Droits de la personne contradictoires – nouvelles lignes directrices pour régler des défis courants

En avril 2012, la CODP a lancé sa Politique sur les droits de la personne contradictoires. Cette politique présente les étapes que peuvent suivre divers secteurs, organismes et particuliers pour faire face à des situations courantes de droits contradictoires et éviter d’avoir à intenté des recours juridiques. La politique pourra également être utile au Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et aux tribunaux judiciaires en vue de résoudre les affaires qui ne peuvent être réglées sans l’intervention d’un tribunal.

Nous voyons de plus en plus de cas soulevant un conflit entre des droits protégés par le Code des droits de la personne et des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés. Notre société est en constante évolution, ce qui provoque des tensions. Des habitudes traditionnelles se heurtent aux perspectives modernes. Heureusement, un plus grand nombre de personnes connaissent leurs droits et souhaitent les protéger et les exercer. Mais comment parvenir à un équilibre?

La Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP met de l’avant une façon de procéder qui part du principe, soutenu par les tribunaux judiciaires et administratifs, qu’aucun droit ne l’emporte automatiquement sur un autre. Le contexte fait toute la différence. S’agit-il de droits réels? Quelles en sont les limites? Modifier ces limites permettra-t-il de mettre fin au conflit? L’impact est-il important ou insignifiant? Il y a beaucoup de questions à poser, dont les réponses nous aideront à trouver des solutions efficaces qui respectent le plus possible les droits de chacun.

Cette analyse s’articule autour d’une valeur aussi importante que le jargon juridique – le respect. La meilleure façon de résoudre des conflits qui ne cesseront de se manifester consiste à reconnaître les différences et à rechercher un terrain d’entente.

En 2012, les médias ont beaucoup parlé du cas d’une femme à qui on avait refusé de faire une coupe de cheveux de type « homme d’affaires » au motif que cela contrevenait aux pratiques religieuses des barbiers. L’affaire a été portée devant le TDPO, où les parties en sont parvenues à une entente après que, selon les dires du propriétaire du salon, « nous nous sommes réunis et avons eu une franche discussion ».

La Cour suprême du Canada s’est également prononcée sur une question de droits contradictoires dans l’affaire Whatcott. Cette cause opposait le droit à la liberté de religion et à la liberté d’expression au droit de vivre à l’abri de la discrimination et du harcèlement en raison de son orientation sexuelle (détails ci-après).

Dans les affaires de droit de la personne, il n’existe pas de solution universelle. Lorsque des droits s’opposent, un dialogue respectueux et ouvert peut permettre de trouver une solution. La nouvelle politique de la CODP sert d’outil pour entamer la discussion.

Nous aimerions remercier nos partenaires qui ont participé au lancement

Grâce à l’aide que nous ont offerte plusieurs partenaires, nous avons animé des séances sur la nouvelle politique à l’échelle de l’Ontario. Nous remercions les organisations suivantes qui ont collaboré avec nous :

  • Ville d’Ottawa
  • Multicultural Council of Windsor and Essex County
  • Université York de Toronto
  • Thunder Bay Multicultural Centre.

Croyance et droit à un procès équitable
R. c. N.S., 2012 CSC 72

La CODP est intervenue dans une affaire portée devant la Cour Suprême du Canada, dans le cadre de laquelle une femme musulmane voulait obtenir confirmation de son droit de porter un niqab (voile recouvrant le visage) au moment de témoigner contre deux membres de sa famille accusés de l’avoir agressée sexuellement durant l’enfance. L’affaire opposait des droits à l’égalité des sexes et à la liberté de religion au droit à une réponse et une défense entières dans un procès de droit pénal. La CODP a exhorté la Cour à adopter un processus clair de conciliation de droits contradictoires fondé sur la jurisprudence et la nouvelle politique de la CODP.

