raisonnable et de bonne foi » (légitime). Pour faire cette démonstration, une organisation doit montrer qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans causer de préjudice injustifié[181].

La Cour suprême du Canada a établi un critère permettant de vérifier si l’obligation d’accommodement a été remplie[182]. S’il est déterminé à première vue qu’il y a eu discrimination, l’intimé doit démontrer, selon toute probabilité, que la norme, l’exigence, la règle ou le facteur :

  1. a été adopté dans un but ou un objectif rationnellement lié aux fonctions exercées (comme un emploi, une location ou l’obtention d’un service)
  2. a été adopté de bonne foi, de l’avis qu’il est nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif
  3. est raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but ou objectif, en ce sens qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans imposer de préjudice injustifié[183].

Il s’ensuit que la règle ou la norme elle-même doit assurer l’inclusion du plus grand nombre de personnes possible et tenir compte des différences individuelles jusqu’au point de préjudice injustifié. Ainsi, la situation de chaque personne sera évaluée en fonction des propres capacités de la personne plutôt qu’en fonction des caractéristiques présumées d’un groupe[184]. Il s’agit foncièrement de déterminer si l’organisation ou la personne responsable d’assurer l’accommodement a rempli son obligation jusqu’au point de préjudice injustifié.

Voici une liste non exhaustive des facteurs à considérer au moment de l’analyse[185] :  

  • Le fournisseur de la mesure d’adaptation a-t-il examiné les diverses solutions de rechange non discriminatoires?
  • Pourquoi ces solutions pratiques n’ont-elles pas été adoptées?
  • Aurait-il été possible d’appliquer des normes différentes qui tiennent compte des particularités et des capacités des personnes ou des groupes?
  • Le fournisseur de la mesure d’adaptation aurait-il pu réaliser ses objectifs légitimes de façon moins discriminatoire?
  • La norme est-elle conçue de manière à ce que la qualité requise soit obtenue sans qu’un fardeau indu ne soit imposé aux personnes visées?
  • Les parties tenues d’aider à la recherche d’une mesure d’adaptation ont-elles rempli leurs obligations?

De façon similaire, l’article 17 du Code prévoit également une obligation d’accommodement, notamment au motif du handicap. Aux termes de cet article, l’incapacité de s’acquitter d’obligations ou de satisfaire à des exigences essentielles, inhérentes à l’exercice d’un droit, ne constitue pas une atteinte au droit de vivre à l’abri de la discrimination. Cependant, on peut uniquement invoquer cet argument si on peut démontrer qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans causer un préjudice injustifié.

Dans le secteur de l’emploi, les tâches essentielles renvoient aux aspects « vitaux » ou « indispensables » d’un poste. En matière de logement, les tâches ou obligations essentielles du locataire peuvent inclure le paiement du loyer et l’entretien du logement, de sorte que ce dernier ne contrevienne pas aux lois sur la santé et la sécurité. Le fait d’assurer aux autres une jouissance raisonnable des lieux peut aussi faire partie des obligations du locataire. En matière d’obtention de services, les « tâches et obligations essentielles » de l’usager dépendront des circonstances.

L’article 17 signifie qu’on ne peut juger une personne incapable d’exécuter les tâches ou obligations essentielles d’un emploi, d’une location ou de l’obtention d’un service sans tenir compte de ses besoins jusqu’au point de préjudice injustifié. Il ne faut pas tirer de conclusions quant à la capacité d’une personne handicapée à exécuter des tâches essentielles avant d’avoir mis cette capacité à l’essai.

Exemple : Un employé lutte contre la dépression et l’anxiété. Lorsqu’il reprend le travail à la suite d’un congé d’invalidité, l’employeur modifie ses fonctions. Même si le médecin de l’employé affirme qu’il est prêt à reprendre le travail à temps plein, il est muté à un poste à temps partiel inférieur et moins bien rémunéré. L’employé finit par perdre son emploi. Le TDPO conclut que l’employeur a manqué à ses obligations procédurales et de fond liées à l’accommodement. Il a contrevenu au Code en basant sa décision de muter l’employé à un poste moins bien rémunéré sur sa croyance en l’incapacité du requérant de travailler à temps plein, malgré les indications contraires provenant du médecin. L’employeur s’est fié sur son « opinion de profane » et des « stéréotypes ». Il a fait l’erreur de présumer que l’employé ne pouvait pas composer avec les contraintes du poste, et que « son rendement serait peu fiable » en raison de ses problèmes de santé passés[186].

Il ne suffit pas pour une organisation de présumer qu’une personne ne peut satisfaire aux exigences essentielles d’un emploi, d’une location, de l’obtention d’un service ou autre; cette incapacité doit être déterminée objectivement[187].

13.5 Formes d’accommodement

De nombreuses méthodes et techniques permettent de combler les besoins uniques des personnes ayant des handicaps psychosociaux. Les mesures d’adaptation pourraient inclure la modification des éléments suivants d’une organisation :

  • immeubles et installations
  • politiques et processus
  • objectifs, exigences et obligations en lien avec le rendement
  • pratiques de prise de décisions
  • culture de travail, de location ou de prestation de services
  • méthodes de communication.

La plupart des mesures d’adaptation peuvent être mises en place à peu de frais et, si elles sont déployées à grande échelle, ne bénéficieront pas uniquement à la personne qui en a fait la demande. L’accommodement devrait faire l’objet d’un processus coopératif et non coercitif auquel participent les deux parties. Pour tenir compte des besoins d’une personne aux prises avec un trouble mental ou une dépendance, il pourrait s’avérer nécessaire de prendre en considération les effets secondaires du traitement qu’elle suit ou des médicaments qu’elle prend, et de ses symptômes de sevrage.

Selon les besoins individuels de la personne, l’accommodement peut inclure ce qui suit :

Emploi

  • modifier les tâches liées à un emploi
  • apporter des modifications à un immeuble (p. ex. l’ajout de cloisons à un espace de travail commun pour accroître la capacité de concentration d’une personne)
  • offrir un encadrement en emploi
  • aiguiller une personne vers un programme d’aide aux employés
  • modifier le mode de supervision
  • modifier les moyens de communiquer avec un employé
  • offrir des formations additionnelles ou des formations prodiguées de façon différente
  • modifier les politiques relatives aux pauses (p. ex. pour faciliter la prise plus fréquente de médicaments)
  • offrir des congés d’invalidité à court et long terme
  • assouplir l’horaire de travail
  • jumeler des postes[188]
  • adopter des solutions de rechange en matière de travail[189].

Services

  • offrir différentes façons de prendre contact avec un fournisseur de services,
    y compris par téléphone, par la poste, par courriel ou en personne
  • accorder plus de temps à un usager
  • offrir davantage de pauses à un usager, le cas échéant
  • fournir un soutien à la prise de décisions[190]
  • assouplir les exigences en matière de participation, si possible, si on peut établir un lien entre l’absentéisme et le handicap
  • modifier les règles relatives au non-respect des dates butoirs s’il est possible d’établir un lien entre ce non-respect et le handicap[191]
  • s’assurer d’offrir aux usagers un endroit calme et confortable où s’asseoir
  • tenir compte du handicap d’une personne au moment de composer avec des comportements qui mèneraient normalement à des sanctions.

Logement

  • aider une personne à remplir une demande (p. ex. de logement social ou de logement avec services de soutien)
  • adapter les critères de sélection des locataires (p. ex. faire appel à un garant
    en l’absence d’information comme des antécédents de crédit ou de location)
  • modifier les dates butoirs (comme celles qui ont trait à la divulgation de modifications au revenu dans le contexte des logements sociaux ou des logements avec services de soutien) 
  • modifier les façons de transmettre l’information aux locataires
  • dresser une liste de personnes-ressources à contacter en cas d’urgence
  • apporter des modifications structurales aux logements (insonorisation)
  • collaborer avec des professionnels externes pour combler les besoins d’un locataire, avec son consentement.

Les collègues de travail de la personne en quête d’accommodement, les autres locataires de son immeuble ou les autres usagers d’un même service pourraient avoir un rôle à jouer sur le plan de l’accommodement. Pour faciliter l’accommodement, on pourrait donc devoir informer certaines gens du fait qu’une personne a besoin de mesures d’adaptation. On doit cependant prendre soin de protéger la vie privée de la personne en dévoilant uniquement l’information nécessaire, veiller à ce qu’elle ne soit pas « montrée du doigt » et faire en sorte qu’on respecte sa dignité[192].

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient s’assurer de résoudre toute tension ou tout conflit dû au ressentiment que pourraient éprouver les personnes appelées à participer à l’accommodement. De telles tensions pourraient être liées au manque de compréhension de la nature du handicap ou des besoins de la personne.

Bien que la manière de composer avec un handicap varie d’une personne à l’autre, les fournisseurs de mesures d’adaptation sont tenus de se renseigner sur la nature des handicaps dans le cadre de leur obligation procédurale liée à l’accommodement[193]. Ils doivent également dissiper les perceptions erronées et les stéréotypes que pourraient véhiculer les autres employés, locataires, usagers ou membres du personnel des services à l’endroit des personnes handicapées[194], et qui pourraient entraîner un traitement non équitable. Ces questions doivent être résolues de la façon qui respecte le plus la dignité et la vie privée de la personne handicapée. Une façon d’y parvenir consiste à offrir des formations sur l’élimination du harcèlement et l’accommodement. Autrement, les tensions et conflits pourraient mener au harcèlement de la personne ayant un handicap psychosocial ou à l’empoisonnement de son milieu.

