Politique sur la prévention de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle

Approuvé par la CODP : Le 31 janvier 2014
Date officielle de publication : 14 avril 2014
Disponible dans des formats accessibles sur demande

Sommaire

Les personnes transgenres ou non conformistes sur le plan du sexe sont issues de tous les milieux. Pourtant, elles constituent l’un des groupes les plus défavorisés de la société. Les personnes trans font couramment l’objet de discrimination, de harcèlement ou de violence étant donné que leur identité sexuelle ou l’expression de celle-ci ne correspond pas au sexe leur ayant été assigné à la naissance.

Aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario (Code), nous avons tous le droit de vivre à l’abri de la discrimination et du harcèlement fondés sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle dans les domaines de l’emploi, du logement, des installations et services, des contrats et de l’adhésion à un syndicat ou à une association commerciale ou professionnelle.

La notion d’identité sexuelle fait référence à l’expérience intime et personnelle de son sexe, telle que vécue par chacun. Elle a trait au fait de se sentir femme, homme, les deux, aucun ou autrement, selon où l’on se positionne sur le continuum de l’identité sexuelle. L’identité sexuelle d’une personne peut correspondre ou non au sexe qui lui a été assigné à la naissance, et est fondamentalement différente de l’orientation sexuelle.

L’expression de l’identité sexuelle fait référence à la manière dont une personne exprime ouvertement son sexe. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage, son langage corporel et sa voix. De plus, l’expression de l’identité sexuelle inclut couramment le choix d’un nom et d’un pronom pour se définir.

Les termes trans et transgenre sont des génériques regroupant des personnes à identités sexuelles et expressions de l’identité sexuelle variées qui s’écartent des normes sociétales stéréotypées. Ils incluent sans s’y limiter les personnes qui se définissent comme des personnes transgenres ou transsexuelles, des femmes trans (homme à femme), des hommes trans (femme à homme), des travestis, ou des personnes non conformistes, queer ou hors norme sur le plan du sexe.

Il y a discrimination lorsqu’une personne fait l’objet d’un traitement ou d’un effet préjudiciable, intentionnel ou non, en raison de son identité sexuelle ou de l’expression de celle-ci. Qu’elle soit directe et évidente ou subtile et cachée, cette discrimination est toujours néfaste. La discrimination peut également être d’ordre systémique, comme en cas d’application de règles ou de politiques organisationnelles qui semblent neutres, mais entraînent l'exclusion des personnes trans. Les amis et membres de la famille et de l’entourage des personnes trans bénéficient aussi de protection contre la discrimination fondée sur leur association à une personne trans.

Le harcèlement est une forme de discrimination qui peut inclure des questions, des blagues, des images, des courriels, des commentaires ou d’autres formes de communications sociales déplacés, de nature sexuelle ou non, ainsi que des comportements homophobes, transphobes ou d’intimidation, des avances sexuelles, des attouchements ou d’autres paroles ou comportements non sollicités et parfois continus qui insultent, rabaissent, blessent ou menacent une personne d’une façon ou d’une autre. Les agressions et autres comportements violents constituent aussi des actes criminels. Les personnes trans et autres membres de la collectivité peuvent faire l’objet de harcèlement en raison de leur identité sexuelle ou de l’expression de leur identité sexuelle (harcèlement fondé sur le sexe), de leur sexe (harcèlement sexuel) ou d’une combinaison de ces motifs.

La discrimination et le harcèlement sont souvent le résultat de stéréotypes sociaux sexospécifiques et de préjugés et craintes à l’endroit des personnes trans. Des attitudes négatives sur l’identité raciale, l’état familial ou d’autres motifs peuvent venir s’ajouter à ces stéréotypes, craintes et préjugés, ou les recouper et aggraver la situation.  

Nous avons tous le droit de définir notre propre identité sexuelle. Les personnes trans devraient être reconnues et traitées selon leur identité sexuelle vécue, qu’elles aient ou non subi une chirurgie ou obtenu la mise à jour de leurs documents d’identification.

Les organisations devraient avoir des motifs légitimes de recueillir et d’utiliser des renseignements personnels qui identifient le sexe d’une personne, et protéger le caractère confidentiel de ces renseignements. Les personnes trans peuvent demander la modification du nom et du sexe inscrits sur leurs documents d’identification et autres. Les critères de modification de ces renseignements et le processus à suivre ne devraient pas être inconvenants ou fondés sur des renseignements médicaux.

L’accès des personnes trans aux toilettes, vestiaires et autres services et installations sexospécifiques devrait être  fonction de leur identité sexuelle vécue.

Les codes vestimentaires devraient être inclusifs et flexibles, et ne devraient pas empêcher les personnes trans et autres de porter des vêtements conformes à leur façon d’exprimer leur identité sexuelle.

Les organisations devraient adapter leurs règles, pratiques et installations pour faire en sorte qu’elles soient davantage inclusives et n’aient aucun effet préjudiciable sur les personnes trans. Toute exception doit être légitime compte tenu des circonstances et s’accompagner de mesures d’adaptation pour les personnes trans à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

L’obligation d’accommodement des besoins des personnes trans est une responsabilité commune. Toutes les parties prenantes devraient participer au processus, n’échanger que les renseignements nécessaires et explorer les options possibles tout en respectant la vie privée d’autrui.

Les personnes trans et non conformistes sur le plan du sexe ne devraient pas faire l’objet d’un traitement préjudiciable au travail ou à l’école, au moment de louer un logement, de faire des achats, de manger au restaurant, d’obtenir des soins de santé, de faire appel à des refuges, d’interagir avec les services de maintien de l’ordre et de justice, ou à tout autre moment.

Les organisations sont responsables de la discrimination et du harcèlement qui se produisent. Elles peuvent aussi être jugées responsables de ne pas avoir tenu compte des besoins d’une personne trans jusqu’au point de préjudice injustifié. Enfin, elles doivent donner suite aux plaintes, prendre des mesures pour prévenir les problèmes et fournir un environnement sûr et accueillant aux personnes trans.

Les organisations devraient se familiariser avec les besoins des personnes trans, cerner les barrières auxquelles elles se heurtent, modifier leurs politiques et procédures ou en élaborer de nouvelles, et fournir de la formation. Cela aidera à faire en sorte que les personnes non conformistes sur le plan du sexe, dont les personnes trans, sont traitées avec dignité et respect, et bénéficient des mêmes droits et libertés de vivre à l’abri de la discrimination.

 

 

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1. Introduction

Les personnes transgenres et les autres personnes qui ne se conforment pas aux stéréotypes sexospécifiques sont issues de tous les milieux. Elles proviennent de toutes les classes sociales, cultures, races et religions, occupent tous les genres d’emploi et sont de toutes les orientations sexuelles. On les retrouve partout en Ontario et dans le monde entier, où elles contribuent à la vie de leur collectivité.

Pourtant, les personnes « trans » constituent l’un des groupes les plus défavorisés de la société. Elles sont couramment victimes de préjugés, de discrimination, de harcèlement, de haine et de violence. Les personnes en phase de « transition » ou de « dévoilement » y sont particulièrement vulnérables[1]. Bon nombre d’enjeux touchent des aspects fondamentaux de la dignité humaine. Les tribunaux administratifs et judiciaires ont indiqué qu’il s’agissait d’une situation « répandue et troublante »[2].

Ces formes de marginalisation sociale des personnes trans sont le résultat de craintes et de mythes sociétaux profonds à l’égard des personnes qui ne se conforment pas aux « normes » sociales relatives aux identités d’homme et de femme. Leur effet sur la vie quotidienne, la santé et le bien-être des personnes touchées est considérable.

En 2010, l’initiative Trans PULSE[3] a mené un sondage détaillé auprès de 433 personnes trans de l’ensemble de l’Ontario. Les personnes sondées ont fait part d’obstacles et de discrimination sur le plan de l’accès à l’emploi et aux soins médicaux[4]. Bien qu’une proportion élevée de personnes trans ait effectué des études postsecondaires, cela ne se reflétait pas dans les niveaux de revenus de la communauté. La plupart des personnes trans vivaient sous le seuil de pauvreté[5]. Les taux d’emploi rapportés étaient également faibles[6]. Les deux tiers des personnes sondés disaient éviter des lieux publics que le reste de la population tient pour acquis, comme les centres commerciaux, boutiques de vêtements, restaurants et centres de conditionnement physique, par crainte de faire l’objet de harcèlement, d’être « reconnues » (perçues comme une personne trans) ou de voir leur identité trans « révélée ». Au premier rang des lieux publics évités figuraient les toilettes[7]. De tous les répondants, 77 % ont dit avoir eu des pensées suicidaires au cours de leur vie et 43 % ont rapporté avoir déjà effectué une tentative de suicide[8].

En même temps, des changements sociaux et juridiques d’envergure se sont amorcés. La société commence à reconnaître la valeur et l’importance de respecter l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle de chacun de ses membres. Les normes internationales en matière de droits de la personne, ainsi que la législation et la jurisprudence du pays confirment que le respect du droit de vivre à l’abri de la discrimination et du harcèlement fondés sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle constitue une obligation juridique.

Le Code des droits de la personne de l’Ontario (Code) est une loi provinciale qui établit les droits et obligations relatifs à la protection contre la discrimination. En 2012, trois partis représentés à l’Assemblée législative de l’Ontario ont parrainé ensemble la Loi Toby, un projet de loi visant à inclure l’« identité sexuelle » et l’« expression de l’identité sexuelle » au nombre des motifs de discrimination interdits aux termes du Code[9]. L’inclusion de ces motifs indique clairement que les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe ont droit d’être protégées contre la discrimination et le harcèlement fondés sur l’identité sexuelle ou son expression au même titre que s’il s’agissait de discrimination et de harcèlement fondés sur la race, l’âge, le handicap ou tout autre motif de discrimination interdit[10].


[1] Voir aussi la rubrique 13.2 : Transition et l’Annexe B : Glossaire de la présente politique.

[2] XY v. Ontario (Government and Consumer Services), 2012 HRTO 726, au par. 15 (CanLII). Dans cet arrêt, le TDPO a reconnu que les personnes transgenres constituent un « groupe historiquement défavorisé ». Brodeur v. Ontario (Health and Long-Term Care), 2013 HRTO 1229, au par. 41 (CanLII). Dans cet arrêt, le TDPO a indiqué que « les désavantages et préjudices à l’endroit des personnes transgenres en Ontario demeurent répandus et troublants ».

[3] L’initiative Trans PULSE est un projet de recherche communautaire créée en vue de résoudre les problèmes d’accès aux services de santé et services sociaux cernés au sein des communautés trans de l’Ontario. Le financement du projet provient du Wellesley Institute, du Réseau ontarien de traitement du VIH et des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). Pour en savoir davantage, consulter : http://transpulseproject.ca/about-us/

[4] Jake Pyne et coll. Improving the Health of Trans Communities: Findings from the Trans PULSE Project (présentation effectuée lors du Trans Health Advocacy Summit, le 24 août 2012), en ligne à l’adresse : Trans PULSE http://transpulseproject.ca/research/improving-the-health-of-trans-communities-findings-from-the-trans-pulse-project/.

[5] G. Bauer et coll. « Who are Trans People in Ontario? », Trans PULSE e-Bulletin, vol. 1, no 1, 20 juillet 2010, en ligne à l’adresse : Trans PULSE www.transpulseproject.ca.

[6] G. Bauer et coll. « We’ve Got Work to Do: Workplace Discrimination and Employment Challenges for Trans People in Ontario », Trans PULSE e-Bulletin, vol. 2, no 1, 30 mai 2011, en ligne à l’adresse : Trans PULSE www.transpulseproject.ca.

[7] A. Scheim, G. Bauer  et J. Pyne. « Avoidance of Public Spaces by Trans Ontarians: The Impact of Transphobia on Daily Life », Trans PULSE e-Bulletin, vol. 4, no 1, 16 janvier 2014, en ligne à l’adresse : Trans PULSE www.transpulseproject.ca.

[8] Pyne et coll. Supra, note 4.

[9] Voir le projet de loi 33, Loi modifiant le Code des droits de la personne en ce qui concerne l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle, 1re session, 40e législature de l’Ont. (sanctionnée  le 19 juin 2012), L.O. 2012, chap. 7, en ligne à l’adresse : Assemblée législative de l’Ontario http://www.ontla.on.ca/web/bills/bills_detail.do?locale=fr&BillID=2574&P....

[10] Le Code des droits de la personne de l’Ontario compte 17 motifs de discrimination interdits : la race, la couleur, l’ascendance, la croyance, le lieu d’origine, l’origine ethnique, la citoyenneté, le sexe (y compris la grossesse), l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle, l’âge, l’état matrimonial, l’état familial, le handicap, l’état d’assisté social (logement ) ou le casier judiciaire (emploi).

 

2. À propos de cette politique

Cette politique constitue une révision et une mise à jour complètes du document original de la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) intitulé Politique sur la discrimination et le harcèlement en raison de l’identité sexuelle, publié pour la première fois en 2000.

Conformément au Préambule du Code, cette politique a pour but :

  • de promouvoir la reconnaissance de la dignité et de la valeur inhérentes à toutes les personnes trans
  • d’assurer les mêmes droits et les mêmes chances sans discrimination ou harcèlement fondé sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle
  • de créer un climat de compréhension et de respect mutuel pour que les personnes trans sentent qu’elles appartiennent à la collectivité et peuvent y contribuer.

La politique favorise la prise de conscience et la compréhension de la situation et des droits des personnes trans. Elle peut aider les employeurs, les fournisseurs de services et de logements, les syndicats et les autres associations professionnelles à comprendre et à respecter leurs obligations aux termes du Code afin de prévenir la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle, et d’intervenir lorsqu’elle se manifeste.

Les organisations peuvent aussi se servir de la politique pour appuyer l’élaboration de leur propre matériel de formation et politiques de lutte contre la discrimination et le harcèlement.

L’analyse et bon nombre des exemples sur lesquels se fonde cette politique reposent sur des travaux de recherche, des affaires relatives à l’identité sexuelle ou son expression portées devant des tribunaux administratifs ou judiciaires, ainsi que des consultations menées par la CODP auprès de personnes trans et d’autres personnes et organisations[11].

Voir l’Annexe A pour en savoir davantage sur l’objectif des politiques de la CODP.


 
[11] Voir le document de consultation de la CODP intitulé À propos de l’identité sexuelle et de l’expression de l’identité sexuelle, en ligne à l’adresse www.CODP.on.ca/fr.

3. Identité sexuelle et expression de l’identité sexuelle

Le Code ne définit pas les motifs de l’identité sexuelle, de l’expression de l’identité sexuelle ou du sexe. Notre compréhension de ces notions et de termes connexes, et son incidence sur le Code et les politiques de la CODP, évoluent plutôt à la lumière des décisions des tribunaux administratifs et judiciaires, de la recherche menées en sciences sociales, de l’auto-identité et de l’usage que l’on fait de ces termes et notions au quotidien.

Le terme sexe fait référence à une classification anatomique des individus, assignée habituellement à la naissance, selon les catégories « femmes », « hommes » et « personnes intersexuées ».

La notion d’identité sexuelle fait référence à l’expérience intime et personnelle de son genre, telle que vécue par chacun. Elle a trait au fait de se sentir femme, homme, les deux, aucun ou autrement, selon où l’on se positionne sur le continuum de l’identité sexuelle. L’identité sexuelle d’une personne peut correspondre ou non au sexe qui lui a été assigné à la naissance.

L’expression de l’identité sexuelle fait référence à la manière dont une personne exprime ouvertement ou présente son sexe. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage, son langage corporel et sa voix. De plus, l’expression de l’identité sexuelle inclut couramment le choix d’un nom et d’un pronom pour se définir. Ces attributs déterminent comment l’identité sexuelle sera perçue par autrui.

L’identité sexuelle d’une personne n’a aucun rapport avec l’orientation sexuelle, dont elle est fondamentalement différente.

Les termes trans ou transgenre sont des génériques regroupant des personnes d’identités sexuelles et d’expressions de l’identité sexuelle diverses qui s’écartent des normes sociétales stéréotypées. Ils incluent sans s’y limiter les personnes qui se qualifient de personnes transgenres, de femmes trans (homme à femme), d’hommes trans (femme à homme), de transsexuelles, de travestis, ou de personnes non conformistes, queer ou hors norme sur le plan du sexe.

Les personnes non conformistes sur le plan du sexe ne suivent pas les stéréotypes  sexospécifiques correspondant au sexe leur ayant été assigné à la naissance. Elles peuvent ou non se définir comme des personnes trans.

Le terme « identité sexuelle vécue » fait référence à l’identité sexuelle (le long du continuum du sexe) que la personne ressent intérieurement et exprime publiquement (« expression de l’identité sexuelle ») dans sa vie quotidienne, y compris au travail ou au moment de se procurer des biens et services, dans le contexte du logement et au sein de la collectivité. Voir la rubrique 13.3.3 de cette politique : Reconnaissance de l’identité sexuelle vécue.

Pour obtenir plus d’information sur ces notions et des termes leur étant associés, consulter l’Annexe B : Glossaire.

 

4. Partis pris et préjugés

La société juge souvent les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe selon leur apparence physique parce qu’elles ne cadrent ou ne se conforment pas aux normes stéréotypées associées au fait d’être « homme » ou « femme ». Ces personnes se heurtent quotidiennement à de la stigmatisation, et aux préjugés, partis pris et craintes des gens. Si certaines personnes considèrent que les personnes trans sont des êtres inférieurs, d’autres ne savent ou ne comprennent pas ce qu’il signifie d’être une personne trans.

« La notion selon laquelle il existe uniquement deux sexes est l’un des fondements de notre mode de pensée binaire occidental. Les personnes transgenres remettent en question notre conception même du monde. Et nous leur faisons payer le prix de notre confusion sous forme de souffrance[12]. »

À l’école et au travail, sur le plan de l’obtention de biens et de services, et même en milieu de vie,  les partis pris et préjugés, ou la simple ignorance, peuvent favoriser l’isolement, la vulnérabilité, le désavantage et la discrimination. L’isolement peut s’avérer encore plus grand chez les personnes trans qui vivent dans des petites collectivités ou en milieu rural.

4.1. Stéréotypes

Bon nombre de cas de discrimination surviennent en raison d’attitudes négatives, de partis pris et de stéréotypes à l’endroit des personnes trans ou non conformistes sur le plan du sexe. Les stéréotypes sont des suppositions faites à propos de personnes en raison des qualités et caractéristiques présumées du groupe auquel ces personnes appartiennent[13]. Quand on stéréotype une autre personne, on ne s’attarde pas à la vraie personne. Les stéréotypes sont souvent des généralisations non fondées provenant d’idées fausses ou d’informations erronées ou incomplètes à propos des gens. N’importe qui peut véhiculer des stéréotypes sans même s’en apercevoir, même les personnes bien intentionnées.

La société véhicule sur les personnes trans des stéréotypes considérables qui font souvent l’objet d’aucune remise en question. Parmi ces stéréotypes figurent des idées fausses selon lesquelles les personnes trans sont « anormales », que leur identité sexuelle n’est « pas naturelle », ou qu’il s’agit de « fraudeurs » qui veulent tromper les autres et (ou) leur donner une impression fausse de qui ils sont. Aux yeux de certaines personnes, elles pourraient être plus susceptibles de participer à des activités criminelles, d’être pédophiles ou d’avoir des problèmes de santé mentale. Certains pensent que les femmes trans constituent une menace pour les autres femmes[14].

Toute personne qui commet un acte criminel, y compris des menaces, du harcèlement, ou des voies de fait, devrait faire l’objet des sanctions prévues par la loi. Cela ne devrait nuire en rien aux droits des personnes trans.

Les stéréotypes erronés et néfastes reposent sur des craintes et des attitudes mal informées, et peuvent donner lieu à de la discrimination à l’égard des personnes trans en raison de leur identité sexuelle ou de l’expression de leur identité sexuelle.

4.2 Transphobie

Le terme « transphobie » fait référence à l’aversion, à la crainte ou à la haine des personnes ou communautés trans. Il s’agit d’un préjugé qui, comme tous les autres, est fondé sur des stéréotypes utilisés pour justifier la discrimination, le harcèlement et la violence à l’endroit des personnes trans.

Selon le sondage de l’initiative Trans PULSE, basée en Ontario, beaucoup d’Ontariennes et d’Ontariens trans sont victimes de transphobie :

  • 98 % des Ontariennes et Ontariens trans ont signalé au moins une expérience de transphobie
  • près de 75 % des personnes trans ont été ridiculisées parce qu’elles étaient trans
  • plus de 25 % d’entre elles ont fait l’objet de violence physique parce qu’elles étaient trans 
  • près de 25 % ont déclaré avoir fait l’objet de harcèlement de la part de la police
  • Les femmes trans sont plus souvent victimes de transphobie que les hommes trans[15].

4.3 Cisnormativité

La « cisnormativité » (« cis » signifie « le même que ») fait référence à la supposition répandue selon laquelle nous sommes tous « cissexuels » (non trans). Autrement dit, notre identité sexuelle se conforme ou « correspond » au sexe qui nous a été assigné à la naissance, et nous acceptons tous qu’il s’agit de la « norme ».

Ce terme est utilisé pour décrire les stéréotypes, attitudes négatives et préjugés à l’égard des personnes trans qui sont davantage répandus, ou systémiques, au sein de la société et de ses institutions. Cette forme de préjugés peut même être véhiculée de façon non intentionnelle, à l’insu de la personne ou de l’organisation qui en est responsable, ce qui en fait une pratique bien enracinée et difficile à enrayer.

« Les suppositions à l’égard de la cisnormativité sont si répandues qu’elles sont même difficiles à repérer dans un premier temps… La cisnormativité rend impossible l’existence trans ou sa visibilité. Par conséquent, la présence d’une personne trans au sein de systèmes comme celui de la santé est trop souvent non anticipée; elle produit un genre d’urgence sociale étant donné que ni les employés ni les systèmes ne sont prêts à son éventualité[16]. »

Les partis pris de la société voulant qu’il n’existe qu’une expression légitime, normale ou morale de son identité sexuelle sous-tend cette forme de préjugés et la discrimination qui peut en résulter. Voir aussi la rubrique 7.6 de cette politique : Discrimination systémique.


 

[12] Barbara Findlay, tel que citée dans John Fisher et Kristie McComb. Outlaws & In-laws: Your Guide to LGBT Rights, Same-sex Relationships and Canadian Law, Ottawa, Egale Canada Human Rights Trust, 2003, p. 46.

[13] La Cour suprême du Canada a récemment affirmé que « [l]’application d’un stéréotype est une attitude qui, tout comme un préjugé, tend à désavantager autrui, mais c’est aussi une attitude qui attribue certaines caractéristiques aux membres d’un groupe, sans égard à leurs capacités réelles ». Québec (Procureur général) c. A, [2013] 1 R.C.S. 61, au par. 326.

[14] Pour obtenir de plus amples renseignements, consulter le document de travail de 1999 de la CODP intitulé Vers une politique de la Commission sur l’identité sexuelle, en ligne à l’adresse : CODP ohrc.on.ca/fr/document-de-travail-vers-une-politique-de-la-commission-sure-lidentité-sexuelle.

[15] R. Longman et coll. « Experiences of Transphobia among Trans Ontarians », Trans PULSE E-Bulletin, vol. 3, no 2, 7 mars 2013, en ligne à l’adresse : Trans PULSE www.transpulseproject.ca.

