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Éditorial dans le Toronto Star : Les mesures de gestion de la pandémie de COVID-19 du Canada doivent s’articuler autour des droits de la personne

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La pandémie de COVID-19 qui sévit actuellement pourrait avoir un impact sur chacun des 7,8 milliards d’habitants de la planète. La plupart d’entre nous n’avons jamais auparavant traversé de crise à ce point insensible aux frontières de la nationalité, de la race, de la croyance et de la classe sociale. La COVID-19 a déjà coûté la vie à des dizaines de milliers de personnes innocentes des quatre coins de la planète et, dans la foulée, levé le voile sur nos espoirs et nos craintes communes. 

Partout dans le monde, les gens s’isolent et maintiennent entre eux une distance physique. Au-delà les frontières, des collectivités se soutiennent de façons telles que nous n’aurions pu l’imaginer il y a quelques semaines. Nos fournisseurs de services essentiels veillent courageusement aux besoins de tous, tandis que le reste d’entre nous montrons toutes nos qualités d’aidants, de voisins et, sincèrement, d’êtres humains.

Le mouvement de défense des droits de la personne a vu le jour à un moment semblable. Après avoir vécu ensemble les atrocités de la guerre, les gens ont uni leurs voix pour dire « plus jamais ». Plus jamais la haine, la discrimination et les inégalités ne l’emporteraient-elles sur notre humanité commune. L’adoption de la Déclaration universelle des droits de l’homme est la seule répercussion positive de la guerre.

Mais les souvenirs et les bonnes intentions s’effacent avec le temps. Dans les décennies qui ont suivi l’année 1948, des États voyous, des sociétés multinationales et des dictateurs puissants ont miné et malmené les droits de la personne. Malgré les percées technologiques qui nous relient les uns aux autres comme jamais auparavant, la xénophobie et la convoitise nous divisent et alimentent la haine et la violence.

Aujourd’hui, alors que notre attention immédiate est dirigée sur la prise de précautions appropriées et le soutien aux personnes touchées directement, je sens en moi monter l’espoir. Je ne me rappelle d’aucun autre moment dans ma vie où des familles, des voisins, des communautés et des pays ont mis de côté leurs idéologies pour unir leurs efforts contre un ennemi commun.

« Plus jamais » ont lancé nos ancêtres en des temps de grande souffrance, un appel au clairon pour nous rappeler de ne pas oublier les membres les plus vulnérables de notre société. Aujourd’hui, devant ce plus récent rappel du caractère indissociable de l’humanité, allons-nous renouveler notre engagement envers la liberté, l’égalité et la justice pour tous? Et le ferons-nous non pas au lendemain de cette crise, mais alors même que nous y sommes confrontés?

Cette pandémie a démontré clairement que les groupes vulnérables de la société ne bénéficient pas équitablement des mesures de santé publique adoptées, en raison de la précarité de leurs conditions de logement ou de travail, de leur accès limité à l’eau ou à Internet, ou de leur prise en charge par l’État. La triste réalité est qu’au Canada, de nombreuses communautés vulnérables traversaient déjà une crise avant la pandémie, et ne tiennent tout simplement plus le coup.

En l’absence d’un engagement délibéré et à long terme envers les droits de la personne, la COVID-19 et les pandémies futures exacerberont les vulnérabilités et inégalités qui persistent dans la société. On pourra s’attendre à ce que cette pandémie ait des répercussions particulièrement dévastatrices sur les peuples autochtones, les communautés racialisées, les personnes occupant des emplois précaires, les personnes en situation de pauvreté ou d’itinérance, les femmes et les enfants fuyant la violence familiale, les personnes handicapées, les personnes ayant des besoins en matière de santé mentale et des dépendances, les personnes âgées vivant seules ou en établissement, et les personnes prises en charge par l’État.

Au moment de publier son Énoncé de politique sur l’adoption d’une approche de gestion de la pandémie de COVID-19 fondée sur les droits de la personne, la Commission ontarienne des droits de la personne (CODP) somme les gouvernements de faire en sorte que leurs mesures à court et long terme de gestion de la COVID-19 s’articulent autour des droits de la personne. Cela signifie d’adopter des politiques fondées sur les instruments internationaux de droits de la personne, y compris les droits à la santé, à la vie, à la liberté et à l’égalité. Cela exige également de prendre des mesures concrètes maintenant et après la pandémie pour corriger de façon permanente les inégalités historiques et continues auxquelles se heurtent les groupes les plus vulnérables de notre société. Cela nécessite enfin de se responsabiliser et de surveiller attentivement le respect des droits de la personne.

La solidarité momentanée que nous connaissons aujourd’hui a le pouvoir de transformer la société. Les mesures prises par le Canada et l’Ontario pour enrayer la COVID-19 incluent déjà des mesures sociales visant à aider les gens à conserver leur logement, à réduire les inégalités sur le plan du revenu, à garantir le maintien d’emplois sécuritaires, à aider les fournisseurs de soins et à permettre aux prisonniers non violents de réintégrer la collectivité. C’est un départ impressionnant qui ouvre la voie à de nombreux autres changements progressistes.

En agissant pour mettre fin à cette pandémie, le Canada a une occasion unique de dire « plus jamais » aux inégalités sociales et économiques qui rendent certains d’entre nous plus vulnérables que d’autres à cette maladie mortelle. En défendant l’éventail complet des droits civils, politiques, économiques, sociaux, culturels et autochtones, le Canada peut lancer un message puissant au reste du monde : les droits de la personne sont un rayon de lumière lors des périodes de noirceur et d’incertitude. Les gestes que nous posons durant cette période sans précédent pourraient constituer notre héritage aux générations futures. Faisons en sorte que nos descendants se rappellent que nous avons réagi à COVID-19 en protégeant davantage les droits de la personne.

Renu Mandhane
Commissaire en chef, Commission ontarienne des droits de la personne