13.6 Obligations et responsabilités liées au processus d’accommodement

Le processus d’accommodement est une responsabilité partagée. Toutes les parties en cause devraient s’y engager dans un esprit de collaboration, partager l’information disponible et envisager les solutions possibles. La personne handicapée doit faire ce qui suit :

  • décrire au meilleur de ses capacités, préférablement par écrit, la nature de ses besoins en matière d’accommodement afin que la partie responsable de fournir la mesure d’adaptation puisse donner suite à sa demande[195]
  • répondre aux questions ou fournir de l’information sur les limites ou restrictions pertinentes, y compris au besoin de l’information provenant de professionnels de la santé[196]
  • prendre part aux échanges sur les mesures d’adaptation possibles
  • collaborer avec tout spécialiste dont l’assistance est requise pour gérer le processus d’accommodement ou qui pourrait fournir l’information demandée lorsque la personne handicapée n’a pas cette information
  • une fois que les mesures d’adaptation ont été adoptées, satisfaire aux normes et exigences de rendement convenues, dont les normes de travail applicables
  • travailler de manière continue avec la partie responsable de fournir la mesure d’adaptation afin de gérer le processus d’accommodement
  • parler de son handicap uniquement avec les personnes qui ont besoin d’en être informées[197].

Le fournisseur de la mesure d’adaptation doit faire ce qui suit :

  • rester conscient du fait qu’une personne pourrait avoir besoin d’accommodement même si elle n’en a pas fait la demande spécifique ou formelle[198]
  • accepter de bonne foi la demande de mesures d’adaptation présentée par la personne, à moins d’avoir des raisons légitimes d’agir autrement
  • obtenir au besoin (mais non de façon automatique) une opinion ou des conseils d’experts
  • veiller activement à ce qu’on examine les solutions de rechange et mesures d’adaptation possibles[199], et faire des démarches pour trouver diverses formes de mesures d’adaptation et solutions de rechange possibles[200]
  • conserver des dossiers sur la demande d’accommodement et les mesures prises
  • respecter le caractère confidentiel de la demande
  • limiter les demandes d’information aux questions qui se rapportent raisonnablement à la nature des limites ou restrictions, de manière à pouvoir répondre à la demande d’accommodement
  • mettre en œuvre les mesures d’adaptation en temps opportun, jusqu’au point de préjudice injustifié
  • assumer les frais de toute information ou de tout document à caractère médical requis (p. ex. le fournisseur de la mesure d’adaptation devrait payer les billets de médecin, évaluations psychologiques, lettres dressant la liste des besoins en matière d’accommodement et autres).

Bien que la personne en quête d’accommodement ait l’obligation d’aider à mettre en place la mesure d’adaptation appropriée qui répondra à ses besoins, elle n’est pas responsable de trouver cette mesure[201] ou de diriger le processus d’accommodement. Cette responsabilité incombe au fournisseur de la mesure d’adaptation, avec la collaboration de la personne ayant fait la demande d’accommodement. Après la mise en place de mesures d’adaptation, la personne handicapée doit pouvoir satisfaire aux tâches ou exigences essentielles du poste, de la location ou de l’obtention du service. La négociation d’ententes avec une entreprise de gestion des handicaps n’absout
en rien l’employeur de sa responsabilité en cas de mauvaise gestion du processus d’accommodement[202].

En contexte d’emploi, les syndicats et les associations professionnelles doivent jouer un rôle actif de partenaires dans le processus d’adaptation, partager la responsabilité avec l’employeur afin de faciliter l’accommodement des besoins et appuyer les mesures d’adaptation prévues sans égard aux conventions collectives, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié[203].

En général, s’il faut mettre en œuvre une mesure d’adaptation pour permettre à une personne de prendre part aux activités d’une organisation sans obstacle lié à un handicap, l’organisation doit prendre en charge les coûts de la mesure d’adaptation requise[204] à moins que cela ne cause de préjudice injustifié[205].

Lorsqu’une personne handicapée nécessite une assistance qui va au-delà de ce dont elle a besoin pour assurer son accès équitable au logement, à l’emploi ou à des services, comme des appareils et accessoires fonctionnels, l’organisation n’est normalement pas tenue de prendre en charge les frais connexes. Elle doit toutefois permettre à la personne d’obtenir cette assistance sans lui faire entrave de quelque manière que ce soit.

Le manque de services communautaires de santé mentale appropriés, capables de cerner les besoins et limites liés aux handicaps et de favoriser l’accommodement, peut nuire à l’accommodement des besoins des personnes aux prises avec un handicap psychosocial. Par exemple, les listes d’attente de services d’évaluation psychiatrique peuvent être extrêmement longues. Dans un tel cas, les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient fonder leurs choix de mesures d’adaptation sur la meilleure information disponible ou fournir une mesure d’adaptation intérimaire, en tenant compte de la façon dont la personne qualifie ses propres besoins, jusqu’à ce qu’il soit possible de procéder à l’évaluation. Sinon, les personnes aux prises avec des troubles mentaux ou des dépendances pourraient se voir refuser l’égalité des chances en matière de logement, de services ou d’emploi.

Conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées, le Canada et les autres États Parties doivent prendre des mesures pour veiller à l’accommodement des besoins des personnes handicapées (p. ex. pour assurer leur accès équitable à la justice, à l’éducation et à l’emploi)[206].

13.6.1 Obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement

En général, l’obligation d’accommodement des besoins liés au handicap se rapporte aux besoins qui sont connus. On ne s’attend pas à ce que les organismes et les personnes responsables de fournir des mesures d’adaptation tiennent compte de handicaps dont ils ne sont pas conscients. Cependant, dans certaines situations, la nature du handicap psychosocial peut empêcher la personne de reconnaître qu’elle a un handicap ou des besoins en matière d’accommodement[207].

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient également savoir que les personnes ayant des handicaps psychosociaux pourraient hésiter à faire part de leur handicap en raison des stigmates considérables associés aux troubles mentaux et aux dépendances[208].

Ils doivent tenter d’aider les personnes qui sont de toute évidence mal-en-point ou semblent avoir un trouble mental ou une dépendance, en sondant ces personnes pour savoir si elles ont des besoins liés au handicap, et en leur offrant de l’assistance le cas échéant[209].

Comme tout autre handicap, les troubles mentaux et les dépendances devraient faire l’objet de mesures d’adaptation en milieu de travail. Dans certains cas, l’employeur pourrait être tenu d’accorder une attention particulière aux situations pouvant être liées à un trouble mental. Même si un employeur n’a pas été formellement avisé de l’existence d’un tel trouble, le fait d’en soupçonner la présence déclenche les mécanismes de protection prévus par le Code.

Exemple : Un employeur n’est pas au courant de la toxicomanie d’un employé, mais soupçonne la présence d’un handicap en raison de modifications notables du comportement de la personne. L’employeur constate que l’employé a de la difficulté à fonctionner et manifeste des signes évidents de détresse qui incluent des crises de larmes à son poste de travail. L’employeur pourrait contrevenir au Code s’il imposait des sanctions graves ou congédiait l’employé pour mauvais rendement, sans gestion progressive du rendement ni tentative d’accommodement[210].

Exemple : Un nouvel agent de police a été impliqué dans un incident traumatisant et donne depuis des signes d’état de stress post-traumatique (ESPT). Ses symptômes ont mené à un second incident, lors duquel il a réagi excessivement au client d’un restaurant qu’il a perçu à tort comme une menace. Sa réaction a fait comprendre à ses superviseurs qu’il était peut-être en état de stress post-traumatique. Cependant, ses superviseurs ne lui ont pas proposé de mesures d’adaptation appropriées, comme de l’assistance ou un congé, et ne lui ont pas suggéré d’obtenir de l’aide. Il a plutôt été licencié pour mauvaise conduite. D’avis que le service de police avait agi de façon discriminatoire, le TDPO a affirmé qu’un employeur avait à la fois des obligations procédurales et de fond liées à l’accommodement des troubles mentaux, même quand la personne touchée n’est pas en mesure de reconnaître qu’elle a un handicap ou d’exprimer un besoin d’aide ou d’accommodement[211].

Quand une organisation sait ou devrait raisonnablement savoir que les problèmes de rendement au travail d’une personne ou sa capacité d’exécuter ses devoirs en tant que locataire ou usager de services pourraient être liés à un handicap, l’organisation a l’obligation de se renseigner sur ce lien possible avant de prendre une décision qui aurait un effet préjudiciable sur la personne[212]. Cela inclut le fait d’offrir à l’employé, au locataire ou à l’usager des services une occasion significative d’indiquer qu’un trouble mental ou qu’une dépendance est à l’origine du comportement non approprié, et de demander son accommodement. Un changement marqué dans le comportement d’une personne pourrait signaler que la situation mérite d’être examinée plus à fond.