[16] Greta Bauer et coll. « "I Don’t Think This Is Theoretical; This Is Our Lives": How Erasure Impacts HealthCare for Transgender People », Journal of the Association of Nurses in AIDS Care, vol. 20, no 5, 2009, p. 348, à la page 356, en ligne à l’adresse : Trans PULSE http://webctupdates.wlu.ca/documents/39345/Trans_PULSE._How_erasure_impacts_HC_for_TG_people._JANAC_2009.pdf

 

5. Mesures émergentes de protection des droits de la personne

5.1 Ontario

En 1999, la CODP prenait position en indiquant qu’il était possible d’interpréter le motif de sexe prévu dans les lois relatives aux droits de la personne de façon à y inclure le droit des personnes transgenres de vivre à l’abri de la discrimination et du harcèlement.

En 2000, la CODP a publié sa politique révolutionnaire sur la discrimination et le harcèlement en raison de l’identité sexuelle (version originale de la présente politique). Au fil des ans, la CODP et d’autres groupes ont invoqué avec succès cette politique devant des tribunaux administratifs et judiciaires, qui reconnaissent de plus en plus les droits de la personne des personnes trans.

Pendant ce temps, la CODP a continué d’intervenir en faveur de la reconnaissance explicite de l’identité sexuelle en tant que motif de discrimination interdit protégé par le Code des droits de la personne de l’Ontario[17]. En 2012, l’Ontario a ajouté les motifs « d’identité sexuelle » et  d’« expression de l’identité sexuelle » au Code[18].

5.2 Autres compétences canadiennes

D’autres compétences canadiennes prévoient aussi des mesures de protection des personnes trans. Les lois relatives aux droits de la personne du Manitoba et des Territoires du Nord-Ouest incluent l’« identité sexuelle » aux motifs protégés. La législation relative aux droits de la personne de la Nouvelle-Écosse inclut à la fois les motifs d’« identité sexuelle » et d’« expression de l’identité sexuelle ». Quant aux compétences qui n’incluent pas spécifiquement ces motifs, le motif du « sexe » sert à protéger la collectivité contre la discrimination fondée sur l’identité sexuelle[19].

5.3 Normes internationales

À l’échelle internationale, la compréhension des garanties juridiques dont bénéficient les personnes trans a évolué ces dernières années. Élaborés par un groupe d’experts internationaux des droits de la personne, les Principes de Jogjakarta de 2007 précisent comment le droit international relatif aux droits de la personne s’applique à l’identité sexuelle et à l’orientation sexuelle dans une variété de domaines, dont la discrimination au travail et en matière de santé, l’éducation et l’accès à la justice[20].

Plusieurs déclarations d’organisations internationales de défense des droits de la personne reconnaissent le droit fondamental de la personne à l’auto-identification sur le plan du sexe, ainsi que le besoin de protéger la collectivité contre la discrimination fondée sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle[21].

En 2011, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté une résolution qui bénéficiait de l’appui de 85 pays, dont le Canada, et visait l’étude de la question des droits de la personne, de l’orientation sexuelle et de l’identité sexuelle. Entre autres, la résolution exprimait des préoccupations à l’égard d’actes de violence et de discrimination à l’endroit de personnes en raison de leur identité sexuelle. Dans un rapport publié plus tard durant la même année, le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme mettait l’accent sur l’obligation qu’ont les gouvernements de protéger les personnes contre la discrimination fondée sur l’identité sexuelle[22].


[17] Voir  le document de travail de la CODP, supra, note 14. Voir aussi la déclaration de la CODP sur le projet de loi 33 (Loi Toby de 2012 sur le droit à l'absence de discrimination et de harcèlement fondés sur l'identité sexuelle ou l'expression de l'identité sexuelle) devant le Comité permanent de la politique sociale, en ligne à l’adresse : Assemblée législative de l’Ontario www.ontla.on.ca/web/committee-proceedings/committee_transcripts_details.do?locale=en&Date=2012-06-11&ParlCommID=8963&BillID=2574&Business=&DocumentID=26452#P158_35125.

[18] Voir le projet de loi 33, supra, note 9. Avant l’ajout des motifs d’identité sexuelle et d’expression de l’identité sexuelle, on invoquait les motifs du « sexe » et du « handicap » pour traiter de la discrimination à l’endroit des personnes trans et transgenres. Le recours au motif de « handicap » pour traiter des  plaintes de discrimination à l’endroit des personnes trans a été jugé problématique en ce qu’il peut reposer sur un mode méprisant de compréhension de l’identité sexuelle, axé sur une dimension médicale.

[19] De plus, en 2013, le Parlement du Canada a adopté un projet de loi [projet de loi C-279, Loi modifiant la loi canadienne sur les droits de la personne et le Code criminel (identité de genre)] qui modifierait la Loi canadienne sur les droits de la personne pour y inclure le motif de l’« identité de genre ». Le projet de loi apporte aussi des modifications au Code criminel à des fins de reconnaissance du caractère haineux des crimes violents motivés par la transphobie. Au moment de mettre sous presse, le projet de loil C-279 était devant le Sénat et n’avait pas encore franchi l’étape du vote final afin d’obtenir force de loi. Aux termes du projet de loi, « identité de genre » désigne l’expérience intime, personnelle et profondément vécue de son sexe, que celui-ci corresponde ou non au sexe assigné à la naissance. Voir Parlement du Canada : http://www.parl.gc.ca/legisinfo/billdetails.aspx?billid=5122660&mode=1&Language=F

[20] Les principes de Jogjakarta : Principes sur l’application de la législation internationale des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre, 2007, en ligne à l’adresse : Principes de Jogjakarta http://www.yogyakartaprinciples.org/principles_fr.htm

[21] Voir Commission internationale de juristes. Sexual orientation and gender identity in human rights law, references to jurisprudence and doctrine of the United Nations human rights system – 4th edition, 2010, en ligne à l’adresse : Commission internationale de juristes www.icj.org/sexual-orientation-and-gender-identity-in-human-rights-law-references-to-jurisprudence-and-doctrine-of-the-united-nations-human-rights-system-4th-edition/#!lightbox/0/. Voir aussi Human Rights, Sexual Orientation and Gender Identity, Res.AG/RES, 2504 (XXXIX-O/09), 4e session, Organization of American States (OAS), 2009, en ligne à l’adresse : OAS https://www.oas.org/en/iachr/lgtbi/links/.

[22] Voir Droits de l’homme, orientation sexuelle et identité de genre, HRC Res. 17/19, UN HRCOR, 17e session, Doc. ONU, A/HRC/RES/17/19, 2011; Lois et pratiques discriminatoires et actes de violence dont sont victimes des personnes en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre : Rapport du Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, UN HRCOR, 19e session, Doc. ONU, A/HRC/19/41, 2011, en ligne : Nations Unies http://www.ohchr.org/FR/Pages/WelcomePage.aspx, p. 5.

 

6. Code des droits de la personne de l’Ontario

6.1 Mesures de protection

Aux termes du Code des droits de la personne de l’Ontario, les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe ont le droit de vivre à l’abri de la discrimination et du harcèlement fondés sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle dans cinq domaines sociaux[23] :

  • L’obtention de biens et de services, et l’utilisation d’installations (article 1). La catégorie « service » est très vaste et peut inclure des services qui appartiennent à des entreprises privées ou des organismes publics, ou sont administrés par de tels entreprises ou organismes, notamment dans les secteurs de l’assurance, de l’éducation, de la restauration, du maintien de l’ordre, des soins de santé et des centres commerciaux.
  • L’accès au logement (article 2). Cela inclut le logement locatif privé, le logement coopératif, le logement social, le logement subventionné et le logement avec services de soutien.
  • La conclusion de contrats (article 3). Cela inclut l’offre, l’acceptation, le prix et même le rejet d’un contrat.
  • L’emploi (article 5). Cela inclut le travail à temps plein et partiel, le bénévolat, les stages étudiants, les programmes d’emploi spéciaux, le travail avec période d’essai [24] et le travail temporaire ou à contrat.
  • L’association ou l’appartenance à un syndicat, à une association professionnelle ou autre (article 6). Cela s’applique à l’adhésion aux syndicats et à l’inscription aux professions autoréglementées, y compris aux modalités d’adhésion et autres.

Un des aspects fondamentaux du Code est sa primauté sur toutes les autres lois de l’Ontario, sauf celles qui indiquent expressément qu’elles s’appliquent malgré le Code. Donc, en cas de conflit entre le Code et une autre loi provinciale, le Code a préséance à moins que l’autre loi n’indique le contraire[25].

6.2 Établir l’existence de discrimination

Le Code ne définit pas le concept de discrimination. Nous devons plutôt notre compréhension évolutive de la discrimination aux décisions des tribunaux administratifs et judiciaires. Pour établir qu’il y a eu discrimination à première vue, une personne doit démontrer :

  1. qu’elle présente une caractéristique protégée par un ou plusieurs motifs du Code (p. ex. identité sexuelle ou expression de l’identité sexuelle)[26]
  2. qu’elle a subi un traitement ou effet négatif ou préjudiciable dans l’un des domaines sociaux prévus au Code (p. ex. accès à un service, logement ou emploi)
  3. que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation du traitement ou de l’effet préjudiciable[27].

La discrimination n’est pas toujours directe et est souvent difficile à repérer. La partie plaignante doit démontrer selon la « prépondérance des probabilités » (ou toute vraisemblance) qu’il y a eu traitement négatif ou préjudiciable. La méthode d’analyse devrait être souple et tenir compte de tous les facteurs pertinents, dont les éléments de preuve circonstanciels et l’ensemble des répercussions sur la personne ou le groupe touché. Pour démontrer l’existence de discrimination, il n’est pas nécessaire d’en prouver l’« intention », même s’il est parfois possible de le faire. Il suffit que l’identité sexuelle, que l’expression de l’identité sexuelle ou que les autres caractéristiques protégées soient un des facteurs du traitement négatif pour qu’il y ait discrimination[28].

Une fois qu’on a établi l’existence de discrimination à première vue, il revient à l’organisation ou à la personne responsable de fournir une explication crédible et non discriminatoire ou de justifier la conduite ou la pratique à l’aide d’une des défenses prévues par le Code (voir également les sections 9 et 10 de la présente politique).

6.3 Droit à l’auto-identification sur le plan du sexe

Les principes internationaux de droits de la personne indiquent clairement que chaque personne a le droit de définir sa propre identité sexuelle. L’auto-identification de son identité sexuelle est l’un des aspects les plus fondamentaux de l’autodétermination, de la dignité et de la liberté[29].

À des fins juridiques et sociales, une personne dont l’identité sexuelle ne correspond pas au sexe lui ayant été assigné à la naissance devrait faire l’objet d’un traitement basé sur son identité sexuelle vécue[30].

Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a affirmé ce qui suit : « Le fait de continuer de réserver en tout plan aux personnes transgenres un traitement basé sur le sexe assigné à leur naissance est discriminatoire parce que cela fait fi de leur identité sexuelle vécue[31] ».


 

[23] Les motifs d’« identité sexuelle » et d’« expression de l’identité sexuelle » visent bon nombre de  violations des droits de la personne qui étaient précédemment couvertes par les motifs du « sexe » et du « handicap ». Par exemple, voir Forrester v. Peel (Regional Municipality) Police Services Board et al2006 HRTO 13 (CanLII) et Hogan v. Ontario (Health and Long-Term Care), 2006 HRTO 32 (CanLII). D’autres compétences invoquent aussi les motifs du « sexe » et dans certains cas du « handicap » pour traiter de ce genre de discrimination.

[24] Voir ADGA Group Consultants Inc. c. Lane, 2008 CanLII 39605 (S.C.D.C.).

[25] L’article 47 du Code indique ce qui suit : (1) La présente loi lie la Couronne et tous ses organismes; (2) Lorsqu’une disposition d’une loi ou d’un règlement se présente comme exigeant ou autorisant une conduite qui constitue une infraction à la partie I, la présente loi s’applique et prévaut, à moins que la loi ou le règlement visé ne précise expressément qu’il s’applique malgré la présente loi. L.R.O. 1990, chap. H.19, par. 47 (2).

[26] Le Code assurerait aussi la protection des personnes qui font l’objet de discrimination ou de harcèlement fondé sur leurs rapports, association ou échanges avec une personne protégée par le Code en raison de son identité sexuelle, de l’expression de son identité sexuelle ou d’autres caractéristiques (voir la rubrique 7.3 : Association de la présente politique).

[27] R.B. v. Keewatin-Patricia District School Board, 2013 HRTO 1436, au par. 204. Ces critères d’établissement de l’existence de discrimination sont tirés de Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 C.S.C. 61.

Il est à noter que dans quelques cas, qui pour la plupart mettaient en cause des services gouvernementaux ou laissaient entendre qu’un traitement différentiel pourrait ne pas produire d’effet réellement discriminatoire, les circonstances de l’affaire ne permettaient pas de présumer ou de conclure qu’il y avait eu discrimination. Dans de tels cas, la partie plaignante peut devoir faire la démonstration du traitement ou de l’effet préjudiciable. Voir, par exemple, Ontario (Disability Support Program) v. Tranchemontagne, 2010 ONCA 593 (CanLII)Ivancicevic v. Ontario (Consumer Services), 2011 HRTO 1714 (CanLII), Klonowski v. Ontario (Community Safety and Correctional Services), 2012 HRTO 1568 (CanLII). Cependant, selon la Cour d’appel de l’Ontario et le TDPO, il est possible dans la plupart des affaires prises en application du Code de présumer l’existence d’un désavantage lorsqu’on est en présence d’un traitement préjudiciable fondé sur un motif de discrimination interdit. D’après ces tribunaux, il ne sera pas nécessaire, dans la plupart des causes relatives aux droits de la personne, de mener un processus de démonstration de la nature spécifique du désavantage. Voir Hendershott v. Ontario (Community and Social Services), 2011 HRTO 482, au par. 45 (CanLII).

[28] Gray v. A&W Food Service of Canada Ltd. (1994), CHRR, Doc 94-146 (Ont. Bd. Inq.); Dominion Management v. Velenosi, [1977] O.J. No. 1277, au par. 1 (Ont. C.A.); Smith v. Mardana Ltd. (No. 1) (2005), 52 C.H.R.R. D/89, au par. 22 (Ont. Div. Ct.); King v. CDI Career Development Institutes Ltd. (2001), 39 C.H.R.R., D/322 (Sask. Bd.Inq.).

[29] Principes de Jogjakarta, supra, note 20, Principe 3 : Le droit à la reconnaissance devant la loi.

[30] Voir Vanderputten v. Seydaco Packaging Corp., 2012 HRTO 1977, aux par. 66 et 67 (CanLII) (citant aussi XY v. Ontario (Government and Consumer Services), supra, note 2) et Sheridan v. Sanctuary Investments Ltd. (c.o.b. B.J.’s Lounge), [1999] B.C.H.R.T.D. No. 43, 3 C.H.R.R. D/467, au par. 107 : « les transsexuels qui vivent en tant que membres du sexe désiré devraient être considérés comme des membres de ce sexe aux fins de l’application des mesures législatives relatives aux droits de la personne ».

[31] Vanderputten, idem, au par. 66 (CanLII).

 

7. Formes de discrimination

7.1 Discrimination directe, indirecte et subtile

La discrimination peut prendre une variété de formes. Elle peut être directe. Elle peut survenir quand des personnes ou des organisations bloquent l’accès des personnes trans à des logements, emplois ou services, leur refusent des avantages offerts à d’autres ou leur imposent des fardeaux additionnels qu’elles n’imposent pas à d’autres, sans raison légitime.

La discrimination peut également se manifester de façon indirecte. Elle peut être exercée par l’entremise d’une tierce personne ou organisation.

Exemple : Une entreprise faisant affaire avec une agence de placement temporaire retient les services d’une personne et découvre plus tard qu’il s’agit d’une personne trans. L’entreprise avertit l’agence de ne plus lui envoyer d’employés qui sont trans ou qui n’ont pas des allures de femmes ou d’hommes « normaux ».

Toute organisation ou personne qui fixe des conditions discriminatoires et toute organisation ou personne qui exerce cette discrimination peuvent être accusées conjointement et tenues ensemble responsables de discrimination dans le cadre d’une plainte relative aux droits de la personne.

La discrimination manifeste à l’endroit des personnes trans est chose courante. Or, il existe aussi des formes de discrimination davantage cachées, subtiles ou subversives, qui sont tout aussi néfastes. Pour obtenir d’autres renseignements sur la discrimination « subtile », consulter la rubrique  3.3 de la politique de la CODP sur le racisme et la discrimination raciale.

Des remarques discriminatoires ne sont pas toujours prononcées ouvertement. Les gens n’expriment pas nécessairement leurs points de vue stéréotypés pour expliquer leur comportement. Afin d’établir l’existence de discrimination subtile, il peut s’avérer nécessaire d’examiner l’ensemble des circonstances pour voir s’il se dessine un modèle de comportement discriminatoire.

Examinés de façon isolée, des actes individuels peuvent s’avérer ambigus ou défendables. Cependant, leur mise en contexte plus vaste peut permettre de conclure  que la discrimination fondée sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle a constitué un facteur dans le traitement d’une personne. Tout écart inexplicable par rapport aux pratiques habituelles peut servir à démontrer l’existence de discrimination[32]. Les critères applicables uniquement à certaines personnes et non à d’autres peuvent également constituer une preuve de discrimination si l’on peut démontrer que des personnes et des groupes protégés aux termes du Code sont visés par un traitement différencié.

L’effet cumulatif de la discrimination manifeste et subtile a des répercussions profondes sur les personnes qui subissent cette discrimination.

7.2 Intersection des motifs

La discrimination peut s’avérer singulière ou distincte lorsqu’elle fait intervenir deux motifs du Code ou plus. On dit alors qu’elle est « intersectionnelle ». Le concept de discrimination intersectionnelle repose sur le fait qu’on attribue des dimensions multiples et interreliées à l’identité et qu’on reconnaît que la marginalisation et l’exclusion fondées sur des motifs du Code peuvent être le résultat de l’intersection de ces dimensions identitaires.

Les personnes trans sont aussi vulnérables en raison de leur association à d’autres motifs du Code, comme la race[33], l’état familial[34], le sexe (y compris la grossesse et l’allaitement) ou le handicap. Elles peuvent faire l’objet de formes de discrimination singulières lorsqu’elles tentent d’obtenir un logement, un emploi ou des services. L’intersection des dimensions identitaires engendre des stéréotypes particuliers qui accroissent considérablement le désavantage des personnes trans.

Exemple : Une locataire se définit comme une « jeune » femme « trans » « noire ». Dès qu’elle demande qu’on effectue chez elle des travaux d’entretien, elle est la cible de commentaires raciaux et de menaces d’expulsion de la part du gérant de l’immeuble. L’entreprise de gestion immobilière lance une enquête. D’autres locataires noirs de longue date ne signalent aucun problème avec le gérant. L’enquêteur conclut que la jeune femme trans noire a fait l’objet de discrimination en raison de son identité sexuelle jumelée à sa race et à son relativement jeune âge.

Il peut aussi y avoir intersection entre l’expérience de discrimination fondée sur l’identité sexuelle d’une personne et son statut socio-économique. Des études montrent que les communautés trans affichent des taux de pauvreté élevés, que l’on doit en partie à la discrimination en milieu de travail[35]. Les personnes trans à revenu faible pourraient faire face à des formes additionnelles et singulières de stigmatisation et de discrimination. La vulnérabilité financière est très pertinente lorsqu’on tente de comprendre les répercussions de la discrimination intersectionnelle sur la vie des gens.

Les organisations ont l’obligation d’assurer des environnements libres de discrimination et de harcèlement. Cela inclut le fait de tenir compte des besoins des personnes d’horizons divers, qui ont une variété de dimensions identitaires singulières.

Les organisations devraient déterminer si leur personnel a des compétences culturelles[36]. La satisfaction des besoins de différents groupes et communautés sur le plan des droits de la personne, y compris ceux des personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe, dépend de la capacité d’interagir en toute aisance avec des personnes d’identités et d’antécédents culturels variés.

Au moment d’interagir avec des personnes, les organisations devraient adopter une approche personnalisée qui reconnaît l’identité singulière de chaque personne, sans se baser sur des notions préconçues, des suppositions ou des stéréotypes.

7.3 Association

Certaines personnes font l’objet de discrimination en raison de leur association avec une personne trans ou non conformiste sur le plan du sexe[37].

Exemple : Un locataire est la cible de commentaires harcelants de la part d’un locateur parce que son nouveau colocataire est une personne trans.

Il est interdit, au sens du Code, d’exposer une personne à de la discrimination en raison de son association à une personne ou un groupe[38]. Cela peut s’appliquer aux amis, aux membres de la famille[39] ou à d’autres personnes, dont les personnes qui interviennent au nom des personnes trans.

7.4 Harcèlement fondé sur le sexe et harcèlement sexuel

Le Code interdit le harcèlement fondé sur une variété de motifs, y compris l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle (harcèlement fondé sur le sexe), ainsi que le sexe (harcèlement sexuel). Les personnes trans, les autres personnes non conformistes sur le plan du sexe et les personnes non trans (cissexuelles) peuvent toutes être la cible de harcèlement pour l’un ou l’autre, ou une combinaison de ces motifs.

Le Code donne au harcèlement la définition suivante : « Fait pour une personne de faire des remarques ou des gestes vexatoires[40] lorsqu’elle sait ou devrait raisonnablement savoir que ces remarques ou ces gestes sont importuns ». Il y a harcèlement si la personne qui adopte le comportement sait ou aurait dû savoir qu’il était importun. Si la victime exprime son refus du comportement, l’auteur du harcèlement « sait » qu’il s’agit d’un comportement importun. Si l’auteur du harcèlement ne le sait pas (ou si ce n’était pas son intention d’exercer du harcèlement), mais qu’une personne « raisonnable » aurait su qu’il s’agissait d’un comportement importun, il s’agit également de harcèlement[41]. La notion de « raisonnable » inclut le point de vue des personnes trans ou non conformistes sur le plan du sexe.

La victime n’a pas besoin de formuler d’objection explicite ou directe au harcèlement[42]. Elle pourrait être vulnérable et garder le silence en raison de menaces ou de craintes, ou parce que l’auteur du harcèlement exerce sur elle une autorité ou un pouvoir, comme un gestionnaire ou un locateur. Elle pourrait aussi simplement s’isoler ou se retirer.

Beaucoup de personnes trans sont vulnérables au harcèlement en raison de leur identité sexuelle et de l’expression de leur identité sexuelle[43]. Les personnes trans sont également la cible de harcèlement de nature sexuelle (harcèlement sexuel) qui peut avoir pour motif leur identité sexuelle, l’expression de leur identité sexuelle, leur sexe ou une combinaison des trois.

Le harcèlement fondé sur le sexe peut inclure :

  • des remarques dérogatoires à l’égard des personnes ou des communautés trans
  • des insultes, des remarques qui humilient ou rabaissent les gens, ou les tournent au ridicule en raison de leur identité sexuelle et de l’expression de leur identité sexuelle[44]
  • toute conduite qui « impose et renforce les normes hétérosexuelles sexospécifiques traditionnelles » [45]
  • le refus d’utiliser le nom et le pronom personnel approprié qu’utilise une personne pour s’auto-identifier
  • des commentaires ou comportements qui résultent de la perception selon laquelle une personne ne se conforme pas aux stéréotypes sexospécifiques
  • des blagues portant sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle d’une personne, y compris les blagues écrites qui circulent par courriel ou dans les médias sociaux[46]
  • la propagation de rumeurs sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle d’une personne, y compris par Internet[47]
  • la révélation ou la menace de révélation de l’identité trans d’une personne
  • des remarques ou questions indiscrètes, ou des insultes à l’égard du corps, des caractéristiques physiques, des interventions médicales relatives au sexe, des vêtements ou des manières d’une personne, ou de toute autre forme d’expression de l’identité sexuelle de la personne 
  • d’autres types de menaces, des attouchements non sollicités, de la violence et des agressions physiques.