Dans sa décision majoritaire de décembre 2012, la Cour a établi un cadre d’analyse à appliquer au cas par cas. L’application de ce cadre d’analyse suppose que l’on réponde à quatre questions :

  1. Le fait d’obliger le témoin à enlever le niqab pendant son témoignage porterait-il atteinte à sa liberté de religion?
  2. Le fait d’autoriser le témoin à porter le niqab pendant son témoignage poserait-il un risque sérieux pour l’équité du procès?
  3. Y a-t-il moyen de réaliser les deux droits et d’éviter le conflit qui les oppose?
  4. Si aucun accommodement n’est possible, les effets bénéfiques de l’obligation faite au témoin de retirer le niqab sont-ils plus importants que ses effets préjudiciables?

Le cadre d’analyse de la Cour est conforme à la Politique sur les droits de la personne contradictoires de la CODP, qui met en relief l’importance d’examiner au cas pas cas les situations de droits contradictoires et prévoit :

  1. l’évaluation indépendante de chaque catégorie de droits semblant contradictoires
  2. la recherche de mesures permettant la jouissance de chaque catégorie de droits
  3. si cela n’est pas possible, la prise d’une décision qui prend en compte l’incidence sur chaque catégorie de droits.

Religion, expression et orientation sexuelle
Saskatchewan (Human Rights Commission) v. Whatcott, 2013 SCC 11

La CODP est également intervenue devant la Cour suprême du Canada dans cette affaire qui opposait le droit à la liberté d’expression et de religion aux droits à l’égalité. Dans un premier temps, cette cause a été portée devant le Human Rights Tribunal de la Saskatchewan, qui a déterminé que les circulaires ciblant les gais et lesbiennes que distribuait M. Whatcott constituaient des propos haineux et étaient discriminatoires.

La Cour suprême a reconnu que tous les droits étaient sujets à des limites raisonnables et qu’il faillait tenir compte du contexte au moment d’effectuer la conciliation de droits contradictoires. La décision de la Cour a aussi renforcé la notion selon laquelle il n’existe pas de « hiérarchie » de motifs de droits de la personne. La Cour a rejeté la décision du tribunal inférieur d’appliquer une analyse ou un seuil de tolérance différent aux propos haineux mettant en cause des comportements sexuels liés à l’orientation sexuelle, comparativement à la race ou à la religion.

Dans une décision unanime, la Cour a déterminé que l’article du Code des droits de la personne de la Saskatchewan qui interdit les propos haineux était constitutionnel, tant qu’il était appliqué uniquement à une expression de nature inhabituelle et extrême. Cela élimine les cas d’expression qui, malgré leur nature répugnante et grossière, n’incitent pas à un niveau de haine qui pourrait entraîner de la discrimination ou d’autres effets préjudiciables. Il a été déterminé que deux des circulaires de M. Whatcott encourageaient la haine au motif de l’orientation sexuelle, tandis que deux autres ne répondaient pas aux critères à ce chapitre.

La CODP était heureuse de constater que son approche de conciliation des droits contradictoires avait été adoptée dans le cadre de cette décision. Contrairement à celui de la Saskatchewan, le Code de l’Ontario ne prévoit pas de disposition interdisant les propos haineux, Cependant, bon nombre des points mis de l’avant par la Cour s’appliquent à d’autres types de situations de droits contradictoires.

Vous savez, l’une des mes sous-spécialités les plus surprenantes sont les affaires de liberté de religion. J’ai développé un profond respect pour les gens qui mènent leur vie dans le respect de valeurs religieuses ou spirituelles, même si je ne suis pas d’accord avec eux. Certains vivent selon des principes religieux qui me condamneraient probablement parce que je suis lesbienne…

Je pense que cet effort pour combler le fossé entre les mondes est vital. C’est certainement la chose la plus importante que nous pouvons faire à notre époque, parce que la religion est à la fois un réconfort pour certains et un motif de séparation pour d’autres.

- Susan Ursel, associée, Ursel Phillips Fellows Hopkinson LLP
Rapprocher les différents groupes de personnes handicapées