Exemple : Jean a un trouble bipolaire. Il a choisi de ne pas révéler cette information à son employeur parce qu’il s’inquiète de la façon dont il serait traité au travail, si on venait à savoir qu’il a un trouble mental. À la suite d’une crise en milieu de travail, il ne se présente pas au travail pendant plusieurs jours. Cette situation inquiète l’employeur de Jean qui reconnaît qu’il est encore trop tôt pour songer à le congédier en raison d’une absence non motivée. Après que Jean a été traité et que la situation s’est stabilisée, l’employeur lui donne l’occasion de s’expliquer. En apprenant l’existence d’un problème d’ordre médical, l’employeur offre de l’aide et propose des mesures d’adaptation.

Lorsqu’une personne affiche des comportements non appropriés en raison de troubles psychosociaux, les employeurs, fournisseurs de logements ou fournisseurs de services ont l’obligation d’évaluer la situation de façon individuelle avant d’imposer des mesures qui pourraient avoir une incidence négative sur la personne, de telles mesures pourraient inclure le lancement d’une procédure d’expulsion, l’annulation de subventions, le retrait de services ou l’imposition de mesures disciplinaires au travail. Avant d’imposer des sanctions à une personne en raison d’inconduite ou d’un « comportement inacceptable », une organisation doit d’abord se demander si ce comportement est attribuable à un handicap, surtout lorsque l’organisation sait ou soupçonne que la personne a un handicap[213]. Le handicap de la personne doit constituer un facteur dans la détermination des sanctions appropriées à imposer, le cas échéant, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.Si aucun lien n’existe entre le comportement et le handicap, l’organisation imposera généralement des sanctions ou mesures disciplinaires, comme à l’habitude[214].

Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient toujours informer les employés, usagers de services et locataires qu’ils peuvent obtenir une évaluation des besoins liés au handicap (comme une évaluation médicale) ou des mesures d’adaptation pour résoudre des questions de rendement au travail ou de respect des devoirs de locataires ou d’usagers de services.

En contexte d’emploi par exemple, un fournisseur de mesures d’adaptation pourrait être en droit d’obtenir des documents médicaux pour s’assurer de l’aptitude à l’emploi d’une personne s’il existe un motif raisonnable d’en douter, fondé sur des preuves objectives suffisantes.

Exemple : Un réceptionniste à de nombreuses crises de larmes au travail, qui nuisent à sa capacité de répondre au téléphone. Son gérant exprime des préoccupations par rapport à son rendement et à son comportement, lui demande ce dont il a besoin pour mener à bien les tâches de son emploi et lui offre une mesure d’adaptation sous forme de programme d’aide aux employés. L’employé ne fait part d’aucun besoin lié au handicap, refuse l’offre d’assistance et continue d’avoir des crises de larmes qui nuisent à son emploi. Le gérant demande alors à l’employé de subir une évaluation médicale pour connaître ses besoins éventuels en matière d’accommodement. L’employé refuse. L’employeur entame un processus de gestion progressive du rendement et rencontre l’employé à différentes étapes du processus pour continuer de lui offrir des mesures d’adaptation et du soutien.

Le recours à des mesures de gestion progressive du rendement et de discipline progressive, jumelées à des soutiens externes comme des programmes d’aide aux employés, offre aux personnes ayant des handicaps psychosociaux une variété d’occasions de résoudre des préoccupations sur une base individuelle avant que ne soit envisagé leur congédiement, le retrait de leur service ou leur expulsion.

Lorsqu’il est connu qu’une personne a des besoins liés à un handicap, les organisations ayant une obligation d’accommodement doivent en tenir compte aux termes de la loi[215]. Par exemple, l’offre de counselling ou d’aiguillage par l’entremise de programmes d’aide aux employés pourrait constituer une façon de composer avec un handicap sous-jacent aggravé par du stress personnel ou éprouvé en milieu de travail.

13.7 Renseignements médicaux à fournir

Durant la consultation de la CODP sur la santé mentale, des questions ont été soulevées sur le type d’information que les fournisseurs de mesures d’adaptation peuvent obtenir d’une personne aux prises avec un problème de santé mentale ou une dépendance. Bon nombre de ces questions ont trait à l’emploi, mais peuvent aussi s’appliquer aux domaines du logement et des services, selon les circonstances. Elles ont une incidence sur la vie privée des employés, locataires et usagers de services. En même temps, les organisations doivent posséder assez d’information pour pouvoir respecter leur obligation d’accommodement.

Comme nous l’avons indiqué précédemment, les personnes en quête d’accommodement doivent généralement aviser le fournisseur de mesures d’adaptation qu’elles ont un handicap. De son côté, le fournisseur de mesures d’adaptation doit accueillir leur demande de bonne foi[216]. En contexte d’emploi, les personnes aux prises avec un trouble mental ne sont pas tenues de respecter une norme onéreuse en matière de communication initiale du handicap pour que se déclenche l’obligation d’accommodement de l’organisation. Les organisations devraient limiter leurs demandes d’information aux renseignements qui ont un lien raisonnable avec la nature de la limite ou de la restriction, et permettent d’évaluer les besoins et d’offrir des mesures d’adaptation.

Voici des exemples d’information que les personnes en quête d’accommodement peuvent généralement s’attendre à devoir procurer pour appuyer une demande d’accommodement :

  • présence d’un handicap ou d’une affection
  • limites ou besoins associés au handicap
  • capacité d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles associées à l’emploi, à la location ou à l’obtention des services avec ou sans accommodement (probablement plus pertinent en contexte d’emploi) 
  • type de mesures d’adaptation qui pourraient s’avérer nécessaires pour permettre à la personne d’exécuter les tâches ou de satisfaire aux exigences essentielles associées à l’emploi, à la location ou à l’obtention des services, etc.
  • en matière d’emploi, mises à jour régulières sur le retour prévu de la personne au travail, si elle bénéficie d’un congé.

Exemple : Une employée dit à son employeur qu’en raison de son handicap, elle doit se rendre à un rendez-vous médical tous les mercredis matin pendant le prochain mois. L’employeur accueille cette information de bonne foi et assouplit l’horaire du mercredi de l’employée à titre de mesure d’adaptation.

Exemple : Un locataire avertit son locateur qu’il a été hospitalisé en raison d’un handicap et qu’il ne pourra pas effectuer le paiement de son loyer à temps. Sachant que le locataire est hospitalisé, le locateur n’a pas besoin de confirmer qu’il a un handicap. Il demande toutefois de confirmer que son besoin est de nature temporaire, et qu’il pourra effectuer le paiement du loyer dans quelques semaines, lorsqu’il aura obtenu son congé de l’hôpital. Le locataire lui transmet cette information et le locateur tient compte du fait que le loyer sera payé à une date ultérieure.

Dans de rares cas, l’organisation aura des motifs raisonnables de douter de la légitimité d’une demande d’adaptation ou de la véracité des renseignements fournis. La partie responsable de fournir les mesures d’adaptation pourra alors demander que les renseignements soient confirmés ou obtenir des renseignements additionnels auprès d’un professionnel de la santé compétent.

Exemple : D’avis qu’un nombre important d’employés se heurtent à des troubles mentaux à un certain moment de leur vie professionnelle, un grand employeur créé un programme de gestion des handicaps. Au lieu de demander aux employés de fournir de la documentation médicale à l’appui d’une demande d’accommodement, le programme se fonde sur une auto-évaluation des besoins et des forces des employés. L’employeur cherche uniquement à obtenir des renseignements médicaux de la part d’un médecin si une personne a des besoins complexes ou ne prend pas part au processus. Grâce à cette approche, l’employeur conserve de bons rapports avec ses employés, qui reprennent le travail plus rapidement après un congé d’invalidité[217].

Quand des renseignements additionnels sur le handicap d’une personne sont requis, la demande d’information doit faire le moins possible incursion dans la vie privée de la personne tout en veillant à ce que le fournisseur de mesures d’adaptation obtienne des renseignements suffisamment complets pour mettre en place des mesures d’adaptation.

Exemple : Une personne (qui lutte contre l’anxiété) entre dans une épicerie accompagnée d’un chien. Pour des raisons de santé et de sécurité, l’épicerie n’accepte habituellement pas les animaux. Seuls les animaux d’assistance font exception à cette règle. Le propriétaire demande à la personne de quitter, quand celle-ci lui indique qu’il s’agit d’un animal d’assistance. Le propriétaire a besoin de procéder à des vérifications puisque le chien ne porte aucune indication du fait qu’il a pour fonction d’offrir de l’assistance. Il demande à la personne de fournir des documents médicaux à l’appui de son handicap et de son besoin d’être accompagnée par un animal d’assistance en raison de ce handicap[218].

Dans les rares cas où un fournisseur de mesures d’adaptation peut démontrer qu’il a légitimement besoin d’information additionnelle à propos du handicap (par opposition aux seuls besoins liés au handicap) d’une personne en vue d’offrir une mesure d’adaptation, il pourrait demander d’obtenir de l’information sur la nature de la maladie, de l’affection ou du handicap de la personne[219] (p. ex. s’il s’agit d’un trouble mental, d’un trouble de l’apprentissage ou d’une dépendance?), par opposition à un diagnostic médical.