Le harcèlement sexuel inclut :

  • des questions ou remarques importunes ou déplaisantes sur la sexualité d’une personne trans, les caractéristiques de cette sexualité, ainsi que les relations amoureuses, les rapports sexuels ou l’orientation sexuelle de la personne
  • des blagues qui réduisent les personnes trans or non conformistes sur le plan du sexe à l’état d’objet sexuel, y compris les blagues qui circulent par courriel ou dans les médias sociaux[48]
  • l’affichage ou la circulation de matériel pornographique[49], d’images ou de dessins à caractère sexuel[50], de graffitis sexuellement explicites[51], ou d’autres images à caractère sexuel représentant des personnes trans, y compris sur Internet
  • des regards concupiscents ou déplacés[52]
  • des menaces, attouchements non sollicités, de la violence et des agressions sexuelles.

Le harcèlement à l’endroit des personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe peut inclure une combinaison de comportements sexuels et fondés sur le sexe. Le harcèlement sert souvent à s’assurer que les personnes respectent les stéréotypes sexospécifiques traditionnels. Il s’agit aussi d’une méthode d’intimidation dont le but est de ridiculiser et d’ostraciser certaines personnes, et d’exercer sur elles du pouvoir en raison de leur façon de se vêtir, de se conduire ou d’exprimer leur identité sexuelle[53].

Les personnes trans sont particulièrement vulnérables au harcèlement fondé sur le sexe et au harcèlement sexuel au moment d’effectuer ouvertement leur transition à leur identité sexuelle ressentie ou lorsque les autres prennent connaissance de leur identité trans.

Exemple : Un travailleur d’usine cesse de se définir et de se présenter comme un homme et se met à se définir et à se présenter comme une femme. Pendant plusieurs années durant et après sa transition, elle dit avoir été exposée à des propos de nature sexuelle et de la pornographie. Ses collègues de travail lui touchaient et prenaient les seins, les fesses et les organes génitaux, l’appelaient « lui-elle » et la traitaient de noms divers[54].

Les personnes trans ne sont pas les seules victimes de harcèlement fondé sur l’expression de l’identité sexuelle.

Exemple : Dans un cabinet comptable dominé par des hommes, on prive une femme franche et très compétente du statut d’associée et lui dit de « marcher d’une façon plus féminine, de parler d’une manière plus féminine, de porter des vêtements plus féminins, de se maquiller, de se faire coiffer et de porter des bijoux[55] ».

Le harcèlement peut constituer une manière hostile de faire en sorte qu’une personne ne se sente pas la bienvenue dans son environnement en raison de la façon dont elle exprime son identité sexuelle. Il peut aussi prendre la forme d’intimidation homophobe lorsque les autres perçoivent l’expression de l’identité sexuelle de la personne comme une expression de son orientation sexuelle.

Exemple : Une élève du secondaire qui n’est pas trans porte ses cheveux courts et des vêtements masculins. Elle est très athlétique. Des jeunes de son école et des membres d’équipes sportives d’autres écoles la traitent continuellement de « butch » ou de « gars », ou l’appellent « lui ».

Du harcèlement peut également survenir entre des personnes de même sexe ou de même identité sexuelle. Le harcèlement fondé sur le sexe qui s’exerce entre hommes, par exemple[56], vise les hommes qui ont une apparence plus féminine ou homosexuelle, ou qui manquent de « masculinité » selon les stéréotypes sexospécifiques[57]. Le harcèlement inclut souvent des insultes et railleries homophobes, peu importe l’orientation sexuelle, l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle de l’auteur du harcèlement ou de sa victime[58].

En plus de prévoir des mesures explicites de protection contre le harcèlement en matière de logement et d’emploi, le Code interdit le harcèlement en matière de services et dans d’autres domaines sociaux[59].

Les organisations ont l’obligation d’assurer un environnement libre de harcèlement fondé sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle, que des personnes y fassent ou non objection[60].

Pour en savoir davantage, consulter la Politique sur la prévention du harcèlement sexuel et du harcèlement fondé sur le sexe de la CODP[61]. Consulter également la section 12 : Responsabilité organisationnelle de la présente politique.

7.5 Milieu empoisonné

Le harcèlement englobe généralement une série d’incidents. Dans certains cas cependant, un seul incident peut être assez grave pour créer un milieu empoisonné[62].

Le maintien d’un milieu empoisonné est une forme de discrimination. Des tribunaux ont jugé que l’atmosphère qui règne dans un milieu de travail constitue une condition d’emploi au même titre que les heures de travail ou le taux de rémunération. Les « conditions d’emploi » comprennent les circonstances émotionnelles et psychologiques du lieu de travail[63]. On peut aussi se heurter à un milieu empoisonné dans les domaines du logement et des services.

La présence continue ou répandue de remarques et de conduites importunes au sein d’une organisation peut empoisonner un milieu et créer une atmosphère hostile ou angoissante pour un membre ou plus d’un groupe protégé aux termes du Code.

Bien que l’exposition à du harcèlement puisse constituer un facteur, on détermine la présence d’un milieu empoisonné non pas en fonction du seul nombre d’occurrences de gestes ou remarques, mais également en fonction de la nature de ces gestes ou remarques, et de leur effet sur une personne ou un groupe[64].

Le comportement en cause ne doit pas nécessairement viser une personne en particulier pour qu’il se crée un environnement empoisonné. Une personne peut en subir les effets même si elle n’appartient pas au groupe visé. Le fait de faire fi de l’existence de discrimination ou de harcèlement peut en soi causer un milieu empoisonné[65].

Les milieux empoisonnés ont pour conséquence d’imposer à certains individus et groupes, comme les personnes trans, des conditions d’emploi, de location, d’éducation et d’obtention de services néfastes, auxquelles les autres ne sont pas assujettis. Les milieux empoisonnés peuvent aussi pousser certaines personnes à retarder leur transition et avoir un effet néfaste sur les personnes non conformistes sur le plan du sexe, leurs amis et les membres de leur famille.

Toute personne, quel que soit son statut ou sa position d’autorité, peut formuler des remarques ou poser des gestes qui créent un milieu empoisonné. Il peut s’agir d’un collègue de travail, d’un superviseur, d’un colocataire, d’un fournisseur de logements, d’un membre d’un conseil d’administration, d’un compagnon de classe, d’un enseignant, d’un entrepreneur, d’un client ou autre. La personne responsable a l’obligation d’intervenir, quel que soit l’auteur des remarques ou des gestes en cause.

Exemple : Une femme trans a été exposée à du harcèlement verbal et forcée d’utiliser les vestiaires pour hommes, ce qui a empoisonné son milieu de travail. L’entreprise a contribué à l’atmosphère empoisonné en insistant qu’on la traite en tout point comme un homme jusqu’à ce qu’elle ait effectué une inversion chirurgicale complète et en omettant d’investiguer ses allégations de harcèlement et d’y donner suite[66].

Les organisations ont l’obligation d’assurer un milieu libre de discrimination, de garder l’œil sur les milieux empoisonnés qui se forment et de prendre des mesures pour intervenir et les éliminer[67]. C’est le cas même si personne ne formule d’objection au milieu empoisonné et si la majorité des gens y prennent part[68]. Les gestionnaires qui savent ou devraient savoir que l'atmosphère est empoisonné mais ne font rien pour régler la situation se rendent coupables de discrimination même s’ils n'y contribuent pas directement (consulter également la section 12 : Responsabilité organisationnelle de la présente politique)[69].

7.6 Discrimination systémique

La discrimination ne s’exerce pas uniquement entre des personnes. Elle peut être plus complexe et systémique, et enchâssée dans des modèles de comportement, des politiques et des pratiques qui font partie de la structure administrative ou la culture officieuse d’une organisation, d’une institution ou d’un secteur. Elle peut être ni vue ni connue des personnes qu’elle ne vise pas. Dans certaines situations, le désavantage historique qu’a connu un groupe constitue un facteur déterminant ou contributif de la discrimination systémique à laquelle il se heurte.

Ces facteurs peuvent sembler neutres en surface mais avoir un effet négatif ou préjudiciable. Ils peuvent créer ou maintenir un désavantage, et limiter les droits et possibilités des personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe[70].

Exemple : Une nouvelle ligue de hockey récréative est répartie en équipes masculines et féminines. Un homme trans qui est membre d’une autre ligue pour femmes veut se joindre à une équipe masculine. Selon la façon dont la ligue interprète les règlements, la personne doit se joindre à l’équipe qui correspond au sexe assigné à la naissance.

La discrimination systémique peut inclure des éléments de discrimination manifeste et de discrimination par suite d’un effet préjudiciable, qui se chevauchent et aggravent la situation[71].

Exemple (suite) : Le nouveau conseil d’administration de la ligue rejette la demande de l’homme trans, conformément à son interprétation des règles. Il prétend aussi que cela causerait des problèmes sur le plan des vestiaires. Le président du conseil ne respecte pas le caractère confidentiel de la situation et conseille à d’autres ligues de la région d’empêcher les personnes trans de se joindre à la « mauvaise » équipe.

Les organismes et institutions ont l’obligation positive de veiller à ne pas exercer de discrimination systémique. Elles devraient prévenir les obstacles en élaborant dès le départ des politiques inclusives. Elles devraient aussi revoir à intervalles réguliers leurs systèmes et culture organisationnelle, et éliminer les obstacles qui existent.

Les organisations doivent également intervenir quand surviennent de nouveaux problèmes. Dans la mesure du possible, cela signifie de modifier leurs politiques et pratiques pour assurer l’inclusion et la prise en compte des besoins[72] de davantage de personnes plutôt que de simplement prévoir des exceptions pour les personnes qui ne « cadrent » pas avec le système actuel[73].

Exemple (suite) : La ligue de hockey récréative compte encore des équipes féminines et masculines séparées, mais des changements apportés à sa politique font en sorte que les joueurs peuvent maintenant se joindre à l’équipe qui correspond à leur identité sexuelle vécue.


 

[32] Voir Johnson v. Halifax Regional Police Service (2003), 48 C.H.R.R. D/307 (N.S. Bd.Inq.), au par. 57, pour obtenir un exemple d’écart par rapport aux pratiques habituelles utilisé à l’appui d’un jugement de discrimination raciale. 

[33] Jaime M. Grant et coll. Injustice at Every Turn: A report of the national transgender discrimination survey, Washington, National Center for Transgender Equality and National Gay and Lesbian Task Force, 2011, en ligne à l’adresse : www.thetaskforce.org/downloads/reports/reports/ntds_full.pdf.

[34] « [L]idée qu’un parent trans causera du tort à son enfant perdure dans les décisions prises en matière de garde d’enfants, les politiques et pratiques de planification familiale et l’opinion publique, et est ressentie comme de la discrimination par les parents trans […] ». Jake Pyne. Transforming Family: Trans Parents and their Struggles, Strategies and Strengths, 2012, en ligne à l’adresse : LGBT Parenting Connection www.lgbtqparentingconnection.ca/resources.cfm?mode=3&resourceID=444bca3c-ba19-213b-d94e-e941220871c1&subjectID=59, p. 8.

[35] Voir Bauer et coll., supra, note 6.

[36] On peut définir la « compétence culturelle » de la façon suivante : « La capacité d’interagir efficacement avec des personnes de cultures ou de milieux socio-économiques différents, en particulier dans le contexte des ressources humaines, des organismes sans but lucratif et des organismes gouvernementaux dont les employés travaillent avec des personnes d’origines culturelles ou ethniques variées. La compétence culturelle comprend quatre éléments : (a) prise de conscience de sa propre vision culturelle du monde; (b) attitude face aux différences culturelles; (c) connaissance de différentes pratiques culturelles et visions culturelles du monde; (d) compétences interculturelles. L’acquisition d’une compétence culturelle donne la capacité de comprendre les personnes de toutes les cultures, ainsi que de communiquer et d’interagir efficacement avec elles. Voir Cultural competence dans Wikipedia http://en.wikipedia.org/wiki/Cultural_competence (consulté le 17 janvier 2014).

[37] L’article 12 du Code indique ce qui suit : Constitue une atteinte à un droit reconnu dans la partie I le fait d’exercer une discrimination fondée sur des rapports, une association ou des activités avec une personne ou un groupe de personnes identifiées par un motif illicite de discrimination.

[38] Voir l’article 12 du Codeidem.

[39] Voir par exemple Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, 2011 HRTO 1032 (CanLII) (discrimination fondée sur l’association à une personne ayant déposée une requête pour discrimination fondée sur le handicap); Giguere v. Popeye Restaurant, 2008 HRTO 2 (CanLII) (licenciement d’une employée en raison de l’état de séropositivité à VIH de son mari); Barclay v. Royal Canadian Legion, Branch 12, 31 C.H.R.R. D/486 (Ont. Bd. Inq.) (sanction d’un membre parce qu’elle s’opposait à la formulation de commentaires racistes à l’endroit des personnes noires et autochtones); Jahn v. Johnstone (September 16, 1977), No. 82, Eberts (Ont. Bd. of Inquiry) (expulsion d’un locataire en raison de la race de personnes invitées à dîner chez lui).

[40] Dans l’affaire Murchie v. JB’s Mongolian Grill2006 HRTO 33 (CanLII), le TDPO a conclu qu’un incident grave pouvait à lui seul constituer du harcèlement. Cependant, on considère plus souvent qu’autrement les incidents isolés comme une forme de discrimination (voir la section sur les milieux empoisonnés). Voir par exemple Romano v. 1577118 Ontario Inc., 2008 HRTO 9 (CanLII) et Haykin v. Roth, 2009 HRTO 2017 (CanLII).

[41] Voir Reed v. Cattolica Investments Ltd. and Salvatore Ragusa, [1996] O.H.R.B.I.D. No. 7. Voir aussi Gregory v. Parkbridge Lifestyle Communities Inc. 2011 HRTO 1535, au par. 87, citant Ghosh v. Domglas Inc. (No. 2) (1992), 17 C.H.R.R. D/216 (Ont. Bd. Inq.), aux par. 43 à 48, et Dhanjal v. Air Canada, 1996 CanLII 2385, au p. 50 (CHRT).

[42] Dans Harriott v. National Money Mart Co., 2010 HRTO 353, au par. 104, le TDPO a jugé que les remarques et la conduite sexualisées et non appropriées continues de l’intimé étaient malvenues au lieu de travail. Citant la jurisprudence, le TDPO a aussi confirmé qu’une personne n’était pas tenue de formuler des objections à une situation de harcèlement ou de protester pour qu’on puisse conclure à de la discrimination; idem, au par. 108.

[43] Voir les par. 165 à 166 de XY, supra, note 2, dans lequel le TDPO indique que les personnes trans, en tant que groupe, ont tendance à afficher des taux très élevés de harcèlement verbal et d’agression physique, et sont parfois victimes d’homicide en raison de leur identité transgenre. Le TDPO a aussi tenu compte d’une variété d’énoncés figurant dans le document de 2000 de la CODP intitulé Politique sur la discrimination et le harcèlement en raison de l’identité sexuelle, qui décrivent le préjudice, le harcèlement et la violence auxquels font face les personnes trans. Voir aussi le document de travail de 1999 de la CODP, supra, note 14, et Scheim et coll. supra, note 7.

[44] Vanderputten, supra, note 30.

[45] Elizabeth J. Meyer. « Gendered Harassment in Secondary Schools: Understanding Teachers’ (Non) Interventions », Gender and Education, vol. 20, no 6, 2008, p. 555, en ligne à l’adresse : www.psychologytoday.com/files/attachments/31038/meyer2008gendered-harass....

[46] Voir, par exemple, Perez-Moreno v. Kulczycki, 2013 HRTO 1074 (CanLII), qui traite de l’affichage de commentaires discriminatoires sur Facebook. Voir aussi Vanderputten, supra, note 30, traitant d’une personne trans qui a fait l’objet de harcèlement sous forme de commentaires affichés sur un babillard.

[47] Perez-Morenoidem.

[48] Idem.

[49] Baylis-Flannery v. DeWilde2003 HRTO 28 (CanLII); Waroway v. Joan & Brian’s Upholstering & Interior Decorating Ltd. (1992), 16 C.H.R.R. D/311 (Ont. Bd. Inq.); voir aussi Abdolalipour v. Allied Chemical Canada Ltd. (1996), [1996] O.H.R.B.I.D. No. 31 (Ont. Bd. Inq.)deSousa v. Gauthier (2002), 43 C.H.R.R. D/128 (Ont. Bd. Inq.).

[50] deSousa v. Gauthier (2002), 43 C.H.R.R.D/128 (Ont. Bd. Inq.).                                                        

[51] Fleet Industries v. International Assn. of Machinists and Aerospace Workers, Local 171 (H. Grievance), [1997] O.L.A.A. No. 791.

[52] Harriott v. National Money Mart Co., 2010 HRTO 353 (CanLII) et Garofalo v. Cavalier Hair Stylists Shop Inc., 2013 HRTO 170 (CanLII). Selon les circonstances, on doit se demander s’il n’y aurait pas d’autres explications valables pour les regards « non appropriés ». Par exemple, une personne ayant une déficience visuelle ou un autre handicap pourrait ne pas avoir conscience qu’elle fixe quelqu’un du regard.

[53] Pour se renseigner davantage sur le harcèlement fondé sur le sexe et le harcèlement homophobe en milieu scolaire, voir Meyer, supra, note 45.

[54] Leslie Fulbright. « Transsexual says ex-employer ignored harassment », San Francisco Chronicle, 25 février 2009, en ligne à l’adresse : SFGate www.sfgate.com/bayarea/article/Transsexual-says-ex-employer-ignored-harassment-3250009.php.

[55] Price Waterhouse v. Hopkins, 109 S. Ct. 1775 (1989), tel qu’aborder dans Jennifer L. Berdahl, « The Sexual Harassment of Uppity Women », Journal of Applied Psychology, vol. 92, no 2, 2007, p. 425, à la p. 426. Voir aussi Farris v. Staubach Ontario Inc., 2011 HRTO 979 (CanLII).

[56] Il existe aussi des cas de harcèlement entre femmes. Voir Janine Benedet, « Same-Sex Sexual Harassment in Employment », 26 Queen’s L. J. 101, 2000.

[57] Tel qu'on l'aborde dans Margaret S. Stockdale, « The Sexual Harassment of Men: Articulating the Approach-Rejection Theory of Sexual Harassment », dans James E. Gruber et Phoebe Morgan (éd.) In the Company of Men: Male Dominance and Sexual Harassment, Boston, Northeastern University Press, 2005, p. 215, à la p. 237.

[58] Selinger v. McFarland, 2008 HRTO 49, au par. 23 (CanLII) : « Bien qu’on ait plaidé l’affaire sur la base du motif de l’orientation sexuelle « perçue », il n’était pas nécessaire, selon moi, de se fier sur la notion de perception dans le présent cas. Dans Jubran, le tribunal a conclu à la majorité que ni l’orientation sexuelle de la partie plaignante ou la perception des auteurs allégués du harcèlement n’étaient pertinents pour la détermination de l’existence de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle. Les remarques et comportements découlant de stéréotypes dégradants des personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles et transgenres sont visées par le motif interdit de l’orientation sexuelle, peu importe l’identité sexuelle de la partie plaignante ou de la perception de l’intimé. » Voir auss Smith v. Menzies Chrysler Inc. 2009 HRTO 1936 (CanLII); (demande de réexamen refusée dans 2009 HRTO 2270 (CanLII)).

[59] Voir Haykin v. Rothsupra, note 40, qui confirme que le Code interdit le harcèlement en matière de services.

[60] Dans le cas de l’emploi, l’article 32.0.1 de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, L.R.O. 1990, chap. O.1, exige que tout employeur ayant plus de cinq employés formule des politiques sur le harcèlement et la violence au travail, et les examine une fois par année. Dans Berger v. Toronto (City)2011 HRTO 625, la CODP a aussi confirmé que les organisations ont l’obligation de prévoir l’accommodement des troubles mentaux qui surviennent en raison de harcèlement ou de conflits au travail, dans la mesure où ces troubles sont diagnostiqués par un médecin et qu’il existe des preuves médicales à l’appui de la nécessité de fournir des mesures d’adaptation. L’obligation existe qu’on ait pu ou non établir l’existence de harcèlement. 

[61] Voir la Politique sur la prévention du harcèlement sexuel et du harcèlement fondé sur le sexe de la CODP, en ligne à l’adresse : CODP www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-la-pr%C3%A9vention-du-harc%C3%A8lement-sexuel-et-du-harc%C3%A8lement-fond%C3%A9-sur-le-sexe-0

[62] Dans Dhanjal v. Air Canada (1996), 28 C.H.R.R. D/367 (C.H.R.T.), le tribunal a fait remarquer que plus la conduite est grave, moins elle a besoin d’être répétée. Inversement, le tribunal a soutenu que moins la conduite est grave, plus il faut montrer sa persistance. Voir aussi General Motors of Canada Limited v. Johnson, 2013 ONCA 502 (CanLII).

[63] Smith v. Menzies Chrysler Inc., supra, note 58; Dhillon v. F.W. Woolworth Co. (1982), 3 C.H.R.R. D/743, au par. 6691 (Ont. Bd. Inq.); Naraine v. Ford Motor Co. of Canada (No. 4) (1996), 27 C.H.R.R. D/230, aux par. 50 (Ont. Bd. Inq.).

[64] Voir Moffatt v. Knark Child and Family Services (1998) 35 C.H.R.R. D/205 (Ont. Bd. Inq.)Kharoud v. Valle-Reyes (2000 upra, note 30; McKinnon v. Ontario (Ministry of Correctional Services), [1998] O.H.R.B.I.D. No. 10) BCHRT 40Dhanjal, supra, note 62.

[65] Vanderputten, supra, note 30; McKinnon v. Ontario (Ministry of Correctional Services), [1998] O.H.R.B.I.D. No. 10.

[66] Vanderputten, supra, note 30.

[67] Voir par exemple Vanderputten, supra, note 30.

[68] Voir Smith v. Mardana Ltd. (No. 1), supra, note 28, et Naraine v. Ford Motor Company, supra, note 63.

[69] Ghosh v. Domglass Inc. (1992), 17 C.H.R.R. D/216, au par. 76 (Ont. Bd. Inq.).

[70] Dans Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 C.S.C. 61, la Cour suprême du Canada a réaffirmé la définition de discrimination systémique qu’elle avait établie en 1987 dans son arrêt charnière CN. c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [1987] 1 R.C.S. 1114, aux par. 1138 à 1139, c’est-à-dire « des pratiques ou des attitudes qui, de par leur conception ou par voie de conséquence, gênent l’accès des particuliers ou des groupes à des possibilités d’emplois, en raison de caractéristiques qui leur sont prêtées à tort ». La CODP emploie « discrimination systémique » pour parler d’institutions individuelles ou de systèmes institutionnels auxquels s’applique le Code (p. ex. le système d’éducation).

[71] Pivot Legal Society v. Downtown Vancouver Business Improvement Assn. (No. 6) (2012), CHRR Doc. 12-0023, 2012 BCHRT 23, par. 581 : « En résumé, j’en conclus que la discrimination systémique, comme la discrimination individuelle, peut avoir des composantes de discrimination directe et de discrimination par suite d’un effet préjudiciable. »

[72] Pour plus de renseignements sur l’obligation d’accommodement, voir les sections 8, 9 et 10 de cette politique.

[73] La Cour suprême du Canada a été explicite : les divers systèmes doivent être conçus de façon inclusive à l’égard de toute personne, et refléter les différences entre les individus. Les normes doivent permettre de tenir compte de la situation de chacun, lorsqu’il est raisonnablement possible de le faire. Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU [Meiorin].