On ne s’attend pas à ce que les organisations diagnostiquent une maladie ou mettent en doute l’état de santé d’un employé[220]. De la même façon, une organisation ne peut demander d’obtenir des renseignements confidentiels non nécessaires parce qu’elle met en doute l’information divulguée par une personne ou a une impression opposée de la forme que devrait prendre un trouble mental ou une dépendance[221].

Exemple : Une femme divulgue à ses collègues de travail qu’elle lutte contre la dépression. Plus tard, elle présente une note d’un médecin indiquant qu’elle a obtenu un traitement pour une « affection » et nécessite un congé de travail d’une semaine. Bien que l’employeur sache que l’employée a rapporté être dépressive, il ne trouve pas qu’elle a l’air triste ou affligée. Par conséquent, il refuse de lui fournir de mesure d’adaptation à moins qu’elle ne lui fournisse plus d’information sur son diagnostic. Cela pourrait constituer une violation des droits de l’employée aux termes du Code.

Un fournisseur de mesures d’adaptation devrait être capable d’expliquer pourquoi il nécessite une information quelconque à propos du handicap d’une personne et quel rapport sa demande entretient avec l’accommodement des besoins de la personne.

En général, le fournisseur d’une mesure d’adaptation n’a pas le droit d’obtenir des renseignements médicaux confidentiels à propos d’une personne, comme la cause d’un handicap, son diagnostic, ses symptômes ou son traitement[222], à moins qu’il n’y ait un lien direct avec l’accommodement demandé ou que les besoins de la personne soient complexes, difficiles à combler ou peu clairs, et qu’ils justifient l’obtention d’information additionnelle. Dans les rares cas où les besoins d’une personne sont complexes, difficiles à combler ou peu clairs, la personne en quête d’accommodement pourrait devoir collaborer au processus en fournissant davantage de renseignements, y compris la nature de son diagnostic[223]. Dans de telles situations, le fournisseur de la mesure d’adaptation doit être en mesure d’indiquer clairement pourquoi l’information est requise.

Exemple : Une personne travaille comme conseillère en toxicomanie au sein d’un programme de traitement de la toxicomanie qui repose sur l’abstinence. Elle demande qu’on lui accorde du temps chaque semaine pour obtenir un « traitement » lié à un « handicap ». Compte tenu d’observations récentes du comportement de la personne, et de préoccupations par rapport à la possibilité qu’elle travaille en état d’ivresse, l’employeur veut que son médecin lui indique si elle a une dépendance à l’alcool ou aux drogues. L’employeur pourrait faire valoir le fait que sa demande est justifiée en raison des effets négatifs possibles que pourrait avoir sur des clients toxicomanes une conseillère qui se présente au travail en état d’ivresse. La connaissance qu’a l’employeur du diagnostic de la conseillère orientera son choix de mesures d’adaptation à prévoir (p. ex. lui offrir temporairement un poste différent ou un congé pour lui permettre de traiter sa toxicomanie).

Lorsque la situation le permet, cependant, les fournisseurs de mesures d’adaptation doivent faire des efforts sincères pour fournir les mesures d’adaptation nécessaires sans exiger que les personnes en quête d’accommodement ne soient tenues de divulguer leur diagnostic ou de fournir des renseignements médicaux qui ne sont pas absolument nécessaires.

Les personnes qui ont des besoins difficiles à cerner peuvent être invitées à subir un examen médical indépendant (EMI). Cependant, on doit avoir des raisons objectives de conclure que les preuves médicales fournies à l’origine ne sont pas exactes ou adéquates. L’EMI ne doit pas servir à mettre en doute la demande d’accommodement d’une personne[224]. Les demandes d’examen médical doivent être justifiées et doivent tenir compte des besoins particuliers liés au handicap[225].

Exemple : Une personne aux prises avec un trouble bipolaire décroche un emploi de maître nageur, qui est un poste critique en matière de sécurité. Il est hospitalisé un certain temps. Au moment d’obtenir son congé, les médecins l’avisent qu’il est apte à reprendre le travail. À son retour au travail, cependant, on procède à son évaluation et découvre qu’il peut difficilement se concentrer, réagit lentement et fait des erreurs à répétition. Dans un tel cas, il est possible que l’employeur puisse justifier une demande d’examen médical indépendant[226]

On ne peut pas obliger personne à se soumettre à un examen médical indépendant. Par contre, le fait de ne pas satisfaire à des demandes raisonnables en ce sens peut retarder les mesures d’adaptation jusqu’à la transmission des renseignements requis et, en fin de compte, faire échouer le processus d’accommodement.

Pour établir l’existence du trouble mental et bénéficier des mesures de protection prévues aux termes des lois relatives aux droits de la personne, il peut ne pas être suffisant d’affirmer qu’on affiche des symptômes courants chez de nombreuses personnes, comme le fait d’avoir du « stress », des « problèmes psychologiques », de l’« anxiété » ou de la « douleur », ou de se « sentir déprimé »[227]. Au moment d’effectuer de telles affirmations par écrit, les membres de la collectivité et les médecins devraient indiquer clairement qu’il s’agit de symptômes d’un handicap.

Exemple : Une personne fournit à son employeur un billet d’un médecin indiquant qu’elle vit du « stress » et a besoin d’un congé. L’employeur pourrait être en droit de demander davantage de renseignements pouvant lier le stress à un handicap. S’il est possible d’établir ce lien, l’employeur pourrait s’enquérir des restrictions de la personne, de sa date prévue de retour au travail, et de sa capacité de travailler si des mesures d’adaptation lui étaient fournies.

Cependant, si ce genre d’affirmations s’accompagne d’autres indications de détresse ou de mal-être chez la personne, et qu’un employeur, fournisseur de logements ou fournisseur de services croit déceler la présence d’un handicap, les mesures de protection du Code s’appliqueront.

Si une personne fournit des renseignements liés à son handicap qu’un fournisseur de mesures d’adaptation juge « inadéquats » pour procéder à l’accommodement, il ne peut utiliser son propre défaut de demander des renseignements additionnels pour justifier son manque d’accommodement ou soumettre d’autre façon une personne à un traitement préjudiciable (p. ex. congédiement ou refus de services)[228].

Si la personne n’accepte pas de fournir des renseignements médicaux additionnels et que le fournisseur de mesures d’adaptation peut démontrer que cette information est requise, il pourrait être établi que la personne en quête d’accommodement n’a pas participé au processus d’accommodement, ce qui relèverait le fournisseur de mesures d’adaptation de toute autre responsabilité[229].

13.8 Confidentialité

En raison des graves stigmates sociaux et des stéréotypes qui perdurent à l’égard des troubles mentaux et des dépendances, le respect de la vie privée des personnes aux prises avec ces handicaps peut revêtir une importance particulière.

Exemple : Un employeur a diffusé les renseignements médicaux confidentiels d’une employée (y compris des détails sur sa dépression) sur le babillard du club où elle travaille. Le tribunal a déterminé qu’il s’agissait d’un geste discriminatoire qui avait stigmatisé l’employée et empoisonné son milieu de travail[230]

Les documents à l’appui d’une demande d’accommodement devraient uniquement être fournis aux personnes qui doivent en connaître le contenu. En contexte d’emploi par exemple, il pourrait être préférable de remettre l’information à un membre du service de santé ou des ressources humaines de l’organisation plutôt qu’à un superviseur, pour protéger encore davantage le caractère confidentiel des renseignements fournis.

Exemple : Une personne qui doit se présenter devant le tribunal a besoin qu’on adapte l’horaire des audiences pour tenir compte de ses besoins liés à la santé mentale. La documentation à l’appui de sa demande est transmise uniquement au coordonnateur de l’accessibilité de la cour. Il peut suffire au reste du personnel de la cour de savoir qu’il doit fournir cette mesure d’adaptation à la personne. 

Les renseignements médicaux d’une personne ne devraient pas être conservés dans son dossier personnel, ou dans tout dossier ayant trait à sa location ou aux services auxquels elle fait appel.

Lorsqu’une situation impérieuse menace la santé ou la sécurité d’une personne, il peut s’avérer nécessaire de divulguer des informations sur sa santé à des tierces parties[231]. En pareil cas, il faut s’assurer de respecter la législation relative à la vie privée. Le Bureau du commissaire à l’information et à la protection de la vie privée de l’Ontario et le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada offrent des renseignements additionnels sur la législation relative à la vie privée et son application aux fournisseurs de logements, employeurs et fournisseurs de services des secteurs privé et public[232].

Exemple : Un praticien de la santé d’un centre hospitalier universitaire ou un conseiller pédagogique d’un collège aurait le droit de divulguer des renseignements personnels sur la santé à la famille ou au médecin d’un client s’il avait des motifs raisonnables de croire qu’il est nécessaire de le faire pour réduire le risque de suicide[233].