 

8. Obligation d’accommodement

Aux termes du Code, les employeurs, syndicats et fournisseurs de logements et de services sont légalement tenus de tenir compte des besoins des personnes sur la base de leur identité sexuelle ou de l’expression de leur identité sexuelle, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié. L’accommodement des besoins a pour but d’aider tout le monde à bénéficier des mêmes possibilités et avantages, et du même accès. Le manque d’accommodement peut entraîner un verdict de discrimination aux termes du Code.

Les exigences en matière d’emploi, de logement, de services et d’installations, et les exigences connexes, devraient être élaborées de façon inclusive dès le départ pour minimiser les mesures d’adaptation individuelles requises. Ces exigences doivent faire l’objet d’adaptation lorsque l’accommodement des besoins en matière d’identité sexuelle et d’expression de l’identité sexuelle devient nécessaire. On devrait toujours effectuer l’accommodement des besoins d’une manière qui favorise le plus possible l’intégration et la pleine participation de la personne. La plupart des mesures d’adaptation ne sont pas difficiles à mettre en place et ne devraient pas imposer de fardeau important aux personnes responsables.

De nombreuses personnes trans ne nécessitent aucune mesure d’adaptation. Cela dépend de la situation et des besoins de la personne.

8.1 Obligation procédurale et de fond

L’obligation d’accommodement a deux composantes, soit une composante procédurale (la procédure) et une composante de fond (la mesure d’adaptation fournie). Ces deux composantes sont aussi importantes l’une que l’autre[74].

L’obligation procédurale fait référence aux éléments à considérer, évaluations et mesures prises pour tenir compte du besoin en matière d’accommodement[75]. Les tribunaux judiciaires ont indiqué ce qui suit : « Le fait de ne pas envisager ou prendre en compte la question de l’accommodement, y compris les mesures pouvant être prises, le cas échéant, constitue un manquement à l’obligation « procédurale » d’accommodement[76].

L’obligation de fond fait référence au caractère approprié ou raisonnable de la mesure d’adaptation retenue, ainsi qu’aux raisons de ne pas fournir de mesure d’adaptation, y compris les preuves de préjudice injustifié[77].

8.2 Principes

L’obligation d’accommodement repose sur plusieurs principes, dont le respect de la dignité, l’unicité, l’intégration et la pleine participation.

8.2.1 Respect de la dignité

La dignité humaine s’articule autour de nombreux facteurs, dont le respect des personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe, de leur valeur personnelle, de leur intégrité physique et psychologique, et de leur autonomisation. Elle fait aussi intervenir le respect de la vie privée, la confidentialité, le confort, l’autonomie, l’individualité et l’estime de soi.

La dignité inclut la manière dont les mesures d’adaptation sont fournies et la participation de la personne au processus. Les organisations responsables de la prestation de mesures d’adaptation devraient songer aux types de mesures d’adaptation dont les gens pourraient avoir besoin en milieu de travail ou de vie, ou au moment d’obtenir un service.

8.2.2 Accommodement personnalisé

Il n’existe pas de formule toute faite pouvant s’appliquer aux personnes qui pourraient nécessiter des mesures d’adaptation en raison de leur identité sexuelle ou de l’expression de leur identité sexuelle. Chaque personne a des besoins uniques qui doivent être pris en compte lorsque des mesures d’adaptation sont demandées. Si certaines mesures d’adaptation ne satisfont que les besoins d’une personne, les fournisseurs de logements trouveront qu’un bon nombre des changements qu’ils apportent bénéficieront à d’autres également.

8.2.3 Intégration et pleine participation

Les emplois, logements, services et installations devraient être conçus, et pourraient devoir être adaptés, de façon à tenir compte des besoins des personnes trans de la manière qui favorisera le plus leur intégration et pleine participation[78]. La ségrégation est moins digne et est inacceptable, à moins qu’on puisse démontrer qu’il s’agit du meilleur moyen d’atteindre l’égalité dans les circonstances[79].

8.2.4 Conception inclusive

Pour favoriser l’intégration et la pleine participation, il faut assurer une conception sans obstacle et inclusive dès le départ et éliminer les obstacles qui existent. Une conception inclusive bien pensée réduira la nécessité de demander des mesures d’adaptation individuelles. Selon la Cour suprême du Canada, les normes en place devraient tenir compte de tous les membres de la société, dans la mesure où il est raisonnablement possible de le faire[80].

Au moment de mettre en place ou de modifier des politiques, programmes, procédures, normes, exigences et installations, les organisations devraient assurer une conception inclusive qui tient compte des besoins des personnes trans et veiller à ne pas créer de nouveaux obstacles.

Exemple : Les organisations devraient faire en sorte que leurs formulaires ne contiennent pas de questions relatives au sexe de la personne à moins de pouvoir démontrer que cela est important aux fins de la prestation du service.

8.2.5 Mesures d’adaptation appropriées

Là où des obstacles demeurent parce que leur élimination n’est pas possible pour l’instant, des mesures d’adaptation doivent être fournies à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

L’accommodement est un processus et une question de degrés. On peut placer les options possibles le long d’un continuum. La mesure d’adaptation la plus appropriée est celle qui favorise le plus le respect de la dignité et la satisfaction des besoins individuels, et encourage l’inclusion et la pleine participation.

Les organisations devraient déterminer quelle est la mesure d’adaptation idéale ou la plus appropriée compte tenu des circonstances avant de se demander si elle causerait un préjudice injustifié. Elles doivent adopter la mesure d’adaptation la plus appropriée, à moins que cela ne soit pas possible compte tenu des circonstances ou ne cause de préjudice injustifié. Si la situation ne le permet pas, elles doivent envisager et adopter la mesure de rechange la plus appropriée ou une solution graduelle ou intérimaire.

Exemple : Un membre d’un centre de conditionnement physique entreprend une transition afin de se définir publiquement en tant que femme. Elle ne se sent plus à l’aise ou en sécurité d’utiliser les vestiaires pour hommes mais n’est pas encore à l’aise d’utiliser les vestiaires pour femmes. Le gérant du centre examine avec elle des solutions intérimaires possibles, comme l’ajout de cloisons individuelles ou de rideaux séparateurs dans les douches et vestiaires des hommes ou des femmes, ou l’accès aux salles réservées aux employés.

Les responsables du centre de conditionnement physique examinent aussi les possibilités sur le plan de la conception plus inclusive dans l’avenir, comme l’aménagement d’une cabine privée accessible dans chaque vestiaire et (ou) d’une salle de bains unisexe privée et universelle, munie d’une douche et d’un endroit pour se changer. Les cabines et la salle de bains pourraient être utilisées par les personnes en période de transition, personnes handicapées, familles ou autres.

Une telle approche permet aux membres trans du centre d’accéder aux installations en fonction de leur identité sexuelle vécue, tout en ayant des options durant la période de transition. Elle fournit aussi à l’ensemble des membres de meilleures options en matière de vie privée. Enfin, le centre de conditionnement élabore une politique relative aux droits des membres trans et éduque le personnel à propos de celle-ci.

Dans certains cas, la modification des politiques, pratiques et autres exigences de l’organisation, pour les rendre plus inclusives, peut constituer la mesure d’adaptation la plus appropriée. Cela peut exiger d’user de souplesse au moment d’assurer l’application des règles et exigences, ou de fournir des preuves de la nécessité et du bien-fondé de l’exigence dans les circonstances (consulter également la section 9 : Exigences raisonnables et de bonne foi de la présente politique). Par exemple, il peut être question de ce type d’accommodement quand une personne trans demande l’apport de modifications à des documents administratifs, dossiers électroniques et bases de données afin qu’ils reflètent son identité sexuelle vécue et son choix de nom (consulter également la rubrique 13.3 : Documents d’identification de la présente politique).

Les organisations constateront que la conception inclusive, l’élimination des obstacles et l’accommodement des besoins individuels bénéficient souvent à un grand nombre de personnes.

8.3 Rôles et responsabilités

L’accommodement est un processus multipartite et une responsabilité partagée[81]. Toutes les parties doivent travailler de concert et dans le respect, dans le but d’explorer et de mettre en œuvre des solutions appropriées.

La personne qui demande une mesure d’adaptation doit :

  • informer le fournisseur de la mesure d'adaptation (p. ex. employeur, locateur, fournisseur de services) qu’elle a un besoin visé par le Code qui nécessite une mesure d’adaptation
  • fournir l’information appropriée sur ses besoins et se conformer aux normes établies une fois la mesure d’adaptation instaurée
  • collaborer au processus d’accommodement au meilleur de ses capacités.

Les fournisseurs de mesures d’adaptation doivent :

  • accepter la demande d’accommodement de bonne foi (à moins de posséder des éléments de preuve de son manque de sincérité)
  • effectuer des demandes raisonnables afin d’obtenir uniquement les renseignements nécessaires pour préciser la nature et l’ampleur de l’accommodement requis compte tenu de la situation
  • veiller à ce que les renseignements qui se rapportent à l’accommodement demeurent confidentiels et accessibles seulement aux personnes qui en ont besoin pour mettre en œuvre les mesures d’adaptation requises
  • agir promptement et prendre activement part à la recherche de solutions
  • couvrir tous les coûts appropriés ayant trait à la mesure d’adaptation.

En raison de la stigmatisation et des stéréotypes auxquels se heurtent souvent les personnes trans, il est essentiel de respecter le caractère confidentiel et privé des renseignements sur l’identité trans d’une personne.


 

[74] Voir Meoirin, ibid, aux par. 65-66 et Colombie-Britannique (Superintendent of Motor Vehicles) c. British Columbia (Council of Human Rights), 1999 CanLII 646 (C.S.C.), [1999] 3 R.C.S. 868, aux par. 22 et 42-45 [Grismer]. Voir aussi ADGA Group Consultants Inc. v. Lane, supra, note 24.

[75] Dans Gourley v. Hamilton Health Sciences2010 HRTO 2168 (CanLII), l’arbitre a indiqué ce qui suit : « La composante de fond de l’analyse examine le caractère raisonnable de la mesure d’adaptation offerte ou les raisons pour lesquelles l’intimé ne fournit pas de mesure d’adaptation. Il revient à l’intimé de démontrer que des éléments ont été considérés, des évaluations ont été menées et des mesures ont été prises pour tenir compte des besoins de l’employé jusqu’au point de préjudice injustifié […] (au par. 8). »

[76] Adga Group Consultants Inc. v. Lane, supra, note 24, au par. 107 (ON SCDC).

[77] Voir Gourleysupra, note 75, au par. 8.

[78] 23 Eaton c. Conseil scolaire du comté de Brant, [1997] 1 R.C.S. 241 [Eaton].

[79] Idem. Bien que la Cour suprême ait déclaré que « l’intégration devrait être reconnue comme la norme d’application générale en raison des avantages qu’elle procure habituellement » (au par. 69), elle a jugé qu’en raison de l’état d’Emily Eaton, il était préférable qu’elle vive dans un milieu séparé. La Cour a considéré que c’était l’un des rares cas où la ségrégation constituait une mesure d’adaptation plus appropriée.

[80] Meiorin, supra, note 73, au par. 68

[81] Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud [1992] 2 R.C.S. 970.

 

Organizational responsibility: 

9. Exigences raisonnables et de bonne foi

Le Code interdit la discrimination résultant d’exigences, de qualités requises ou de critères qui peuvent sembler neutres, mais ont un effet négatif ou préjudiciable sur des personnes désignées dans le Code[82].

En même temps, il permet aux organisations de démontrer qu’une exigence, qu’une qualité requise ou qu’un critère est néanmoins « raisonnable et de bonne foi » compte tenu des circonstances. Pour faire cette démonstration, cependant, une organisation doit montrer qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans causer de préjudice injustifié[83].

Critère juridique

La Cour suprême du Canada a établi un critère permettant de déterminer si une exigence à première vue discriminatoire[84] est raisonnable et de bonne foi (légitime) compte tenu des circonstances. L’organisation doit démontrer selon la prépondérance de la preuve (selon toute vraisemblance) que l’exigence :

  1. a été adopté dans un but ou un objectif rationnellement lié aux fonctions exercées
  2. a été adopté de bonne foi, en croyant qu’il était nécessaire pour réaliser ce but ou cet objectif
  3. est raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but ou objectif, en ce sens qu’il est impossible de tenir compte des besoins de la personne sans imposer de préjudice injustifié.

En bout de ligne, la personne qui désire justifier une exigence, règle ou norme discriminatoire doit démontrer que la norme prévoit l’accommodement des besoins jusqu’au point de préjudice injustifié. Cela signifie que l’exigence a été conçue ou modifiée afin d’assurer l’inclusion du plus grand nombre de personnes possible, et qu’on a tenu compte de tout besoin individuel restant jusqu’au point de préjudice injustifié.

Exemple : Dans l’affaire XY v. Ontario (Government and Consumer Services), le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) a conclu que le fait d’exiger qu’une personne trans subisse une inversion sexuelle chirurgicale afin de pouvoir changer la désignation du sexe sur le certificat de naissance (aux termes de la Loi sur les statistiques de l’état civil) ne constituait pas une exigence raisonnable et de bonne foi, et était discriminatoire à l’égard des personnes trans.

De l’avis du TDPO, « l’intimé n’a pas établi que le fait de permettre aux personnes transgenres de modifier la désignation du sexe sur les enregistrements et certificats de naissance sans avoir subi d’intervention chirurgicale nuirait à l’exactitude et à la fiabilité des données de l’état civil par rapport au système actuel, et encore moins que cela lui causerait un préjudice injustifié[85] ».

Dans ce cas, la province de l’Ontario n’a pas pu respecter le troisième élément du critère et montrer que l’exigence était « raisonnablement nécessaire ».


 

[82] Voir l’article 11 du Code : Discrimination indirecte

[83] Le critère juridique utilisé pour la détermination du préjudice injustifié est énoncé en détails dans le document de la CODP intitulé Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement. La rubrique 10.3 de la présente politique se penche aussi sur la question.

[84] Voir l’explication de la discrimination à première vue offerte à la rubrique 6.2 : Établissement de l’existence de discrimination de la présente politique.

[85] XY v. Ontario (Government and Consumer Services) 2012 HRTO 726, aux par. 238 et 240 (CanLII). Voir aussi Finan v. Cosmetic Surgicentre (Toronto), 2008 HRTO 47, aux par. 42 à 50 (CanLII), pour obtenir un exemple de situation où, de l’avis du TDPO, l’intimé avait satisfait au critère à trois volets, ce qui justifiait le traitement discriminatoire à première vue imposé en matière de services. Voir aussi Québec (Comm. des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Maison des jeunes À-Ma-Baie Inc. (No 2) (1998), 33 C.H.R.R. D/263 (T.D.P.Q.), pour obtenir un exemple de situation où un employeur n’a pas satisfait au critère à trois volets et ne pouvait pas établir qu’une exigence de travail liée à l’identité sexuelle était raisonnable et de bonne foi.

 

10. Autres limites à l’obligation d’accommodement

10.1 Non-participation au processus d’accommodement

Toutes les parties au processus d’accommodement ont l’obligation d’y collaborer au meilleur de leurs capacités. Dans certains cas, une organisation pourrait avoir rempli ses obligations procédurales et de fond en lien avec l’accommodement dès le moment où la personne qui demande la mesure d’adaptation ne prend pas suffisamment part au processus, refuse d’y prendre part ou n’est pas en mesure d’y prendre part pour une raison quelconque. Bien qu’une personne puisse demander une mesure d’adaptation particulière, les deux parties devraient être prêtes à explorer toute option qui comble adéquatement les besoins de la personne.

Avant de conclure qu’une personne n’a pas collaboré au processus d’accommodement, les organisations devraient prendre en considération tout handicap ou autre facteur lié au Code qui pourrait empêcher la personne d’y prendre part. Elles pourraient devoir également tenir compte de ces facteurs. Les organisations devraient également déterminer s’il est nécessaire de modifier la mesure d’adaptation parce qu’elle ne fonctionne pas.  

10.2 Conciliation des droits contradictoires

Habituellement, quand une personne soumet une demande d’accommodement, l’organisation ou l’institution responsable sera en mesure de fournir la mesure d’adaptation sans que cela n’ait de répercussion sur les droits reconnus d’autrui.

Parfois, cependant, une demande d’accommodement pourrait entraîner une situation de « droits de la personne contradictoires » si l’adoption de mesures d’adaptation pourrait porter atteinte aux droits d’une autre personne ou d’un autre groupe.

Les organisations sont tenues, selon la loi, de prendre des mesures pour prévenir les situations de droits contradictoires, et régler celles qui surviennent. La Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP propose un cadre de prévention des conflits et de résolution des situations de droits contradictoires[86]. Entre autres, l’analyse consiste à examiner si la situation fait l’objet d’une exemption législative, ou si l’entrave aux droits d’une autre personne ou d’un autre groupe est considérable ou significative.

Exemple : Dans le cadre d’une affaire portée devant la cour d’appel de la Colombie-Britannique, la Vancouver Rape Relief Society a décidé de ne pas offrir de formation de bénévole à une femme trans parce qu’elle avait vécue comme un homme pendant une partie de sa vie. Selon l’organisme, cette restriction constituait une exigence légitime du poste, qui s’articulait autour de l’offre de services spécifiquement à des femmes ayant été victimes de violence faite par des hommes.

La cour a discuté des effets sur chacune des parties (la bénévole et les clientes) et déterminé que l’organisation avait semblé faire de la discrimination envers la femme trans, mais qu’une exemption prévue dans le code des droits de la personne de la Colombie-Britannique et conçue pour tenir compte des droits contradictoires la rendait non-responsable dans la présente situation[87].

Chaque situation de droits contradictoires doit être examinée et jugée individuellement, en tenant bien compte de son contexte spécifique. Le dénouement de la situation dépendra des faits particuliers entourant l’affaire.

10.3 Préjudice injustifié

Les organisations ont l’obligation de tenir compte des besoins des personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

L’existence d’un préjudice injustifié est difficile à prouver. Le Code prévoit la prise en compte de trois facteurs pour déterminer si une mesure d’adaptation peut causer un préjudice injustifié :

  • coûts
  • sources extérieures de financement, le cas échéant
  • exigences de santé et de sécurité, le cas échéant.

Il revient aux organisations de démontrer qu’il y aurait préjudice injustifié[88], en basant leur évaluation sur ces trois facteurs uniquement. Les organisations ne peuvent pas fonder leur décision sur des impressions ou des stéréotypes[89], des éléments de preuve anecdotiques ou des justifications après coup[90], ou effectuer des spéculations sur ce qui pourrait se passer si elles fournissaient la mesure d’adaptation[91]. Les éléments nécessaires pour établir le préjudice injustifié doivent être réels, directs, objectifs et, en ce qui touche les coûts, quantifiables.

La norme relative aux coûts est élevée[92]. Par exemple, une organisation serait requise de démontrer de façon objective que le coût de la mesure d’adaptation changerait la nature fondamentale de ce qu’elle fait ou nuirait considérablement à sa viabilité. Au moment de procéder à cette évaluation, l’organisation devrait tenir compte des éléments suivants :  

  • qu’elle est la taille de l’organisation? Des coûts qui entraîneraient un préjudice injustifié pour une organisation de petite taille n’en entraîneront probablement pas pour une organisation de grande envergure.
  • Serait-il possible de recouvrer les coûts dans le cours normal des activités de l’organisation?
  • D’autres divisions ou services de l’organisation peuvent-ils aider à assumer les coûts?
  • Les coûts peuvent-ils être étalés sur une longue période?
  • L’organisation peut-elle verser chaque année une somme d’argent dans un fonds de réserve qui sera affecté aux mesures d’adaptation?

Pour réduire leurs coûts, les organisations ont l’obligation de prendre en considération toute source de financement extérieure ou ressource concrète à leur disposition pour fournir la mesure d’adaptation. Les personnes en quête de mesures d’adaptation doivent également tirer parti de toute ressource extérieure qui pourrait aider à payer les dépenses associées à l’obtention de ces mesures d’adaptation.

S’il peut être démontré qu’elles sont réelles et considérables, des préoccupations relatives à la santé et à la sécurité peuvent créer un préjudice injustifié. Les organisations ont l’obligation, aux termes de la loi, de protéger la santé et la sécurité de tous leurs employés, clients, locataires et autres[93]. Elles devraient se demander si le fait de modifier une exigence en matière de santé et de sécurité ou d’y déroger, ou de prendre tout autre type de mesure d’adaptation, pourrait présenter un grand risque pour la santé ou la sécurité. Les organisations devraient évaluer ce qui suit :

  • la nature et l’importance du risque
  • les possibilités qu’il se concrétise et les personnes qui seraient touchées
  • la disposition de la personne qui demande la mesure d’adaptation à assumer le risque, s’il ne concerne qu’elle
  • la nature du risque comparativement à d’autres risques assumés par l’organisation ou déjà tolérés au sein de la société dans son ensemble.

Les organisations doivent tenter d’atténuer ou de réduire les risques qui existent. Le niveau de risque qui demeure après l’adoption des mesures d’adaptation et des mesures d’atténuation des risques (jusqu’au point de préjudice injustifié, en fonction des coûts) déterminera s’il existe ou non un préjudice injustifié[94].

Exemple : Une employée trans fait une demande d’accommodement visant à apporter des modifications physiques aux toilettes et des changements à la politique organisationnelle régissant leur utilisation. L’employeur rejette sa demande sous prétexte que cela créera un préjudice injustifié pour des motifs de « sécurité ». Il semblerait cependant que l’employeur fonde sa décision sur des spéculations et non des éléments de preuve d’un risque réel. L’employeur omet aussi de démontrer pourquoi il lui serait impossible de résoudre les questions de sécurité éventuelles découlant de l’accommodement.


[86] Pour obtenir plus de renseignements, voir la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP,  en ligne à l’adresse : CODP http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-sur-les-droits-de-la-personne-contrad....

[87] Vancouver Rape Relief Society v. Nixon, 2005 BCCA 601, demande d’autorisation de pourvoi à la CSC refusée [2007] CanLII 2772 (CSC).

[88] Grismer,  supra, note 74, au par. 42.

[89] Meiorin, supra, note 73, aux par. 78 et 79, et Grismer, supra, note 74, au par. 41. Des cas depuis Meiorin et Grismer ont aussi eu recours à cette exigence stricte en matière de preuve matérielle. Voir, à titre d’exemple, Miele v. Famous Players Inc(2000), 37 C.H.R.R. D/1 (B.C.H.R.T).

[90] Voir Buttar v. Halton Regional Police Services Board, 2013 HRTO 1578 (CanLII).

[91] Adga Group Consultants Inc. v. Lane, supra, note 24.

[92] Grismer, supra, note 74, au par. 41.

[93] Par exemple, voir la Loi sur la santé et la sécurité au travail, supra, note 60.

[94] Pour obtenir des renseignements supplémentaires sur le préjudice injustifié, voir le document intitulé Politique et directives concernant le handicap et l'obligation d'accommodement de la CODP, en ligne à l’adresse : CODP www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-concernant-le-handicap-et-lobl....

 

11. Plaintes et représailles

Les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe qui pensent avoir fait l’objet de discrimination ou de harcèlement devraient tenter d’aborder la question ou de déposer une plainte auprès de leur employeur, syndicat ou autre association professionnelle, locateur ou fournisseur de services. Si cela n’est pas possible ou ne règle pas la situation, elles peuvent s’adresser au Centre d’assistance juridique en matière de droits de la personne[95] pour obtenir des conseils ou déposer une plainte, appelée requête, auprès du Tribunal des droits de la personne de l’Ontario[96] dans l’année suivant le dernière incident allégué.