13.9 Traitement

L’obtention d’un traitement[234] thérapeutique, médicamenteux ou autre est un choix très personnel qui relève du droit fondamental de la personne de disposer de son propre corps. Tout adulte capable a le droit de consentir à un traitement ou de le refuser[235] aux termes de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés[236]. Dans le cas des personnes déclarées inaptes, un mandataire spécial doit consentir au traitement[237]

13.9.1 Besoin de traitement

Les employeurs, fournisseurs de logements et fournisseurs de services devraient garder à l’esprit qu’ils pourraient violer les droits d’une personne en lui imposant les conditions ou exigences générales suivantes :

  • se faire traiter
  • obtenir un type de traitement particulier (p. ex. médication, consultation d’un psychiatre)
  • suivre un traitement supervisé

dans le but d’obtenir ou de conserver un logement, des services ou un emploi, s’il ne s’agit pas d’une exigence de bonne foi ou légitime de prendre part à l’organisation. Le cas échéant, les fournisseurs de logements, fournisseurs de services et employeurs devraient être conscients d’imposer  aux personnes ayant des handicaps psychosociaux des conditions non légitimes que les personnes ayant d’autres types de handicaps ou n’ayant aucun handicap n’ont pas à remplir.

Exemple : Une étudiante universitaire cherche à obtenir une mesure d’adaptation lors des examens en guise d’accommodement d’un problème de santé mentale.  On lui dit qu’elle doit rencontrer son conseiller à intervalles réguliers comme condition d’obtention de la mesure d’adaptation. À moins qu’on puisse faire la preuve que cette condition constitue une exigence de bonne foi de l’accommodement des besoins lors des examens, cette demande contrevient probablement aux droits de l’étudiante aux termes du Code.

Exemple : Une personne atteinte de schizophrénie vit en colocation, dans un logement que lui fournit un organisme de santé mentale. L’immeuble offre sur place des services de réadaptation et de counselling. Aux termes de son entente de location, le locataire doit, entre autres, se conformer à son traitement, s’abstenir de prendre de l’alcool ou des drogues et n’adopter aucun comportement violent. Le locataire cesse de prendre ses médicaments mais continue de rencontrer son équipe médicale à intervalles réguliers. Sans l’avertir ni consulter son équipe de soins, l’organisme lui dit de quitter le logement parce qu’il ne satisfait plus aux critères du programme. Durant l’audience, l’organisme explique avoir demandé au locataire de quitter parce qu’il ne prenait plus ses médicaments, avait des antécédents de violence (de dix ans auparavant), allait émotionnellement de mal en pis (p. ex. il entendait des voix et parlait en langage informatique) et avait dit au personnel qu’il était alcoolique.  Bien que l’affaire n’ait pas fait l’objet d’une analyse aux termes du Code, le tribunal a déterminé que le fournisseur de logements avait contrevenu à l’entente de location. Selon le tribunal, il n’y avait aucune urgence réelle à expulser la personne de son logement étant donné que rien n’indiquait qu’elle représentait un risque pour autrui[238]

Pour faire la démonstration du caractère raisonnable et de bonne foi d’une exigence de participation à un traitement, les organisations doivent satisfaire au critère juridique en trois étapes mis de l’avant dans l’arrêt Meiorin. En autres, elles doivent démontrer que l’accommodement de la personne d’autre façon créerait un préjudice injustifié à l’organisation[239].

L’évaluation des gens doit prendre en compte leurs besoins individuels. On ne devrait jamais baser des exigences sur la supposition générale selon laquelle les personnes ayant des handicaps psychosociaux doivent se faire traiter ou doivent recevoir un traitement particulier. Lorsqu’elles ne sont pas imposées de bonne foi, de telles exigences peuvent contribuer au désavantage auquel se heurtent les personnes ayant des handicaps psychosociaux en tant que groupe souvent privé au fil des ans du consentement éclairé au traitement.

En même temps, bien qu’une personne ait le droit de refuser de consentir au traitement de handicaps psychosociaux, ce refus peut entraîner des répercussions[240].

Lorsqu’une personne refuse de se soumettre à un traitement constituant une exigence raisonnable et de bonne foi, l’organisation peut ne plus être en mesure de fournir une mesure d’adaptation appropriée, ce qui nuira à la capacité de la personne d’exécuter les tâches essentielles de son poste ou de combler les exigences essentielles de l’exercice d’un droit.  

Dans certains cas, un employeur pourrait exiger qu’un employé dont l’inconduite justifie un licenciement obtienne un traitement dans le cadre d’une « entente de dernière chance ». Ce genre d’entente constitue une condition de réintégration en emploi[241]. Les ententes de dernière chance doivent être conçues de façon à tenir compte des circonstances particulières de la personne visée[242]. De plus, elles ne doivent pas contenir de dispositions qui imposent des peines ou des normes plus strictes aux personnes ayant des troubles mentaux ou des dépendances (comme des attentes plus élevées en matière de rendement), comparativement aux autres personnes en situation semblable[243].

13.9.2 Traitement et obligation d’accommodement

Il existe une différence entre, d’une part, le fait de tenir compte des problèmes de santé mentale et de dépendance pour assurer un accès équitable en modifiant des processus, procédures, exigences ou installations et, de l’autre, le traitement des problèmes de santé mentale ou de dépendance. Un employeur, fournisseur de logements ou fournisseur de services n’est généralement pas tenu d’offrir du counselling, de prodiguer un traitement ou d’administrer des médicaments (ni apte à le faire). Par exemple, on ne s’attendrait pas à ce qu’un locateur offre du « counselling » ou des « services sociaux » à un locataire aux prises avec un problème de santé mentale dans le contexte de l’obligation d’accommodement[244].

Certaines personnes pourraient souhaiter obtenir un traitement. Dans un tel cas, l’employeur, le fournisseur de logements ou le fournisseur de services aurait l’obligation de tenir compte de ses besoins à ce chapitre. 

Exemple : Un fournisseur de logements pourrait être tenu d’assurer l’accès à l’immeuble ou de fournir des renseignements (moyennant le consentement du locataire) à des tierces parties chargées d’aider un locataire à soigner des comportements d’amassement pathologique si ces comportements nuisent à l’organisation.

Exemple : Un employé entreprend un programme de traitement à la méthadone. En collaboration avec son employeur, il élabore un plan d’accommodement de ses besoins qui lui permet de passer prendre sa dose à la pharmacie tous les jours durant les heures de travail, et de consulter son médecin plusieurs fois par semaine, pourvu qu’il reprenne le temps perdu au travail. Son employeur sait qu’il pourrait avoir de la difficulté à se réveiller le matin durant l’étape d’acclimatation au programme, et adapte son horaire matinal en conséquence[245]. Grâce à ces mesures d’adaptation, l’employé est capable d’exécuter les tâches essentielles de son emploi. 

On pourrait s’attendre à ce que les organisations ayant des responsabilités de prise en charge de la personne (par opposition aux organisations qui occupent une place plus périphérique dans la vie des gens) prévoient un traitement en guise de mesure d’adaptation, moyennant le consentement de la personne.

Exemple : Si les comportements en lien avec le trouble mental d’un étudiant semblent nuire à sa capacité de participer à des activités pédagogiques, l’obligation d’accommodement de l’école pourrait s’étendre à l’obtention du consentement de l’étudiant en vue de faire appel à des services de counselling offerts à l’interne, par les travailleurs sociaux de l’école par exemple, ou à l’externe par une organisation quelconque. D’un autre côté, un centre de conditionnement physique n’aurait pas la même obligation. 


[164] Ces politiques sont offertes sur le site Web de la CODP, à l’adresse : www.ohrc.on.ca/fr.

[165] Voir Meiorinsupra, note 67, aux par. 65-66 et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. Colombie-Britannique (Council of Human Rights), 1999 CanLII 646, [1999] 3 R.C.S. 868, aux par. 22 et 42 à 45 [Grismer]. Dans Gourley v. Hamilton Health Sciences, 2010 HRTO 2168 (CanLII), l’arbitre a indiqué ce qui suit (au par. 8) : « La composante de fond de l’analyse examine le caractère raisonnable de la mesure d’adaptation offerte ou les raisons pour lesquelles l’intimé ne fournit pas de mesure d’adaptation. Il revient à l’intimé de démontrer que des éléments ont été considérés, des évaluations ont été menées et des mesures ont été prises pour tenir compte des besoins de l’employé jusqu’au point de préjudice injustifié […] »

[166] Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; ADGA Group Consultants Inc. v. Lane, supra, note 60, au par. 106.

[167] Stevenson c. Canada (Service canadien du renseignement de sécurité) (2001), 41 C.H.R.R. D/433 (TCDP)

[168] IdemGibbs c. Battlefordssupra, note 1.

[169] Duliunas v. York-Med Systems, 2010 HRTO 1404 (CanLII).

[170] Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241.

[171] Dans Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brantidem, la Cour suprême du Canada a déclaré que « l’intégration devrait être reconnue comme la norme d’application générale en raison des avantages qu’elle procure habituellement » (au par. 69). Cependant, elle a jugé qu’en raison de l’état d’Emily Eaton, il était préférable qu’elle vive dans un milieu séparé. La Cour était d’avis qu’il s’agissant de l’un des rares cas où la ségrégation constituait une mesure d’adaptation plus appropriée.

[172] Commission du droit de l’Ontario, Cadre du droit touchant les personnes handicapéessupra, note 58, à 79.

[173] Eaton, supra, note 23, au par. 67.

[174] Meiorin, supra, note 67, au par. 68.

[175] Idem

[177] Supra, note 71. 

[178] Cet exemple est tiré de l’approche du  Centre pour la santé mentale en milieu de travail de la Great-West et La santé mentale au travail. Voir : www.strategiesdesantementale.com/display.asp?lc=1&l1=177&l2=207&l3=229&d=207.

[179] Voir la section 13.6.1 sur l’obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement pour obtenir plus de renseignements.

[180] Quesnel v. London Educational Health Centre, (1995), supra, note 22, au par. 16.

[181] Le critère juridique utilisé pour la détermination du préjudice injustifié est énoncé en détail dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement, supra, note 16, et examiné plus attentivement dans la section de la présente politique portant sur le préjudice injustifié. La même norme s’applique à tous les motifs prévus au Code, dont les troubles mentaux et les dépendances.

[182] Meiorin, supra, note 67, au par. 54.

[183] Voir Hydro-Québec c. Syndicat des employées de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro-Québec, section locale 2000, [2008] 2 R.C.S. 561, pour prendre connaissance des observations récentes de la Cour suprême du Canada relatives au sens du troisième élément de ce critère, dans la pratique, dans le contexte de l’accommodement des besoins de personnes handicapées en milieu de travail.

[184] Grismer, supra, note 165 au par. 20.

[185] Meioirin, supra, au par. 65.

[186] Duliunas v. York-Med Systemssupra, note 169, au par. 74. Dans la même veine, voir l’arrêt Ilevbare v. Domain Registry Group, 2010 HRTO 2173 (CanLII), dans lequel le TDPO indique ce qui suit au par. 52 : « Le licenciement d’un employé handicapé en congé d’invalidité est discriminatoire à première vue et exige une explication. » Cela donne à penser que le licenciement d’un employé en congé d’invalidité sera jugé discriminatoire à première vue, et il incombera à l’employeur de fournir un motif non discriminatoire de licenciement.

[187] Grismer, supra, note 165; Cameron v. Nel-gor Nursing Home (1984), 5 C.H.R.R. D/2170, à D/2192 (Ont. Bd. of Inq.). Voir aussi Crabtree c. 671632 Ontario Ltd. (c.o.b. Econoprint (Stoney Creek), [1996] O.H.R.B.I.D. No. 37 (QL) (Ont. Bd. Inq.).

[188] Voir Vanegas v. Liverton Hotels International Inc., 2011 HRTO 715 (CanLII). Voir aussi Briffa v. Costco Wholesale Canada Ltd., 2012 HRTO 1970 (CanLII).

[189] La jurisprudence relative aux droits de la personne reconnaît que les employeurs ont l’obligation d’envisager des emplois de rechange temporaires et permanents pour les personnes qui ne peuvent
plus demeurer en poste malgré l’obtention de mesures d’adaptation. Cette obligation s’étend à l’examen minutieux des mesures d’adaptation possibles et à la suggestion d’emplois qui respectent les limites fonctionnelles. Cela est compatible avec la décision de la Cour suprême du Canada dans Hydro-Québecsupra, note 183. Le TDPO a cerné une variété de « pratiques exemplaires » en lien avec ce processus. Par exemple, dans le cadre de ces deux affaires, au moins, le TDPO a commenté favorablement la pratique adoptée par un employeur qui consiste à sonder des postes vacants correspondant aux compétences d’un employé et aux besoins associés à son handicap, puis de « conserver » ou de « protéger » ces postes pour veiller à ce qu’ils ne soient pas offerts préalablement à une personne qui n’a pas besoin d’accommodement; voir Harnden v. The Ottawa Hospital, 2011 HRTO 1258 (CanLII) et Gourley v. Hamilton Health Sciences, supra, note 165. Il peut être nécessaire d’assurer l’octroi direct d’un emploi de rechange, sans que la personne ne soit tenue de réussir un concours : voir Fair v. Hamilton-Wentworth District School Board, 2012 HRTO 350. Voir aussi Buttar v. Halton Regional Police Services Board, 2013 HRTO 1578 (CanLII) et Formosa v. Toronto Transit Commission2009 HRTO 54 (CanLII), pour connaître les exceptions possibles dans certaines situations. Pour obtenir plus de renseignements sur ces stratégies d’accommodement et d’autres, voir Stratégies en milieu de travail sur la santé mentale, accessible à l’adresse : Centre pour la santé mentale en milieu de travail de la Great-West http://gwcentrepourlasantementale.com/display.asp?lc=1&l1=175&l2=6&d=6 (consulté le 24 avril 2014).

[190] Voir la section 16 sur le consentement et la capacité pour obtenir plus de renseignements.

[191] Allen v. Ottawa (City), 2011 HRTO 344 (CanLII), et Kelly v. CultureLink Settlement Services, 2010 HRTO 977 (CanLII). Il doit être démontré que les délais sont de bonne foi et liés à un handicap psychosocial : voir Arcuri v. Cambridge Memorial Hospital, 2010 HRTO 578 (CanLII), et Vallen v. Ford Motor Company of Canada, 2012 HRTO 932 (CanLII). En ce qui a trait aux arbitres ou dans le contexte des tribunaux administratifs, il est également à noter que la doctrine de l’immunité judiciaire pourrait s’appliquer dans le but de protéger les arbitres accusés de n’avoir pas fourni d’accommodement dans l’exercice de leurs fonctions de prise de décisions et de règlement des différends : voir Thomson v. Ontario Secondary School Teachers’ Federation, 2011 HRTO 116 (CanLII); Hazel v. Ainsworth Engineered, 2009 HRTO 2180 (CanLII); McWilliams v. Criminal Injuries Compensation Board, 2010 HRTO 937 (CanLII).

[192] Voir la section 13.8 sur la confidentialité pour obtenir plus de renseignements.

[193] In Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60, le tribunal a indiqué au par. 144 : « La dimension procédurale de l’obligation d’accommodement oblige les personnes responsables à explorer davantage la nature du trouble bipolaire et de formuler un pronostic mieux fondé des répercussions probables de l’état de santé en milieu de travail ».

[194] Voir Dawson c. Société canadienne des postessupra, note 36, aux par. 243-245.

[195] Voir la section 13.6.1 sur l’obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement pour savoir quand une organisation est tenue de se renseigner sur ces besoins, même si une personne n’a pas fait de demande d’accommodement.

[196] Dans l’arrête Baber v. York Region Dist. School Board (No. 3) (2011), 71 C.H.R.R. D/293, 2011 HRTO 213 (CanLII), le TDPO a conclu que même si Mme Baber avait fait une demande d’accommodement, l’employeur avait rempli son obligation en ce sens parce que Mme Baber n’avait pas collaboré au processus d’accommodement en rejetant des demandes raisonnables d’information ayant pu confirmer ses besoins. Elle a toujours refusé de fournir les renseignements médicaux pertinents. Le tribunal a également établi que l’employeur n’avait pas manqué à son obligation d’accommodement en mettant fin à son emploi.

[197] Cela peut inclure un gérant, locateur, représentant syndical ou responsable en matière de droits de
la personne.

[198] Voir la section 13.6.1 sur l’obligation de se renseigner à propos des besoins en matière d’accommodement pour savoir quand une organisation est tenue de se renseigner sur ces besoins, même si une personne n’a pas fait de demande d’accommodement.

[199] Meiorin, supra, note 67, aux par. 65-66.

[200] Conte c. Rogers Cablesystems Ltd., (1999) 36 C.H.R.R. D/403 (TCDP); Mazuelos v. Clark (2000) C.H.R.R. Doc. 00-011 (B.C.H.R.T.); Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23.

[201] Central Okanagan School Dist. No. 23 c. Renaud, [« Renaud »], [1992] 2 R.C.S. 970.

[202] Puleio v. Moneris Solutions, 2011 HRTO 659 (CanLII).

[203] La décision de la Cour suprême du Canada dans Renaudsupra, note 201, établit les obligations des syndicats. Voir aussi Bubb-Clarke v. Toronto Transit Commission, 2002 CanLII 46503 (HRTO).

[204] Eldridge c. Colombie-Britannique (Procureur général), [1997] 3 R.C.S. 624.

[205] La jurisprudence en matière de droits de la personne n’a cependant pas déterminé si cela inclurait le coût d’un traitement comme une thérapie ou de la médication.

[206] Convention relative aux droits des personnes handicapées, supra, note 27, au par. 13(1) et aux alinéas 24(2)(c) et 27(1)(i), respectivement. L’article 5 porte généralement sur l’accommodement raisonnable.

[207] Par exemple, des personnes peuvent traverser un premier épisode de trouble mental qui les empêche de réaliser qu’elles sont en situation d’incapacité. Le déni de la situation est également un aspect possible de la dépendance.