Le Code protège les gens contre les représailles et les menaces de représailles pour avoir exercer leurs droits[97]. Des représailles sont des gestes ou des menaces qui ont pour but de punir une personne pour avoir revendiquer ou exercer un droit aux termes du Code, ou de se venger sur elle. Cependant, pour démontrer l’existence de représailles, il n’est pas nécessaire que la personne qui allègue en avoir fait l’objet ait déposé de plainte ou de requête officielle aux termes du Code[98], ou ait fait la preuve que ses droits ont réellement été enfreints[99].

Les personnes associées à des personnes ayant fait l’objet de discrimination ou déposé des plaintes en ce sens bénéficient aussi de mesures de protection contre la discrimination et les représailles (consulter également la rubrique 7.3 de cette politique qui traite de l’association)[100].


[97] Voir l’article 8 du Code : Représailles. Voir aussi l’alinéa 7(3)(b) qui interdit aussi les représailles pour avoir refusé d’accéder à des sollicitations ou à des avances sexuelles si ces représailles ou menaces proviennent d’une personne en mesure de lui accorder ou de lui refuser un avantage ou une promotion.

[98] Noble v. York University, 2010 HRTO 878, aux par. 30 à 31 et 33 à 34 (CanLII). Il y a représailles si :

  • un geste a été posé contre la partie plaignante ou des menaces ont été proférées à son endroit
  • la menace ou le geste allégué avait trait au fait que la personne avait revendiqué ou exercé un droit protégé aux termes du Code
  • l’intimé avait l’intention de se venger sur la personne pour avoir revendiqué ou tenté d’exercer le droit.

[99] Idem. Voir aussi Bertrand v. Primary Response, 2010 HRTO 186 (CanLII).

[100] Knibbs v. Brant Artillery Gunners Club, supra, note 39.

 

12. Responsabilité organisationnelle

Les organisations ont l’obligation aux termes de la loi et la responsabilité ultime d’assurer un environnement libre de discrimination et de harcèlement fondé sur l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle. Elles doivent prendre des mesures pour prévenir les violations du Code et donner suite à celles qui surviennent si elle ne veulent pas être tenues « responsables » et se voir imposer des amendes pécuniaires ou autres peines par un tribunal administratif ou judiciaire.

Il n’est pas acceptable de choisir de fermer les yeux sur des situations possibles ou réelles de violation des droits de la personne, de faire fi de telles situations ou d’éviter d’intervenir pour les régler, et ce, qu’une plainte ait ou non été déposée[101].

Aux termes de l’article 46.3 du Code, les personnes morales, les syndicats, les associations commerciales ou professionnelles, les associations non dotées de la personnalité morale et les organisations patronales sont tenus responsables de la discrimination, que ce soit par des actes ou des omissions, pratiquée par des employés ou des mandataires dans l’exercice de leurs fonctions. C’est ce que l’on appelle la « responsabilité du fait d’autrui ».

Des parties responsables contreviennent au Code lorsqu’elles transgressent ses dispositions, intentionnellement ou non, directement ou non, ou encore lorsqu’elles autorisent, tolèrent ou adoptent un comportement contraire au Code.

Des organisations multiples peuvent être tenues conjointement responsables d’une même situation de discrimination. Les tribunaux judiciaires et administratifs peuvent également tenir des organisations responsables de ne pas avoir pris des mesures appropriées en vue de régler une situation de discrimination ou de harcèlement, et imposer des dommages-intérêts élevés[102].

La responsabilité du fait d’autrui ne s’applique pas aux parties du Code qui traitent du harcèlement. Toutefois, comme le maintien d’un milieu empoisonné est une forme de discrimination, la responsabilité du fait d’autrui est restaurée lorsque le harcèlement aboutit à la création d’un milieu empoisonné. La « théorie organique de la responsabilité des sociétés » peut aussi s’appliquer, c’est-à-dire qu’une entité peut être tenue responsable des actes de harcèlement de ses employés s’il peut être démontré que sa direction était au courant du harcèlement ou que l’auteur du harcèlement fait notoirement partie de la direction ou de l’« âme dirigeante » de l’organisation[103].

En général, toute personne qui exerce une autorité ou assume des responsabilités considérables en matière de direction d’employés sera considérée comme faisant partie de l’« âme dirigeante » de l’organisation.


[101] Dupont Canada Inc. and Kingston Independent Nylon Workers Union [1993] O.L.A.A. No. 426, au par. 67; Alberta v. Alberta Union of Provincial Employees (Banack Grievance) [1999] A.G.A.A. No. 74, au par. 86.

[102] Smith v. Menzies Chrysler Incorporated, supra, note 58.

[103] Olarte v. DeFilippis and Commodore Business Machines Ltd. (No. 2) (1983), 4 C.H.R.R. D/1705 (Ont. Bd. Of Inq.), aff’d (1984), 14 D.L.R. [4th] 118 (Div. Ct.).

 

13. Prévention de la discrimination et intervention

13.1 Examens organisationnels, politiques et éducation

La responsabilité organisationnelle ne s’applique pas uniquement à des cas individuels de discrimination et de harcèlement. Les organisations risquent également de contrevenir au Code si elles ne règlent pas les problèmes sous-jacents comme les obstacles systémiques, un milieu empoisonné ou une culture organisationnelle qui ferme les yeux sur la discrimination.

Les organisations peuvent prendre plusieurs mesures pour faire en sorte qu’elles respectent le Code et les principes de droits de la personne touchant l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle. Parmi les stratégies efficaces figurent l’élaboration et la mise en œuvre :

  • d’un plan d’examen, de prévention et d’élimination des obstacles
  • des politiques de lute contre la discrimination et le harcèlement
  • d’une politique et d’une procédure d’accommodement
  • d’une procédure interne de règlement des plaintes
  • d’un programme d’éducation et de formation[104]
  • continues d’évaluation et de surveillance.

Aux termes de la Loi sur la santé et la sécurité au travail, tous les milieux de travail de l’Ontario sont tenus d’élaborer des politiques relatives au harcèlement et de les passer en revue au moins une fois par année. Les politiques relatives au harcèlement devraient reconnaître spécifiquement les mesures de protection relatives à l’identité sexuelle et à l’expression de l’identité sexuelle prévues au Code, entre autres motifs de discrimination interdits[105].

Pour obtenir de plus amples renseignements sur ces types de stratégies, consulter le  document de la CODP intitulé Une introduction à la politique : Guide d’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne[106].

Les organisations devraient aussi songer à élaborer des politiques et des procédures pour traiter des besoins spécifiques des personnes trans en matière de transition, de documents d’identification, de toilettes et de vestiaires, de vie privée et de confidentialité, et autres. Ces questions ont été soulevées durant la consultation publique de la CODP[107] et sont examinées plus en détails dans les prochaines sections de la présente politique. Leur règlement contribuera à éliminer des obstacles considérables auxquels se heurtent au quotidien les personnes trans.

Consulter également l’Annexe C : Liste de vérification des pratiques exemplaires qui traite de ces questions, des codes vestimentaires, de la collecte de renseignements sur le sexe, des lignes directrices organisationnelles relatives à la transition et des plans individuels.

13.2 Transition

Le terme « transition » fait référence aux activités et processus que des personnes peuvent entreprendre pour vivre selon leur identité sexuelle ressentie. Le processus de transition peut varier grandement d’une personne à l’autre et durer chez certains toute la vie (voir aussi l’Annexe B : Glossaire).

Les personnes en période de transition peuvent nécessiter à différents moments des formes et niveaux particuliers d’accommodement. Elles peuvent demander qu’on reconnaisse leur choix en matière de nom et de sexe avant que ne soient apportés des changements officiels à leurs documents d’identification. Certaines pourraient nécessiter un accès temporaire à des toilettes ou vestiaires individuels, ou à des formes d’hébergement privé, ou avoir besoin de congés pour subir des interventions médicales ou entreprendre d’autres activités à l’appui de leur transition. En général, il s’agit de mesures temporaires s’avérant nécessaires jusqu’à ce que la personne soit prête à faire appel aux services et à utiliser les installations qui correspondent à son identité sexuelle vécue.

La transition peut constituer une période très difficile et stressante pour les personnes trans. C’est le moment où elles révèlent au monde leur identité sexuelle ressentie, ce qui les rend particulièrement vulnérables à la discrimination et au harcèlement. Les questions comme la reconnaissance des choix en matière de nom et de sexe et l’accès aux toilettes sont des éléments fondamentaux de la dignité humaine.

Le respect, la compréhension et la confidentialité sont la responsabilité de tous durant la transition et le processus d’accommodement. Les organisations devraient restées vigilantes de façon à prévenir le harcèlement et à intervenir pour régler les incidents qui surviennent. L’élaboration de politiques et la formation des employés aideront aussi à prévenir les problèmes durant la transition.

13.3 Documents d’identification

13.3.1 Obstacles

Bon nombre de documents d’identification comme le certificat de naissance, la carte Santé, le passeport, le permis de conduire et les dossiers scolaires et médicaux, indiquent le sexe de la personne. Dans le cas des personnes trans, ces documents peuvent ne pas être conformes à l’identité sexuelle vécue.

Ce manque de correspondance entre l’identité sexuelle et les documents officiels peut créer pour les personnes trans des obstacles et désavantages de taille, et même des risques sur le plan de la santé et de la sécurité.

Exemple : Dans l’arrêt XY v. Ontario (Government and Consumer Services), le TDPO a affirmé : « Une femme qui n’est pas transgenre peut produire en toute confiance un certificat de naissance lorsque cela est requis (ou quand il convient de le faire) sans se retrouver aux prises avec une désignation du sexe qui ne cadre pas avec son identité vécue. Son identité sexuelle correspond au sexe assigné à la naissance et n’est pas matière à débat. Pour une femme transgenre, cependant, ce geste tout simple présente des risques importants. Va-t-on la percevoir différemment après qu’elle ait produit un certificat de naissance qui indique que son sexe « officiel » diffère de l’identité sexuelle qu’elle présente? La personne qui examine son certificat de naissance l’interrogera-t-elle à propos de son identité sexuelle, ou la remettra-t-elle en question? Le fait de produire un document de source gouvernementale qui indique que son sexe diffère de l’identité sexuelle qu’elle présente pourrait-il l’exposer à des railleries ou de l’humiliation?[108] »

Les personnes trans pourraient se heurter à des questions indiscrètes de la part d’écoles, de refuges, d’hôpitaux, d’employeurs éventuels ou même d’agents de police cherchant à savoir pourquoi l’expression de leur identité sexuelle ne « correspond » pas à la désignation du sexe d’un document d’identification. Certaines organisations pourraient aussi refuser de respecter leur choix en matière de nom et de sexe, et les acheminer vers un « milieu » sexospécifique non approprié, comme un dortoir ou une chambre d’hôpital que ne cadre pas avec leur identité sexuelle vécue.

Les organisations devraient avoir des motifs légitimes de recueillir et d’utiliser des renseignements personnels qui identifient le sexe d’une personne, et protéger le caractère confidentiel de ces renseignements.

13.3.2 Changement de nom ou de désignation du sexe

Les normes internationales en matière de droits de la personne[109] et la jurisprudence de l’Ontario confirment que les personnes trans ne peuvent être tenues de subir une inversion sexuelle chirurgicale, ou toute autre intervention médicale, comme condition de modification de la désignation du sexe sur leurs documents d’identification.

Exemple : Dans l’arrêt XY v. Ontario (Government and Consumer Services), le TDPO a déterminé que l’exigence de la Loi sur les statistiques de l’état civil voulant qu’une personne doit certifier avoir subi une inversion sexuelle chirurgicale avant de pouvoir changer la désignation de son sexe sur son certificat de naissance était discriminatoire parce qu’elle occasionnait un traitement ou un effet défavorable pour les personnes trans et perpétuait des stéréotypes à leur endroit[110]. Le tribunal a indiqué :

On livre alors le message suivant : l’identité sexuelle d’une personne transgenre ne devient valide et digne de reconnaissance qu’au moment où la personne modifie chirurgicalement son corps au moyen d’une « inversion sexuelle chirurgicale ». Cela renforce la vision sociétale préjudiciable selon laquelle nous, en tant que société, sommes en droit de faire fi de l’identité sexuelle ressentie et exprimée d’une personne, la traitant comme si son sexe « réel » est celui qui lui a été assigné à la naissance, à moins qu’elle ait subi une « inversion sexuelle chirurgicale » et jusqu’à ce qu’elle le fasse[111].

Bien que le gouvernement de l’Ontario n’ait pas modifié la Loi sur les statistiques de l’état civil, il a apporté des changements aux critères à remplir pour changer la désignation du sexe sur les enregistrements de naissance de l’Ontario. Il n’est plus nécessaire de subir une « inversion sexuelle chirurgicale ». Il suffit maintenant à un médecin praticien ou à un psychologue de certifier qu’il est approprié de modifier la désignation du sexe de la personne compte tenu de son identité sexuelle vécue[112].

Les critères à remplir pour modifier le nom ou la désignation du sexe d’une personne sur des documents d’identification devraient être respectueux et non intrusifs. Il n’est pas nécessaire qu’ils soient fondés sur des considérations médicales.

Exemple : Beaucoup de types de professionnels, y compris des travailleurs sociaux, infirmiers et infirmières, représentants d’école, de collège ou d’université, thérapeutes, employeurs, membres de la famille ou du groupe confessionnel, pourraient confirmer qu’une personne est transgenre et vit ouvertement en tant que membre du sexe correspondant à la modification qu’elle désire apporter[113].

D’autres exigences ayant trait à la modification du nom ou de la désignation du sexe, comme la divulgation publique, ne devraient pas avoir d’effet négatif sur les personnes trans.

Exemple : En 2006, la CODP a soulevé certaines préoccupations à l’égard du fait que les exigences de la Loi sur le changement de nom en matière de divulgation publique avaient un effet discriminatoire sur les personnes trans qui revenait à « révéler leur situation » dans les dossiers publics. Pour remédier à cela et tenir compte des besoins des personnes trans, le gouvernement de l’Ontario a modifié la loi et les règlements connexes afin d’y inclure une option de non-publication[114].

13.3.3 Reconnaissance de l’identité sexuelle vécue

Certaines personnes choisissent de ne pas modifier le nom et le sexe figurant sur leurs documents d’identification. Dans d’autres cas, le nom et la désignation du sexe d’une personne peuvent varier d’un document d’identification à l’autre. Or, on devrait toujours respecter le choix d’une personne trans en matière de nom et de sexe au moment de l’aborder en personne, sans égard à ce qui figure sur ses documents d’identification.

Les organisations devraient acquiescer aux demandes de personnes trans en vue d’inscrire sur leurs documents un nom autre que leur nom légal.

Exemple : Un étudiant trans demande que la liste d’élèves de sa classe reflète son identité sexuelle vécue et son choix en matière de nom. Cela ferait en sorte que les enseignants, autres membres du personnel et compagnons de classe l’abordent de la façon appropriée.

Selon les circonstances, le Code pourrait permettre l’imposition de limites à l’obligation d’accommodement, surtout lorsqu’une personne choisit de ne pas modifier son nom légal. Une organisation serait tenue de démontrer que ses critères de reconnaissance de l’identité sexuelle d’une personne sont légitimes et qu’il était impossible de tenir compte des besoins de la personne sans créer de préjudice injustifié (consulter les sections 9 et 10 de la présente politique sur les exigences raisonnables et de bonne foi et l’obligation d’accommodement). Le choix de la personne en matière de nom et de sexe pourrait accompagner son nom légal sur les documents, si cela est approprié compte tenu des circonstances.

Exemple : Une personne trans demande que les dossiers de santé électroniques de la clinique de santé sans rendez-vous locale qu’elle fréquente reflètent son identité sexuelle vécue et son choix en matière de nom, en plus des renseignements de sa carte Santé actuelle, qui indiquent un nom et un sexe différents. Cela aiderait à faire en sorte que les professionnels de la santé et autres employés l’abordent en personne de façon appropriée.

Dans le cas des ordonnances et autres documents comme les formulaires de demande d’intervention médicale ou d’aiguillage vers d’autres fournisseurs de soins de santé, la clinique est d’avis qu’il est nécessaire de conserver également le nom et la désignation du sexe figurant sur la carte Santé de la personne afin de minimiser les risques sur le plan de la santé et de la sécurité qui pourraient découler d’erreurs possibles.

Dans bien des cas, les organisations ne nécessiteront pas de corroboration ou de preuve de l’identité sexuelle vécue pour effectuer le changement au sein de leur système administratif. La simple demande d’une personne devrait suffire.

Exemple : L’Université de Toronto a adopté une politique qui permet aux étudiants de changer leur nom et la désignation de leur sexe dans les dossiers scolaires, listes d’étudiants des cours et bases de données d’étudiants en ligne, en en faisant la demande par écrit au registraire de leur collège. L’étudiant qui soumet une telle demande doit établir l’authenticité de son identité[115].

Les organisations devraient accepter sincèrement et de bonne foi l’identité sexuelle à laquelle s’auto-identifie une personne, même si ses documents d’identification ne correspondent pas à son identité sexuelle vécue. Une organisation aurait besoin d’un motif sérieux pour mettre en doute cette identité sexuelle[116].

13.4 Toilettes et vestiaires

13.4.1 Accès fondé sur l’identité sexuelle vécue

L’accès aux toilettes est un besoin physique de base qui constitue un élément fondamental de la dignité humaine de chacun. Or, les toilettes représentent un obstacle considérable pour les personnes trans et sont un des endroits publics qu’elles évitent le plus[117].

Le Code permet la restriction de certains services et d’installations à des personnes de même sexe pour des raisons de décence[118]. Les installations comme les toilettes et les vestiaires sont généralement ségréguées selon le sexe. Les personnes trans ont le droit d’accès à ces installations en fonction de leur identité sexuelle vécue.

Les politiques des organisations relatives aux toilettes et installations connexes ne devraient pas avoir d’effet négatif sur les personnes trans. Une personne trans qui se définit et vit comme un homme devrait avoir accès aux toilettes et vestiaires des hommes. Une personne trans qui se définit et vit comme une femme devrait avoir accès aux toilettes et vestiaires des femmes.

Exemple : Dans une affaire portée devant le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique, une personne trans vivant comme une femme est entrée dans un bar-salon et y a utilisé les toilettes des femmes. Au moment de sortir des toilettes, un gardien de bar l’a apostrophée pour lui dire de ne plus faire cela ou elle serait expulsée du bar-salon. Plus tard, le gérant du bar-salon a élaboré une politique indiquant que les clients devaient utiliser les toilettes correspondant à leur anatomie.

Le tribunal a conclu que la politique était discriminatoire à l’égard de la femme trans et que le bar-salon avait l’obligation de tenir compte de ses besoins jusqu’au point de préjudice injustifié. Le tribunal a déclaré que « les transsexuels en transition qui vivent en tant que membre du sexe perçu doivent être considérés comme tel en vertu des lois sur les droits de la personne » et que « par conséquent, la plaignante était une femme et que son choix d’utiliser les toilettes des femmes était approprié »[119].

Une personne trans ne devrait pas être tenue d’utiliser des toilettes ou vestiaires séparés parce que d’autres personnes ont fait part d’un malaise ou exprimé des attitudes transphobiques comme « les femmes trans sont une menace aux autres femmes ». Les personnes trans elles-mêmes s’exposent à du harcèlement ou à de  la violence au moment d’utiliser ces installations[120]. L’éducation et la sensibilisation aideront à éliminer ce genre de stéréotypes.

Exemple : Dans l’arrêt Ferris v. O.T.E.U., Local 15 (1999), le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique a indiqué ce qui suit : « J’accepte que les personnes transgenres sont particulièrement vulnérables à la discrimination. Elles sont souvent les premières à faire les frais des malentendus et de l’ignorance de la société à l’endroit de l’identité sexuelle. En milieu de travail, les questions d’accès aux toilettes sont souvent sources de litiges qui, en l’absence de connaissances, de sensibilité et de respect de l’autre, peuvent causer un tort émotif important aux personnes transgenres[121].

13.4.2 Accommodement et conception inclusive

Les personnes trans n’ont pas besoin de « demander » d’utiliser les toilettes. Elles ont le droit d’utiliser celles qui correspondent à leur identité sexuelle vécue. Cependant, certaines personnes pourraient avoir besoin de mesures d’adaptation, de façon temporaire ou non, pour utiliser les toilettes, vestiaires et autres types d’installations sexospécifiques.

Exemple : Durant sa période de transition, une personne trans demande à son patron de lui donner accès aux toilettes individuelles non sexospécifiques et accessibles, habituellement réservées aux personnes handicapées, parce qu’elle craint de subir du harcèlement de la part d’autres personnes.

Les employeurs et fournisseurs de services sont tenus d’acquiescer à de telles demandes à moins de pouvoir démontrer que cela causerait un préjudice injustifié[122].

La réglementation sur le code du bâtiment de l’Ontario[123] prévoit déjà des normes relatives aux toilettes individuelles non sexospécifiques (toilettes comportant une cuvette et pouvant être utilisées par des hommes ou des femmes) ainsi qu’aux toilettes « universelles »  (toilettes accessibles aux personnes handicapées qui comprennent une cuvette et un lavabo). Ces normes ne s’appliquent qu’aux nouveaux édifices et travaux de rénovation importants.

Les changements à la réglementation sur le code du bâtiment de l’Ontario qui entreront en vigueur le 1er janvier 2015 exigeront que tous les nouveaux édifices et tous les édifices auxquels ont été apportées des rénovations importantes incluent au moins une salle de bains universelle. Dans le cas des édifices à étages multiples, la norme sera d’une salle de bains universelle par trois étages. La réglementation sur le code du bâtiment de l’Ontario permet aussi l’aménagement de toilettes individuelles non sexospécifiques plutôt que des toilettes séparées pour les hommes et les femmes[124]. Ces changements aideront à répondre aux besoins des personnes trans et autres[125].

De plus en plus d’organisations prennent elles-mêmes l’initiative de concevoir, d’ajouter ou de modifier des installations dans le but d’accroître l’inclusivité en offrant plus d’options à tous. L’alignement rapide des installations sur les normes du code du bâtiment et les pratiques exemplaires en usage bénéficiera à une grande variété de personnes et réduira le nombre de demandes d’accommodement individuelles soumises aux organisations[126]. Parmi les exemples de modifications avantageuses figurent :

  • l’accroissement des options offertes dans les toilettes traditionnellement réservées aux hommes ou aux femmes, comme l’ajout de cabines et de douches individuelles accessibles et à l’usage de tous, qui sont munies de rideaux séparateurs ou de porte
  • l’aménagement de toilettes non sexospécifiques individuelles ou à plusieurs cabines, à l’usage de tous. Ces options améliorent aussi l’accès des personnes dont l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle ne correspond pas à la dichotomie homme-femme habituelle. Elles permettent aussi aux parents et à leurs enfants de sexe opposé d’utiliser les mêmes toilettes.
  • l’aménagement de toilettes universelles : cette option individuelle améliore aussi l’accès des personnes handicapées et familles, et assure un degré de vie privée à quiconque en aurait besoin, peu importe l’identité sexuelle.

Les toilettes et vestiaires doivent être inclusifs et accessibles, et constituer des endroits sûrs pour tout le monde, y compris les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe.

13.5 Codes vestimentaires

Certains employeurs, établissements d’enseignement, fournisseurs de services comme les piscines publiques et établissements résidentiels comme les hôpitaux ou même les prisons ont des codes vestimentaires particuliers. Ces exigences peuvent s’avérer légitimes selon les circonstances mais ne devraient pas avoir d’effet préjudiciable sur les personnes trans et les autres membres de groupes protégés aux termes du Code. Tout code vestimentaire spécifique comme les uniformes et le matériel de protection devrait reposer sur un besoin raisonnable réel et non uniquement sur des stéréotypes sexospécifiques[127].

Les politiques en matière de code vestimentaire doivent favoriser l’inclusion de tous, dont les personnes trans. Les organisations doivent permettre aux personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe de porter des vêtements qui cadrent avec l’expression de leur identité sexuelle. Les codes vestimentaires doivent tenir compte des choix des femmes qui expriment une identité sexuelle masculine et des hommes qui expriment une identité sexuelle féminine. D’autres personnes se définissent comme des personnes non conformistes sur le plan du sexe et ne devraient pas être tenues de porter des vêtements sexospécifiques masculins, comme une cravate, ou féminins, comme une jupe. La meilleure approche consiste à permettre le port de vêtements flexibles et non spécifiques sur le plan du sexe.

13.6 Refuges

Les personnes trans se heurtent parfois à des obstacles et à un traitement discriminatoire au moment d’accéder aux services des refuges. Par exemple, des hommes trans ont rapporté n’être pas en sécurité dans les refuges pour hommes, et pas acceptés dans les refuges pour femmes[128]. Certains refuges posent aux personnes trans des questions indiscrètes à propos de l’état de leur transition. Le personnel des refuges peut avoir une formation limitée sur les enjeux, les besoins et la terminologie liés au transgendérisme[129]. Certains adolescents rapportent devoir se conformer au sexe leur étant assigné à la naissance pour obtenir les services de refuges, ou se sentir contraints de le faire[130].

Le Code prévoit des exceptions qui pourraient permettre à des organisations comme les maisons de transition et les refuges pour itinérants, jeunes et femmes victimes de violence de limiter leurs services d’hébergement résidentiel à des personnes de même sexe. Les personnes trans devraient avoir accès aux refuges qui correspondent à leur identité sexuelle vécue[131]. Un refuge pourrait même ouvrir ses portes aux personnes trans uniquement[132]. Les refuges ne peuvent pas effectuer d’autre type de discrimination fondée sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle.

Exemple : Une jeune personne cherche à obtenir les services d’un refuge pour jeunes qui compte un étage pour les hommes et un étage pour les femmes. Elle se définit comme une femme malgré le fait que son sexe assigné à la naissance est masculin. Elle demande une place à l’étage des femmes. Le refuge acquiesce à sa demande et prend aussi des mesures pour éduquer ses clients à propos de l’identité sexuelle et des droits de la personne.

La protection contre le harcèlement et la violence à l’intérieur des refuges constitue aussi un enjeu pressant pour les personnes qui utilisent ces installations. Les personnes trans sont particulièrement vulnérables à ce chapitre[133].

Exemple : Un homme trans pourrait ne pas se sentir en sécurité dans un refuge pour hommes et demander d’être logé dans un refuge pour femmes, ou dans une salle séparée d’un refuge pour hommes ou pour femmes.

Les règles et exigences des refuges devraient être le plus inclusives possible pour éviter d’avoir des effets préjudiciables sur les clients trans. Les organisations ont également l’obligation de tenir compte de tous les besoins des clients trans, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié. Les besoins en matière d’accommodement pourraient inclure l’apport de changements aux exigences, aux pratiques, aux systèmes ou aux installations comme les toilettes, les vestiaires, les chambres et les dortoirs, aux procédures de sécurité, aux dossiers personnels et autres.

Les refuges devraient déceler la présence d’obstacles, élaborer de nouvelles politiques et procédures ou modifier celles qu’elles ont déjà adoptées, et entreprendre de la formation pour combler efficacement les besoins d’accès et de sécurité de tous leurs clients, y compris les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe[134].

Exemple : L’article 4.7 des normes relatives aux refuges de la ville de Toronto aborde les besoins des clients trans. On y indique ce qui suit : « Tous les refuges devraient être accessibles aux résidents transgenres/ transsexuels/bispirituels (TS/TG/2-S) en fonction du sexe auquel ces personnes s’identifient et s’employer à accroître l’accès de ce groupe de personnes. Les refuges respecteront le choix des résidents TG/TS/2-S d’obtenir des services en fonction du sexe qui, selon eux, assurera le mieux leur sécurité. »

Les refuges devront indiquer comment ils traiteront les demandes de services provenant de personnes TS/TG/2-S, ce qui inclut l’établissement d’un processus qui pourrait comprendre l’adoption d’une politique, la formation du personnel, la création de places désignées, l’aiguillage et autres, et serait élaboré en consultation avec les communautés TS/TG/2-S[135].

13.7 Services de santé

Les personnes trans ont, comme tout le monde, une variété de besoins en matière de soins de santé. Or, à plusieurs niveaux, elles se heurtent à des obstacles à l’obtention de services de santé.

Les personnes trans rapportent que les médecins généralistes et services des urgences des hôpitaux ne comprennent et ne respectent souvent pas leur identité sexuelle vécue. Il arrive couramment aux personnes trans de ne pas chercher à obtenir d’assistance médicale, même dans des circonstances extrêmes, par crainte de subir une expérience dégradante en milieu de soins de santé[136].

Des recherches indiquent que les personnes trans font l’objet d’exclusion sociale systémique au sein du système de santé. Les services sont souvent conçus comme si les personnes trans n’existaient pas. Très peu d’information est recueillie à propos de leurs besoins en matière de soins de santé, sinon aucune. Cela entraîne souvent l’adoption de politiques et de pratiques qui peuvent s’avérer discriminatoires et créer, pour les personnes trans, des obstacles à l’accès aux soins[137].

Exemple : Le personnel d’un hôpital refuse de reconnaître le choix de nom ou l’identité sexuelle vécue d’une personne qui se présente à la salle des urgences avec le bras cassé. Il place la patiente dans une chambre réservée aux membres du mauvais sexe et lui pose des questions indiscrètes et non nécessaires à propos de son corps.

Les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe ont le droit d’obtenir des soins de santé libres de discrimination et de harcèlement. Les hôpitaux et autres fournisseurs de soins de santé ont l’obligation de ne pas faire de discrimination ou sanctionner la discrimination fondée sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle. Ils ont aussi l’obligation de tenir compte de tous les besoins éventuels des personnes trans jusqu’au point de préjudice injustifié.

Les fournisseurs de soins de santé devraient prendre des mesures pour repérer et éliminer les obstacles, et élaborer des politiques et procédures visant à prévenir la discrimination à l’égard des personnes trans.

Exemple : L’hôpital Mount Sinai de Toronto a adopté une politique de lutte contre la discrimination qui contient des lignes directrices sur le traitement de tous les patients trans, intersexués et bispirituels (pour une explication de ces termes, consulter l’Annexe B : Glossaire) pour veiller à ce qu’on les traite avec dignité, respect et équité, conformément au Code. La politique fournit un encadrement à plusieurs chapitres, y compris ce qui suit :

  • Tous les patients ont le droit de se faire identifier et aborder selon leur identité sexuelle vécue.
  • On doit offrir aux patients trans, intersexués ou bispirituels une variété d’options en matière d’hébergement (p. ex. chambres privées ou semi-privées), qui respectent leur identité sexuelle vécue.
  • Tous les patients ont le droit d’utiliser les toilettes et vestiaires qui correspondent à leur identité sexuelle vécue. Des renseignements sur l’emplacement des toilettes universelles (individuelles et non sexospécifiques) sont fournis.
  • Les professionnels de la santé obtiennent et divulguent le sexe assigné à la naissance d’un patient et (ou) d’autres renseignements connexes uniquement lorsque l’obtention de ces renseignements a un lien direct avec la prestation des soins de santé.
  • Les services d’admission offrent des options d’identification qui incluent « personne trans », « personne intersexuée » et « personne bispirituelle »[138].

Les personnes trans se heurtent aussi à des obstacles lorsqu’elles tentent d’obtenir des services de santé spécialisés qui répondent à leurs besoins spécifiques de personnes trans.

Le Régime d’assurance-santé de l’Ontario (Assurance-santé) couvre l’inversion sexuelle chirurgicale (ISC). Les personnes trans peuvent uniquement subir une ISC si elles suivent avec succès un programme désigné, disponible dans seulement un établissement de l’Ontario : le Centre de toxicomanie et de santé mentale[139]. À l’heure actuelle, ce programme compte une liste d’attente de quelques mois[140].

Les personnes trans peuvent chercher à subir d’autres interventions de modification corporelle non couvertes par l’Assurance-santé[141]. Dans quelques affaires portées devant le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, la partie plaignante alléguait que le fait que l’Assurance-santé ne couvrait pas certaines interventions médicales liées à la transition sur le plan de l’identité sexuelle était discriminatoire[142].

Exemple : Le TDPO a rejeté deux requêtes alléguant que le fait que le gouvernement ne finançait pas les augmentations mammaires, thérapies de la voix et séances d’épilation du visage au laser chez les transsexuels en transition d’homme à femme était discriminatoire. Le TDPO n’a trouvé aucun élément de preuve à l’appui du fait qu’il s’agissait d’interventions requises sur le plan médical, conformément aux objectifs de l’Assurance-santé[143].

Tous les fournisseurs de soins de santé, y compris ceux qui effectuent des interventions non requises sur le plan médical et non couvertes par l’Assurance-santé, devraient connaître les besoins en matière de soins de santé des personnes trans et adapter leurs services lorsqu’il convient de le faire. Les fournisseurs de soins de santé ne doivent pas exclure les personnes trans à moins de pouvoir démontrer qu’ils ne possèdent pas les aptitudes (compétence ou expérience) nécessaires pour fournir les services[144].

Exemple : Dans une affaire devant le TDPO, deux femmes alléguaient qu’un médecin, qui exécutent des chirurgies plastiques non requises, y compris sur les parties génitales de femmes et d’hommes, avait refusé de leur offrir ses services. Une femme voulait en savoir davantage sur la chirurgie plastique des lèvres de la vulve tandis que l’autre voulait une augmentation mammaire.

Le TDPO a jugé que les femmes trans avaient fait l’objet de discrimination à première vue parce que le médecin avait refusé de les opérer étant donné qu’elles étaient trans. Cependant, le TDPO a accepté la justification du médecin selon laquelle il n’avait pas les compétences pour exécuter les chirurgies demandées de façon sécuritaire et a conclu qu’il n’y avait pas raison d’exiger qu’il obtienne ces compétences[145].

À l’échelle internationale, les Principes de Jogjakarta reconnaissent que l’accès des personnes trans à des services de santé spécialisés fait partie du droit au plus haut niveau possible de santé. Cela inclut le fait pour les gouvernements de faciliter l’accès aux modifications corporelles liées à une inversion sexuelle[146].

13.8 Système d’éducation

Les adolescents trans peuvent faire face à une grande variété de préjugés et de traitements discriminatoires alors qu’ils traversent une période très difficile de leur vie. Par exemple, ils peuvent se heurter à des éducateurs et des compagnons de classe qui refusent de respecter leurs choix en matière de nom et de pronom, et se voir refuser l’accès à des toilettes et à des vestiaires appropriés et sûrs. Les adolescents trans sont particulièrement vulnérables au harcèlement et à l’intimidation aux mains de leurs pairs.

Selon un sondage mené au Canada en 2011 :

  • 78 % des étudiants trans ne se sentent pas en sécurité dans leur école
  • 74 % des adolescents trans ont subi de la violence verbale en raison de leur identité sexuelle  
  • 49 % d’entre eux ont fait l’objet de harcèlement sexuel à l’école en raison de leur identité sexuelle
  • 37 % ont fait l’objet de harcèlement ou d’agression physique en raison de leur identité sexuelle ou de l’expression de leur identité sexuelle[147].

Les adolescents trans souhaiteraient avoir le soutien du personnel enseignant et administratif de l’école durant la période de transition à l’identité sexuelle ressentie, mais ne l’ont pas toujours. Parfois, ils ne bénéficient également pas du soutien de leur famille, ce qui accroît l’importance d’avoir un milieu scolaire accueillant.

La Loi pour des écoles tolérantes de l’Ontario[148] a modifié la Loi sur l’éducation de façon à fournir aux jeunes des mesures explicites de protection contre l’intimidation fondée sur l’identité sexuelle, l’expression de l’identité sexuelle et d’autres motifs interdits. Aux termes de la loi, les conseils scolaires sont tenus d’élaborer et de mettre en œuvre des politiques d’équité et d’éducation inclusive qui traitent de toutes les formes de discrimination et de harcèlement fondés sur des motifs protégés aux termes du Code, dont l’identité sexuelle et l’expression de l’identité sexuelle[149].

Tous les jeunes ont le droit à l’auto-identification et à l’expression de leur identité sexuelle vécue dans le contexte de l’obtention de services d’éducation. Aux termes du Code, il incombe aux conseils scolaires, collèges, universités et autres établissements d’enseignement de prendre des mesures pour prévenir la discrimination et le harcèlement à l’endroit des élèves en raison de leur identité sexuelle ou de l’expression de leur identité sexuelle, et d’intervenir pour régler les cas qui surviennent. Ces organisations ont également l’obligation de tenir compte de tous les besoins des personnes trans en matière d’identité sexuelle et d’expression de l’identité sexuelle.

Les établissements d’enseignement devraient élaborer des politiques et procédures visant à reconnaître, entre autres, que[150] :

  • Les élèves trans ont le droit de se faire adresser la parole au moyen du nom et du pronom de leur choix.
  • Les dossiers officiels devraient refléter dans la mesure du possible l’identité sexuelle vécue de l’élève, y compris ses choix en matière de nom et de pronom.
  • Les élèves trans ont le droit d’utiliser les toilettes et autres installations qui correspondent à leur identité sexuelle vécue, et prendre part aux cours d’éducation physique ou autres, en fonction de cette identité.
  • S’ils le désirent, les élèves trans peuvent aussi demander l’accommodement de leurs besoins en matière de toilettes non sexospécifiques ou d’espaces privés avec vestiaires.
  • L’accès à des installations davantage privées, comme des cabines-vestiaires ou douches munies de rideaux ou d’une porte bénéficieraient à tous les élèves.
  • Les élèves ont le droit à la vie privée et les écoles doivent respecter le caractère confidentiel du statut de transgenre. Ce statut ne devrait pas être divulgué à quiconque, à moins que l’élève ne le demande ou que cette information soit nécessaire pour combler un besoin particulier en matière d’accommodement.
  • Les codes vestimentaires et uniformes scolaires devraient être flexibles et inclusifs à l’égard de tous les élèves peu importe leur sexe ou identité sexuelle, ou l’expression de leur identité sexuelle.
  • Les établissements d’enseignement qui comptent des résidences étudiantes devraient faire en sorte que les élèves trans puissent être hébergés dans une résidence qui correspond à leur identité trans vécue. Il est aussi avantageux d’offrir des possibilités d’hébergement inclusives sur le plan du sexe où les élèves partagent des locaux peu importe leur sexe ou identité sexuelle.

13.9 Services de maintien de l’ordre et de justice

Les personnes trans sont particulièrement désavantagées et vulnérables au moment d’interagir avec les services de police, établissements correctionnels et autres fournisseurs de services en position de pouvoir[151].

Il est essentiel que les services de maintien de l’ordre élaborent des politiques et des programmes d’éducation et de formation à l’intention du personnel des services policiers et correctionnels afin de résoudre les problèmes de discrimination, de harcèlement et de violence auxquels les personnes trans font face en contexte de maintien de l’ordre[152].

Pour réussir à promouvoir et à protéger les droits des personnes trans, le système de justice et les autres services juridiques doivent se renseigner sur les droits des personnes trans aux termes de la loi.

13.9.1 Fouilles corporelles

En situation de maintien de l’ordre exigeant des fouilles corporelles, les agents des services policiers et correctionnels doivent laisser aux personnes trans choisir le sexe de la (des) personne(s) qui procédera(ont) à la fouille. Les possibilités suivantes devraient leur être offertes : personnel de sexe masculin seulement ou de sexe féminin seulement, ou combinaison de personnel de sexes masculin et féminin. Les fouilles menées par une combinaison de personnel de sexes masculin et féminin pourraient par exemple prévoir ce qui suit : la vérification de la partie inférieure « masculine » du corps par du personnel de sexe masculin suivie de la vérification des parties supérieure et (ou) inférieure « féminines » du corps par du personnel de sexe féminin. Le TDPO a confirmé cette approche d’exécution des fouilles auprès de personnes trans.

Exemple : Le TDPO détermine qu’une détenue, qui se définit comme une femme trans, a fait l’objet de discrimination lorsque le service de police a rejeté sa demande en vue de subir une fouille menée par du personnel de sexe féminin[153]. Le TDPO a indiqué que dans ce genre de situations, les détenus devaient avoir le choix du sexe des agents qui effectuent la fouille[154].

Le TDPO a établi des critères appropriés pour vérifier l’identité et mené des fouilles corporelles. Il a aussi établi certaines exceptions en vue des situations à haut risque sur le plan de la sécurité et des rares cas où un agent voudrait se récuser en raison d’une situation valide de droits contradictoires[155].

13.9.2 Établissements correctionnels

En milieu correctionnel, les personnes trans courent un risque élevé d’être victimes de harcèlement et de violence aux mains d’autres détenus ainsi que du personnel de l’établissement[156]. Des personnes trans peuvent parfois être placées dans des unités d’isolement pour leur propre protection. Cependant, cela peut avoir pour effet de les isoler et de leur barrer l’accès à des services et privilèges offerts aux membres de la population carcérale générale[157].

L’évaluation et l’accommodement des besoins des détenus dont l’identité sexuelle ne correspond pas au sexe leur ayant été assigné à la naissance devraient êtres effectués sur une base individuelle. Dans la mesure du possible, les établissements devraient héberger les personnes trans dans des unités appropriées selon leur identité sexuelle vécue. Les options en matière d’accommodement devraient tenir compte de leur sécurité, ainsi que de celle des autres détenus. L’évaluation des risques sur le plan de la sécurité devrait reposer sur des éléments de preuve et non des conjectures ou stéréotypes.

Les autorités carcérales devraient également faire en sorte que l’isolement préventif ne soit pas utilisé de façon injuste pour refuser aux détenus trans des droits et privilèges dont jouissent les autres détenus.

La jurisprudence appuie l’importance de tenir compte des besoins des détenus trans.

Exemple : Une cause portée devant le Tribunal canadien des droits de la personne (TCDP) traitait d’une détenue trans qui se définissait et vivait comme une femme, mais avait été placée dans une prison pour hommes. Le TCDP a conclu que Service correctionnel Canada avait l’obligation de tenir compte des besoins des détenus trans, surtout en raison de leur vulnérabilité à la violence. Le TCDP a affirmé ce qui suit :

Toute politique qui concerne ce groupe particulièrement vulnérable doit tenir compte de l'effet différentiel que le placement des détenus en fonction de leur anatomie a sur les détenus transsexuels. Le risque de victimisation des personnes trans inhérent au milieu carcéral doit également être pris en compte. Enfin, il faut que les dirigeants du secteur correctionnel examinent le cas de chaque transsexuel de concert avec des professionnels de la santé qualifiés afin de déterminer quel type d'établissement pénitentiaire pour hommes lui convient le mieux et quelles mesures doivent être prises pour assurer sa sécurité[158].

Durant leur détention, les détenus trans devraient aussi avoir accès à des services de santé liés à la transition.

Exemple (suite) : Le TCDP a également conclu que l’interdiction générale d’inversion sexuelle chirurgicale de Service correctionnel Canada avait un effet discriminatoire sur les détenus qui se définissent comme des personnes trans, et qu’on ne pouvait pas justifier une telle politique. Par conséquent, le TCDP a ordonné à Service correctionnel Canada d’élaborer une politique régissant les services de santé qui fait en sorte qu’on cerne et tienne compte des besoins des détenus transsexuels.

13.10 Autres services

Le Code protège aussi les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe contre la discrimination dans d’autres domaines, dont les services, les biens et les établissements de vente au détail et autres installations[159].

Exemple : Dans sa plainte portée devant la commission des droits de la personne de la Saskatchewan, une femme trans alléguait qu’une boutique de vêtements de mariée avait refusé de lui laisser essayer des robes en vue de ses noces. La plainte a été réglée avec succès quand le propriétaire de l’entreprise a pris connaissance des questions de droits de la personne en jeu[160].                                                             

Il est interdit aux entreprises de vente au détail et autres fournisseurs de services de faire de la discrimination fondée sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle. Ces organisations ont l’obligation de tenir compte des besoins de leurs clients sur le plan de l’identité sexuelle ou de l’expression de l’identité sexuelle, à moins que cela ne cause de préjudice injustifié.

13.11 Logement

Au moment de faire une demande de logement, de revendiquer leurs droits en tant que locataires[161] ou de tenter d’obtenir d’autres types de services liés au logement, les personnes trans sont susceptibles de faire l’objet de discrimination fondée sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle de la part de locateurs (consulter également la rubrique 13.6 : Refuges de la présente politique).

La discrimination n’est pas toujours directe ou manifeste, mais les attitudes préjudiciables et traitements connexes peuvent rendre l’obtention et le maintien d’un logement plus difficiles pour les personnes trans et autres personnes non conformistes sur le plan du sexe. Cela, en retour, peut avoir un effet boule de neige sur d’autres aspects de leur vie, y compris la santé, l’éducation et l’emploi.

Le Code stipule que toute personne a droit à l’égalité de traitement en matière de logement, sans discrimination fondée sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle[162]. Les locateurs, leurs agents et les autres fournisseurs de logements ne doivent pas refuser un logement à quiconque en raison de son identité sexuelle ou de l’expression de son identité sexuelle.

Exemple : Une femme trans téléphone à un locateur et prend rendez-vous pour visiter un logement à louer. Durant le rendez-vous, le locateur lui demande quel est son vrai nom et lui dit qu’il ne loue ses logements qu’à des femmes. Lorsque la  femme trans le contacte de nouveau le lendemain, il lui indique de façon abrupte que le logement a été loué à une personne qui l’avait visité plus tôt.

En outre, les locateurs ne doivent pas réserver un traitement discriminatoire à leurs locataires, y compris en ce qui a trait au renouvellement du bail ou à l’expulsion. Ils doivent aussi intervenir si des situations de discrimination ou de harcèlement fondé sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle surviennent dans le milieu locatif. Cela pourrait inclure le fait de composer avec la conduite d’autres locataires, de leurs agents ou superviseurs d’immeuble, ou d’autres personnes comme le personnel d’entretien.

Exemple : Un travailleur qui effectue des réparations dans le logement d’une femme trans fait constamment des remarques à propos de son corps et de ses pratiques sexuelles. Peu après, la locataire découvre des graffitis transphobes sur le mur du stationnement intérieur de l’immeuble. Elle se plaint de harcèlement au locateur, qui lui répond qu’il ne peut y faire grand chose.

Les locateurs doivent réagir de façon appropriée lorsqu’ils apprennent, par suite de plainte ou autre, qu’il y a eu discrimination ou harcèlement. Ceux qui négligent d’intervenir pour régler de tels problèmes peuvent en être tenus responsables par un tribunal administratif ou judiciaire[163].

13.12 Emploi

Les personnes trans rapportent faire l’objet de traitement discriminatoire en emploi. Selon le sondage de l’initiative Trans PULSE, basée en Ontario :

  • 18 % des personnes sondées ont indiqué s’être vues refuser un emploi en raison de leur identité trans
  • 13 % ont dit avoir été licenciées ou congédiées de façon déguisée parce qu’elles étaient trans[164].

La discrimination repose souvent sur des stéréotypes non fondés ou des suppositions négatives, du genre « les personnes trans vont rendre leurs collègues de travail et les clients mal à l’aise », « elles ne s’intègrent pas bien au milieu de travail » ou « elles ont des besoins en matière d’accommodement qui seront coûteux ou difficiles à combler ».