[208] La Cour suprême du Canada a reconnu le fait que la stigmatisation et l’embarras pouvaient décourager la divulgation du trouble mental : Battlefords and District Co-operative Ltd. c. Gibbssupra, note 1, au par. 31. Voir aussi : Mellon c. Développement des ressources humaines Canada, 2006, supra, note 15, au par. 100.

[209] Voir, par exemple, Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; ADGA Group Consultants Inc. v. Lane, supra, note 60; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23; Mellonidem aux par. 97-98; Willems-Wilson v. Allbright Drycleaners Ltd. (1997), 32 C.H.R.R. D/71 (B.C.H.R.T.); Zaryski v. Loftsgard (1995), 22 C.H.R.R. D/256 (Sask. Bd. Inq.).

[210] Pour obtenir plus de renseignements sur les responsabilités en matière d’accommodement des dépendances à l’alcool ou aux drogues, voir la Politique sur les tests de dépistage de la consommation de drogues et d’alcool de la CODP, supra, note 17.

[211] Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23.

[212] Voir, par exemple, Lane v. ADGA Group Consultants Inc., supra, note 60; Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010, supra, note 23; Mellon c. Développement des ressources humaines Canadasupra, note 15; Willems-Wilson v. Allbright Drycleaners Ltd.supra, note 209; Zaryski v. Loftsgardsupra, note 209.

[213] Voir Krieger, idemZaryski, idem; Bowden v. Yellow Cab Co. (No. 2) (2011), CHRR Doc. 11-0014, 2011 BCHRT 14; Trask v. Nova Scotia (Correctional Services) (No. 1) (2010), 70 C.H.R.R. D/21 (N.S. Bd. Inq.). En cas d’inconduite, la personne aux prises avec un handicap psychosocial serait tenue de démontrer une relation de cause à effet entre l’inconduite et un handicap psychosocial pour bénéficier des mesures de protection du CodeFleming v. North Bay (City), 2010 HRTO 355 (CanLII), Walton Enterprises v. Lombardi, 2013 ONSC 4218 (CanLII). Par exemple, dans l’affaire Fleming, le requérant n’a pu démontrer de lien causal entre sa dépendance à l’alcool et la conduite pour laquelle il a été suspendu et plus tard congédié (huit condamnations au criminel entre 1992 et 2007, y compris des menaces et agressions contre des femmes et un incident dans une patinoire intérieure, où il aurait lancé un bâton par-dessus la vitre).

[214] Voir Fleming et Lombardi, idem, et Wright v. College and Association of Registered Nurses of Alberta (Appeals Committee), 2012 ABCA 267.

[215] Voir Morris v. British Columbia Railway Co. (2003), 46 C.H.R.R. D/162, 2003 BCHRT 14 : selon le tribunal, si une personne a été congédiée en raison de problèmes liés à un handicap, le handicap a joué un rôle dans son congédiement. Sachant que le requérant avait une dépression, l’employeur aurait dû se demander si la dépression nuisait à son rendement et chercher à obtenir une évaluation médicale. Il n’a rien fait de tout ça. Cette décision confirme le fait qu’un employeur ne peut « fermer les yeux sur le comportement d’un employé […] Tout employeur qui compose avec un employé handicapé doit prendre en compte tous les facteurs pertinents, y compris des preuves médicales, ses propres observations et les commentaires et préoccupations de l’employé (au par. 238). »

[216] IdemYeats v. Commissionaires Great Lakes, 2010 HRTO 906, aux par. 47-48 (CanLII).

[217] Cet exemple s’inspire du programme de gestion des handicaps de la CIBC; voir Andrea Davis, DM Diagnostic (1er mars 2006), accessible en ligne à l’adresse : www.benefitscanada.com/news/dm-diagnostic-8220 (Consulté le 3 mai 2012).

[218] Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de dépendance qui utilisent des animaux d’assistance pour combler des besoins en lien avec leur handicap (comme l’anxiété) bénéficient aussi de protection aux termes de la définition de « handicap » de l’article 10 du Code. Il n’est pas nécessaire que les animaux d’assistance pour personnes ayant des troubles psychiques ou des dépendances soient entraînés par une organisation reconnue du secteur des handicaps. Cependant, s’il n’est pas évident à première vue que l’animal procure une assistance, la personne doit être en mesure de démontrer (à l’aide de preuves médicales ou d’attestions d’un fournisseur de services semblable) qu’elle a un handicap et que l’animal l’aide à combler des besoins liés à ce handicap. Les fournisseurs de services et autres personnes à qui on fournit de tels documents ne devraient pas remettre en doute cette vérification sur la base de présomptions ou d’observations personnelles. Voir Allarie v. Rouble, 2010 HRTO 61 (CanLII).

[219] Dans l’affaire Providence Care, Mental Health Services v. Ontario Public Service Employees Union, Local 431, 2011 CanLII 6863 (ON LA), l’arbitre fait la distinction entre « la nature du handicap » et le « diagnostic » de la façon suivante, au par. 33 : « Cependant, je continue d’être d’avis que "nature du handicap (ou de la blessure)" fait référence à un énoncé général de cette information en langage simple sans diagnostic, autres détails médicaux techniques ou symptômes. Le diagnostic et la nature de la maladie ne sont pas des termes synonymes. Ils se chevauchent cependant, ce qui signifie que la description de la nature de la maladie ou blessure pourrait, dans certains cas, révéler le diagnostic. »

[220] Voir Duliunas v. York-Med Systems, supra, note 169; Devoe v. Haransupra, note 35; Eagleson v. Co-operative Homes Inc. v. Théberge, 2006, supra, note 23.

[221] Voir Morris v. British Columbia Railway Co.supra, note 215; Russell v. Indeka Imports Ltd., 2012 HRTO 926 (CanLII). Mais voir aussi Oak Bay Marina Ltd. v. British Columbia (Human Rights Tribunal) (No. 2) (2002), 43 C.H.R.R. D/487, 2002 BCCA 495.

[222] Dans l’affaire Simpson v. Commissionaires (Great Lakes), 2009 HRTO 1362 (CanLII), une cause traitant de handicap physique, le TDPO a indiqué, au par. 35 :

Aux fins d’une demande d’accommodement en milieu de travail, l’attention devrait généralement être dirigée sur les limites fonctionnelles de l’employé (capacités et symptômes) et sur l’interaction de ces aspects fonctionnels avec les tâches de l’emploi et l’environnement de travail. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’informer l’employeur de la cause spécifique de l’état de l’employé ou de son diagnostic exact pour être averti du fait que l’employé à des besoins liés à un handicap qui nécessitent un accommodement.

Voir Wall v. The Lippé Group2008 HRTO 50 (CanLII), 2008 HRTO 50 (CanLII); Mellon c. Développement des ressources humaines Canada, [2006] T.D.P.C. No. 2. Voir aussi Ilevbare v. Domain Registry Groupsupra, note 186.

[223] Complex Services Inc. v Ontario Public Service Employees Union, Local 278, 2012 CanLII 8645 (ON LA) et Canadian Bank Note Company, Limited v International Union of Operating Engineers, Local 772, 2012 CanLII 41234 (ON LA). Les fournisseurs de mesures d’adaptation devraient également garder à l’esprit qu’il n’est pas toujours facile de diagnostiquer un trouble mental, que ce diagnostic peut changer au fil du temps et que les symptômes d’un trouble mental peuvent grandement varier d’une personne à l’autre. Par conséquent, il peut être plus utile d’obtenir une déclaration générale indiquant que la personne a un handicap et quels sont les besoins liés à ses limitations fonctionnelles, que de connaître son diagnostic. Voir Mellon c. Développement des ressources humaines Canadasupra, note 15, au par. 99 : « Il se peut qu’une personne souffrant d’une déficience, notamment une personne souffrant d’une déficience mentale, ne connaisse pas la nature et l’importance exacte de cette déficience au moment où elle est en proie aux symptômes. Dans de telles circonstances, nous ne pouvons pas imposer une obligation de divulgation d’un diagnostic médical concluant. » Certaines personnes pourraient afficher une série de symptômes qui ne font pas l’objet d’un diagnostic spécifique. Voir Ball v. Ontariosupra, note 154.

[224] Voir Canadian Union of Public Employees, Local 831 v. Brampton (City) [2008] O.L.A.A. No. 359 (QL).

[225] Le Tribunal canadien des droits de la personne a déterminé que le fait de demander à une personne atteinte d’autisme de se soumettre à un examen psychiatrique après avoir demandé un congé en raison de harcèlement au travail était en soi une forme de harcèlement. Selon le tribunal, « la preuve démontre que l’intimée est restée sourde aux demandes de Mme Dawson, qui ne souhaitait pas voir un médecin qu’elle ne connaissait pas et qui n’avait aucune connaissance au sujet de l’autisme, de ses représentants syndicaux, qui avaient exprimé des préoccupations et de la consternation au sujet du fait que Mme Dawson devait se soumettre à un examen médical auprès d’un médecin désigné par la Société canadienne des postes, mais de façon plus importante, de son médecin traitant, qui a déclaré qu’elle craignait sérieusement que cela provoque une [traduction] "réaction émotionnelle grave" chez Mme Dawson […] Peu importe les bonnes intentions de la Société canadienne des postes lorsqu’elle a demandé l’évaluation médicale, le Tribunal conclut que, dans les circonstances, le comportement général des employés de la Société canadienne des postes qui ont participé au processus de l’évaluation médicale constitue du harcèlement. » Voir Dawson c. Société canadienne des postes [2008] T.C.D.P. No. 41, aux par. 216 et 219.