Le Code stipule que toute personne a le droit à l’égalité de traitement en matière d’emploi, sans discrimination ou harcèlement fondé sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle[165]. Cela inclut toute mesure d’adaptation nécessaire et s’applique à tous les aspects de l’emploi, de l’embauche à la cessation d’emploi, en passant par le maintien en poste, la rémunération et les avantages sociaux, les codes vestimentaires, la formation, l’avancement et la gestion du rendement.

13.12.1 Embauche

Les employeurs doivent faire en sorte qu’il n’y ait aucune discrimination manifeste, subtile ou cachée à l’égard des personnes trans ou d’autres personnes non conformistes sur le plan du sexe au moment de l’embauche s’ils ne veulent pas être tenus responsables de discrimination.

Exemple : Une affaire portée devant le Tribunal canadien des droits de la personne traitait du cas d’une femme trans qui avait posé sa candidature à un poste de représentante du service à la clientèle dans une banque. Après un processus d’entrevue en trois étapes, la femme pensait bien qu’elle serait embauchée. Or, on a rejeté sa candidature sans lui donner d’explication. Les recherches de la banque en vue de trouver des candidats ayant les mêmes qualifications que la femme trans se sont poursuivies.

Durant l’audience, la banque a indiqué n’avoir pas embauché la femme trans parce qu’elle était soi-disant surqualifiée pour le poste, que son attitude durant la dernière entrevue « n’était pas celle d’une personne désireuse de servir le public » et qu’elle  voulait « décrocher le poste afin de promouvoir les droits des personnes transgendéristes[166] ».

Le TCDP a affirmé que ces raisons étaient fausses et servaient à excuser des partis pris et préjugés à l’égard de son identité trans[167], et a déclaré qu’il y avait eu discrimination. Comme l’a indiqué le TCDP, lorsqu’une personne trans possède les qualifications nécessaires pour un poste mais que quelqu’un d’autre, qui n’a pas davantage de qualifications, décroche le poste (ou quand l’organisation rejette la candidature d’une personne trans et continue ses recherches en vue de trouver une autre personne ayant les mêmes qualifications), l’organisation doit fournir une explication non discriminatoire de son refus d’embaucher la personne trans.

13.12.2 Employés en transition

Les employés trans sont particulièrement vulnérables à la discrimination lorsque leur employeur apprend leur identité ou lorsqu’ils débutent leur transition à leur identité sexuelle vécue.

Les employés en période de transition ouverte peuvent subir un stress important, y compris en milieu de travail. Cela est en partie dû à leur vécu et à la crainte de faire l’objet de discrimination et de harcèlement. Au lieu de leur fournir des mesures d’adaptation, certains employeurs pourraient trouver une excuse pour les congédier ou les rétrograder. Certains employeurs exercent aussi d’autres types de discrimination à l’endroit des personnes en transition, par exemple en leur assignant des dossiers et des clients moins lucratifs ou prestigieux, ou en leur retirant des possibilités de formation et de promotion. Il peut être difficile pour une personne trans de prouver qu’elle fait l’objet de ce type de discrimination au travail[168], dont l’effet est toutefois bien réel.

Exemple : Dans une affaire devant le TDPO, une employée prenait des mesures pour effectuer sa transition en vue de se définir et de se présenter comme une femme. Durant ce temps, elle se faisait ridiculiser et harceler par ses collègues de travail dans le vestiaire et les autres locaux de son milieu de travail. Elle s’est plainte de harcèlement à son employeur et lui a fait part de son besoin d’avoir accès à un vestiaire séparé. Son employeur a refusé d’intervenir puis l’a congédiée[169].

Le TDPO a déterminé que l’employeur avait agi de façon discriminatoire et avait contribué au harcèlement et au maintien d’un milieu de travail empoisonné en insistant que l’employée utilise les vestiaires pour hommes, même si elle avait adopté une identité de femme et faisait l’objet de harcèlement continu de la part de ses collègues de travail. Le TDPO a également conclu que l’employeur avait manqué à son obligation d’enquêter sur la situation et de donner raisonnablement suite à la plainte de harcèlement déposée par l’employée[170].

Exemple : Une personne trans se prépare à entreprendre sa transition et rencontre son employeur pour l’en aviser et discuter des types de mesures d’adaptation dont elle aura besoin durant la période de transition. La personne demande de prendre un congé de façon à pouvoir se présenter de nouveau au travail avec sa nouvelle identité. L’employeur tient compte de ses besoins en collaborant avec elle pour élaborer un plan de transition qui prend en considération les différentes questions qui pourraient survenir en milieu de travail, comme la modification du nom de la personne dans les répertoires électroniques, l’accès aux toilettes et l’éducation et la sensibilisation des autres employés.

13.13 Association professionnelle

Le Code stipule que toute personne a droit à l’égalité de traitement en matière d’adhésion à un syndicat, à une association commerciale ou professionnelle ou à un organisme d’autoréglementation, sans discrimination fondée sur l’identité sexuelle ou l’expression de l’identité sexuelle[171].

Exemple : Dans une affaire portée devant le tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique, une employée trans était en conflit avec son employeur (leur litige avait initialement trait au fait qu’on s’était plaint de sa présence dans les toilettes pour femmes). L’employée estimait que son syndicat n’avait pas pris des mesures suffisantes pour la défendre dans le cadre de ce litige. Elle prétendait que la réaction du syndicat à l’incident d’origine, aux événements qui ont suivi et au traitement que l’employeur avait réservé à sa plainte était discriminatoire.

Le tribunal a conclu que le syndicat ne lui avait pas accordé le traitement généralement réservé à ses membres dans les situations de cette nature, et que le fait d’être une personne trans avait été un facteur déterminant à ce chapitre. Il a ordonné au syndicat de cesser de contrevenir aux lois régissant les droits de la personne et de verser des dommages-intérêts à la plaignante pour perte de salaire et atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi[172].


 

[104] Cela devrait inclure de l’éducation et de la formation qui traite spécifiquement des stereotypes auxquels font face les personnes trans [voir Forrester v. Regional Municipality of Peel (Police Services Board), supra, note 23, au par. 473 and 476]. Voir également les Principes de Jogjakartasupra,  note 20, principe 17, qui demande la mise en oeuvre de programmes d’éducation et de formation pour permettre aux personnes travaillant dans le secteur des soins de santé de fournir à tous le plus haut niveau possible de soins de santé, avec un respect total pour l’orientation sexuelle et l’identité de genre de chacun.

[105] Loi sur la santé et la sécurité au travail, supra, note 60.

[106] Voir le Document de la CODP intitulé Une introduction à la politique : Guide d’élaboration des politiques et procédures en matière de droits de la personne en ligne à l’adresse : CODP http://www.ohrc.on.ca/fr/une-introduction-%C3%A0-la-politique-guide-d%E2...

[107] Voir le document d’information sur la consultation de la CODP, supra, note 11.

[108] XY v. Ontario (Government and Consumer Services), supra, note 2, aux par. 147 et 148.

[109] Voir Principes de Jogjakartasupra, note 20, principe 3. Voir aussi le rapport du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, supra, note 22,  p.22 et 25.

[110] XY v. Ontario (Government and Consumer Services), supra, note 2, aux par. 14 et 15.

[111] Idem. au par. 172.

[112] Au moment de la publication de cette politique, le gouvernement de l’Ontario n’avait pas encore modifié la disposition discriminatoire de l’article 36 de la Loi sur les statistiques de l’état civil, L.R.O. 1990, chap. V.4. Pour en savoir davantage sur les exigences révisées de modification de la désignation du sexe sur le certificat de naissance du gouvernement de l’Ontario, consulter le document de Service Ontario intitulé Changer la désignation de votre sexe sur votre enregistrement de naissance et votre certificat de naissance, en ligne à l’adresse : Service Ontario http://www.ontario.ca/fr/gouvernement/changer-la-designation-de-votre-sexe-sur-votre-enregistrement-de-naissance-et-votre (consulté le 19 février 2014).

[113] Voir la réponse au document de consultation du ministère des Services gouvernmentaux sur les critères révisés de modification de la mention du sexe sur un enregistrement de naissance de l’Ontario, en ligne à l’adresse : CODP

 http://www.ohrc.on.ca/fr/objet-document-de-consultation-%E2%80%93-crit%C3%A8res-r%C3%A9vis%C3%A9s-pour-la-modification-de-la-mention-du-sexe-sur-un.

[114] Le projet de loi 152, la Loi de 2006 visant à moderniser diverses lois qui relèvent du ministère des Services gouvernementaux ou qui le touchent, a apporté des modifications à l’alinéa 8(1)(a) et à l’article 13 de la Loi sur le changement de nom, L.R.O. 1990, chap. C.7, ainsi qu’à la réglementation (article 6 du Règ. 68, R.R.O. 1990).

[115] University of Toronto’s Statement Concerning Changes of Student Personal Information in Official Academic Records (approuvé le 16 avril 2009), en ligne à l’adresse : University of Toronto http://sgdo.utoronto.ca/resources/resources-for-trans-people-u-of-t/

[116] Voir par exemple Forrester, supra, note 23.

[117] Voir Scheim et coll. supra, note 7.

[118] Voir le paragraphe 20(1) du Code : Utilisation restreinte d’installations pour des raisons fondées sur le sexe.

[119] Voir Sheridan, supra, note 30, aux par. 102 et 107 (B.C.Trib.). Voir cependant les remarques incidentes dans Vanderputten, supra, note 30, au par. 68.

[120] Voir Jody L. Herman. « Gendered Restrooms and Minority Stress: The Public Regulation of Gender and its Impact on Transgender People’s Lives », Journal of Public Management and Social Policy, vol. 19, no 1, 2013, p. 65, en ligne à l’adresse : Journal of Public Management and Social Policy www.jpmsp.com/volume-19/vol19-iss1

[121] Ferris v. O.T.E.U., Local 15 (1999), 36 C.H.R.R. D/329, au par.16 (B.C.H.R.T.).

[122] Voir Sheridan, supra, note 30, au par. 102.

[123] Règl. de l’Ont. 332/12 pris en application de la Loi de 1992 sur le code du bâtiment de l’Ontario, L.O. 1992, chap. 23.

[124] Idem. par. 3.7.4.2.(8), (9) et (10), en ligne à l’adresse : Lois-en-ligne https://www.e-laws.gov.on.ca/html/source/regs/english/2012/elaws_src_regs_r12332_e.htm

[125] Voir la rubrique Toilettes  du document de 2012 de la CODP intitulé  Mémoire de la CODP au MAML sur les modifications proposées au Code du bâtiment de l’Ontario, en ligne à l’adresse : CODP http://www.ohrc.on.ca/fr/m%C3%A9moire-de-la-codp-au-maml-sur-les-modifications-propos%C3%A9es-au-code-du-b%C3%A2timent-de-l%E2%80%99ontario

[126] Voir la politique sur l’affichage relatif aux toilettes du 519 Church Street Community Centre, en ligne à l’adresse : The 519 Church Street Community Centre www.the519.org/resourcesVoir le document Gender-Neutral Washrooms at Western des services relatifs aux droits de la personne et à l’équité de l’Université Western Ontario, en ligne à l’adresse : Université Western Ontario www.uwo.ca/equity/.

[127] Des tribunaux ont reconnu que le fait d’exiger que du personnel porte des vêtements sexospécifiques à caractère sexuel peut constituer une forme de harcèlement sexuel ou de discrimination. Voir par exemple Mottu v. MacLeod and others, 2004 B.C.H.R.T. 67; Doherty and Meehan v. Lodger’s International Ltd. (1981), 3 C.H.R.R. D/628 (N. B.); Giouvanoudis v. Golden Fleece Restaurant & Tavern Ltd. (1984, 5 C.H.R.R. D/1967; et Ballentyne v. Molly 'N' Me Tavern (1982) 4 C.H.R.R. D/1191.

[128] FTM Safer Shelter Project Research Team. Invisible Men: FTMs and Homelessness in Toronto, 2008en ligne à l’adresse : The Wellesley Institute www.wellesleyinstitute.com/publication/ftms_and_homelessness_in_the_city_of_toronto_-_research_report/.

[129] Ilona Alex Abramovich. « No Safe Place to Go LGBTQ Youth Homelessness in Canada: Reviewing the Literature », Canadian Journal of Family and Youth, vol. 4, no 1, 2012, p. 29.

[130] Voir I. Alex Abramovich. Teal’s Story, en ligne à l’adresse : ilona6 www.ilona6.com/artsinformed.php (consulté le 18 février 2014).

[131] En cas de situation de droits contradictoires, le refuge serait tenu de démontrer que toute limite imposée à un groupe est légitime (raisonnable et de bonne foi) compte tenu des circonstances, puis d’indiquer quelles autres formes d’accommodement il pourrait fournir (voir aussi les sections 9 et 10 de la présente politique).

[132] Voir les articles 14, 18 et 21 du Code.

[133] Voir Abramovich, supra, note 129.

[134] Idem.

[135] Toronto Community and Neighbourhood Services. Toronto Shelter Standards, en ligne à l’adresse : Ville de Toronto www1.toronto.ca/city_of_toronto/shelter_support__housing_administration/files/pdf/shelter_standards.pdf  , p. 14

[136] Voir Bauer et coll. supra, note 16, au par. 357.

[137] Idem.

[138] Pour obtenir de plus amples renseignements, voir Mt. Sinai Hospital, Gender Identity Policy, en ligne à l’adresse : Mt. Sinai Hospital www.mountsinai.on.ca/about_us/corporat e-information/policies/Gender %20Identity %20Policy %20- %20I-e-30-36.pdf/view

[139] Voir le ministère de la Santé et des Soins de longue durée, Bulletin 4480 Relisting of Sex Reassignment Surgery under OHIP, le 20 juin 2008, en ligne à l’adresse : Ministère de la Santé et des Soins de longue durée   www.health.gov.on.ca/en/pro/programs/ohip/bulletins/4000/bulletin_4000_mn.aspx.

[140]  Centre de toxicomanie et de santé mentale, Gender Identity Clinic,  en ligne à l’adresse : Centre de toxicomanie et de santé mentale www.camh.ca/en/hospital/care_program_and_services/hospital_services/Pages/gid_guide_to_camh.aspx (consulté le 10 février 2014).

[141] Voir SRS and Trans Health Policy Group, Information on Sex Reassignment Surgery (SRS) and Trans Health Care in Ontario, 2009, en ligne à l’adresse : Santé arc-en-ciel Ontario www.rainbowhealthontario.ca/resources/searchResults.cfm?mode=3&resourceID=85313d1e-3048-8bc6-e8bd-be8677d01c3a

[142] Voir par exemple Brodeur v. Ontario (Health and Long-Term Care), 2013 HRTO 1229 (CanLII) et Hogan v. Ontario (Health and Long-Term Care), 2006 HRTO 32 (CanLII).

[143] Brodeuridem, aux par. 24, 27 et 41.

[144] Par exemple, le chef de la Clinique de l’identité sexuelle du Centre de toxicomanie et de santé mentale a écrit une lettre ouverte aux médecins généralistes les sommant de commencer à prescrire l’hormonothérapie afin que leurs patients puissent débuter le processus sans avoir à obtenir des services spécialisés. Dr Christopher McIntosh et Dr Nicola Brown. Open Letter to Family Doctors regarding Hormone Therapy, en ligne à l’adresse : Centre de toxicomanie et de santé mentale www.camh.ca/en/hospital/care_program_and_services/hospital_services/Pages/Open-Letter-to-Family-Doctors-regarding-Hormone-Therapy.aspx (consulté le 18 février 2014).

[145] Voir Finan v. Cosmetic Surgicentre (Toronto), 2008 HRTO 47, aux par. 42à 50 (CanLII).

[146] Principes de Jogjakarta, supra, note 20, principe 17(g).

[147] C. Taylor et coll. Every Class in Every School: The First National Climate Survey on Homophobia, Biphobia, and Transphobia in Canadian Schools. Final Report , 2011, en ligne à l’adresse : Egale Canada Human Rights Trust  http://egale.ca/category/youth-and-safer-schools/national-survey/

[148] Loi de 2012 pour des écoles tolérantes, L.O. 2012, chap.5, en ligne à l’adresse : Assemblée législative de l’Ontario  http://ontla.on.ca/web/bills/bills_detail.do?locale=fr&BillID=2549

[149] Pour obtenir de plus amples renseignements, voir le ministère de l’Éducation, Politique/Programmes - Note no 119, Élaboration et mise en œuvre de politiques d’équité et d’éducation inclusive dans les écoles de l’Ontario, en ligne à l’adresse : Ministère de l’Éducation http://www.edu.gov.on.ca/extra/fre/ppm/ppmf.html. Voir aussi les Observations de la CODP au Comité permanent de la politique sociale de l’Assemblé législative au sujet du projet de loi 13 et du projet de loi 14, qui traitent d’intimidation, en ligne à l’adresse : CODP  http://www.ohrc.on.ca/fr/observations-de-la-codp-au-comit%C3%A9-permanent-de-la-politique-sociale-de-l%E2%80%99assembl%C3%A9-l%C3%A9gislative-au

[150] Voir Toronto District School Board (TDSB), Guidelines for the Accommodation of Transgender and Gender Non-Conforming Students and Staff An Administrative Guideline of the Toronto District School Board, en ligne à l’adresse : TDSB www.tdsb.on.ca/AboutUs/Innovation/GenderBasedViolencePrevention/Accommod.... Voir aussi Genny Beemyn, Transgender Checklist for Colleges and Universities, en ligne à l’adresse : Campus Pride. http://www.campuspride.org/tools/transgender-checklist-for-colleges-univ... (consulté le 19 février 2014).

[151] A. Scheim et coll. « Joint Effort: Prison Experiences of Trans PULSE Participants and Recommendations for Change »,  Trans PULSE e-Bulletin, vol. 3, no 3, 22 avril 2013, en ligne à l’adresse : Trans PULSE www.transpulseproject.ca.

[152] Dans l’arrêt Forrestersupra, note 23, par. 468 et 473,  le CODP a noté l’importance d’offrir à tous les agents de police une formation sur les questions trans.

[153] Voir Forrester, idem. au par. 416.

[154] Idem. au par. 476.

[155] Idem. aux par. 467 et 476.

[156] Comme l’indique Human Rights Watch, « des données empiriques sur la violence sexuelle dans les prisons laissent entendre qu’il ne s’agit pas d’actes arbitraires, mais du ciblage de victimes particulières qui […] semblent plus vulnérables. » Human Rights Watch. No Escape: Male Rape in United States Prisons, 2001 tel que cité dans Human Rights Watch, Transgender Prisoners, Identity, and Detention: Policy Recommendations, 2006, en ligne à l’adresse : www.outcast-films.com/films/cu/transgender_prisoners.pdf; A. Scheim et coll. supra, note 151.

[157] Kara Sandor von Dresner et coll. « Counseling for Transgendered Inmates: A Survey of Correctional Services »,  International Journal of Behavioural Consultation and Therapy, vol. 7, no 4, 2013, p. 38.

[158] Voir Kavanagh c. Canada (Procureur général), 2001 CanLII 8496 (TCDP), au par. 166.

[159] Voir l’article 1 du Code.

[160] Saskatchewan Human Rights Commission. Mediation Achieves Resolution For Transgender Woman’s Complaint, le 11 September 2013, en ligne à l’adresse : Saskatchewan Human Rights Commission   http://saskatchewanhumanrights.ca/+pub/documents/news/2013/20130911_MediationAnnouncement_MediaRelease.pdf.

[161] Voir Grant et coll. supra, note 33.

[163] Pour obtenir de plus amples renseignements, consulter la Politique concernant les droits de la personne et le logement locatif de la CODP, en ligne à l’adresse : CODP http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-concernant-les-droits-de-la-personne-et-le-logement-locatif

[164] G. Bauer et coll. supra,  note 6

[165] Voir l’article 5 du Code.

[166] Montreuil c. Banque Nationale du Canada, 2004 TCDP 7, au par. 56 (CanLII).

[167] Idem. aux par. 57à 73.

[168] Voir Québec (Comm. des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Maison des jeunes À-Ma-Baie Inc. (No 2), supra, note 85. Dans cette affaire, l’employée a été congédiée après avoir mis son employeur au courant de sa transition.

[169] Vanderputten, supra, note 30.

[170] Idem.

[171] Voir l’article 6 du Code.

[172] Ferris v. O.T.E.U., Local 15, supra, note 121.

 

Annexe A : Objectif des politiques de la CODP

L’article 30 du Code autorise la CODP à préparer, approuver et publier des politiques sur les droits de la personne pour fournir des directives quant à l’application des dispositions du Code. Les politiques et les directives de la CODP établissent les normes concernant la ligne de conduite que doivent adopter les particuliers, les employeurs, les fournisseurs de services et les décideurs pour se conformer au Code. Elles revêtent de l’importance car elles représentent l’interprétation de la CODP à l’égard du Code au moment de leur publication.[173] De plus, elles favorisent une compréhension progressiste des droits prévus dans le Code.

L’article 45.5 du Code stipule que le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (TDPO) peut tenir compte des politiques approuvées par la CODP dans une instance devant lui. Lorsqu’une partie ou un intervenant à une instance en fait la demande, le TDPO doit tenir compte de la politique de la CODP citée. Lorsqu’une politique de la CODP est pertinente pour l’objet d’une requête pour droits de la personne devant le Tribunal, les parties et les intervenants sont encouragés à porter la politique à l’attention du TDPO pour qu’il en tienne compte.

Conformément à l’article 45.6 du Code, si le TDPO rend une décision ou une ordonnance définitive dans le cadre d’une instance à laquelle participait la CODP à titre de partie ou d’intervenant, et que la décision ou l’ordonnance n’est pas compatible avec une politique de la CODP, cette dernière peut présenter une requête au TDPO afin qu’il soumette un exposé de cause à la Cour divisionnaire à des fins d’examen du manque de conformité à la politique.

Les politiques de la CODP sont assujetties aux décisions des cours supérieures qui interprètent le Code. Les tribunaux judiciaires et le TDPO manifestent une grande déférence à l’égard des politiques de la CODP[174]. Celles-ci sont appliquées aux faits de la cause devant le tribunal judiciaire concerné ou le TDPO, et citées dans les décisions de ces tribunaux[175].


[173] Veuillez noter que les documents ne reflètent pas l’évolution de la jurisprudence, les modifications législatives et les changements de position de la Commission survenus après leur parution. Pour plus d’information, communiquer avec la Commission ontarienne des droits de la personne.

[174] Dans l’arrêt Quesnel v. London Educational Health Centre (1995), 28 C.H.R.R. D/474 au par. 53 (Ont. Bd. Inq.), le tribunal a appliqué la décision de la cour suprême des États-Unis dans Griggs v. Duke Power Co., 401 U.S. 424 (4th Cir. 1971) et conclu qu’on devrait « prendre très au sérieux » les déclarations de principes de la CODP si elles sont conformes aux valeurs du Code et sont élaborées d’une façon qui correspond à l’historique du Code sur le plan législatif. Cette dernière exigence a été interprétée comme signifiant qu’un processus de consultation publique doit faire partie intégrante du processus d’élaboration des politiques.

[175] Par exemple, la Cour de justice supérieure de l'Ontario a cité in extenso des extraits de documents stratégiques de la CODP portant sur la retraite obligatoire et a déclaré que les efforts de la CODP avaient « profondément modifié » l'attitude à l’égard de la retraite obligatoire en Ontario. Les travaux de la CODP sur la retraite obligatoire ont permis d’accroître la sensibilisation du public à l’égard de cette question et expliquent, au moins en partie, la décision du gouvernement de l’Ontario d’adopter une loi modifiant le Code, afin d’interdire la discrimination fondée sur l’âge en matière d’emploi après l’âge de 65 ans, sous réserve d’exceptions limitées. Cette modification, qui est entrée en vigueur en décembre 2006, a rendu illégales les politiques sur la retraite obligatoire pour la plupart des employeurs en Ontario : Assn. of Justices of the Peace of Ontario v. Ontario (Attorney General) (2008), 92 O.R. (3d) 16, au par. 45 (Sup.Ct.). Voir aussi Krieger v. Toronto Police Services Board, 2010 HRTO 1361 (CanLII) et Eagleson Co-Operative Homes, Inc. v. Théberge, [2006] O.J. No. 4584 (Sup.Ct. (Div.Ct.)) dans lesquelles le TDPO et la cour ont appliqué le document Politique et directives concernant le handicap et l’obligation d’accommodement  de la CODP, en ligne à l’adresse : http://www.ohrc.on.ca/fr/politique-et-directives-concernant-le-handicap-et-lobligation-daccommodement. Le TDPO a cité la politique antérieure de la CODP relative à l’identité sexuelle à plusieurs reprises. Voir, entre autres, Vanderputten, supra, note 30, Brodeur, supra, note 142 et XYsupra, note 2.

 

Annexe B : Glossaire des termes associés à l’identité sexuelle et à l’expression de l’identité sexuelle

Les mots qu’utilisent les gens pour se définir et définir les autres sont très importants. L’utilisation de termes appropriés peut servir à affirmer l’identité et à contester les attitudes discriminatoires. L’utilisation de termes non appropriés peut miner les capacités, rabaisser et renforcer l’exclusion. Les termes et explications qui suivent sont jugés à jour et appropriés au moment de mettre sous presse, mais leur sens et usage peuvent évoluer au fil du temps. Généralement, en cas de doute, l’approche la plus respectueuse consiste à demander à la personne visée comment elle s’auto-identifie.

Sexe : Classification des individus selon les catégories « femmes », « hommes » et « personnes intersexuées ». Le sexe est habituellement assigné à la naissance après évaluation de l’appareil génital, des hormones, des chromosomes et d’autres caractéristiques physiques.

Emprunté de l’anglais, le terme « genre » est utilisé par certains en français pour établir une distinction entre la composante physique de la notion de « sexe » et sa composante sociale ou « sexospécifique », c’est-à-dire ce que signifie le fait d’être homme ou femme au sein de la société[176]. Cela inclut les attentes et stéréotypes à propos des comportements, actions et rôles liés au fait d’être un « homme » ou une « femme ». Les normes sociales sexospécifiques peuvent varier selon la culture et évoluer au fil du temps[177].

Classification binaire hommes/femmes : Système social reposant sur l’idée que les individus appartiennent soit au sexe masculin, soit au sexe féminin, conformément à leur sexe assigné à la naissance. Le système de classification binaire hommes/femmes ne laisse aucune place à l’interprétation ou au positionnement ou mouvement de l’individu entre les sexes. Aux yeux de nombreuses personnes qui considèrent que leur sexe physique (assigné à la naissance) ne correspond pas au sexe auquel elles s’identifient, ou que ce dernier est fluide et non fixe, ce système est rigide et restrictif[178].

Normes sexospécifiques : La classification binaire hommes/femmes exerce une influence sur ce que la société juge « normal » ou acceptable sur le plan du comportement, du code vestimentaire, de l’apparence et des rôles des femmes et des hommes. Les normes sexospécifiques exercent un pouvoir dominant dans la vie de tous les jours. La force, l’action et la dominance sont perçues de façon stéréotypée comme des traits « masculins », tandis que la vulnérabilité, la passivité et la réceptivité sont perçues de façon stéréotypée comme des traits « féminins ». Une femme qui adopte des traits « masculins » peut être qualifiée de façon stéréotypée de trop « agressive », tandis qu’un homme qui adopte des traits « féminins » peut se voir traité de « faible ». Les normes sexospécifiques peuvent contribuer aux déséquilibres de pouvoir et inégalités entre les sexes qui ont cours à la maison, au travail et au sein de la collectivité[179].

Identité sexuelle (ou identité de genre) : Expérience intime et personnelle de son sexe, telle que vécue par chacun. Elle a trait au fait de se sentir femme, homme, les deux, aucun ou autrement, selon où l’on se positionne sur le continuum de l’identité sexuelle. L’identité sexuelle d’une personne peut correspondre ou non au sexe qui lui a été assigné à la naissance.

Dans la plupart des cas, le sexe physique de la personne et son identité sexuelle correspondent. Chez certaines personnes, cependant, ce n’est pas le cas. Une personne peut être née homme mais se définir comme une femme, ou être née femme mais se définir comme un homme. D’autres peuvent se positionner à l’extérieur de ces deux catégories ou ressentir une identité sexuelle fluide qui se meut à différents moments de la vie.

En français, le terme « identité de genre » tend à s’installer en remplacement du terme « identité sexuelle ». La présente politique utilise le terme « identité sexuelle » étant donné qu’il s’agit du terme figurant dans le Code des droits de la personne de l’Ontario. La CODP reconnaît toutefois la valeur synonymique du terme « identité de genre ».

Expression de l’identité sexuelle (ou expression de genre) : Manière dont une personne exprime ou présente ouvertement son sexe. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure, le port de maquillage, son langage corporel et sa voix. De plus, l’expression de l’identité sexuelle inclut couramment le choix d’un nom et d’un pronom pour se définir. Ces attributs déterminent comment l’identité sexuelle sera perçue par autrui.

Toutes les personnes, quelle que soit leur identité sexuelle, ont une expression de l’identité sexuelle pouvant prendre une variété de formes. Chez les personnes trans, le choix d’un nom et d’un pronom adaptés et l’apparence vestimentaire sont des façons courantes d’exprimer son identité sexuelle. Certaines personnes trans prennent aussi des moyens médicaux pour assurer la correspondance entre leur corps et leur identité sexuelle.

En français, le terme « expression de genre » tend à s’installer en remplacement du terme « expression de l’identité sexuelle ». La présente politique utilise le terme « expression de l’identité sexuelle » étant donné qu’il s’agit du terme figurant dans le Code des droits de la personne de l’Ontario. La CODP reconnaît toutefois la valeur synonymique du terme « expression de genre ».

Transtransgenre : Termes génériques regroupant des personnes à identités sexuelles et expressions de l’identité sexuelle variées qui s’écartent des idées stéréotypées de ce que signifie être une fille/femme ou un garçon/homme au sein de la société. Le terme « trans » peut signifier « aller au-delà » des catégories hommes/femmes, passer d’une catégorie à l’autre ou se situer en quelque part entre les deux. Il inclut sans s’y limiter les personnes qui se définissent comme des personnes transgenres ou transsexuelles, des travestis, ou des personnes non conformistes (queer ou hors norme) sur le plan du sexe.

Le terme « trans » s’applique aux personnes dont l’identité sexuelle diffère du sexe leur ayant été assigné à la naissance. Les personnes trans peuvent ou non suivre un traitement médical comme l’hormonothérapie ou une variété d’autres interventions chirurgicales pour que leur corps corresponde à leur identité sexuelle ressentie.

Certaines personnes qui ont effectué la transition d’un sexe à l’autre se définissent simplement en tant que femmes ou qu’hommes. D’autres se qualifient aussi de trans, c’est-à-dire d’hommes trans ou de femmes trans. Certaines personnes pourraient aussi se qualifier de trans sans utiliser les termes « femme » ou « homme ». D’autres pourraient considérer qu’elles existent en quelque part entre l’identité de femme et l’identité d’homme, au-delà de notre conception binaire du sexe.

Les personnes trans peuvent définir leur identité sexuelle de nombreuses façons. Il n’existe pas d’expérience définitive ou universelle de la réalité trans. Par conséquent, différentes personnes trans font face à différentes formes de discrimination au sein de la société, ce qui peut avoir trait au fait qu’elles se définissent comme un homme, une femme, une personne ayant des antécédents trans, une personne en période de transition, un homme trans, une femme trans, ou encore une personne transsexuelle ou non conformiste sur le plan du sexe.

Personne non conformiste, queer ou hors norme sur le plan du sexe[180] : Personne qui ne suit pas les stéréotypes sexospécifiques correspondant au sexe lui ayant été assigné à la naissance. Ces personnes peuvent se définir comme des « hommes féminins », des « femmes masculines », ou des « personnes androgynes » se situant à l’extérieur des catégories d’« homme/garçon » ou de « femme/fille », ou exprimer ainsi leur identité sexuelle. Les personnes non conformes sur le plan du sexe peuvent ou non se définir comme des personnes trans.

Homme/femme trans : Une personne qui se définit comme un homme mais dont le sexe assigné à la naissance est « féminin » peut aussi se définir comme un homme trans (femme à homme). Une personne qui se définit comme une femme mais dont le sexe assigné à la naissance est « masculin » peut aussi se définir comme une femme trans (homme à femme).

Transsexuel : Personne dont l’identité sexuelle ne correspond pas au sexe lui ayant été assigné à la naissance. Les transsexuels peuvent ou non suivre un traitement médical pour que leur corps corresponde à leur identité sexuelle, comme une hormonothérapie, une inversion sexuelle chirurgicale ou d’autres interventions. Ces personnes peuvent aussi apporter d’autres modifications pour faire en sorte que leurs caractéristiques extérieures et leur apparence concordent avec leur identité sexuelle.

Transition : Terme faisant référence à une variété d’activités que peuvent entreprendre certaines personnes trans afin d’affirmer leur identité sexuelle. Ces activités peuvent inclure la modification de leur nom, de la désignation de leur sexe et de leurs habitudes vestimentaires, l’usage de pronoms spécifiques et l’obtention de traitements médicaux comme l’hormonothérapie, l’inversion sexuelle chirurgicale ou d’autres interventions. Il n’existe pas de liste de vérification de la transition, de durée moyenne du processus de transition ou de visée ou objectif universel. Chaque personne détermine ce qui correspond à ses besoins.

Intersexué : Terme utilisé pour décrire une personne qui possédait à la naissance un appareil génital, des chromosomes et (ou) des hormones n’étant pas facilement associables au sexe féminin ou masculin. Cela peut inclure une femme possédant des chromosomes XY ou un homme possédant des ovaires au lieu de testicules. Des caractéristiques intersexuées sont présentes dans une naissance sur 1 500. En règle générale, les personnes intersexuées se font assigner le sexe masculin ou le sexe féminin à la naissance. Certaines personnes intersexuées s’identifient au sexe leur ayant été assigné, et d’autres non. Certaines personnes choisissent de se définir en tant que personne intersexuée. Les personnes intersexuées ne se qualifient habituellement pas de personnes transgenres ou transsexuelles[181].

Le terme « identité sexuelle vécue » fait référence à l’identité sexuelle (le long du continuum du sexe) que la personne ressent intérieurement et exprime publiquement (« expression de l’identité sexuelle ») dans sa vie quotidienne, y compris au travail ou au moment de se procurer des biens et services, dans le contexte du logement et au sein de la collectivité.

Travesti : Personne qui, pour des raisons variées, porte des vêtements atypiques pour une personne de son sexe. Ces personnes peuvent se définir ou non comme des travestis. Le terme « travesti » fait habituellement référence à des hommes hétérosexuels qui ont souvent une préférence marquée pour les vêtements portés par des femmes.

« Orientation sexuelle » et « identité sexuelle » font référence à des notions distinctes : L’orientation sexuelle décrit l’orientation de la sexualité de la personne, selon qu’elle est gaie, lesbienne, bisexuelle ou hétérosexuelle[182]. L’identité sexuelle d’une personne n’a aucun rapport avec l’orientation sexuelle, dont elle est fondamentalement différente. Le fait qu’une personne se définisse en tant que « personne trans » ne prédit ou ne révèle pas son orientation sexuelle. Tout comme les personnes qui ne se qualifient pas de « trans », les personnes trans peuvent se définir comme étant gaies, lesbiennes, queer, hétérosexuelles ou bisexuelles.

Bispirituel : Terme utilisé par les peuples autochtones pour décrire du point de vue culturel les personnes gaies, lesbiennes, bisexuelles, trans ou intersexuées. On l’utilise pour rendre un concept présent dans bien des langues et cultures autochtones. Pour certains, le terme « bispirituel » décrit un rôle sociétal et spirituel, comme celui de médiateur ou de gardien de certaines cérémonies, qu’exerçaient au sein de sociétés traditionnelles certaines personnes qui transcendaient les rôles masculin et féminin acceptés pour créer un troisième sexe situé entre les deux[183].

Cissexuel et cisnormativité : La plupart des personnes sont « cissexuelles » (non trans). Autrement dit, leur identité sexuelle se conforme ou « correspond » au sexe qui leur a été assigné à la naissance. La « cisnormativité » (« cis » signifie « le même que ») fait référence à la supposition répandue selon laquelle nous sommes tous cissexuels et nous acceptons tous qu’il s’agit de la « norme ». Ce terme est utilisé pour décrire les préjugés à l’égard des personnes trans qui sont moins manifestes ou directs mais davantage répandus ou systémiques au sein de la société et de ses organisations et institutions. Cette forme de préjugés systémiques peut même être véhiculée de façon non intentionnelle, à l’insu des personnes ou organisations qui en sont responsables.

Transphobie : Aversion, crainte ou haine irrationnelle à l’égard des personnes et communautés trans. Il s’agit d’un préjugé qui, comme tous les autres, est fondé sur des stéréotypes et des idées fausses que l’on utilise ensuite pour justifier la haine, la discrimination, le harcèlement et la violence à l’endroit des personnes trans.


 

[176] Il existe de nombreuses théories médicales et sociales sur ce qui relèverait du « sexe » et ce qui relèverait du « genre ». Aucun consensus n’a pu être établi relativement à la délimitation de ces notions, et aucune définition définitive de ces termes n’a été adoptée. Voir Australian Human Rights Commission. Sex Files, 2009, en ligne à l’adresse : Australian Human Rights Commission www.humanrights.gov.au/sex-files-sex-gender-diversity-project-2008.

[177] Voir l’Organisation mondiale de la Santé. Thèmes de santé : Sexospécificité, en ligne à l’adresse : Organisation mondiale de la Santé http://www.who.int/topics/gender/fr/ (page consultée le 19 février 2014). Voir aussi Anne Enke, Transfeminist Perspectives in and beyond Transgender and Gender Studies, Philadelphie, Temple University Press, 2012.

[178] N. Teich. Transgender 101: A Simple Guide to a Complex Issue, New York, Columbia University Press, 2012, p. 5.

[179] MenEngage. Engaging Men, Changing Gender Norms: Directions for Gender-Transformative Action, 2012, en ligne à l’adresse : MenEngage Alliance www.unfpa.org/webdav/site/global/shared/documents/publications/2014/Advo....

[180] Personnes queer sur le plan du sexe : « Les personnes qui, sur le plan du sexe, se positionnent à l’extérieur des catégories traditionnelles et pourraient ne pas se qualifier d’hommes ou de femmes trans. Certaines personnes queer sur le plan du sexe font appel aux options médicales de transition, tandis que d’autres ne le font pas. » Pynesupra note 34, au par. 9.

[181] Santé arc-en-ciel Ontario. RHO Fact Sheet: Intersex Health, en ligne à l’adresse : Santé arc-en-ciel Ontario www.rainbowhealthontario.ca/admin/contentEngine/contentDocuments/Interse...

[182] L’orientation sexuelle est aussi un motif protégé aux sens du Code.

[183] 2-Spirited People of the 1st Nations. Our Relatives Said: A Wise Practices Guide, 2008, en ligne à l’adresse : 2-Spirited People of the 1st Nations, www.2spirits.com.

 

Annexe C : Liste de vérification des pratiques exemplaires

Protection de la vie privée et confidentialité

  • Respecter entièrement, ou selon les désirs de la personne, le caractère privé et confidentiel de toute information liée à l’identité sexuelle d’une personne trans. Cela inclut tout renseignement indiquant directement ou indirectement que le sexe assigné à la naissance d’une personne ne correspond pas à son identité sexuelle
  • Respecter le caractère privé et confidentiel des informations médicales et des antécédents trans d’une personne, et les divulguer uniquement aux personnes qui participent directement à la satisfaction des besoins de cette personne
  • Tous les renseignements doivent être confiés exclusivement au personnel désigné (le responsable des ressources humaines, par exemple) et faire l’objet d’un système de classement sécurisé afin d’en protéger le caractère confidentiel.

Documents et dossiers d’identification

  • Reconnaître les préférences de la personne trans en matière de nom et de désignation du sexe dans tous les systèmes et documents administratifs (y compris les versions imprimées et électroniques)
  • Veiller à démontrer que toute utilisation du nom et sexe « légaux » d’une personne trans est légitime (raisonnable et de bonne foi) dans les circonstances
  • Mener des examens des systèmes pour déterminer comment on peut modifier les bases de données électroniques, systèmes de technologie de l’information et autres processus pertinents de façon à reconnaître la préférence de la personne sur le plan du nom et de la désignation du sexe lorsque ses choix ne correspondent pas à l’information dans les documents juridiques.

Collecte de données sur le sexe

  • Se demander s’il y a un motif légitime de recueillir de l’information liée au sexe de la personne. Dans l’affirmative, inclure des options autres que les catégories binaires féminin/masculin ou homme/femme[184].
  • Dans la mesure du possible, permettre aux personnes de définir elles-mêmes leur sexe ou identité sexuelle[185]. L’option de la case vide, par exemple, est la plus inclusive.
  • Respecter le caractère confidentiel de toute information sur le statut transgenre

Code vestimentaire

  • Ne pas le fonder sur des stéréotypes sexospécifiques et l’appliquer uniformément à toutes les personnes, quelle que soit leur identité sexuelle ou l’expression de leur identité sexuelle
  • S’assurer qu’il favorise l’inclusion des personnes trans et indiquer que quiconque peut porter des vêtements correspondant à son identité sexuelle vécue et à l’expression de cette identité.

Politique sur l’accès aux toilettes et vestiaires

  • Reconnaître le droit des personnes trans d’utiliser les installations qui correspondent à leur identité sexuelle vécue
  • Communiquer le fait qu’aucune personne trans ne sera tenue d’utiliser des installations séparées en raison des préférences ou des attitudes négatives d’autrui 
  • Indiquer clairement que des mesures d’adaptation seront prévues sur une base individuelle, si une personne trans en fait la demande
  • Fournir des options en matière de vie privée dont peut se prévaloir quiconque utilise les vestiaires  
  • Fournir des renseignements sur l’emplacement de toilettes accessibles et non sexospécifiques.

Directives organisationnelles en matière de transition des personnes trans[186]

  • Des directives devraient avoir été mises en place avant qu’un membre du personnel n’amorce de transition. Ces directives procurent une orientation claire aux gestionnaires sur des mesures générales qu’on peut prendre pour aider les employés en transition tout en reconnaissant l’obligation de tenir compte des besoins individuels. Elles font comprendre à tout le monde que les employés en transition bénéficieront du soutien de l’organisation.
  • Les lignes directrices devraient comprendre les informations suivantes :
    • nom d’une personne-ressource principale pouvant fournir de l’assistance à la personne en transition
    • ce dont la personne en transition peut s’attendre de la direction de l’organisation
    • attentes de la direction, des autres membres du personnel et des employés en transition lorsqu’il s’agit d’assurer une transition réussie en milieu de travail
    • politiques et pratiques connexes permettant de faciliter le processus de transition et touchant notamment les sujets suivants : usage des toilettes, code vestimentaire, confidentialité et vie privée, reconnaissance du nouveau nom de la personne dans les documents et dossiers, prévention du harcèlement, satisfaction des besoins individuels en matière d’accommodement, formation des membres de la direction, des membres du personnel et des clients.

Plan d’accommodement des besoins individuels en matière de transition sexuelle

  • De concert, l’employé, l’employeur et les représentants syndicaux (si l’employé a demandé leur participation) pourraient choisir de créer un plan de transition qui aborde, le cas échéant, les mesures d’adaptation pouvant s’avérer nécessaires en milieu de travail relativement aux mesures prises par l’employé dans le cadre de sa transition.
  • La situation variera d’une personne trans à l’autre. Un plan individualisé indiquera clairement quelles seront les mesures à prendre compte tenu des besoins particuliers de la personne.
  • Il peut être utile de discuter des dates auxquelles la personne aimerait :
    • qu’on commence à utiliser ses nouveaux nom et pronom pour l’aborder
    • commencer à exprimer son identité sexuelle au moyen de ses vêtements, conformément au code vestimentaire du milieu de travail
    • commencer à utiliser les toilettes et autres installations qui correspondent à son identité sexuelle vécue
    • prendre congé du travail pour suivre tout traitement médical lié à sa transition, le cas échéant.
  • Le plan devrait aborder les questions suivantes :
    • quand et comment seront mis à jour les dossiers d’emploi, bases de données et documents pertinents pour refléter le nouveau nom et l’identité sexuelle de la personne (p. ex. dossiers administratifs et des ressources humaines, courriel et répertoires téléphoniques, cartes de visites)
    • si, quand et comment les autres employés et clients seront informés du nouveau nom et de l’identité sexuelle de la personne
    • la planification des mesures de prévention du harcèlement – processus simplifié de règlement rapide et efficace de tout cas de harcèlement à l’endroit de la personne en transition
    • le cas échéant, quand et comment sera effectuée la formation des autres employés, des clients et des gestionnaires pour les aider à comprendre le processus de transition
    • comment la direction et le syndicat démontreront leur soutien à l’égard de la personne en transition.

 

[184] Voir ACT Law Reform Advisory Council, Beyond the Binary: legal recognition of sex and gender diversity in the ACT, Report 2, 2012 en ligne à l’adresse : ACT Law Reform Advisory Council  www.justice.act.gov.au/resources/attachments/LRAC_Report_7_June.pdf, p. 48. Voir aussi Human Rights Campaign Foundation, Transgender Inclusion in the Workplace, 2e édition, 2008, en ligne à l’adresse : Human Rights Campaign Foundation www.fs.fed.us/cr/HRC_Foundation_-_Transgender_Inclusion_in_the_Workplace....

[185] Human Rights Campaign Foundation, idem. Pour obtenir des informations plus détaillées sur les méthodes de collecte de données inclusives et respectueuses des différentes identités sexuelles, voir aussi Santé arc-en-ciel Ontario, RHO Fact Sheet: Designing Surveys and Questionnaires, en ligne à l’adresse : Santé arc-en-ciel Ontario  www.rainbowhealthontario.ca/resources/searchResults.cfm?mode=3&resourceID=9901094e-d737-dde8-0d8c-8166b3780517.

[186] Pour obtenir plus d’information sur les pratiques exemplaires des employeurs, voir Congrès du travail du Canada, Travailleuses et travailleurs en transition : Guide pratique pour les représentantes et les représentants syndicaux à l’égard de la transition sexuelle, en ligne à l’adresse : Congrès du travail du Canada http://www.congresdutravail.ca/salle-des-nouvelles/publications/travailleuses-et-travailleurs-en-transition-guide-pratique-pour-les; Travailleurs canadiens de l’automobile, Workers in Transition: A Practical Guide for Union Representatives en ligne à l’adresse : Travailleurs canadiens de l’automobile http://www.caw.ca/en/9201.htm. Voir aussi ces sources internationales : Human Rights Campaign Foundation, supra, note 197; Government of New Zealand, Department of Labour, Transgender People at Work, en ligne à l’adresse : Human Rights Commission www.hrc.co.nz/human-rights-environment/action-on-the-transgender-inquiry/discrimination-and-marginalisation.