[226] Voir, par exemple, Oak Bay Marina Ltd. v. British Columbiasupra, note 221.

[227] Voir, par exemple, la décision Crowley v. Liquor Control Board of Ontario, 2011 HRTO 1429 (CanLII), qui indique, au par. 62 : « La seule affirmation de "stress" et d’autres symptômes de la part d’un requérant n’est pas suffisante pour établir la présence d’un trouble mental au sens du Code et de ses mesures de protection. [63] Plutôt, conformément à la décision Skytrainsupra, je suis d’avis que pour satisfaire à la définition de trouble mental au sens du Code et de ses mesures de protection, lorsque l’affaire ne traite pas d’allégations de discrimination sur la base d’un handicap perçu, il doit y avoir un diagnostic de trouble mental reconnu, ou au moins un diagnostic provisoire ou une formulation de symptômes notables sur le plan clinique provenant d’un professionnel de la santé dans un rapport ou une autre source d’éléments probants spécifiques et de fonds. » De façon semblable, dans Matheson v. School District No. 53 (Okanagan Similkameen)2009 BCHRT 112 (CanLII), 2009 BCHRT 112, le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a rejeté la requête d’une employée ayant révélé à son employeur qu’elle luttait contre le « stress » au moment de demander des mesures d’adaptation. La requérante n’a pas donné suffisamment d’information pour que son employeur satisfasse à son obligation d’accommodement, et le tribunal a déterminé que son refus de dévoiler son handicap avait fait échouer sa requête.

[228] Alberta (Human Rights and Citizenship Comm.) v. Federated Co-operatives Ltd. (2005), 53 C.H.R.R. D/496, 2005 ABQB 58, Duliunas v. York-Med Systems, supra, note 169, au par. 77, et Pridham v. En-Plas Inc., 2007 HRTO 8 (CanLII).

[229] Voir Baber v. York Region District School Boardsupra, note 196, et C.U.P.E., Local 831 v. Brampton (City)supra, note 224.

[230] Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, supra, note 65.

[231] En Ontario, la Loi sur la santé et la sécurité au travail, qui constitue le chap. O.1 des L.R.O. 1990, inclut aux paragraphes 32.0.5(3) et (4) des dispositions sur le harcèlement au travail et la prévention de la violence qui précisent l’obligation des employeurs en matière d’évaluation du risque en milieu de travailLes employeurs doivent aussi prévenir les travailleurs des risques de violence associés au milieu de travail, y compris la violence qui pourrait être commise par un collègue ayant des antécédents de violence s’il se pourrait qu’un employé soit blessé. Cependant, les employeurs et les superviseurs ne doivent pas faire part de davantage de renseignements personnels en lien avec la situation qu’il est nécessaire pour réduire le risque de blessures.

[232] Voir www.priv.gc.ca/index_f.asp et www.ipc.on.ca/french/home-page/default.aspx. Les organisations sont assujetties à différentes lois sur la protection de la vie privée. Par exemple, les fournisseurs de logements privés peuvent être assujettis à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) et être autorisés à divulguer des renseignements personnels sur la santé dans certaines circonstances uniquement (voir le par. 7(3)).

[233] Exemple tiré de Bureau du commissaire à l'information et à la protection de la vie privée de l’Ontario, Feuille-info : La divulgation de renseignements est autorisée en cas d’urgence, numéro 7, juillet 2005, p. 2.

[234] Selon le paragraphe 2(1) de l’Annexe A de la Loi sur le consentement aux soins de santé, qui constitue le chap. 2 des L.O. de 1996 : « "traitement" s’entend de tout ce qui est fait dans un but thérapeutique, préventif, palliatif, diagnostique ou esthétique, ou dans un autre but relié au domaine de la santé, y compris une série de traitements, un plan de traitement ou un plan de traitement en milieu communautaire., mais n’inclut pas :

« (a) l’évaluation, pour l’application de la présente loi, de la capacité d’une personne à l’égard d’un traitement, de son admission à un établissement de soins ou d’un service d’aide personnelle, l’évaluation, pour l’application de la Loi de 1992 sur la prise de décisions au nom d’autrui, de la capacité d’une personne à gérer ses biens ou à prendre soin de sa personne, ou l’évaluation de la capacité d’une personne à tout autre égard,

(b) l’évaluation ou l’examen d’une personne pour déterminer son état général,

(c) l’obtention des antécédents en matière de santé d’une personne,

(d) la communication d’une évaluation ou d’un diagnostic,

(e) l’admission d’une personne à un hôpital ou à un autre établissement,

(f) un service d’aide personnelle,

(g) un traitement qui, dans les circonstances, présente peu ou ne présente pas de risque d’effets néfastes pour la personne,

      (h) tout ce que les règlements prescrivent comme ne constituant pas un traitement. »

[235] Dans Fleming v. Reidsupra, note 61, la Cour d’appel de l’Ontario a affirmé le droit d’une personne compétente de déterminer ce qui doit être fait à son propre corps et de vivre à l’abri des traitements médicaux non consensuels. De plus, selon la cour, si une personne perd la capacité de prendre ses propres décisions, les désirs en matière de traitement qu’elle a exprimés lorsqu’elle était compétente doivent être respectés. La cour a comparé les patients des établissements psychiatriques aux patients ayant des maladies physiques, et indiqué qu’ils avaient tous les mêmes droits de refuser les conseils ou médicaments offerts par leur médecin. L’hospitalisation forcée ne rend pas automatiquement la personne inapte, ou incapable de prendre des décisions médicales. D’indiquer le tribunal au par. 34, « les personnes ayant une maladie mentale ne doivent pas être stigmatisées en raison de la nature
de leur maladie ou handicap. Elles ne devraient pas non plus être traitées comme des personnes de moindre statut ou dignité. Leur droit à l’autonomie et à l’autodétermination n’est pas moins significatif; il commande la même protection que celui des personnes compétentes souffrant de maladies physiques. »

Toute personne est capable à l’égard d’un traitement, de son admission à un établissement de soins ou d’un service d’aide personnelle si elle est apte à comprendre les renseignements pertinents à l’égard de la prise d’une décision concernant le traitement, l’admission ou le service d’aide personnelle, selon le cas, et apte à évaluer les conséquences raisonnablement prévisibles d’une décision ou de l’absence de décision : voir la Loi sur le consentement aux soins de santé, L.O. 1996, chap. 2, Annexe A, par. 4(1).

[236] L’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés précise qu’il ne peut être porté atteinte au droit de chacun à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne qu’en conformité avec les principes
de justice fondamentale.

[237] Voir la Loi sur le consentement aux soins de santé, L.O. 1996, chap. 2, alinéas 10(1)(b) et article 20.

[238] Bobyk-Huys v. Canadian Mental Health Assn., [1994] O.J. No. 1347 (Gen Div.).

[239] Voir la section 13.4 sur le critère juridique pour obtenir plus de renseignements.

[240]Alladice v. Honda of Canada, 2010 HRTO 1453 (CanLII). Voir aussi Buttar v. Halton Regional Policesupra, note 189.

[241] Des ententes de dernière chance peuvent également être conclues dans les secteurs du logement et des services.

[242] Dans Capital Health Authority v. Alberta Union of Provincial Employees, Local 054 (K.M. Grievance), [2006] A.G.A.A. No. 40, le tribunal a affirmé : « Les ententes de dernière chance conviennent souvent pour résoudre des problèmes de dépendance en milieu de travail, lorsque la relation d’emploi s’est grandement détériorée, mais demeure réparable. Bien évidemment, les parties devraient prendre bien soin de conclure une entente reposant sur des résultats réalisables au moyen d’un programme de rétablissement réaliste [par. 49]. »

[243] IdemEdmonton (City) v. Amalgamated Transit Union, Local 569 (Ezeard Grievance), [2003] A.G.A.A. No. 71. Voir aussi Ontario (Human Rights Commission) v. Gaines Pet Foods Corp(1994) 16 O.R. (3d) 290.

[244] Dans le rapport du Juge LeSage sur l’expulsion d’Al Gosling de la Toronto Community Housing Corporation et son décès subséquent, on peut lire la recommandation suivante : « La TCHC doit mieux communiquer son mandat. Il s’agit d’un locateur et non d’un fournisseur direct de services sociaux appropriés, mais elle doit aider ses locataires à cerner, repérer et contacter des services de soutien appropriés. ». L’Honorable Patrick J. Lesage, Report on the eviction of Al Gosling and the Eviction Prevention Policy of Toronto Community Housing Corporation, mai 2010, page 84; accessible en ligne
à l’adresse : www.torontohousing.ca/webfm_send/6512/1

[245] Adapté de Open Society Foundations, Harm Reduction at Work, A Guide for Organizations Employing People Who Use Drugs, New York, Open Society Foundations, décembre 2010, p. 26-27.